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Les Mystères kabiriques, les sept Dormants, la sourate « al-Kahf », le Mahdî et ses Vizirs.

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Message par Ligeia Ven 13 Mar - 14:28

Les Mystères kabiriques, les sept Dormants, la sourate « al-Kahf », le Mahdî et ses Vizirs. Partie 1

Voici des extraits du livre « Le maître de l’Or » de Charles-André Gilis, chapitre VIII « Les Mystères kabiriques »

Le livre est disponible à l'achat ici :
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Cette première partie traitera plus particulièrement des Mystères eux-mêmes, et établira les liens avec le « feu souterrain », la métallurgie et les« gardiens des trésors cachés » ;  la seconde partie s’appliquera à montrer le rapport avec les sept Dormants et la sourate de la Caverne, tout en apportant des précisions capitales le Mahdî et ses Vizirs.


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Les Mystères kabiriques, les sept Dormants, la sourate « al-Kahf », le Mahdî et ses Vizirs. Temple%2BKabires


Partie 1 : Les Mystères kabiriques

A plusieurs occasions, René Guénon a mentionné dans son œuvre une voie initiatique apparentée à l’hermétisme, celle des Kabires, qui repose, tout comme l’alchimie, sur un symbolisme métallurgique.

Dans son texte sur Les pierres de foudre (2), il écrit :
« Les foudres de Jupiter sont forgées par Vulcain, ce qui établit un certain rapport entre le « feu céleste » et le « feu souterrain », rapport qui n’est pas indiqué dans les cas où il s’agit d’armes de pierre : le « feu souterrain », en effet, était en relation directe avec le symbolisme métallurgique, spécialement dans les mystères kabiriques ; Vulcain forge aussi les armes des héros. »

1 – [Publié dans Vers la Tradition, n°80, juin-juillet-aout 2000.]
2- Chapitre XXV des Symboles fondamentaux.


Au chapitre XXII du Règne de la Quantité, intitulé « Signification de la métallurgie », il apporte, avec sa maîtrise habituelle, une série de précisions et de nuances qui fournissent comme le « fil d’Ariane » permettant d’aborder une question dont il indique lui-même la complexité.

D’un côté :
« (...) le métier [de forgeron] s’associe (...) souvent avec la pratique d’une magie inférieure et dangereuse, dégénérée finalement, dans la plupart des cas, en sorcellerie pure et simple. Pourtant, d’un autre côté, la métallurgie, dans certaines formes traditionnelles, a été au contraire particulièrement exaltée et a même servi de base à des organisations initiatiques fort importantes ; nous nous contenterons de citer à cet égard l’exemple des Mystères kabiriques, sans pouvoir d’ailleurs insister ici sur ce sujet très complexe et qui nous entraînerait beaucoup trop loin ; ce qu’il faut en retenir pour le moment, c’est que la métallurgie a à la fois un aspect « sacré » et un aspect « exécré », et, au fond, ces deux aspects procèdent d’un double symbolisme inhérent aux métaux eux-mêmes. »

Ce que René Guénon explique ainsi :
« (...) les métaux, en raison de leurs correspondances astrales, sont en quelque sorte les « planètes du monde inférieur » ; ils doivent donc naturellement avoir, comme les planètes elles-mêmes dont ils reçoivent et condensent pour ainsi dire les influences dans le milieu terrestre, un aspect « bénéfique » et un aspect « maléfique ». »

Le côté maléfique, qui peut « facilement devenir prédominant » tient à la relation de la métallurgie « avec le « feu souterrain », dont l’idée s’associe sous bien des rapports à celle du « monde infernal ». » C’est cette association qui explique précisément le côté « sinistre » du métier de forgeron.

