Le Deal du moment :
Cartes Pokémon 151 : où trouver le ...
Voir le deal

Les sept Étendards du Califat : Opposition des anges et chute de l’homme

Aller en bas

Les sept Étendards du Califat : Opposition des anges et chute de l’homme  Empty Les sept Étendards du Califat : Opposition des anges et chute de l’homme

Message par Ligeia Lun 4 Mai - 12:36

Ce livre de M. Gilis n'est pas accessible par Internet ; c'est donc une recopie du chapitre que j'ai faite pour le partager ici et peut-être vous encourager ainsi à vous procurer l'ouvrage.
Il est disponible ici :

https://www.leturbannoir.com/produit/les-sept-etendards-du-califat/

***********

Les sept Étendards du Califat : Opposition des anges et chute de l’homme  Adam-eve-tree-l


PARTIE 1/2 :

« Et lorsque ton Seigneur a dit aux Anges : « Je vais établir sur la Terre un Calife », ils dirent : « Vas-tu y établir quelqu’un qui va mener la corruption et répandre le sang, alors que nous, nous proclamons Ta transcendance par Ta propre Louange, et que nous proclamons Ta sainteté ? » Il dit : « Je sais, Moi, ce que vous ne savez pas. »
Et Il enseigna à Adam tous les Noms. Ensuite, Il  présenta les êtres (1) aux Anges et leur dit : « Faites-moi connaître les Noms de ceux-ci, si vous êtes véridiques ! » (2). Ils dirent : »Gloire à Ta transcendance ; nous n’avons pas de science si ce n’est ce que Tu nous as appris. C’est Toi qui es le Savant, le Sage ». »  (Coran 2, 30-32)

Ces versets rapportent l’hostilité des Anges au Califat d’Adam. Il ne s’agit plus d’une méconnaissance de l’excellence inhérente à la constitution terrestre de l’homme ou, tout au moins, d’un refus d’en accepter les conséquences, mais bien d’une opposition à sa fonction et à l’autorité qui y est attachée.

1 - Littéralement : Il les présenta. Cette traduction entraînerait un contresens car l’on comprendrait alors qu’il s’agit des Noms alors que le pronom hum (=les) se rapporte aux êtres qu’ils désignent. Selon Ibn Arabî, ces êtres sont les supports formels des Epiphanies divines (cf. Futûhât, chap. 73, Question 45 du Questionnaire).
2 – Cf. ibid., chap. 317.


Si étroitement liées qu’elles soient, les deux questions sont cependant bien distinctes selon l’interprétation d’ensemble donnée par Ibn Arabî, ne serait-ce qu’en raison du fait que cette opposition est manifestée uniquement par ceux des Anges qui avaient obéi à l’Ordre divin initial et accepté de se prosterner devant Adam.
Néanmoins, leur obéissance était demeurée aveugle, car elle n’impliquait pas la perception de la Science et de la Sagesse divines qu’Allâh va, précisément, les obliger à reconnaître. Du reste, la nature « grossière » et composite de l’homme comportait effectivement les dangers pressentis par les Anges ; leur erreur était de considérer uniquement son aspect extérieur, le seul que, par miséricorde pour eux (2), le Très-Haut leur avait dévoilé jusque-là.

L’excellence ignorée des Anges réside dans la qualification et la qualité intérieure de l’homme, décrites, soit comme étant celles de la Dignité divine, soit comme étant dues à la création « selon la Forme » (3). La Dignité divine fait référence à l’Identité Suprême.

Au chapitre 340 des Futûhât, le Cheikh al-Akbar s’adresse à Dieu en disant des Anges : « Ils ont ignoré Ton Degré (manzilata-Ka), bien qu’ils Te célèbrent sans cesse (4) ; Tu leur dis : « Je vais établir sur la Terre un Calife » et ils s’opposent à Toi en cela ! ».