De plus, comme nous l’avons déjà rappelé (3) :
« [Les] « entités », qui représentent les influences inférieures (...), et qui sont considérées comme menant actuellement une existence « souterraine », sont décrites à la fois comme des géants et comme des nains, ce qui (...) les identifie, tout au moins sous un certain rapport, aux « gardiens des trésors cachés » et aux forgerons du « feu souterrain », qui ont aussi, rappelons-le, un aspect extrêmement maléfique (4). »

L’aspect bénéfique de la métallurgie est constamment relié par René Guénon aux Kabires et à leurs initiations :
« Les Kabires, (...) tout en étant aussi des forgerons, avaient un double aspect terrestre et céleste, les mettant en rapport à la fois avec les métaux et avec les planètes correspondantes.
(...) les influences métalliques, si on les prend par le côté « bénéfique » en les utilisant d’une façon vraiment « rituelle » au sens le plus complet de ce mot, sont susceptibles d’être « transmuées » et « sublimées », et elles peuvent même d’autant mieux devenir alors un « support » spirituel que ce qui est au niveau le plus bas correspond, par analogie inverse, à ce qui est au niveau le plus élevé (5) ; tout le symbolisme minéral de l’alchimie est en définitive fondé là-dessus, aussi bien que celui des anciennes initiations kabiriques. (6) »

D’une manière plus précise encore, notre maître indique que le simple fait que l’on trouve « quelque chose de semblable (...) pour les Kabires » montre bien que le symbolisme des « gardiens des trésors cachés » et celui des « forgerons travaillant dans le feu souterrain » est « susceptible de recevoir une application se référant à un ordre supérieur » (7).

Ces références aux Kabires et aux Mystères kabiriques, avec les transmutations et les « sublimations » qu’ils impliquent, permettent de rattacher la tradition impériale du Maître de l’Or à un symbolisme initiatique universel ; et de comprendre aussi comment elle peut être intégrée au sein de la Forme islamique totale dans la perspective eschatologique qui est celle du Cheikh al-Akbar.

3 – Voir supra, p. 117.
4 – Le Règne de la Quantité, chap. XXV : « Les fissures de la Grand Muraille ».
5 – C’est nous qui soulignons.
6  et 7 – Voir ibid., chap. XXII.


[...]

Mais qui donc étaient les Kabires ?
Dans le domaine d’expansion de l’hermétisme égyptien en direction du nord, ils étaient partout considérés comme les « fils du Dieu suprême ». Selon la mythologie phénicienne, ce dernier était appelé « Sydyk », nom ou qualification de la même racine que Tsedeq qui signifie « le Juste ».
Ceci indique que les Kabires représentaient une hiérarchie initiatique dépendant directement du Centre du Monde. On sait par ailleurs qu’ils étaient au nombre de sept, ce qui explique leur assimilation aux planètes, et qu’ils étaient associés au symbolisme du feu, aussi bien sous son aspect de lumière (céleste ou solaire) que son aspect de chaleur (terrestre ou souterrain).
Tantôt ils étaient dits « fils de Zeus », et tantôt « fils de Phtah » ou d’Héphaïstos. L’assimilation des Dioscures aux Kabires découle, quant à elle, du fait qu’ils étaient également considérés par les Anciens comme des « fils de Sydyk ».

Toutefois le point le plus important est qu’au septénaire ainsi constitué était également adjoint un huitième Kabire, dont la nature et la fonction sont particulièrement mystérieux. Rappelons que le huit est le nombre de l’équilibre, notion étroitement associée à celle de justice. Ajouté au nombre sept, il représente le monde terrestre ou corporel en tant que celui-ci procède directement du domaine de la manifestation subtile (19). Par là, il peut être considéré aussi comme étant le  nombre de la forme individuelle intégrale qui réalise la perfection de l’état humain. Huit apparaît ainsi comme un des symboles principaux de l’Empire ; c’est d’ailleurs pourquoi la semaine du Wagadu était composée de huit jours (20) [note : voir le chapitre en entier, passage non reproduit ici]

19 – Voir R. Guénon, remarques sur la production des nombres dans Mélanges. Le nombre 8 est le premier cube parfait, ce qui se rapporte à l’idée, également évoquée par René Guénon, de « limite de la manifestation de l’Etre ».
20 – Voir L’Empire de Ghana, p. 119. C’est l’islâm qui introduisit la semaine de sept jours chez les Soninké. Sur le rôle fondamental du nombre 8 dans les traditions africaines, voir M. Griaule, Dieu d’eau, en particulier les textes traitant des jumeaux et du commerce.


Cale dit, l’adjonction d’une unité au septénaire peut être entendue aussi dans un sens supérieur. Le huitième symbolise alors directement l’unité principielle et peut être envisagé comme la synthèse ou, à un autre point de vue, comme le maître des sept autres.