Le Califat est considéré ici comme la manifestation du Degrés divin comme tel. Les Noms et la Forme se rapportent, quant à eux, à la réalisation synthétique de l’Homme Parfait : les Noms, du fait qu’Adam reçoit la totalité de la Science qui leur correspond (5) ; la Forme, du fait de sa création « parles deux Mains divines » (6).
Celles-ci sont envisagées, tantôt selon une perspective « verticale », et elles symbolisent alors l’immanence (tashbîh) et la transcendance (tanzîh) ; tantôt selon une perspective « horizontale », le Cheikh passant de l’idée d’une création « par les deux Mains » à celle d’une création « entre les deux Mains » (bayna yaday-Hi) (7) : celles-ci représentent alors les deux « pôles » de la manifestation universelle et sont mises en correspondances avec les lettres Kâf et Nûn qui composent le vocable de l’Ordre divin existenciateur Kun ! (Sois !).
Le fait que l’expression bayna yaday désigne aussi « ce qui est devant » indique que le Très-Haut, par cette image, est considéré en tant qu’Il est « tourné » vers la manifestation, ce qui évoque l’aspect « providentiel » et « préservateur » du Califat (8 ).

2 - Cf. Ibid., Chap. 317
3 – Cf. le début de la réponse à la Question 40 du Questionnaire (Ibid., chap. 73).
4 – Allusion à Cor. 21,20 : « Ils célébrèrent la transcendance divine la nuit et le jour, sans faiblir. »
5 – Avec cette réserve qu’il s’agit uniquement des « Noms divins correspondant aux essences principielles des êtres manifestés dans le monde (haqâ’iq al-akwân) ; y compris celles des Anges, ce que ces derniers ignoraient. » (Ibid., Question 45 du Questionnaire.)
6 – Ibid., chap. 73, partie introductive.
7 – Ibid., question 40.
8 – Sur l’attribution à Dieu des aspects principiels évoqués par les dimensions « devant » et « derrière », cf. Marie en Islam, chap. III.


Tout ceci illustre un enseignement essentiel, à savoir que, si la réalisation de l’Homme Universel comprend nécessairement les états « angéliques » ou supra-individuels, elle ne peut en aucune façon être considérée comme un angélisme.

Le Cheikh al-Akbar s’exprime sur ce sujet avec une certaine dureté :

« Lorsque le Très-Haut me donna la faculté de contempler directement les Anges Gardiens (hafaza), cette contemplation me fut pénible, contrairement à la contemplation de Dieu. Je ne cessai de demander à Dieu qu’Il me les cache à nouveau, de telle manière que je ne puisse plus ni les voir ni leur parler. Allâh me l’accorda et les déroba à mon regard. Si la contemplation de Dieu ne m’est pas pénible, c’est parce qu’Il est Lui-même auprès de la contemplation que le serviteur a du Très-Haut, son Seigneur : il Le contemple à la fois comme Contemplant et Contemplé.
Il n’en va pas de même pour la contemplation de l’Ange, car (l’homme) le voit nécessairement comme un étranger ; même dans le cas où « Dieu est son regard » (9), ce qui augmenterait encore son sentiment d’être en face d’un être  étranger, et par conséquent son malaise, car il ne convient pas à l’Ange de surveiller Allâh. L’Ange surveille ; ce faisant, il est nécessairement voilé à l’égard d’Allâh le Très-Haut : il ne Le perçoit pas comme étant la qualification même de son Serviteur, car, s’il Le voyait ainsi, il ne lui serait plus possible de le surveiller.
Le serviteur qui est dans ce cas ne peut échapper à la contemplation de l’Ange ; c’est uniquement lorsqu’il se soustrait à la perception sensible et qu’il se retire dans son « secret », seul avec son Seigneur, qu’il peut dicter à l’Ange ce qu’il lui plaît de lui dicter car « Allâh est le Surveillant (raqîb) de toute chose » (Cor. 33,52) (10). »

9 – Allusion à un hadith bien connu.
10 – Futûhât, chap. 545.