Selon Court de Gébelin, dont les indications sur ce sujet s ont très révélatrices (21), les Phéniciens nommaient le huitième Kabire « Es-munus » ou « As-clepius ». Le premier nom dérive d’une racine qui, dans plusieurs traditions proches-orientales, signifie « huit » (22) ; il désigne le « feu vivant et vivificateur » qui brille dans les ténèbres.
Le second désigne le fils d’Apollon, dieu de la médecine, qui « dans les « livres hermétiques », [...] devient le fils d’Hermès » » (23).
A propos de ce rattachement entre le huitième Kabire et Hermès, Court de Gébelin note qu’ils possèdent tous deux un symbole commun : « la Tête de Chien, qui les distinguait de tous les autres dieux ».

Et il ajoute cette note essentielle :
«  Asclepius, désigné par une tête de Chien, en aurait donc le nom : il serait composé des deux noms As ou Es et Caleb, Chien ; il signifierait le Chien étincelant de lumière ; et il serait la Canicule (24), qui faisait l’ouverture de l’année chez les Égyptiens. Ici la Canicule ou Sirius représenterait exactement le huitième Cabire [...]. Bientôt on le peignit avec un Chien à ses côtés ; il devint ainsi un Etre adonné à la chasse [...] ; ne soyons pas étonnés qu’on en ait fait un Chasseur. »

Il précise encore :
« Macrobe peint parfaitement l’idée que l’on avait d’Esculape et ses rapports avec le huitième Cabire, lorsqu’il dit qu’il est la Vertu Salutaire qui « descend du Soleil sur le corps des mortels, et qui les anime ».

21 – Voir Le Monde primitif, tome I, Allégories orientales, Histoire de Saturne ; ainsi que la thèse inédite de M. Christophe Allix, Pérennité et actualité du Serpent d’Hippocrate, p. 40 et 65.
22 – Des noms appartenant à des racines communes se retrouvent dans les langues sémitique, égyptienne, phénicienne et grecque, témoignant d’une certaine unité d’ordre ésotérique. En Egypte, Hermapolis (la ville d’Hermès) portait, en l’honneur de son Ogdoade sacrée, le nom égyptien de Khéménou (la ville des Huit) d’où est dérivé notamment le terme copte « Schmoun » ; voir G. Posener, Dictionnaire de la civilisation égyptienne, p. 196.
23 – Cf. Formes traditionnelles et cycles cosmiques, p. 135.
24 – Mot qui signifie « petit chien » en latin.


Ces passages relatifs au huitième Kabire donnent la clé qui permet de relier le symbolisme hermétique du Wagadu [note : voir le chapitre en entier, passage non reproduit ici] aux doctrines eschatologiques de l’ésotérisme chrétien et du  tasawwuf, ce que laissaient déjà entrevoir les idées de « centre caché aux regards » et de « trésors cachés ».
Certes, on pourrait signaler ici que le chien est un des interdits principaux des Soninké qui ne peuvent, ni le tuer, ni a fortiori le manger ; et rappeler aussi l’importance des organisations initiatiques de chasseurs en Afrique occidentale.

Mais ce n’est pas là l’essentiel, qui réside plutôt dans la fonction éminente du Chien dans la tradition égyptienne : Anubis, le dieu à tête de chien, est (tout comme Hermès lui-même auquel cet animal est également associé) le dieu qui guide les âmes après la mort en vue de leur assurer une vie nouvelle (25), ce que René Guénon met en correspondance avec le « courant ascendant » figuré par le serpent guérisseur et vivificateur du Caducée (26). Cette signification est confirmée par l’aspect « céleste » du symbolisme du chien.
En effet, l’apparition de la Constellation du Chien, et de Sirius qui est l’étoile du ciel la plus étincelante, annonçait pour les Egyptiens la crue du Nil qui, au début de l’été, revivifiait la « Terre noire » (al-Kêmî) qui n’est autre que l’Egypte elle-même (27).

25 – La « restauration de la vie » opérée par la médecine est une application terrestre de la même idée, ce qui explique la relation établie entre la « Tête de chien » et Esculape.
26 – C’est sa fonction de « psychopompe », mentionnée par René Guénon dans Hermès ainsi qu’au chapitre IV de La Grande Triade. Le « courant descendant » correspond, quant à lui, à celle de « Messager des dieux ».
27 – Dont le nom aurait désigné, pour les Grecs, « la citadelle contenant la force subtile de Phtah ».


Si le lever héliaque de Sirius, coïncidant avec l’entrée du soleil dans le signe zodiacal du Lion, était l’axe de l’année égyptienne, c’est avant tout parce qu’il était lié à un symbolisme de « retour » et de « résurrection ». Le même symbolisme permet aussi de comprendre la raison pour laquelle, dans l’ésotérisme chrétien, l’histoire de la Caverne et des sept Dormants contient une référence aux initiations kabiriques. »


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Ligeia
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Message par ZUL69 Ven 13 Mar - 19:33

Hello,

Je voudrais juste indiquer que le feu et l'électricité sont liées.

Hâte de lire la suite.

ZUL69

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Message par Ligeia Sam 14 Mar - 11:44

Bonjour zul !

Sur le rapport avec les phénomènes électriques, tu pourrais lire ce texte dans lequel Guénon fait un rapprochement : https://lapieceestjouee.blogspot.com/2018/08/rene-guenon-les-influences-errantes.html
Ne parlent-ils pas d'ailleurs de la "fée électricité" ? Suspect  

Je ne vais pas faire attendre pour rien et voilà donc la suite ; cette seconde partie s’applique à montrer le rapport entre les Mystères kabiriques, les sept Dormants et la sourate de la Caverne, tout en apportant des précisions capitales le Mahdî et ses Vizirs.


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Les Mystères kabiriques, les sept Dormants, la sourate « al-Kahf », le Mahdî et ses Vizirs. Partie 2/2



  • « Selon le récit légendaire [l’histoire de la Caverne et des sept Dormants] qui s’y rapporte, sept jeunes hommes nobles qui refusaient de sacrifier aux idoles furent emmurés vivants près d’Ephèse. Tandis qu’ils priaient, Dieu fit descendre sur eux un doux sommeil. Quelques années plus tard, le pays ayant été converti, et la grotte ouverte par mégarde, le Seigneur les ramena à la vie ; ils redirent alors publiquement hommage au miracle qui les avait sauvés. »


Jacques Bonnet a montré le lien qui unit ce récite au symbolisme du labyrinthe ainsi qu’aux Mystères kabiriques (28 ). A propos du premier, il mentionne les sept jeunes gens qui, sauvés par le meurtre du Minotaure, accompagnèrent Thésée à Délos et dansèrent avec lui la « danse des grues ». A propos des seconds, il signale qu’il y avait à Ephèse « des Kourètes célébrant les mystères de la naissance d’Artémis » ainsi qu’une chapelle consacrée aux « Dioscures-Kabires ».
A cette occasion, il rappelle que ces derniers, « tous fils de Sydyk le Juste », étaient au nombre de sept et qu’ils représentaient les planètes ; il conclut en disant :

« Comment ne pas retrouver ces images dans la grotte des Dormants d’Ephèse [...] refuge des sept jeunes nobles dont l’attente de la Résurrection des morts est avancée, mûrie dans la caverne. »

Mais, ici encore, c’est la question du huitième Kabire qui retient surtout l’attention. Dans la légende chrétienne, il est identifié à Marie-Madeleine dont le tombeau, selon d’anciens calendriers liturgiques byzantins, « fut placé à l’entrée de la caverne où les saints et bienheureux sept jeunes gens s’étaient endormis » (29).
L’analogie entre la fonction protectrice de la sainte et celle du chien dans l’Egypte ancienne est indiquée par la date de la célébration liturgique de Marie-Madeleine.

Selon Bonnet, « la date du 22 juillet adoptée par l’Eglise latine à la suite de celle d’Orient pour la fête de sainte Madeleine », de même que celle, voisine, des sept Dormants le 25, correspond « au lever héliaque de Sirius, l’étoile du Chien » (30).