Le Cheikh précise encore, par référence plus directe au Califat d’Adam :
« Dieu nous a créés de terre (turâb) et cette terre est tirée de la Terre (ard) (11) qu’Allâh a faite « très-humble » (12). L’adoration, c’est l’humilité. Nous sommes donc, nous les hommes (13), fondamentalement les très-humbles : nous ne ressemblons pas à ceux qui ont été créés d’une lumière procédant directement de la Lumière (divine) (14)... :  la lumière, qui est « glorieuse » (‘izza), ne comporte pas cette humilité (15). »

Dés lors, l’opposition des Anges au Califat d’Adam leur vaut ces reproches du « plus grand des Maîtres » (16) :
« Ils ont dit : « Nous, nous proclamons Ta transcendance par Ta propre Louange et nous proclamons Ta sainteté. » Par ces paroles, ils se sont déclarés purs eux-mêmes et ont discrédité le Calife d’Allâh sur Sa Terre, alors qu’ils n’avaient pas à le faire ! Par là, tu peux savoir que personne au monde « ne donne à Allâh Sa juste valeur » (17) puisque les Anges sont les êtres les plus savants au sujet d’Allâh et du respect qui convient à Sa majesté. Pourtant, ils ont dit : « Vas-Tu y établir quelqu’un qui va y semer la corruption ? » alors que, dans un tel contexte, l’interrogation ne pouvait convenir qu’à un supérieur s’adressant à un inférieur (18) ! »

En demandant des comptes à Dieu à propos d’Adam, les Anges oubliaient qu’ils appartenaient eux-mêmes à l’ordre naturel (tabî’a) ; sans quoi, d’ailleurs, il leur aurait été impossible de s’opposer à Lui en quoi que ce soit. Ce n’est rien d’autre que cette appartenance qui explique leur « jalousie » à défendre la Fonction divine, ainsi que les disputes du Plérome Suprême (19).


11 – Sur la différence entre ard et turâb, cf. supra, chap. XVII, note 7.
12 – Dhalûlan ; référence à Cor. 67,15. Voir aussi, supra, p. 131.
13 – Sous-entendu : l’adorateur (‘âbid), c’est le serviteur (‘abd) et le serviteur, c’est l’homme.
14 – C’est-à-dire les Anges.
15 – Futûhât, chap. 355.
16 – Qui affirme, par là même, son propre degré de réalisation.
17 – Allusion à Cor. 6, 91 ; 22, 74 ; 39, 67.
18 – Futûhât, chap. 360.
19 – Cf. Ibid., chap. 290 et 306 ; par référence à Cor. 38, 69.


Les Noms divins de signification opposée sont reflétés dans ces dernières (20) tout autant que la nature individuelle du père des hommes. C’est pourquoi l’ « opposition des Anges à la seigneurie divine sous couvert de défense et de respect » (21) sera sanctionnée par Dieu qui, au cours de la  bataille de Badr, fera descendre les Anges pour secourir les musulmans très inférieurs en nombre face à leurs ennemis et les obligera, dans cette circonstance, à verser le sang humain.

Selon Ibn Arabî, ces Anges, au nombre de cinq mille (22), « étaient ceux qui avaient dit à propos d’Adam : « Vas-Tu y établir quelqu’un qui va y semer la corruption et répandre le sang ? », ou tout au moins une partie d’enter eux » (23). Le Très-Haut les contraignit ainsi à faire eux-mêmes ce qu’ils avaient reproché à Adam, et ils obéirent à l’Ordre divin.
Tout comme l’opposition des Anges, la chute de l’homme est liée à l’établissement du Califat sur la Terre, qui est une « descente » divine. L’intégration initiatique de tous les modes possibles de la Science sacrée implique la connaissance distinctive du bien et du mal.

A ce point de vue, la désobéissance d’Adam prend une valeur positive ; d’une part, parce que la manifestation de l’intégralité des Noms divins comprend nécessairement les « Noms de pardon » qui impliquent l’existence d’une faute, comme al-Ghaffâr « Celui qui pardonne universellement », al-Ghafûr « Celui qui pardonne totalement », ou encore Ghâfir adh-dhanb « Celui qui pardonne le péché » (24) ; d’autre part, parce que cette désobéissance est elle-même, sous un certain rapport, une marque de l’excellence d’Adam sur les Anges :

« Le Très-Haut a dit au sujet des Anges : « Ils ne désobéissent pas à Allâh en ce qu’Il leur ordonne » (Cor. 66, 6), et au sujet du Calife auquel Il enseigna tous les Noms :