Un peu plus loin il ajoute, de manière plus précise encore :

« L’Eglise d’orient, en adoptant la date du 22 juillet pour la fête de Sainte Madeleine [...] a voulu marquer le lien entre [cette sainte] et la puissance de jaillissement que l’Antiquité vénérait au lever de la Canicule [...] en bénissant Sirius pour la montée du Nil (31). »

28 – Voir Artémis d’Ephèse et la légende des sept dormants, p. 151-152 et 175.
29 – Ibid., p. 105.
30 – Ibid., p. 108.
31 – Ibid., p. 110. A la page 176, il indique encore que « cette période de l’année était celle où Enée emmena la Palladium, l’aérolithe troyen, avec les images des Dioscures-Kabires ; celle des danses armées des Kabires à Samothrace ».


Pour nous, cette explication n’est pas pleinement satisfaisante, car il s’agit moins ici d’une « puissance de jaillissement » que d’un symbolisme de mort et de résurrection entendu à la fois dans un sens initiatique et dans un sens eschatologique. Si Sainte Marie-Madeleine revêt, à l’égard des sept Dormants, une fonction de guide et de gardienne, c’est avant tout parce qu’elle fut le premier témoin de la Résurrection du Christ (32), emblème par excellence, dans l’ésotérisme chrétien, de tous les retours à la vie concernant les hommes.

Mais il nous faut aller plus loin encore, car la légende des sept Dormants figure aussi dans le Coran où elle est connue comme étant l’histoire des « Gens de la Caverne » (ahl al-Kahf).

On y retrouve le même symbolisme, la même fonction mystérieuse que celle attribuée au « huitième Kabire », mais intégrés, comme toujours lorsqu’il s’agit de l’ésotérisme islamique, au sein d’un enseignement plus complet et précis, et d’une toute autre ampleur. Les versets cités ci-après figurent tous deux dans la dix-huitième sourate, appelée « sourate de la Caverne » (sûrat al-Kahf) par référence à l’histoire qui nous intéresse.

Le premier dit simplement (33) :
« Considérerais-tu que les Gens de la Caverne et d’ar-Raqîm seraient une merveilleuse [spéciale] d’entre nos Signes ? (34) »

Le second concerne leur nombre :
« On dira : « ils étaient trois, leur chien était le quatrième » ; on dira aussi : « ils étaient cinq, leur chien était le sixième » en vue de déterminer ce qui demeurait un mystère pour eux ; on dira encore « Ils étaient sept et leur chien était le huitième ». Dis : « Mon Seigneur est plus savant au sujet de leur nombre. Peu nombreux sont ceux qui les connaissent. » (35) »

32 – Cf. Marc, 16, 9 : « ressuscité le matin, le premier jour de la semaine, Jésus apparut tout d’abord à Marie de Magdala dont il avait chassé sept démons ». Selon d’autres enseignements ésotériques, il apparut d’abord secrètement à sa mère qui, comme on le sait, est également enterrée à Ephèse.
33 – Cor., 18, 9.
34 – Sous entendu : « ... alors que tous Nos Signes sont en réalité ainsi ».
35 – Cor., 18, 22.


La plupart des commentateurs considèrent que les deux premières affirmations sont le fait de contradicteurs ignorants et que seule la troisième, caractérisée par le « et » de la certitude, correspond à la réalité véritable.
Qâchânî, qui partage ce point de vue, donne dans ses commentaires ésotériques les explications suivantes :

« Sache que les Compagnons de la Caverne sont les sept Parfaits qui ont en charge en permanence l’Ordre divin dans le monde : celui-ci ne subsiste que par eux. Ils demeurent en tout temps selon le nombre et la hiérarchie des planètes [...]. La fonction polaire (36) est attribuée au soleil. »

Le grand intérêt de ce commentaire est qu’il permet de rattacher le symbolisme des Compagnons de la caverne aux antiques Mystères kabiriques, car nous avons vu que les sept Kabires étaient assimilés aux planètes, et qu’ils représentaient une hiérarchie initiatique dépendant directement du Pôle suprême. En outre, à la différence de la légende chrétienne des sept Dormants, le texte coranique fait expressément mention du chien, décrit au verset 18 comme : « se tenant sur le seuil [de la caverne], les pattes étendues », attitude qui était précisément la sienne dans les peintures rituelles de l’Egypte ancienne (37).

36 - Littéralement : le Pôle.
37 – « Il faut noter les saisissantes images, peintes à la porte de plusieurs hypogées, d’un grand chien noir qui veille, couché sur un socle » ; cf. G. Posener, op. cit. p. 16.


Quelle signification l’ésotérisme islamique confère t’il à cet emblème du huitième Kabire ?

La première question qui se pose à ce sujet concerne l’énigmatique « raqîm » mentionné dans le premier des deux versets cités.

Certains expliquent ce terme par la présence de la caverne et concluent qu’il s’agit de la montagne à l’intérieur de laquelle celle-ci était située. Cette interprétation évoque un symbolisme dont René Guénon a mis en lumière la portée initiatique.
D’autres considèrent plutôt la signification du terme raqîm en langue arabe, tiré d’une racine comportant l’idée d’ « inscrire », Raqîm devrait être compris ici dans le sens passif de marqûm (ce qui est inscrit), car il s’agirait de l’inscription qui figurerait à l’entrée de la caverne et qui portait les noms de ses occupants.
D’autres enfin rattachent ar-Raqîm à ces derniers et l’assimilent au chien dont il est question dans le second verset. Il est remarquable que ces interprétations, apparemment fort différentes, font toutes référence à Idrîs-Hermès.
En effet, le symbolisme de l’inscription peut être rapporté au fait que, selon l’ « histoire sainte » de l’islâm, Idrîs est le premier homme qui a tracé des caractères au moyen d’une plume. Il en va de même dans la tradition égyptienne où Toth-Hermès est celui qui a inventé et établi l’écriture ; c’est pourquoi il est honoré comme le patron des scribes.

Le chien est, quant à lui, un des principaux attributs animaliers d’Hermès et de ses équivalents traditionnels (38 ).
Son symbolisme est évoqué dans un autre commentaire de Qâchânî, selon lequel les Compagnons de la Caverne seraient répartis en deux groupes entourant un personnage central qu’il appelle « ar-râ’y », c’est-à-dire « le protecteur », ou encore « le berger propriétaire du chien », ce qui renvoie à l’image de l’ « Hermès criophore » (39), évoqué dans La Divine Comédie au moyen des deux nombres-clés mentionnés par René Guénon au chapitre VII de l’Esotérisme de Dante : 666, triangle des 36 premiers nombres qui composent le « Sceau du Soleil » (40) ; et 515 qui, selon la Science des Lettres, est le nombre même d’Idrîs.

38 – Nous pensons ici au dieu Lug de la tradition celtique.
39 – Voir supra, p. 25.
40 – Voir Les trente six Attestations coraniques de l’Unité, Annexe 1 et La papauté contre l’Islam, p. 199.
41 – Sur cette notion, voir Les Clés des Demeures spirituelles dans les Futûhât d’Ibn Arabî, « Introduction ».


De là, cette fonction apparaît comme étant celle du « Dux » ou « Régent suprême » qui opérera le redressement cyclique final. L’instrument visible de ce redressement sera « celui qui est bien dirigé », autrement dit le Mahdî.
Or, selon l’enseignement ésotérique de l’islâm, les Compagnons de la Caverne ne sont autres que les « Vizirs du Mahdî ».
Ibn Arabî fait référence à cette doctrine au chapitre 366 des Futûhât qui traite de la « Demeure des Vizirs du Mahdî qui sera manifesté à la fin des Temps ».

Le symbolisme des sept Kabires revêt alors une signification nouvelle : les « trésors cachés » sont ceux qui seront confiés au Mahdî et dont il pourra disposer pour remplir sa fonction.

Par ailleurs, Ibn Arabî précise que les Vizirs du Mahdî ne seront pas d’origine arabe, mais bien « des étrangers qui parleront arabe ». On peut voir par là que la question des Vizirs se rapporte en réalité au mystère de l’intégration finale des formes traditionnelles au sein de la Forme islamique totale, restaurée par le Mahdî dans sa pureté première.

De là, les Mystères kabiriques apparaissent comme « annonciateurs », non seulement parce que les Kabires sont au nombre de sept, mais aussi parce que les Anciens considéraient les Dioscures comme faisant partie de leur groupe.
Cette double particularité comporte une similitude avec l’état des formes traditionnelles à la fin des temps.

Dans son étude sur Le Triangle de l’Androgyne, Michel Vâlsan a noté « qu’il y a toujours à l’intérieur du cycle traditionnel proprement dit un septénaire de formes traditionnelles principales qui représentent sur terre le septénaire des influences planétaires ».

S’il est incontestable que l’hindouisme et l’islâm font aujourd’hui partie de ce septénaire, il n’en demeure pas moins qu’ils gardent en son sein une place et une fonction particulières que René Guénon a indiquées à la fin de son article sur Les mystères de la lettre Nûn et dont Michel Vâlsan a expliqué le sens dans la seconde partie de son étude.
Ces textes font apparaître une analogie entre le symbolisme des « deux nûn » et celui des Dioscures : le premier se rapporte à la jonction finale d’un aspect informel représenté par l’hindouisme et d’un aspect formel représenté par l’islâm, tandis que les Dioscures sont une figure du « monde intermédiaire » au sein duquel cette jonction s’opérera.

Le caractère « alchimique » de cette opération est inséparable des « épreuves » et des « purifications » que le processus d’intégration mentionné devra nécessairement entraîner : non pas au degré principiel où l’unité demeure, ni au niveau des divisions et des incompatibilités formelles où elle ne peut apparaître en tant que telle, mais bien dans le domaine, proprement « intermédiaire », qui est celui des credos (‘aqâ’id) et des convictions individuelles.
Telle est, selon nous, la signification ultime des « Mystères kabiriques » évoquées en islâm par les Compagnons de la Caverne.

Il nous faut aborder un dernier point. Le nombre réel des ahl al-Kahf ne peut pas être un de ceux envisagés dans le Coran de manière expresse puisque le verset cité se termine par les mots : « Mon Seigneur est plus savant au sujet de leur nombre. Peu nombreux sont ceux qui les connaissent ».

Pour Ibn Arabî, ce nombre correspond à celui des années durant lesquelles le mahdî sera établi comme « Imâm sur la terre » ; il déclare à ce propos :


  • « J’étais dans l’incertitude au sujet de cette durée, mais je n’ai pas demandé à Allâh de déterminer et de préciser ce point, ni quelque autre concernant les évènements relatifs aux créatures : il convient plutôt qu’Il me les enseigne de Sa propre initiative, non suite à une demande de ma part, car je craindrais alors que fasse défaut à la Connaissance que j’ai du Très-Haut la part correspondant au temps où je lui demanderais d’avoir la connaissance d’une créature ou d’un évènement. J’ai complètement abandonné à Allâh tout ce qui me concerne en Son Royaume ; il y fait ce qu’Il veut. J’ai vu beaucoup d’entre les Initiés (ahl Allâh) Lui demander la compréhension d’évènements relatifs à la manifestation ; et, en particulier, de connaître le Pôle (imâm al-waqt). Pour ma part, je m’y suis toujours refusé, par crainte que la Nature me dérobe [la Connaissance divine] dans leur compagnie, alors qu’ils sont dans cet état. Je veux de Lui uniquement qu’Il m’octroie de pouvoir demeurer d’une façon immuable avec le seul souci de Le connaître ; peu m’importe la manière dont je passe d’un état passager à un autre. »


Et il poursuit :

  • « Alors que je demeurai dans ce souci, Allâh m’envoya quelqu’un qui faisait partie de l’Elite des Initiés. Il se nommait Ahmad b. ‘Ifâf ; Allâh l’avait élu et qualifié dés son jeune âge. Il mentionna de sa propre initiative ces Vizirs et me dit : « Ils sont neuf ». Je lui répondis : « S’ils sont neuf, lad urée durant laquelle le Mahdî demeurera sera nécessairement de neuf années » [...]. Tout ce dont il aura besoin, et que ces Vizirs réaliseront pour lui, réside dans neuf choses (umûr), ni plus, ni moins : le regard perçant, la compréhension du Discours divin en mode d’inspiration, la science de l’interprétation de ce qui vient d’Allâh, la détermination de la hiérarchie des fonctions, la miséricorde dans la colère, les provendes d’ordre sensible et intellectuel dont le « régisseur » (malik) a besoin, la science de l’interprétation des choses, l’attention en vue de satisfaire les besoins des hommes, la compréhension de la science cachée plus spécialement nécessaire au monde à une époque déterminée [...]. Telles sont les neuf sciences (mas’ala), pas davantage, dont cet Imâm Mahdî aura besoin pour exercer sa fonction [...]. Parmi les « Califes » d’Allâh et de Son envoyé, il sera le seul, jusqu’au Jour de la Résurrection, à les réunir toutes. »


Dans ce texte, on le voit, il ne s’agit plus d’intégration des formes traditionnelles, mais bien de sciences qui se rapportent au gouvernement ésotérique et universel des affaires du monde (tasarruf).

On peut ajouter encore cette ultime indication qu’Ibn Arabî ne formule pas de manière expresse : s’ils sont neuf, les Compagnons de la Caverne n’en demeurent pas moins accompagnés de leur Chien qui apparaît alors comme étant le dixième. Or le nombre 10, triangle de 4 et nombre de la perfection cyclique, comporte, à ce double titre, une signification eschatologique que René Guénon a mise en lumière dans le Règne de la Quantité. Après avoir rappelé (42) que « si l’on se borne à la considération du cycle actuel, il arrive finalement un moment où « la roue cesse de tourner », et que « le moment dont il s’agit apparaît comme une « fin des temps » », il ajoute :

« Le changement du cercle en carré équivalent est ce qu’on désigne comme la « quadrature du cercle » ; ceux qui déclarent que celle-ci est un problème insoluble, bien qu’ils en ignorent totalement la signification symbolique, se trouvent donc avoir raison en fait, puisque cette « quadrature », entendus dans son vrai sens, ne pourra être réalisée qu’à la fin même du cycle. »

42 – Au chapitre XX, intitulé « De la sphère au cube ».

Et il précise en note :
« La formule numérique correspondante est celle de la Tétraktys pythagoricienne : 1+2+3+4 = 10 ; si l’on prend les nombres en sens inverse : 4+3+2+1, on a les proportions des quatre Yugas, dont la somme forme le dénaire, c’est-à-dire le cycle complet et achevé. »

Toutefois, dans un contexte doctrinal aussi spécifique, le nombre 10 apparaît surtout comme l’emblème du Chien qui garde les Compagnons de la Caverne et qui les protège ; qui guidera les Vizirs du Mahdî et qui les assistera pour l’accomplissement de leur fonction.
A ce point de vue, 10 se décompose tout naturellement en la somme de 9 + 1 ; 9 est le nombre de la circonférence qui figure le cycle humain dans sa totalité, tandis que l’unité s’identifie au centre mystérieux où s’exerce la fonction, à la fois polaire et solaire, du Verbe vivificateur présent au Cœur du Monde.
La figure du centre et de la circonférence qui correspond au nombre 10, n’est-elle pas aussi, dans l’Art Royal, le symbole géométrique par excellence du « Maître de l’Or » ? (43).

43 – A maintes reprises, nous avons relevé les analogies entre l’hermétisme européen et celui du Wagadu. La plus étonnante est peut-être celle que l’on peut tirer de la racine can ou kan qui signifie « puissance ». Evoquant un « symbolisme reposant sur une similitude phonétique », René Guénon a montré (voir L’Esotérisme de Dante, chap. VII) que cette racine permettait d’établir un rapprochement entre les termes « Khan » (titre donné par les Tartares à leurs chefs) et « cane » qui pourrait désigner aussi bien le Veltro de La Divine Comédie (représenté notamment dans la Melencholia de Dürer) que le Chien des Compagnons de la Caverne.
Il est remarquable, d’une part, que la même racine kan se retrouve dans le symbolisme des fondements de l’Empire noir car, en soninké, les termes kan-mu, kan-me et kan-nye se rapportent respectivement au Ciel, à la Pluie et à l’Or qui étaient la source de sa puissance ; d’autre part, que le futur Gengis-Khan ait reçu à sa naissance le nom de Temüdjin, qui signifie « forgeron ».



Lire aussi en complément l'analyse du tableau de Dürer, Mélencolia :
https://lagrandeparodie.forumactif.com/t1055-l-barmont-l-esoterisme-de-a-durer-la-melencolia


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Ligeia
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