« Et Adam désobéit à son Seigneur et erra » (Cor. 20, 121) : Il l’a qualifié par la désobéissance.
Il en résulte que l’Ange est plus excellent dans la conformité à l’Ordre d’Allâh et que le Calife, l’Homme, est plus savant en ce qui concerne les Noms divins. En effet, le Calife n’en est pas véritablement un s’il ne manifeste pas (les attributs) qui reviennent de droit à Celui qui l’a préposé, au point qu’on lui obéit et qu’on lui désobéit ; sa perfection et son excellence résident dans la qualité synthétique. L’Ange l’emporte (sur l‘Homme) sous un ou deux aspects, mais sans posséder l’excellence inhérente à la synthèse : la Forme (selon laquelle Adam a été créé) implique la synthèse, sinon elle ne serait pas semblable (à la Forme divine) (25). »

20 et 21 – Ibid., chap. 154.
22 – Cf. Cor. 3, 125.
23 – Futûhât, chap. 154.
24 – Cf. Ibid, chap. 558.
25 – Ibid., chap. 358. L’Homme Universel, en tant qu’il est le Serviteur parfait, est préservé de toute faute. Toutefois, la qualité synthétique attachée à son Califat fait qu’il réunit en lui, non seulement la totalité des Noms divins, mais aussi l’ensemble des « vérités essentielles » (haqâ’iq)  et des conditions existentielles des êtres qui constituent l’univers.
La même doctrine s’applique aux rapports de l’Envoyé divin (rasûl) et de la communauté spécifique concernée par sa Mission. Ceci explique que, dans le verset « Pour qu’Allâh te pardonne ce qui a précédé de ton péché (dhanbi-ka) et ce qui a suivi » (Cor. 48, 2), le terme dhanbi-ka doive être compris, non pas comme se rapportant aux péchés du Prophète – sur lui la Grâce et la Paix divines ! – mais bien à ceux de sa communauté (cf. Emir Adb al-Qâdir, Kitâb al-Mawâqif, Mawqif 205).
Dans le cas d’Adam, le caractère purement formel de sa désobéissance est exprimé par le fait qu’elle est décrite par Allâh comme un oubli, et non comme le résultat d’une résolution mauvaise (cf Cor. 20, 115).



Fin de la partie 1.


***********
Ligeia
Ligeia
Admin

Date d'inscription : 20/10/2018
Localisation : Pays basque

https://lapieceestjouee.blogspot.com/

Revenir en haut Aller en bas

Les sept Étendards du Califat : Opposition des anges et chute de l’homme  Empty Re: Les sept Étendards du Califat : Opposition des anges et chute de l’homme

Message par Ligeia Ven 8 Mai - 10:42

Rappel :

Ce livre de M. Gilis n'est pas accessible par Internet ; c'est donc une recopie du chapitre que j'ai faite pour le partager ici et peut-être vous encourager ainsi à vous procurer l'ouvrage.
Il est disponible ici :

https://www.leturbannoir.com/produit/les-sept-etendards-du-califat/

***********

Les sept Étendards du Califat : Opposition des anges et chute de l’homme  Arbre%2Bdu%2BMilieu


Partie 2/2 :

Ibn Arabî commente le verset : « Et Nous dîmes : ô Adam, habite (26), toi et ton épouse, le Paradis et mangez de ce qu’il procure à votre aise, partout où vous le désirez, et n’approchez pas de cet Arbre car vous seriez d’entre les injustes » (Cor. 2, 35) en faisant observer que la défense divine porte uniquement sur le fait de s’approcher de l’Arbre et non d’en manger les fruits. En effet, il s’agit de « l’Arbre de l’Immortalité et d’un Royaume impérissable » (Cor. 20, 120) qui renferme le secret de la Promesse divine. Dés lors, « ils furent punis pour s’être approchés, non pour avoir mangé. Ensuite, ils obtinrent ce que conférait l’Arbre à celui qui en mangeait les fruits (27), c’est-à-dire l’Immortalité et un Royaume impérissable » (28).
En prenant l’initiative de s’approcher et de manger, Adam sortait de sa condition servitoriale d’être contingent dont le principe est de « ne pas agir » en l’absence d’un ordre provenant du seul Agent véritable.

26 – L’emploi du singulier indique de l’Adam « axial » avait conservé sa nature androgyne.
27 – L’Arbre, qui est un symbole de l’Homme primordial, n’est en réalité rien d’autre l’Adam-Calife.
28 – Futûhât, chap. 264.


Le but de la « punition » divine est de rappeler à Adam que l’extinction dans la servitude est l’essence du Califat (29). Cette punition ne fut pas l’exclusion du Paradis, mais uniquement l’apparition des maux inhérents à l’entrée au sein de la manifestation grossière, à laquelle s’ajoutait le fait qu’Adam et Eve furent réunis avec Iblîs dans le même Commandement divin : « Soyez précipités (30) ! ». En effet, Adam après sa chute « reçut de son Seigneur des paroles, de sorte qu’il revint à Lui » (Cor. 2, 37) ; selon une interprétation d’Ibn Arabî, ces paroles sont celles reproduites dans un autre verset de la façon suivante : « Notre Seigneur, nous avons été injustes à l’égard de nous-mêmes et si Tu ne nous couvres (31) pas et ne nous fait pas miséricorde, nous serons assurément d’entre les perdants. » (Cor. 7, 23).
Le Cheikh  souligne que ce discours n’est pas une marque de repentir mais une reconnaissance (i’tirâf) de la vérité contenue dans l’Annonce divine « Et n’approchez pas de cet Arbre car vous seriez d’entre les injustes » comprise dans le sens : « d’entre ceux qui se font tort à eux-mêmes quand ils ne sont pas couverts par un Ordre divin » ; d’où, précisément, la demande qu’Adam adresse au Très-Haut de lui donner une « couverture » miséricordieuse (32).

29 – Cf. Ibid., chap. 39 ; vol. 3, p. 404-405 de l’éd. O. Yahya. Un rapprochement s’impose ici avec le « ne vous en approchez pas » de Cor. 2, 187 ; d’autant plus que le Jeûne est lui-même un symbole du « non-Agir ».
30 – Hbitû (Cor. 2, 36).
31 – Rappelons que c’est le sens ésotérique du verbe ghafara.
32 – Au chapitre 74 des Futûhât, Ibn Arabî tire de ce verset (Cor. 7, 23) un enseignement initiatique caractéristique des « Connaissants de type adamique » selon lequel le repentir (tawba) implique uniquement la reconnaissance des fautes, accompagnée d’une demande adressée à Allâh de ne plus en commettre de pareilles, non la résolution de ne plus en commettre car celle-ci « serait, à tous les points de vue, la marque d’une inconvenance à l’égard d’Allâh » et une méconnaissance de Son Décret existentiateur.


Les « paroles reçues » apparaissent comme le signe de l’Election divine, du « retour de grâce » et de la Guidance mentionnés au verset 122 de la sourate Tâ-Hâ : « Ensuite, son Seigneur l’a élu, a fait retour vers lui et (l’) a guidé (33). » Loin d’être un châtiment, la chute d’Adam et sa descente dans le monde terrestre furent l’accomplissement de l’annonce faite aux Anges : « Ce fut une descente d’ennoblissement (tashrîf) et d’honneur (takrîm) (34) », « une descente de souveraineté et de lieutenance, non de rejet ; un abaissement quant au lieu occupé, non quant au degré atteint «  (35) car « Adam faisait retour à l’élément originel dont il avait été créé et qui est la terre (turâb). Allâh le fit descendre en vue du Califat, conformément à Sa Parole : « Je vais établir sur la terre un Calife » ; sa descente ne fut pas une punition (‘uqûba) mais une simple conséquence (‘aqîb) (36) de ce qu’il avait fait. En revanche, Il fit descendre Eve en vue de la procréation et Iblis pour le punir, non pour le rendre à son élément originel : la Terre n’était pas sa demeure et ce n’est pas à partir d’elle qu’il avait été créé » (37).

33 – Sur ce point, cf. ibid., chap. 313.
34 – Ibid.
35 – Ibid., chap.74.
36 – ‘Aqîb est de la même racine que ‘uqûba.
37 – Ibid., chap. 337.


Nous avons souligné déjà le lien entre la fondation du Califat et l’idée de transgression et de désobéissance (38) : de même que l’opposition des Anges les soumet au pouvoir d’Adam, de même les péchés des Fils d’Adam établissement sur eux la souveraineté de la Pierre Noire dont la descente en ce monde accompagne la sienne (39).
Rappelons qu’à sa sortie du Paradis la Pierre apparut, suivant le hadîth, « d’une blancheur plus intense que celle du lait (40) ; ce sont les péchés des Fils d’Adam qui, par la suite, la rendirent noire (sawwadat-hu) » (41).
Ibn Arabi commente ainsi ce hadîth : « Sans la faute d’Adam – sur lui la Paix ! – sa seigneurie ne se serait pas manifestée en ce monde : c’est elle qui l’a rendu maître (sawwada) et lui a donné l’Election divine en héritage ; s’il est sorti du Paradis, par sa faute, c’est pour qu’apparaisse sa seigneurie.
De même, la Pierre Noire, qui était blanche lorsqu’elle sortit (du Paradis), doit nécessairement, lorsqu’elle y retournera, porter une marque qui la distinguera de ses pareilles ; c’est pourquoi ‘Dieu) l’a parée de la robe d’honneur de la Proximité divine et lui a conféré la dignité d’être Sa Droite dont Il a pétri l’argile d’Adam lorsqu’Il la créé. Ce sont les péchés des Fils d’Adam qui, tout en la noircissant, établirent sa seigneurie (42) : (la Pierre Noire) devint « seigneur » du fait qu’ils l’embrassèrent (43).
La couleur noire est la seule qui symbolise la seigneurie ; c’est pourquoi Allâh a revêtu (la Pierre) de cette couleur (comme d’une robe d’honneur), pour que l’on sache qu’Il l’avait rendue « maître », comme Il l’avait fait pour Adam : la chute (de cette Pierre) fut l’établissement d’un Califat non une chute d’éloignement.
Le fait que sa noirceur soit attribuée aux péchés des Fils d’Adam est comparable à l’élection et à la seigneurie que celui-ci obtint « par sa faute » (44). »
La couleur noire, qui correspond à la Terre parmi les éléments (45), apparaît ici clairement comme l’emblème du Califat humain  (46).

38 – Cf. supra, p. 81.
39 – Cf. La doctrine initiatique du Pèlerinage, p. 67-68.
40 – Cette allusion au lait contient une référence à la Fitra primordiale ; cf. ibid., p.68 et Marie en Islam, p.97.
41 – Comme la Pierre Noire est la « Droite d’Allâh », l’acte d’allégeance que lui font tous ceux qui visitent la Maison d’Allâh établit une analogie entre sa fonction et le Califat primordial. Selon Michel Vâlsan : « Allâh prit le Pacte écrit qui avait été conclu avec les descendants d’Adam et l’enferma dans la Pierre... c’est pourquoi la Pierre témoignera le Jour de la Résurrection contre ceux qui voudraient nier l’existence du Pacte Primordial » ; cf. L’Islam et la fonction de René Guénon, p.174.
42 – Le texte arabe ne comporte ici que le mot sawwada dont l’ambivalence commande le sens de tout le passage, puisqu’il signifie à la fois « rendre noir » et « rendre seigneur » ; nous l’avons traduit par l’expression «  en la noircissant établirent sa seigneurie ».
43 – Le rite qui consiste à embrasser la Pierre Noire équivaut à baiser la Droite d’Allâh et constitue, par excellence, l’acte d’allégeance.
44 – Futûhât, chap. 72.
45 – Tandis que la couleur blanche symbolise l’Ether primordial, et la couleur rouge le Feu originel du « monde  intermédiaire ».
46 – Elle est associée aussi à l’instauration de l’Islam comme Loi divine universelle. Rappelons qu’au moment de la Conquête de La Mekke le Prophète – sur lui la Grâce et la Paix ! – fit les tournées rituelles autour de la Kaaba sans quitter sa monture et coiffé d’un turban noir.



***********
Ligeia
Ligeia
Admin

Date d'inscription : 20/10/2018
Localisation : Pays basque

https://lapieceestjouee.blogspot.com/

Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum