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Le symbolisme de la Caverne

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Le symbolisme de la Caverne Empty Le symbolisme de la Caverne

Message par Ligeia Mer 3 Fév - 9:08

Le mythe de la caverne, Platon, République, VII.    

On parle souvent de ce mythe, on s’y réfère beaucoup pour l’interprétation, mais connait-on bien réellement ce qu’il en est dit ?


  • « Tant que la connaissance n’est que par le mental, elle n’est qu’une simple connaissance « par reflet », comme celle des ombres que voient les prisonniers de la caverne symbolique de Platon, donc une connaissance indirecte et tout extérieure ; passer de l’ombre à la réalité, saisie directement en elle-même, c’est proprement passer de l’«extérieur» à l’«intérieur», et aussi, au point de vue où nous nous plaçons plus particulièrement ici, de l’initiation virtuelle à l’initiation effective.
    Ce passage implique la renonciation au mental, c’est-à-dire à toute faculté discursive qui est désormais devenue impuissante, puisqu’elle ne saurait franchir les limites qui lui sont imposées par sa nature même ; l’intuition intellectuelle seule est au delà de ces limites, parce qu’elle n’appartient pas à l’ordre des facultés individuelles. On peut, en employant le symbolisme traditionnel fondé sur les correspondances organiques, dire que le centre de la conscience doit être alors transféré du « cerveau » au « cœur ».
    Il est à peine besoin de rappeler que le « cœur », pris symboliquement pour représenter le centre de l’individualité humaine envisagée dans son intégralité, est toujours mis en correspondance, par toutes les traditions, avec l’intellect pur, ce qui n’a absolument aucun rapport avec la « sentimentalité » que lui attribuent les conceptions profanes des modernes.»


Rappel pour les uns ou découverte pour les autres, voici ce que Platon nous dit.


*******


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Le mythe de la caverne, Platon, République, VII.


Note : Socrate s'adresse à Glaucon qui ponctue le récit de son étonnement et, peu à peu, la compréhension se fait sentir. Pour plus de facilité de lecture, j’ai mis les remarques de Glaucon en rouge.


« Maintenant, repris-je, pour avoir une idée de la conduite de l’homme par rapport à la science et à l’ignorance, figure-toi la situation que je vais te décrire. Imagine un antre souterrain, très ouvert dans toute sa profondeur du côté de la lumière du jour ; et dans cet antre des hommes retenus, depuis leur enfance, par des chaînes qui leur assujettissent tellement les jambes et le cou, qu’ils ne peuvent ni changer de place  ni tourner la tête, et ne voient que ce qu’ils ont en face. La lumière leur vient d’un feu allumé à une certaine distance en haut derrière eux. Entre ce feu et les captifs s’élève un chemin, le long duquel imagine un petit mur semblable à ces cloisons que les charlatans mettent entre eux et les spectateurs, et au-dessus desquelles apparaissent les merveilles qu’ils montrent.
Je vois cela.

Figure-toi encore qu’il passe le long de ce mur, des hommes portant des objets de toute sorte qui paraissent ainsi au-dessus du mur, des figures d’hommes et d’animaux en bois ou en pierre, et de mille formes différentes ; et naturellement parmi ceux qui passent, les uns se parlent entre eux, d’autres ne disent rien.
Voilà un étrange tableau et d’étranges prisonniers.

Voilà pourtant ce que nous sommes. Et d’abord, crois-tu que dans cette situation ils verront autre chose d’eux-mêmes et de ceux qui sont à leurs côtés, que les ombres qui vont se retracer, à la lueur du feu, sur le côté de la caverne exposé à leurs regards ?
Non, puisqu’ils sont forcés de rester toute leur vie la tête immobile.

Et les objets qui passent derrière eux, de même aussi n’en verront-ils pas seulement l’ombre ?
Sans contredit.

Or, s’ils pouvaient converser ensemble, ne crois-tu pas qu’ils s’aviseraient de désigner comme les choses mêmes les ombres qu’ils voient passer ?
Nécessairement.

Et, si la prison avait un écho, toutes les fois qu’un des passants viendrait à parler, ne s’imagineraient-ils pas entendre parler l’ombre même qui passe sous leurs yeux ?
Oui.

Enfin, ces captifs n’attribueront absolument de réalité qu’aux ombres.
Cela est inévitable.

Supposons maintenant qu’on les délivre de leurs chaînes et qu’on les guérisse de leur erreur : vois ce qui résulterait naturellement de la situation nouvelle où nous allons les placer. Qu’on détache un de ces captifs ; qu’on le force sur-le-champ de se lever, de tourner la tète, de marcher et de regarder du côté de la lumière : il ne pourra faire tout cela sans souffrir, et l’éblouissement l’empêchera de discerner les objets dont il voyait auparavant les ombres. Je te demande ce qu’il pourra dire, si quelqu’un vient lui déclarer que jusqu’alors il n’a vu que des fantômes ; qu’à présent plus près de la réalité, et tourné vers des objets plus réels, Il voit plus juste ; si enfin, lui montrant chaque objet à mesure qu’il passe, on l’oblige, à force de questions, à dire ce que c’est ; ne penses-tu pas qu’il sera fort embarrassé, et que ce qu’il voyait auparavant lui paraîtra plus vrai que ce qu’on lui montre ?
Sans doute.

Et si on le contraint de regarder le feu, sa vue n’en sera-t-elle pas blessée ? N’en détournera-t-il pas les regards pour les porter sur ces ombres qu’il considère sans effort ? Ne jugera-t-il pas que ces ombres sont réellement plus visibles que les objets qu’on lui montre ?
Assurément.

Si maintenant on l’arrache de sa caverne malgré lui, et qu’on le traîne, par le sentier rude et escarpé, jusqu’à la clarté du soleil, cette violence n’excitera-t-elle pas ses plaintes et sa colère ? Et lorsqu’il sera parvenu au grand jour, accablé de sa splendeur, pourra-t-il distinguer aucun des objets que nous appelons des êtres réels ?
Il ne le pourra pas d’abord.

Ce n’est que peu à peu que ses yeux pourront s’accoutumer à cette région supérieure. Ce qu’il discernera plus facilement, ce sera d’abord les ombres, puis les images des hommes et des autres objets qui se peignent sur la surface des eaux, ensuite les objets eux-mêmes. De là il portera ses regards vers le ciel, dont il soutiendra plus facilement la vue, quand il contemplera pendant la nuit la lune et les étoiles, qu’il ne pourrait le faire, pendant que le soleil éclaire l’horizon.
Je le crois.

A la fin il pourra, je pense, non-seulement voir le soleil dans les eaux et partout où son image se réfléchit, mais le contempler en lui-même à sa véritable place.
Certainement.

Après cela, se mettant à raisonner, il en viendra à conclure que c’est le soleil qui fait les saisons et les années, qui gouverne tout dans le monde visible, et qui est en quelque sorte le principe de tout ce que nos gens voyaient là-bas dans la caverne.
Il est évident que c’est par tous ces degrés qu’il arrivera à cette conclusion.

Se rappelant, alors sa première demeure et ce qu’on y appelait sagesse et ses compagnons de captivité, ne se trouvera-t-il pas heureux de son changement et ne plaindra-t-il pas les autres ?
Tout-à-fait.

Et s’il y avait là-bas des honneurs, des éloges, des récompenses publiques établies entre eux pour celui qui observe le mieux les ombres à leur passage, qui se rappelle le mieux en quel ordre elles ont coutume de précéder, de suivre ou de paraître ensemble, et qui par là est le plus habile à deviner leur apparition ; penses-tu que l’homme dont nous parlons fût encore bien jaloux de ces distinctions, et qu’il portât envie à ceux qui sont les plus honorés et les plus puissants dans ce souterrain ? Ou bien ne sera-t-il pas comme le héros d’Homère, et ne préfèrera-t-il pas mille fois n’être qu’un valet de charrue, au service d’un pauvre laboureur, et souffrir tout au monde plutôt que de revenir à sa première illusion et de vivre comme il vivait ?
Je ne doute pas qu’il ne soit disposé à tout souffrir plutôt que de vivre de la sorte.

Imagine encore que cet homme redescende dans la caverne et qu’il aille s’asseoir à son ancienne place ; dans ce passage subit du grand jour à l’obscurité, ses yeux ne seront-ils pas comme aveuglés ?
Oui vraiment.

Et si tandis que sa vue est encore confuse, et avant que ses yeux se soient remis et accoutumés à l’obscurité, ce qui demande un temps assez long, il lui faut donner son avis sur ces ombres et entrer en dispute à ce sujet avec ses compagnons qui n’ont pas quitté leurs chaînes, n’apprêtera-t-il pas à rire à ses dépens ? Ne diront-ils pas que pour être monté là-haut, il a perdu la vue ; que ce n’est pas la peine d’essayer de sortir du lieu où ils sont, et que si quelqu’un s’avise de vouloir les en tirer et les conduire en haut, il faut le saisir et le tuer, s’il est possible.
Cela est fort probable.


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Voilà précisément, cher Glaucon, l’image de notre condition. L’antre souterrain, c’est ce monde visible : le feu qui l’éclaire, c’est la lumière du soleil : ce captif qui monte à la région supérieure et la contemple, c’est l’âme qui s’élève dans l’espace intelligible. Voilà du moins quelle est ma pensée, puisque tu veux la savoir : Dieu sait si elle est vraie. Quant à moi, la chose me paraît telle que je vais dire. Aux dernières limites du monde intellectuel, est l’idée du bien qu’on aperçoit avec peine, mais qu’on ne peut apercevoir sans conclure qu’elle est la cause de tout ce qu’il y a de beau et de bon ; que dans le monde visible, elle produit la lumière et l’astre de qui elle vient directement ; que dans le monde invisible, c’est elle qui produit directement la vérité et l’intelligence ; qu’il faut enfin avoir les yeux sur cette idée pour se conduire avec sagesse dans la vie privée ou publique.
J’entre dans cette manière de voir autant qu’il m’appartient.

Conçois donc aussi et cesse de t’étonner que ceux qui sont parvenus à cette hauteur dédaignent de prendre en main les affaires humaines, et que leurs âmes aspirent sans cesse à se fixer dans la région supérieure. Cela est bien naturel, s’il y a analogie entre ce dont nous parlons et l’image que nous avons tracée plus haut.
Oui, rien de plus naturel.

Qu’y a-t-il d’étonnant, dis-moi, qu’un homme, passant des contemplations divines aux misérables objets qui occupent les hommes, ait mauvaise grâce et paraisse ridicule, lorsque dans le premier trouble, et avant d’être familiarisé avec les ténèbres qui l’environnent, il est forcé d’entrer en dispute devant les tribunaux ou ailleurs sur des ombres de justice ou sur les images qui projettent ces ombres, et de s’escrimer contre la manière dont ces images sont prises par des hommes qui n’ont jamais vu la justice elle-même ?
Il est impossible de s’en étonner.

Un homme sensé fera réflexion que la vue peut être troublée de deux manières et par deux causes opposées, par le passage de la lumière à l’obscurité, ou par celui de l’obscurité à la lumière : et comme il en est de même de la vue de l’âme, lorsqu’il verra une âme troublée et embarrassée pour discerner certains objets, il n’ira pas en rire sans raison ; il examinera si c’est que revenant d’un état plus lumineux elle se trouve comme offusquée faute d’habitude, ou si passant des ténèbres de l’ignorance à la lumière, elle est éblouie de son trop vif éclat. Dans le premier cas, il la félicitera de l’embarras qu’elle éprouve et de ce commerce divin ; dans le second, il la plaindra ; ou bien s’il veut rire à ses dépens, ses railleries seront moins ridicules que si elles s’adressaient à l’âme qui redescend du séjour de la lumière.
On ne peut parler plus raisonnablement.

Or, si tout cela est vrai, il faut en conclure que la science ne s’apprend pas de la manière dont certaines gens le prétendent. Ils se vantent de pouvoir la faire entrer dans l’âme où elle n’est point, à peu près comme on donnerait la vue à des yeux aveugles.
Tel est leur langage.

Ce que nous avons dit suppose au contraire que chacun possède la faculté d’apprendre, un organe de la science ; et que, semblable à des yeux qui ne pourraient se tourner des ténèbres vers la lumière qu’avec le corps tout entier, l’organe de l’intelligence doit se tourner, avec l’âme tout entière, de la vue de ce qui naît vers la contemplation de ce qui est et de ce qu’il y a de plus lumineux dans l’être ; et cela nous l’avons appelé le bien, n’est-ce pas ?
Oui.

Tout l’art consiste donc à chercher la manière la plus aisée et la plus avantageuse dont l’âme puisse exécuter l’évolution qu’elle doit faire : il ne s’agit pas de lui donner la faculté de voir ; elle l’a déjà : mais son organe n’est pas dans une bonne direction, il ne regarde point où il faudrait : c’est ce qu’il s’agit de corriger.
En effet.

Il en est à peu près des autres vertus de l’âme comme de celles du corps. L’âme ne les recevant pas de la nature, on les y introduit plus tard par l’éducation et l’exercice ; mais la science semble appartenir à quelque chose de plus divin, qui ne perd jamais de sa force et qui, selon la direction qu’on lui donne, devient utile ou inutile, avantageux ou nuisible. N’as-tu point encore remarqué jusqu’où va la sagacité de ces hommes à qui on donne le nom d’habiles malhonnêtes gens ? Avec quelle pénétration leur misérable petite âme démêle tout ce qui les intéresse ? Leur âme n’a pas une mauvaise vue ; mais comme elle est forcée de servir d’instrument à leur malice, ils sont d’autant plus malfaisants qu’ils sont plus subtils et plus clairvoyants.
Il n’est que trop vrai.

Si dès l’enfance on coupait ces penchants nés avec l’être mortel, qui, comme autant de poids de plomb, entraînent l’âme vers les plaisirs sensuels et grossiers et abaissent ses regards vers les choses inférieures ; si le principe meilleur dont je viens de parler, dégagé et affranchi, était dirigé vers la vérité, ces hommes l’apercevraient avec la même sagacité qu’ils aperçoivent les choses sur lesquelles se porte maintenant leur attention.
Il y a apparence.

N’est-ce pas une conséquence vraisemblable, nécessaire même, de tout ce que nous avons dit, que le gouvernement des États, s’il ne convient guère à des hommes sans éducation et étrangers à la connaissance de la vérité, ne va pas mieux aux habitudes de ceux auxquels on laisse passer toute leur vie dans l’étude ; les uns, parce qu’ils n’ont dans toute leur conduite aucun but fixe auquel ils rapportent tout ce qu’ils font dans la carrière de la vie publique ou privée ; les autres, parce qu’ils ne consentiront jamais à se charger du fardeau des affaires, eux qui dès leur vivant se croient déjà dans les îles fortunées.
Tu as raison.

C’est donc à nous, fondateurs de l’État, d’obliger les hommes d’élite de se tourner vers cette science, que nous avons reconnue tout à l’heure comme la plus sublime de toutes, de monter le chemin que nous avons dit vers la région supérieure pour y contempler le bien en lui-même ; mais lorsque, parvenus à cette élévation, ils auront contemplé le bien pendant le temps convenable, gardons-nous de leur permettre ce qu’on leur permet aujourd’hui.
Quoi ?

De se fixer dans cette région supérieure et de ne plus vouloir redescendre auprès des malheureux captifs ni prendre part à leurs travaux, à leurs honneurs mêmes, quel que soit le cas qu’on doive en faire.
Eh quoi ! dit Glaucon, serons-nous si injustes envers eux ? Lorsqu’une vie meilleure leur est offerte, les condamnerons-nous à une vie moins heureuse ?

Tu oublies encore une fois, mon cher ami, que le législateur doit se proposer, non pas le bonheur d’un ordre particulier de citoyens à l’exclusion des autres, mais le bonheur de tous, en les unissant entre eux par la persuasion et l’autorité, en les amenant à se faire part les uns aux autres des avantages que chacun peut apporter à la société commune ; et que s’il s’applique à former dans l’État de pareils citoyens, ce n’est pas pour les laisser libres de faire de leurs facultés tel emploi qu’ils voudront, mais pour les faire concourir à fortifier le lien de l’État.
Tu dis vrai : je l’avais oublié.

Au reste, mon cher Glaucon, fais attention que nous ne serons pas coupables d’injustice envers les philosophes qui se formeront chez nous, et qu’en les obligeant à se charger de la conduite et de la garde de leurs concitoyens, nous aurons de bonnes raisons à leur donner. « Dans les autres États, leur dirons-nous, les hommes comme vous sont plus excusables de se dispenser des travaux de la vie publique, car ils se sont formés eux-mêmes, malgré le gouvernement ; or, quand on ne doit qu’à soi seul sa naissance et son accroissement, il est juste qu’on ne soit tenu à la reconnaissance envers personne. Mais vous, nous vous avons formés dans l’intérêt de l’État comme dans le vôtre, pour être ce que sont dans les ruches les mères abeilles et les reines : dans ce dessein, nous vous avons donné une éducation plus parfaite qui vous rendît plus capables que tous les autres hommes d’allier l’étude de la sagesse au maniement des affaires. Consentez donc à descendre chacun autant qu’il est nécessaire dans la demeure commune ; accoutumez vos yeux aux ténèbres qui y règnent ; lorsque vous vous serez familiarisés avec elles, vous y verrez mille fois mieux que les habitants de ce séjour ; vous discernerez beaucoup mieux les fantômes du beau, du juste et du bien, parce que vous avez vu ailleurs le beau, le juste et le bien lui-même. Ainsi, pour vous comme pour nous, le gouvernement sera une affaire sérieuse et de gens éveillés, et non pas un rêve, comme dans la plupart des autres États, où les chefs se battent pour des ombres vaines et se disputent avec acharnement l'autorité, comme si c’était un grand bien. Voici là-dessus quelle est la vérité : le bon gouvernement et la concorde se rencontrent nécessairement dans l’État où ceux qui doivent commander ne montrent aucun empressement pour leur élévation ; le contraire arrive dans les États dont les chefs sont ambitieux. »
Cela est vrai.

Eh bien, crois-tu que nos élèves résisteront à la force de ces raisons ? Refuseront-ils de prendre part tour à tour aux affaires publiques pour aller ensuite passer ensemble la plus grande partie de leur vie dans la région de la pure lumière ?
Il est impossible qu’ils le refusent ; car ils sont justes, et nos demandes le sont aussi. Mais alors chacun d’eux ne prendra le pouvoir que pour acquitter une dette, tout au contraire de ce qui se fait actuellement dans les autres États.

Il en est ainsi, mon cher ami ; partout où tu trouveras que la condition des hommes destinés au pouvoir est préférable pour eux au pouvoir lui-même, il sera possible d’établir un bon gouvernement ; car dans cet État seul commanderont ceux que rendent vraiment riches, non pas l’or, mais la sagesse et la vertu, les seules richesses de l’homme heureux : mais partout où l’on voit courir aux affaires publiques des mendiants, des gens affamés de biens, qui n’en ont aucuns, et qui s’imaginent que c’est là qu’ils doivent en aller prendre, il n’y a pas de bon gouvernement possible. Le pouvoir devient une proie qu’on se dispute ; et cette guerre domestique et intestine finit par perdre et les hommes qui se disputent le gouvernement de l’État, et l’État lui-même.
Rien de plus vrai.


***

Je m’arrête là pour l’extrait du texte mais la suite est tout autant instructive même si elle est un peu plus « délicate » à interpréter.

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Le symbolisme de la Caverne Empty La Caverne et le Labyrinthe

Message par Ligeia Lun 8 Fév - 10:47

La Caverne et le Labyrinthe partie 1 sur 2

Partie 1 : La Caverne

Source : Symboles de la Science sacrée, chapitre XXIX.
Egalement publié dans les Études Traditionnelles, octobre-novembre 1937


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Dans un livre récent (1), M. Jackson Knight expose d’intéressantes recherches ayant pour point de départ le passage du sixième livre de L’Énéide où sont décrites les portes de l’antre de la Sibylle de Cumes : pourquoi le labyrinthe de Crète et son histoire sont-ils figurés sur ces portes ? Il se refuse très justement à voir là, comme l’ont fait certains qui ne vont pas plus loin que les conceptions « littéraires » modernes, une simple digression plus ou moins inutile ; il estime au contraire que ce passage doit avoir une réelle valeur symbolique, se fondant sur une étroite relation entre le labyrinthe et la caverne, rattachés l’un et l’autre à la même idée d’un voyage souterrain.

Cette idée, suivant l’interprétation qu’il donne de faits concordants appartenant à des époques et à des régions fort différentes, aurait été liée originairement aux rites funéraires, et aurait été ensuite, en vertu d’une certaine analogie, transportée dans les rites initiatiques ; nous reviendrons plus particulièrement sur ce point tout à l’heure, mais nous devons d’abord faire quelques réserves sur la façon même dont il conçoit l’initiation. Il semble en effet envisager celle-ci uniquement comme un produit de la « pensée humaine », doué d’ailleurs d’une vitalité qui lui assure une sorte de permanence à travers les âges, même si parfois il ne subsiste pour ainsi dire qu’à l’état latent ; nous n’avons nullement besoin, après tout ce que nous avons déjà exposé sur ce sujet, de montrer de nouveau tout ce qu’il y a là d’insuffisant, par là même qu’il n’y est pas tenu compte des éléments « supra-humains » qui, en réalité, constituent précisément ici l’essentiel.

Nous insisterons seulement sur ceci : l’idée d’une subsistance à l’état latent amène l’hypothèse d’une conservation dans un « subconscient collectif » emprunté à certaines théories psychologiques récentes ; quoi qu’on puisse penser de celles-ci, il y a en tout cas, dans l’application qui en est ainsi faite, une complète méconnaissance de la nécessité de la « chaîne » initiatique, c’est-à-dire d’une transmission effective et ininterrompue.

1 W.F. Jackson Knight, Cumaean Gates, a reference of the Sixth « Æneid » to Initiation Pattern (Basil Blackwell, Oxford).

Il est vrai qu’il y a une autre question qu’il faut bien se garder de confondre avec celle-là : il a pu arriver parfois que des choses d’ordre proprement initiatique trouvent à s’exprimer à travers des individualités qui n’étaient nullement conscientes de leur véritable signification, et nous nous sommes expliqué précédemment là-dessus à propos de la légende du Graal (2) ; mais, d’une part, cela ne touche en rien à ce qui concerne l’initiation elle-même dans sa réalité, et, d’autre part, on ne saurait envisager ainsi le cas de Virgile, chez qui il y a, tout comme chez Dante, des indications beaucoup trop précises et trop manifestement conscientes pour qu’il soit possible d’admettre qu’il ait été étranger à tout rattachement initiatique effectif.

Ce dont il s’agit n’a rien à voir avec l’« inspiration poétique » telle qu’on l’entend aujourd’hui, et, à cet égard, M J. Knight est certainement trop disposé à partager les vues « littéraires » auxquelles sa thèse s’oppose pourtant par ailleurs ; mais nous n’en devons pas moins reconnaître tout le mérite qu’il y a, pour un écrivain universitaire, à avoir le courage d’aborder un tel sujet, voire même simplement de parler d’initiation.

Cela dit, revenons à la question des rapports de la caverne funéraire et de la caverne initiatique : bien que ces rapports soient assurément très réels, l’identification de l’une et de l’autre, quant à leur symbolisme, ne représente tout au plus qu’une moitié de la vérité. Remarquons d’ailleurs que, même au seul point de vue funéraire, l’idée de faire dériver le symbolisme du rituel, au lieu de voir au contraire dans le rituel lui même le symbolisme en action qu’il est vraiment, met déjà l’auteur dans un grand embarras lorsqu’il constate que le voyage souterrain est presque toujours suivi d’un voyage à l’air libre, que beaucoup de traditions représentent comme une navigation ; cela serait en effet inconcevable s’il ne s’agissait que de la description imagée d’un rituel d’enterrement, mais s’explique au contraire parfaitement quand on sait qu’il s’agit en réalité de phases diverses traversées par l’être au cours d’une migration qui est bien véritablement « d’outre-tombe », et qui ne concerne en rien le corps qu’il a laissé derrière lui en quittant la vie terrestre.
D’autre part, en raison de l’analogie qui existe entre la mort entendue au sens ordinaire de ce mot et la mort initiatique dont nous avons parlé en une autre occasion, une même description symbolique peut s’appliquer également à ce qui advient à l’être dans l’un et l’autre cas ; là est, quant à la caverne et au voyage souterrain, la raison de l’assimilation envisagée, dans la mesure où elle est justifiée ; mais, au point où elle doit légitimement s’arrêter, on n’en est encore qu’aux préliminaires de l’initiation, et non point à l’initiation elle-même.

2 [Voir ch. III et IV.]

En effet, on ne peut voir en toute rigueur qu’une préparation à l’initiation, et rien de plus, dans la mort au monde profane suivie de la « descente aux Enfers » qui est, bien entendu, la même chose que le voyage dans le monde souterrain auquel la caverne donne accès ; et, pour ce qui est de l’initiation même, bien loin d’être considérée comme une mort, elle l’est au contraire comme une « seconde naissance », ainsi que comme un passage des ténèbres à la lumière. Or, le lieu de cette naissance est encore la caverne, du moins dans les cas où c’est dans celle-ci que l’initiation s’accomplit, en fait ou symboliquement, car il va de soi qu’il ne faut pas trop généraliser et que, de même aussi que pour le labyrinthe dont nous parlerons ensuite, il ne s’agit pas là de quelque chose qui soit nécessairement commun à toutes les formes initiatiques sans exception.

La même chose apparaît du reste, même exotériquement, dans le symbolisme chrétien de la Nativité, tout aussi nettement que dans d’autres traditions ; et il est évident que la caverne comme lieu de naissance ne peut pas avoir précisément la même signification que la caverne comme lieu de mort ou de sépulture. On pourrait cependant faire remarquer, pour relier du moins entre eux ces aspects différents et même apparemment opposés, que mort et naissance ne sont en somme que les deux faces d’un même changement d’état, et que le passage d’un état à un autre est toujours regardé comme devant s’effectuer dans l’obscurité (3) ; en ce sens, la caverne serait donc, plus exactement, le lieu même de ce passage : mais ceci, tout en étant strictement vrai, ne se réfère encore qu’à l’un des côtés de son symbolisme complexe.

Si l’auteur n’a pas réussi à voir l’autre côté de ce symbolisme, cela est dû très probablement à l’influence exercée sur lui par les théories de certains « historiens des religions » : à la suite de ceux-ci, il admet en effet que la caverne doit toujours être rattachée à des cultes « chthoniens », sans doute pour la raison, un peu trop « simpliste », qu’elle est située à l’intérieur de la terre ; mais cela est bien loin de la vérité (4).
Pourtant il ne peut faire autrement que de s’apercevoir que la caverne initiatique est donnée avant tout comme une image du monde (5) ; mais son hypothèse l’empêche d’en tirer la conséquence qui s’impose cependant, et qui est celle-ci : dès lors qu’il en est ainsi, cette caverne doit former un tout complet et contenir en elle-même la représentation du ciel aussi bien que celle de la terre ; s’il arrive que le ciel soit expressément mentionné dans quelque texte ou figuré dans quelque monument comme correspondant à la voûte de la caverne, les explications proposées à ce sujet deviennent tellement confuses et peu satisfaisantes qu’il n’est plus possible de les suivre. La vérité est que, bien loin d’être un lieu ténébreux, la caverne initiatique est éclairée intérieurement, si bien que c’est au contraire au-dehors d’elle que règne l’obscurité, le monde profane étant naturellement assimilé aux « ténèbres extérieures », et la « seconde naissance » étant en même temps une « illumination (6) ».

3 On pourrait rappeler aussi, à cet égard, le symbolisme du grain de blé dans les mystères d’Éleusis.
4 Cette interprétation unilatérale le conduit à une singulière méprise : il cite, parmi d’autres exemples, le mythe shintoïste de la danse exécutée devant l’entrée d’une caverne pour en faire sortir la « déesse ancestrale » qui s’y était cachée ; malheureusement pour sa thèse, il ne s’agit point là de la « terre-mère », comme il le croit et le dit même expressément, mais bien de la déesse solaire, ce qui est tout à fait différent.
5 Dans la maçonnerie, il en est de même de la loge, dont certains ont même rapproché la désignation du mot sanscrit loka, ce qui est en effet exact symboliquement, sinon étymologiquement ; mais il faut ajouter que la loge n’est pas assimilée à la caverne, et que l’équivalent de celle-ci se trouve seulement, dans ce cas, au début même des épreuves initiatiques, de sorte qu’il ne s’y attache d’autre sens que celui de lieu souterrain, en rapport direct avec les idées de mort et de « descente ».
6 Dans le symbolisme maçonnique également, et pour les mêmes raisons, les « lumières » se trouvent obligatoirement à l’intérieur de la loge ; et le mot loka, que nous rappelions tout à l’heure, se rattache aussi directement à une racine dont le sens premier désigne la lumière.


Maintenant, si l’on demande pourquoi la caverne est envisagée de cette façon au point de vue initiatique, nous répondrons que la solution de cette question se trouve, d’une part, dans le fait que le symbole de la caverne est complémentaire de celui de la montagne, et, d’autre part, dans le rapport qui unit étroitement le symbolisme de la caverne à celui du cœur ; nous nous proposons de traiter séparément ces deux points essentiels mais il n’est pas difficile de comprendre, d’après tout ce que nous avons déjà eu l’occasion d’exposer par ailleurs, que ce dont il s’agit est en relation directe avec la figuration même des centres spirituels. Nous passerons sur d’autres questions qui, si importantes qu’elles soient en elles-mêmes, n’interviennent ici qu’accessoirement, comme, par exemple, celle de la signification du « rameau d’or » ; il est fort contestable qu’on puisse identifier celui-ci, si ce n’est peut-être sous un aspect très secondaire, au bâton ou à la baguette qui, sous des formes diverses, se rencontrent très généralement dans le symbolisme traditionnel (7).

Sans insister davantage là-dessus, nous examinerons maintenant ce qui concerne le labyrinthe, dont le sens peut paraître plus énigmatique encore, ou tout au moins plus dissimulé, que celui de la caverne, et les rapports qui existent entre celle-ci et celui-là.

7 Il serait certainement beaucoup plus juste d’assimiler ce « rameau d’or » au gui druidique et à l’acacia maçonnique, sans parler des « rameaux » de la fête chrétienne qui porte précisément ce nom, en tant que symbole et gage de résurrection et d’immortalité.


A suivre...


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Le symbolisme de la Caverne Empty Re: Le symbolisme de la Caverne

Message par Ligeia Mer 10 Fév - 11:56

Comme le texte y fait allusion, voici une présentation de la "légende" de Deucalion et des "hommes de pierre" :

  • "A l’époque, Deucalion, fils de Prométhée, régnait en Thessalie (région de la Grèce qui s’étend du Nord au sud de l’Olympe) en compagnie de sa femme Pyrrha.
    Mais durant leur règne Zeus résolut de punir la méchanceté des hommes, l’iniquité de Lycaon et de ses fils y ayant mis le comble. Il envoya donc un déluge à la terre, et, comme les eaux s’élevaient, Deucalion ordonna à sa femme Pyrrha d’apprêter l’arche qu’il avait construite sur l’avertissement de son père Prométhée.
    Y entrant, lui et sa femme, ils furent portés sur les eaux pendant huit jours, et le neuvième, l’arche demeura sur les hauteurs du Parnasse. Ils laissèrent cette nef sur la cime, et offrirent un sacrifice à Zeus, lequel envoya Hermès pour exaucer toute prière faite par Deucalion.

    Le juste demanda la restauration de la race humaine ; Hermès dit que lui et sa femme avaient à se couvrir la face de leurs manteaux, et à jeter derrière eux les os de leur mère sur le chemin. La sagesse qui venait à ce géant de son père Prométhée lui enseigna que sa mère, c’était la terre ; il fallait donc jeter simplement des pierres derrière soi pendant la descente du Parnasse. Les cailloux ainsi semés devinrent des hommes et des femmes, et commencèrent aussitôt cette dure vie de labeurs, qui est depuis le lot de l’humanité."




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La Caverne et le Labyrinthe


Partie 2/2 : le Labyrinthe


Le labyrinthe, ainsi que l’a bien vu M. J. Knight, a une double raison d’être, en ce sens qu’il permet ou interdit, suivant les cas, l’accès à un certain lieu où tous ne doivent pas pénétrer indistinctement ; ceux qui sont « qualifiés » pourront seuls le parcourir jusqu’au bout, tandis que les autres seront empêchés d’y pénétrer ou s’égareront en chemin. On voit immédiatement qu’il y a là l’idée d’une « sélection » qui est en rapport évident avec l’admission à l’initiation ; le parcours du labyrinthe n’est donc proprement, à cet égard, qu’une représentation des épreuves initiatiques ; et il est facile de concevoir que quand il servait effectivement de moyen d’accès à certains sanctuaires, il pouvait être disposé de telle façon que les rites correspondants soient accomplis dans ce parcours même. D’ailleurs, on trouve là aussi l’idée de « voyage », sous l’aspect où elle est assimilée aux épreuves elles-mêmes, ainsi qu’on peut le constater encore actuellement dans certaines formes initiatiques, dans la maçonnerie par exemple, où chacune des épreuves symboliques est précisément désignée comme un « voyage ».
Un autre symbolisme équivalent est celui du « pèlerinage » ; et nous rappellerons à ce propos les labyrinthes tracés autrefois sur le dallage de certaines églises, et dont le parcours était considéré comme un « substitut » du pèlerinage en Terre Sainte ; du reste, si le point auquel aboutit ce parcours représente un lieu réservé aux « élus », ce lieu est bien véritablement une « Terre Sainte » au sens initiatique de cette expression ; en d’autres termes, ce point n’est pas autre chose que l’image d’un centre spirituel, comme l’est également tout lieu d’initiation (8 ).

Il va de soi, d’autre part, que l’emploi du labyrinthe comme moyen de défense ou de protection est susceptible d’applications diverses, en dehors du domaine initiatique ; c’est ainsi que l’auteur signale notamment son usage « tactique », à l’entrée de certaines villes antiques et d’autres lieux fortifiés. Seulement, c’est une erreur de croire qu’il s’agit dans ce cas d’un usage purement profane, qui aurait même été le premier en date et qui aurait ensuite suggéré l’idée de l’usage rituel ; il y a là proprement un renversement des rapports normaux, qui est d’ailleurs conforme aux conceptions modernes, mais à celles-ci seulement, et qu’il est donc tout à fait illégitime d’attribuer aux civilisations anciennes. En fait, dans toute civilisation ayant un caractère strictement traditionnel, toutes choses commencent nécessairement par le principe, ou par ce qui en est le plus proche, pour descendre de là à des applications de plus en plus contingentes ; et, en outre, ces dernières mêmes n’y sont jamais envisagées sous le point de vue profane, qui n’est, comme nous l’avons déjà souvent expliqué, que le résultat d’une dégénérescence ayant fait perdre la conscience de leur rattachement au principe. Dans le cas dont il s’agit, on pourrait assez facilement s’apercevoir qu’il y a là autre chose que ce qu’y verraient des « tacticiens » modernes, par la simple remarque que ce mode de défense « labyrinthique » n’était pas employé seulement contre les ennemis humains, mais aussi contre les influence psychiques hostiles, ce qui indique bien qu’il devait avoir en lui-même une valeur rituelle (9).

Mais il y a plus encore : la fondation des villes, le choix de leur emplacement et le plan suivant lequel elles étaient construites, étaient soumis à des règles qui relevaient essentiellement de la « science sacrée », et qui par conséquent étaient fort loin de ne répondre qu’à des fins « utilitaires », du moins dans le sens exclusivement matériel qu’on donne actuellement à ce mot ; si complètement étrangères que soient ces choses à la mentalité de nos contemporains, il faut pourtant bien en tenir compte, faute de quoi ceux qui étudient les vestiges des civilisations anciennes ne pourront jamais comprendre le vrai sens et la raison d’être de ce qu’ils constatent, même pour ce qui correspond simplement à ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui le domaine de la « vie ordinaire », mais qui alors avait aussi en réalité un caractère proprement rituel et traditionnel.

8 M. J. Knight mentionne ces labyrinthes, mais ne leur attribue qu’une signification simplement religieuse ; il semble ignorer que leur tracé ne relevait aucunement de la doctrine exotérique, mais appartenait exclusivement au symbolisme des organisations initiatiques de constructeurs.
9 Nous n’insisterons pas, pour ne pas trop nous écarter du sujet, sur la marche « labyrinthique » de certaines processions et « danses rituelles » qui, présentant avant tout le caractère de rites de protection ou « apotropiques », comme le dit l’auteur, se rattachent directement par là au même ordre de considération : il s’agit essentiellement d’arrêter et de détourner les influences maléfiques, par une « technique » basée sur la connaissance de certaines lois suivant lesquelles celles-ci exercent leur action.


Quant à l’origine du nom même du labyrinthe, elle est assez obscure et a donné lieu à bien des discussions ; il semble bien que, contrairement à ce que certains ont pensé, il ne se rattache pas directement à celui de la labrys ou double hache crétoise, mais que l’un et l’autre dérivent également d’un même mot fort ancien désignant la pierre (racine la, d’où laos en grec, lapis en latin), de telle sorte que, étymologiquement, le labyrinthe pourrait en somme n’être pas autre chose qu’une construction de pierre, appartenant au genre de constructions dite « cyclopéennes ».

Cependant, ce n’est là que la signification la plus extérieure de ce nom, qui, en un sens plus profond, se relie à tout l’ensemble du symbolisme de la pierre, dont nous avons eu à parler à diverses reprises, soit à propos des « bétyles », soit à propos des « pierres de foudre » (identifiées précisément à la hache de pierre ou labrys), et qui présente encore bien d’autres aspects. M. J. Smith l’a tout au moins entrevu, car il fait allusion aux hommes « nés de la pierre » (ce qui, notons-le en passant, donne l’explication du mot grec laos), dont la légende de Deucalion offre l’exemple le plus connu : ceci se rapporte à une certaine période dont une étude plus précise, si elle était possible, permettrait assurément de donner au soi-disant « âge de pierre » un tout autre sens que celui que lui attribuent les préhistoriens.
Nous sommes d’ailleurs ramené par là à la caverne, qui, en tant qu’elle est creusée dans le roc, naturellement ou artificiellement, tient aussi d’assez près au même symbolisme (10) ; mais nous devons ajouter que ce n’est pas une raison pour supposer que le labyrinthe lui-même ait dû forcément être aussi creusé dans le roc : bien qu’il ait pu en être ainsi dans certains cas, ce n’est là qu’un élément accidentel, pourrait-on dire, et qui ne saurait entrer dans sa définition même, car, quels que soient les rapports de la caverne et du labyrinthe, il importe pourtant de ne pas les confondre, surtout quand il s’agit de la caverne initiatique, que nous avons ici en vue d’une façon plus particulière.

En effet, il est bien évident que, si la caverne est le lieu où s’accomplit l’initiation même, le labyrinthe, lieu des épreuves préalables, ne peut être rien de plus que le chemin qui y conduit, en même temps que l’obstacle qui en interdit l’approche aux profanes « non qualifiés ». Nous rappellerons d’ailleurs que, à Cumes, c’est sur les portes qu’était représenté le labyrinthe, comme si, d’une certaine façon, cette figuration tenait lieu ici du labyrinthe lui-même (11) ; et l’on pourrait dire qu’Énée, pendant qu’il s’arrête à l’entrée pour la considérer, parcourt en effet le labyrinthe mentalement, sinon corporellement. D’autre part, il ne semble pas que ce mode d’accès ait toujours été exclusivement réservé à des sanctuaires établis dans des cavernes ou assimilés symboliquement à celles-ci, puisque, comme nous l’avons déjà expliqué, ce n’est pas là un trait commun à toutes les formes traditionnelles ; et la raison d’être du labyrinthe, telle qu’elle a été définie plus haut, peut convenir également bien aux abords de tout lieu d’initiation, de tout sanctuaire destiné aux « mystères » et non pas aux rites publics.
Cette réserve faite, il y a cependant une raison de penser que, à l’origine tout au moins, l’usage du labyrinthe a dû être lié plus spécialement à celui de la caverne initiatique : c’est que l’un et l’autre paraissent avoir appartenu tout d’abord aux mêmes formes traditionnelles, celles de cette époque des « hommes de pierre » à laquelle nous avons fait allusion tout à l’heure ; ils auraient donc commencé ainsi par être étroitement unis, bien qu’ils ne le soient pas demeurés invariablement dans toutes les formes ultérieures.

10 Les cavernes préhistoriques furent vraisemblablement, non des habitations comme on le croit d’ordinaire, mais les sanctuaires des « hommes de pierre », entendus au sens que nous venons d’indiquer ; c’est donc dans les formes traditionnelles de la période dont il s’agit que la caverne aurait reçu, en rapport avec une certaine « occultation » de la connaissance, le caractère de symbole des centres spirituels, et par suite de lieu d’initiation.
11 Un cas similaire, à cet égard, est celui de figures « labyrinthiques » tracées sur les murs, dans la Grèce antique, pour interdire l’accès des maisons aux influences maléfiques.


Si nous considérons le cas où le labyrinthe est en connexion avec la caverne, celle-ci, qu’il entoure de ses replis et à laquelle il aboutit finalement, occupe par là même, dans l’ensemble ainsi constitué, le point le plus intérieur et central, ce qui correspond bien à l’idée du centre spirituel, et ce qui concorde également avec le symbolisme équivalent du cœur, sur lequel nous nous proposons de revenir. Il faut encore remarquer que lorsque la même caverne est à la fois le lieu de la mort initiatique et celui de la « seconde naissance », elle doit dès lors être regardée comme donnant accès, non pas seulement aux domaines souterrains ou « infernaux », mais aussi aux domaines supra-terrestres ; ceci encore répond à la notion du point central, qui est, tant dans l’ordre macrocosmique que dans l’ordre microcosmique, celui où s’effectue la communication avec tous les états supérieurs et inférieurs ; et c’est seulement ainsi que la caverne peut être, comme nous l’avons dit, l’image complète du monde, en tant que tous ces états doivent s’y refléter également ; s’il en était autrement, l’assimilation de sa voûte au ciel serait absolument incompréhensible.
Mais, d’autre part, si c’est dans la caverne même que, entre la mort initiatique et la « seconde naissance », s’accomplit la « descente aux Enfers », on voit qu’il faudrait bien se garder de considérer celle-ci comme représentée par le parcours du labyrinthe, et alors on peut encore se demander à quoi ce dernier correspond en réalité : ce sont les « ténèbres extérieures », auxquelles nous avons déjà fait allusion, et auxquelles s’applique parfaitement l’état d’« errance », s’il est permis d’employer ce mot, dont un tel parcours est l’exacte expression.

Cette question des « ténèbres extérieures » pourrait donner lieu encore à d’autres précisions, mais ceci nous entraînerait en dehors des limites de la présent étude ; nous pensons d’ailleurs en avoir dit assez pour montrer, d’une part, l’intérêt que présentent des recherches comme celles qui sont exposées dans le livre de M. J. Knight, mais aussi d’autre part, la nécessité, pour en mettre au point les résultats et pour en saisir la véritable portée, d’une connaissance proprement « technique » de ce dont il s’agit, connaissance sans laquelle on ne parviendra jamais qu’à des reconstitutions hypothétiques et incomplètes, qui, même dans la mesure où elles ne seront pas faussées par quelque idée préconçue, demeureront aussi « mortes » que les vestiges mêmes qui en auront été le point de départ.


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Le symbolisme de la Caverne Empty Re: Le symbolisme de la Caverne

Message par Ligeia Sam 13 Fév - 11:27

Source : Symboles de la Science sacrée, chapitre XXXI.
Egalement publié dans les Études Traditionnelles, janvier 1938


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La Montagne et la Caverne


Il existe donc un rapport étroit entre la montagne et la caverne, en tant que l’une et l’autre sont prises comme symboles des centres spirituels, comme le sont d’ailleurs aussi, pour des raisons évidentes, tous les symboles « axiaux » ou « polaires » dont la montagne est précisément un des principaux. Nous rappellerons que, à cet égard, la caverne doit être regardée comme située sous la montagne ou à son intérieur, de façon à se trouver également dans l’axe, ce qui renforce encore le lien existant entre ces deux symboles, qui sont en quelque sorte complémentaires l’un de l’autre.
Il faut cependant remarquer aussi, pour les « situer » exactement l’un par rapport à l’autre, que la montagne a un caractère plus « primordial » que la caverne : cela résulte du fait qu’elle est visible à l’extérieur, qu’elle est même, pourrait-on dire, ce qu’il y a de plus visible de toutes parts, tandis que la caverne est au contraire, comme nous l’avons dit, un lieu essentiellement caché et fermé.
On peut facilement déduire de là que la représentation du centre spirituel par la montagne correspond proprement à la période originelle de l’humanité terrestre, pendant laquelle la vérité était intégralement accessible à tous (d’où le nom de Satya-Yuga, et le sommet de la montagne est alors Satya-Loka ou le « lieu de la vérité ») mais, lorsque, par suite de la marche descendante du cycle, cette même vérité ne fut plus à la portée que d’une « élite » plus ou moins restreinte (ce qui coïncide avec le début de l’initiation entendue dans son sens le plus strict) et devint cachée à la majorité des hommes, la caverne fut un symbole plus approprié pour le centre spirituel et, par suite, pour les sanctuaires initiatiques qui en sont des images.
Par un tel changement, le centre, pourrait-on dire, n’abandonna pas la montagne, mais se retira seulement de son sommet à son intérieur ; d’autre part, ce même changement est en quelque sorte un « renversement », par lequel, ainsi que nous l’avons expliqué ailleurs, le « monde céleste » (auquel se réfère l’élévation de la montagne au-dessus de la surface terrestre) est devenu en un certain sens le « monde souterrain » (bien qu’en réalité ce ne soit pas lui qui ait changé, mais les conditions du monde extérieur, et par conséquent son rapport avec celui-ci) ; et ce « renversement » se trouve figuré par les schémas respectifs de la montagne et de la caverne, qui expriment en même temps leur complémentarisme.

Comme nous l’avons dit précédemment, le schéma de la montagne, ainsi que de la pyramide et du tertre qui en sont des équivalents, est un triangle dont le sommet est dirigé vers le haut ; celui de la caverne, au contraire, est un triangle dont le sommet est dirigé vers le bas, donc qui est inversé par rapport à celui-là. Ce triangle inversé est également le schéma du cœur (1), et de la coupe qui lui est généralement assimilée dans le symbolisme, ainsi que nous l’avons montré notamment en ce qui concerne le Saint Graal (2). Ajoutons que ces derniers symboles et leurs similaires, à un point de vue plus général, se réfèrent au principe passif ou féminin de la manifestation universelle, ou à quelqu’un de ses aspects (3), tandis que ceux qui sont schématisés par le triangle droit se rapportent au principe actif ou masculin ; il s’agit donc bien là d’un véritable complémentarisme. D’autre part, si l’on dispose les deux triangles l’un au-dessous de l’autre, ce qui correspond à la situation de la caverne sous la montagne, on voit que le second peut être considéré comme le reflet du premier (fig. 12) ; et cette idée de reflet convient bien au rapport d’un symbole dérivé à un symbole primordial, suivant ce que nous avons dit tout à l’heure de la relation de la montagne et de la caverne en tant que représentations successives du centre spirituel des différentes phases du développement cyclique.

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On pourrait s’étonner que nous figurions ici le triangle inversé plus petit que le triangle droit, car, dès lors qu’il en est le reflet il semblerait qu’il doit lui être égal ; mais une telle différence dans les proportions n’est pas une chose exceptionnelle dans le symbolisme : ainsi, dans la Kabbale hébraïque, le « Macroprosope » ou « Grand Visage » a pour reflet le « Microprosope » ou « Petit Visage ».

1 On peut rapporter à cette figuration le fait que le nom arabe du cœur (qalb) signifie proprement qu’il est en position « renversée » (maqlûb) (cf. T. Burckhardt, Du Barzakh, dans les Études Traditionnelles, décembre 1937).
2 Dans l’Égypte ancienne, le vase était l’hiéroglyphe du cœur. La « coupe » du Tarot correspond aussi au « cœur » des cartes ordinaires.
3 Le triangle inversé est, dans l’Inde, un des principaux symboles de la Shakti ; il est aussi celui des Eaux primordiales.


De plus, il y a à cela, dans le cas présent, une raison plus particulière : nous avons rappelé, au sujet du rapport de la caverne et du cœur, le texte des Upanishads où il est dit que le Principe, qui réside au « centre de l’être », est « plus petit qu’un grain de riz, plus petit qu’un grain d’orge, plus petit qu’un grain de moutarde, plus petit qu’un grain de millet, plus petit que le germe qui est dans un grain de millet », mais aussi, en même temps, « plus grand que la terre, plus grand que l’atmosphère (ou le monde intermédiaire), plus grand que le ciel, plus grand que tous ces mondes ensemble (4) » ; or, dans le rapport inverse des deux symboles que nous considérons présentement, c’est la montagne qui correspond ici à l’idée de « grandeur », et la caverne (ou la cavité du cœur) à celle de « petitesse ».
L’aspect de la « grandeur » se réfère d’ailleurs à la réalité absolue, et celui de la « petitesse » aux apparences relatives à la manifestation ; il est donc parfaitement normal que le premier soit représenté ici par le symbole qui correspond à une condition « primordiale (5) », et le second par celui qui correspond à une condition ultérieure d’« obscuration » et d’« enveloppement » spirituel.

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Si l’on veut représenter la caverne comme située à l’intérieur même (ou au cœur, pourrait-on dire) de la montagne, il suffit de transporter le triangle inversé à l’intérieur du triangle droit de telle façon que leurs centres coïncident (fig. 13) ; il doit alors nécessairement être plus petit pour y être contenu tout entier, mais, à part cette différence, l’ensemble de la figure ainsi obtenue est manifestement identique au symbole du « Sceau de Salomon », où les deux triangles opposés représentent également deux principes complémentaires, dans les diverses applications dont ils sont susceptibles.
D’autre part, si l’on fait les côtés du triangle inversé égaux à la moitié de ceux du triangle droit (nous les avons faits un peu moindres pour que les deux triangles apparaissent entièrement détachés l’un de l’autre, mais, en fait, il est évident que l’entrée de la caverne doit se trouver à la surface même de la montagne, donc que le triangle qui la représente devrait réellement toucher le contour de l’autre) (6) , le petit triangle divisera la surface du grand en quatre parties égales, dont l’une sera le triangle inversé lui-même, tandis que les trois autres seront des triangles droits ; cette dernière considération, ainsi que celle de certaines relations numériques qui s’y rattachent, n’a pas, à vrai dire, de rapport direct avec notre présent sujet, mais nous aurons sans doute l’occasion de la retrouver par la suite au cours d’autres études.

4 Chhândogya Upanishad, 3ème Prapâthaka, 14ème Khanda, shruti 3.
5 On sait que Dante situe le Paradis de l’humanité terrestre au sommet d’une montagne ; cette situation est donc bien celle du centre spirituel dans l’« état primordial » de l’humanité.
6 On pourra remarquer, d’après le même schéma, que, si la montagne est remplacée par la pyramide, la chambre intérieure de celle-ci est l’équivalent exact de la caverne.



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Message par Ligeia Mar 16 Fév - 11:46

Source : Symboles de la Science sacrée, chapitre XXXI.
Egalement publié dans les Études Traditionnelles, janvier 1938


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Le Cœur et l’Œuf du Monde


Après toutes les considérations exposées précédemment sur les divers aspects du symbolisme de la caverne, il nous reste encore à traiter un autre point important : ce sont les rapports de ce même symbole avec celui de l’« Œuf du Monde » ; mais pour que ceci puisse être bien compris et rattaché plus directement à ce que nous avons dit jusqu’ici, nous devons parler tout d’abord des rapports symboliques du cœur avec l’« Œuf du Monde ». On pourrait peut-être s’en étonner à première vue et ne discerner rien d’autre qu’une certaine similitude de forme entre le cœur et l’œuf ; mais cette similitude elle-même ne peut avoir de véritable signification que s’il existe des relations plus profondes ; or, le fait que l’omphalos et le bétyle, qui sont incontestablement des symboles du centre, sont souvent de forme ovoïde, comme l’était notamment l’Omphalos de Delphes (1), montre bien qu’il doit en être ainsi et c’est là ce qu’il nous faut expliquer maintenant.

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À cet égard, ce qu’il importe de remarquer avant tout, c’est que l’« Œuf du Monde » est la figure, non pas du « cosmos » dans son état de pleine manifestation, mais de ce à partir de quoi s’effectuera son développement ; et, si ce développement est représenté comme une expansion s’accomplissant dan toutes les directions à partir de son point de départ, il est évident que ce point de départ coïncidera nécessairement avec le centre même ; ainsi, l’« Œuf du Monde » est donc bien « central » par rapport au « Cosmos » (2).

1 Nous avons examiné plus spécialement ces symboles dans Le Roi du Monde ; nous y avons signalé aussi que, dans d’autres cas, ils revêtent la forme conique, qui est en rapport direct avec le symbole de la montagne, de sorte qu’on retrouve encore ici les deux figurations complémentaires dont nous avons parlé dernièrement.
2 Le symbole du fruit a aussi, sous ce rapport, la même signification que celui de l’œuf ; nous y reviendrons sans doute dans la suite de ces études [voir Aperçus sur l’initiation, ch. XLIII] ; et nous ferons remarquer dès maintenant que ce symbole a en outre un lien évident avec celui du « jardin », donc du Paradis terrestre.


La figure biblique du Paradis terrestre, qui est aussi le « Centre du Monde », est celle d’une enceinte circulaire, qui peut être regardée comme la coupe horizontale d’une forme ovoïde aussi bien que sphérique ; ajoutons que, en fait, la différence entre ces deux formes consiste essentiellement en ce que celle de la sphère, s’étendant également en tous sens à partir de son centre, est véritablement la forme primordiale, tandis que celle de l’œuf correspond à un état déjà différencié, dérivant du précédent par une sorte de « polarisation » ou de dédoublement du centre (3) ; cette « polarisation » peut d’ailleurs être considérée comme s’effectuant dès que la sphère accomplit un mouvement de rotation autour d’un axe déterminé, puisque, à partir de ce moment, toutes les directions de l’espace ne jouent plus uniformément le même rôle ; et ceci marque précisément le passage de l’une à l’autre de ces deux phases successives du processus cosmogonique qui sont symbolisées respectivement par la sphère et par l’œuf (4).

Cela dit, il ne reste en somme qu’à montrer que ce qui est contenu dans l’« Œuf du Monde » est réellement identique à ce qui, comme nous l’avons dit précédemment, est aussi contenu symboliquement dans le cœur, et dans la caverne en tant que celle-ci en est l’équivalent.
Il s’agit ici de ce « germe » spirituel qui, dans l’ordre macrocosmique, est désigné par la tradition hindoue comme Hiranyagarbha, c’est-à-dire littéralement l’« embryon d’or (5) » ; or, ce « germe » est bien véritablement l’Avatâra primordial (6), et nous avons vu que le lieu de la naissance de l’Avatâra, aussi bien que de ce qui y correspond au point de vue microcosmique, est précisément représenté par le cœur ou la caverne.

On pourrait peut-être objecter que, dans le texte que nous avons cité alors (7) , ainsi d’ailleurs qu’en beaucoup d’autres cas, l’Avatâra est expressément désigné comme Agni, tandis qu’il est dit que c’est Brahmâ qui s’enveloppe dans l’« Œuf du Monde », appelé pour cette raison Brahmanda, pour y naître comme Hiranyagarbha ; mais, outre que les différents noms ne désignent en réalité que divers attributs divins, qui sont toujours forcément en connexion les uns avec les autres, et non point des entités séparées, il y a lieu de remarquer plus spécialement ici que, l’or étant considéré comme la « lumière minérale » et le « soleil des métaux », la désignation même de Hiranyagarbha le caractérise effectivement comme un principe de nature ignée ; et cette raison s’ajoute encore à sa position centrale pour le faire assimiler symboliquement au Soleil, qui, du reste, est également dans toutes les traditions une des figures du « Cœur du Monde ».

Pour passer de là à l’application microcosmique, il suffit de rappeler l’analogie qui existe entre le pinda, embryon subtil de l’être individuel, et le Brahmânda ou l’« Œuf du Monde (8 ) » et ce pinda, en tant que « germe » permanent et indestructible de l’être, s’identifie par ailleurs au « noyau d’immortalité », qui est appelé luz dans la tradition hébraïque (9).

3 C’est ainsi que, en géométrie plane, le centre unique du cercle, en se dédoublant, donne naissance aux deux foyers d’une ellipse ; ce même dédoublement est aussi figuré très nettement dans le symbole extrême-oriental de l’Yinyang, qui n’est pas sans rapport non plus avec celui de l’« Œuf du Monde ».
4 Signalons encore, à propos de la forme sphérique, que, dans la tradition islamique, la sphère de pure lumière primordiale est la Rûh mohammediyah, qui est aussi le « Cœur du Monde » ; et le « cosmos » tout entier est vivifié par les « pulsations » de cette sphère, qui est proprement le barzakh par excellence (voir à ce sujet l’article de T. Burckhardt dans les Études Traditionnelles, décembre 1937).
5 Voir L’Homme et son devenir selon le Vêdânta, ch. XIII.
6 À ceci se rattache également la désignation du Christ comme « germe » dans divers textes des Écritures, dont nous reparlerons peut-être en une autre occasion [voir Aperçus sur l’Initiation, ch. XLVIII, et ici même ch. LXXIII : Le grain de sénevé].
7 Katha Upanishad, 1er Vallî, shruti 14.
8 Yathâ pinda tathâ Brahmânda (voir L’Homme et son devenir selon le Vêdânta, ch. XIII et XIX).
9 Pour plus de développements, sur ce point, nous renverrons encore au Roi du Monde ; on peut noter aussi que l’assimilation de la « seconde naissance » à une « germination » du luz rappelle nettement la description taoïste du processus initiatique comme « endogénie de l’immortel ».


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Il est vrai que, en général, le luz n’est pas indiqué comme situé dans le cœur, ou que du moins ce n’est là qu’une des différentes localisations dont il est susceptible, dans sa correspondance avec l’organisme corporel, et que ce n’est pas celle qui se rapporte au cas le plus habituel ; mais elle ne s’en trouve pas moins exactement, parmi les autres, là où elle doit être d’après tout ce qui a déjà été dit, c’est-à-dire là où le luz est en relation immédiate avec la « seconde naissance ». En effet, ces localisations, qui sont aussi en rapport avec la doctrine hindoue des chakras, se réfèrent à autant de conditions de l’être humain ou de phases de son développement spirituel : à la base de la colonne vertébrale, c’est l’état de « sommeil » où se trouve le luz chez l’homme ordinaire (10) ; dans le cœur, c’est la phase initiale de sa « germination », qui est proprement la « seconde naissance » ; à l’œil frontal, c’est la perfection de l’état humain, c’est-à-dire la réintégration dans l’« état primordial » ; enfin, à la couronne de la tête, c’est le passage aux états supraindividuels ; et nous retrouverons encore la correspondance exacte de ces diverses étapes quand nous reviendrons au symbolisme de la caverne initiatique (11).

10 Le serpent enroulé autour de l’« Œuf du Monde », et figuré parfois autour de l’Omphalos et du bétyle, est, à cet égard, Kundalinî enroulée autour du « noyau d’immortalité », qui est aussi en rapport avec le symbolisme de la « pierre noire » ; à cette position « inférieure » du luz, il est fait directement allusion dans la formule hermétique : Visita inferiora terræ rectificando invenies occultum lapidem ; la « rectification » est ici le « redressement » qui marque, après la « descente », le début du mouvement ascensionnel, correspondant au réveil de Kundalinî, et le complément de la même formule désigne en outre cette « pierre cachée » comme veram medicinam, ce qui l’identifie aussi à l’amrita, nourriture ou breuvage d’immortalité.
11 Notons encore que la désignation de l’« embryon d’or » suggère un certain rapport avec le symbolisme alchimique, que confirment d’ailleurs des rapprochements tels que ceux que nous avons indiqués dans la note précédente ; et nous verrons aussi, à cet égard, que la caverne initiatique correspond d’une façon remarquable à l’athanor hermétique ; il n’y a pas lieu de s’étonner de ces similitudes, car le processus du « Grand Œuvre », entendu dans son véritable sens, n’est pas autre chose au fond que le processus même de l’initiation.



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Message par Ligeia Lun 22 Fév - 11:13

Source : Symboles de la Science sacrée, chapitre XXXI.
Egalement publié dans les Études Traditionnelles, janvier 1938


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La Caverne et l’Œuf du Monde


La caverne initiatique, avons-nous dit précédemment, est considérée comme une image du monde ; mais, d’autre part, en raison de son assimilation symbolique avec le cœur, elle en représente plus particulièrement le lieu central. Il peut sembler qu’il y ait là deux points de vue différents, mais, en réalité, ils ne se contredisent aucunement, et ce que nous avons exposé au sujet de l’« Œuf du Monde » suffit à les concilier, et même à les identifier en un certain sens : en effet, l’« Œuf du Monde » est central par rapport au « cosmos », et, en même temps, il contient en germe tout ce que celui-ci contiendra à l’état pleinement manifesté ; toutes choses se trouvent donc dans l’« Œuf du Monde », mais dans un état d’« enveloppement » qui précisément est figuré aussi, comme nous l’avons expliqué, par la situation même de la caverne, par son caractère de lieu caché et fermé. Les deux moitiés en lesquelles se divise l’« Œuf du Monde », suivant un des aspects les plus habituels de son symbolisme, deviennent respectivement le ciel et la terre ; dans la caverne également, le sol correspond à la terre et la voûte au ciel ; il n’y a donc dans tout cela rien qui ne soit parfaitement cohérent et normal.

Maintenant, il reste encore à envisager une autre question particulièrement importante au point de vue initiatique : nous avons parlé de la caverne comme lieu de la « seconde naissance » mais il y a une distinction essentielle à faire entre cette « seconde naissance » et la « troisième naissance », distinction qui correspond en somme à celle de l’initiation aux « petits mystères » et aux « grands mystères » ; si la « troisième naissance » est représentée aussi comme s’accomplissant dans la caverne, comment le symbolisme de celle-ci s’y adaptera-t-il ?

La « seconde naissance » qui est proprement ce qu’on peut appeler la « régénération psychique », s’opère dans le domaine des possibilités subtiles de l’individualité humaine ; la « troisième naissance » au contraire, s’effectuant directement dans l’ordre spirituel et non plus psychique, est l’accès au domaine des possibilités supra-individuelles. L’une est donc proprement une « naissance dans le cosmos » (à laquelle correspond, comme nous l’avons dit, dans l’ordre macrocosmique, la naissance de l’Avatâra) et, par conséquent, il est logique qu’elle soit figurée comme ayant lieu entièrement à l’intérieur de la caverne ; mais l’autre est une « naissance hors du cosmos », et à cette « sortie du cosmos », suivant l’expression d’Hermès (1), doit correspondre, pour que le symbolisme soit complet, une sortie finale de la caverne, celle-ci contenant seulement les possibilités qui sont incluses dans le « cosmos », possibilités que l’initié doit précisément dépasser dans cette nouvelle phase du développement de son être, dont la « seconde naissance » n’était en réalité que le point de départ.

Ici, certains rapports vont naturellement se trouver modifiés : la caverne redevient de nouveau un « sépulcre », non plus cette fois exclusivement en raison de sa situation « souterraine », mais parce que le « cosmos » tout entier est en quelque sorte le « sépulcre » dont l’être doit sortir maintenant ; la « troisième naissance » est nécessairement précédée de la « seconde mort », qui est, non plus la mort au monde profane, mais véritablement la « mort au cosmos » (et aussi « dans le cosmos »), et c’est pourquoi la naissance « extra-cosmique » est toujours assimilé à une « résurrection (2) ». Pour que cette « résurrection », qui est en même temps la sortie de la caverne, puisse avoir lieu, il faut que la pierre qui ferme l’ouverture du « sépulcre » (c’est-à-dire de la caverne elle-même) soit enlevée ; nous verrons par la suite comment ceci peut se traduire en certains cas dans le symbolisme rituélique.

D’autre part, quand ce qui est en dehors de la caverne représentait seulement le monde profane ou les ténèbres « extérieures », la caverne apparaissait comme le seul lieu éclairé, et d’ailleurs forcément éclairé de l’intérieur même ; aucune lumière, en effet, ne pouvait alors lui venir du dehors. Maintenant, puisqu’il faut tenir compte des possibilités « extra-cosmiques », la caverne, malgré cet éclairement, devient relativement obscure par rapport, nous ne dirons pas à ce qui est en dehors d’elle sans distinction, mais plus précisément à ce qui est au-dessus d’elle, au delà de sa voûte, car c’est bien là ce qui représente le domaine « extra-cosmique ».
On pourrait alors considérer, suivant ce nouveau point de vue, l’éclairement intérieur comme n’étant que le reflet d’une lumière qui pénètre à travers le « toit du monde », par la « porte solaire », qui est l’« œil » de la voûte cosmique ou l’ouverture supérieure de la caverne. Dans l’ordre microcosmique, cette ouverture correspond au Brahmarandhra, c’est-à-dire au point de contact de l’individualité avec le « septième rayon » du soleil spirituel (3), point dont la « localisation », suivant les correspondances organiques, se trouve à la couronne de la tête (4), et qui est aussi figuré par l’ouverture supérieure de l’athanor hermétique (5).

1 Cf. A. K. Coomaraswamy, La Vierge allaitant saint Bernard, dans les Études Traditionnelles, décembre 1937, p. 418.
2 On retrouve également l’analogue de tout ceci dans le symbolisme de la chrysalide et de sa transformation en papillon.
3 Cf. A. K. Coomaraswamy, loc. cit.
4 Voir L’Homme et son devenir selon le Vêdânta, ch. XXI.
5 La « troisième naissance » pourrait, en employant la terminologie alchimique, être regardée comme une « sublimation ».


Ajoutons, à ce propos, que l’« œuf philosophique », qui joue manifestement le rôle de l’« Œuf du Monde », est enfermé à l’intérieur de l’athanor, mais que celui-ci peut être lui-même assimilé au « cosmos », et ceci dans la double application macrocosmique et microcosmique ; la caverne pourra donc aussi être, à la fois, identifiée symboliquement à l’« œuf philosophique » et à l’athanor, selon qu’on se référera, si l’on veut, à des degrés de développement différents dans le processus initiatique, mais en tous cas sans que sa signification fondamentale en soit aucunement altérée.
On peut aussi remarquer que, avec cet éclairement par reflet, on retrouve l’image de la caverne de Platon, dans laquelle on ne voit que des ombres, grâce à une lumière qui vient du dehors (6) ; et cette lumière est bien « extra-cosmique », puisque sa source est le « Soleil intelligible ». La libération des prisonniers et leur sortie de la caverne est une « venue au jour », par laquelle ils peuvent contempler directement la réalité dont ils n’avaient perçu jusque-là qu’un simple reflet ; cette réalité, ce sont les « archétypes » éternels, les possibilités contenues dans la « permanente actualité » de l’essence immuable.

Enfin, il importe de noter que les deux « naissances » dont nous avons parlé, étant deux phases successives de l’initiation complète, sont aussi, par là même, deux étapes sur une même voie, et que cette voie est essentiellement « axiale », comme l’est également, dans son symbolisme, le « rayon solaire », auquel nous faisions allusion tout à l’heure, et qui marque la « direction » spirituelle que l’être doit suivre, en s’élevant constamment, pour parvenir finalement à son véritable centre (7). Dans les limites du microcosme, cette direction « axiale » est celle de la sushumnâ, qui s’étend jusqu’à la couronne de la tête, à partir d’où elle est prolongée « extra-individuellement », pourrait-on dire, par le « rayon solaire » lui-même, parcouru en remontant vers sa source ; c’est le long de la sushumnâ que se trouvent les chakras qui sont les centres subtils de l’individualité, et à certains desquels correspondent les différentes positions du luz ou « noyau d’immortalité » que nous avons envisagées précédemment, de telle sorte que ces positions mêmes, ou l’« éveil » successif des chakras correspondants, sont toujours assimilables également à des étapes situées sur la même voie « axiale ».
D’autre part, l’« Axe du Monde » étant naturellement identifié à la direction verticale, qui répond bien à cette idée d’une voie ascendante, l’ouverture supérieure, qui correspond microcosmiquement à la couronne de la tête comme nous l’avons dit, devra normalement, à cet égard, se situer au zénith de la caverne, c’est-à-dire au sommet même de la voûte. Cependant, la question, en fait, présente quelques complications dues à ce que deux modalités différentes de symbolisme, l’une « polaire » et l’autre « solaire », peuvent y intervenir ; c’est pourquoi il y a lieu, en ce qui concerne la sortie de la caverne, d’apporter encore d’autres précisions qui fourniront en même temps un exemple des rapports que peuvent avoir entre elles ces deux modalités, dont la prédominance respective se rapporte originairement à des périodes cycliques différentes, mais qui, par la suite, se sont souvent associées et combinées de multiples façons.

6 Cette vision obscure est la vision quasi per speculum in ænigmate dont parle saint Paul (Épître aux Corinthiens, XIII, 12) ; ce qui apparaît comme manifesté dans le « cosmos » n’est proprement qu’une ombre ou un « vestige » de la réalité transcendante, mais c’est d’ailleurs ce qui en fait la valeur comme symbole de cette réalité.
7 Cf. Eç-Çirâtul-mustaqîm dans la tradition islamique.




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Message par Ligeia Jeu 25 Fév - 9:15

Source : Symboles de la Science sacrée
Egalement publié dans les Études Traditionnelles, avril 1938


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Dernière partie consacrée au sujet :

La sortie de la Caverne


La sortie finale de la caverne initiatique, considérée comme représentant la « sortie du cosmos », semble, d’après ce que nous avons dit précédemment, devoir s’effectuer normalement par une ouverture située dans la voûte, et à son zénith même ; nous rappelons que cette porte supérieure, qui est parfois désignée traditionnellement comme le « moyeu solaire » et aussi comme l’« œil cosmique », correspond, dans l’être humain, au Brahma-randhra et à la couronne de la tête. Cependant, malgré les références au symbolisme solaire qui se rencontrent en pareil cas, on pourrait dire que cette position « axiale » et « zénithale » se rapporte plus directement, et sans doute aussi plus primitivement, à un symbolisme polaire : ce point est celui où, suivant certains rituels « opératifs », est suspendu le « fil à plomb du Grand Architecte », qui marque la direction de l’« Axe du Monde », et il est alors identifié à l’étoile polaire elle-même (1).
Il y a lieu de remarquer aussi que, pour que la sortie puisse s’effectuer ainsi, il faut qu’une pierre de la voûte soit enlevée en cet endroit même ; et cette pierre, par là même qu’elle occupe le sommet, a dans la structure architecturale un caractère spécial et même unique, car elle est naturellement une « clef de voûte » ; cette observation n’est pas sans importance, bien que ce ne soit pas ici le lieu d’y insister davantage (2).
En fait, il paraît assez rare que ce que nous venons de dire soit observé littéralement dans les rituels initiatiques, bien qu’on puisse cependant en trouver quelques exemples (3) ; cette rareté peut d’ailleurs s’expliquer, au moins en partie, par certaines difficultés d’ordre pratique, et aussi par le besoin d’éviter une confusion qui risque de se produire en pareil cas (4).
En effet, si la caverne n’a pas d’autre issue que celle-là, elle devra servir à l’entrée comme à la sortie, ce qui n’est pas conforme à son symbolisme ; logiquement, l’entrée devrait plutôt se trouver en un point opposé à celui-là, suivant l’axe, c’est-à-dire dans le sol, au centre même de la caverne, où l’on parviendrait par une voie souterraine. Seulement, d’un autre côté, un tel mode d’entrée ne conviendrait pas pour les « grands mystères », car il ne correspond proprement qu’au stade initial, qui alors est franchi depuis longtemps déjà ; il faudrait donc plutôt supposer que le récipiendaire, entré par cette voie souterraine pour recevoir l’initiation aux « petits mystères », demeure ensuite dans la caverne jusqu’au moment de sa « troisième naissance » où il en sort définitivement par l’ouverture supérieure ; cela est admissible théoriquement, mais n’est évidemment pas susceptible d’être mis en pratique d’une façon effective (5).

1 Nous rappellerons à ce propos que, suivant la tradition extrême-orientale, l’étoile polaire représente le siège de la « Grande Unité » (Tai-i) ; en même temps, si l’on doit normalement envisager l’axe en position verticale comme nous venons de le dire, elle correspond aussi au « Grand Faîte » (Tai-Ki), c’est-à-dire au sommet de la voûte céleste ou du « toit du monde ».
2 Ceci se rapporte plus spécialement au symbolisme de la maçonnerie de Royal Arch ; nous renverrons aussi, à ce sujet, à la note se trouvant à la fin de notre article sur Le Tombeau d’Hermès, dans les Études Traditionnelles, décembre 1936, p. 473 [Texte recueilli dans Formes traditionnelles et cycles cosmiques].
3 Dans les hauts grades de la maçonnerie écossaise, il en est ainsi au 13ème degré, dit de « Royale-Arche », mais qu’il ne faut pas confondre, en dépit de quelques similitudes partielles, avec ce qui, dans la maçonnerie anglaise, constitue l’Arch Masonry en tant que distinguée de la Square Masonry ; les origines « opératives » du grade écossais dont il s’agit sont d’ailleurs beaucoup moins claires ; le 14ème degré, ou « Grand Écossais de la Voûte sacrée », est également conféré « dans un lieu souterrain et voûté ». Il convient de noter, à ce propos, qu’il y a dans tous ces hauts grades beaucoup de données de provenances diverses, qui ne s’y sont pas toujours conservées intégralement ni sans confusion, si bien que, dans leur état présent, leur nature réelle est souvent assez difficile à déterminer exactement.
4 Cette confusion existe effectivement dans les grades écossais que nous venons de mentionner : la « voûte souterraine » y étant « sans portes ni fenêtres », on ne peut entrer, aussi bien que sortir, que par l’unique ouverture pratiquée au sommet de la voûte.
5 En un certain sens on peut dire que les « petits mystères » correspondent à la terre (état humain) et les « grands mystères » au ciel (états supra-individuels) ; de là aussi, dans certains cas, une correspondance symbolique établie avec les formes géométriques du carré et du cercle (ou dérivées de celles-là), que la tradition extrême-orientale, notamment, rapporte respectivement à la terre et au ciel, cette distinction se retrouve, en Occident, dans celle de la Square Masonry et de l’Arch Masonry que nous avons mentionnés tout à l’heure. [cf. La Grande Triade, ch. XV.]


Il existe en réalité une autre solution, qui implique des considérations où le symbolisme solaire prend cette fois la place prépondérante, bien que les traces du symbolisme polaire y restent encore assez nettement apparentes ; il y a là, en somme, une sorte de combinaison et presque de fusion entre ces deux modalités, ainsi que nous l’indiquions à la fin de l’étude précédente. Ce qu’il importe essentiellement de remarquer à cet égard est ceci : l’axe vertical, en tant que joignant les deux pôles, est évidemment un axe nord-sud ; dans le passage du symbolisme polaire au symbolisme solaire, cet axe devra être en quelque sorte projeté sur le plan zodiacal, mais de façon à conserver une certaine correspondance, on pourrait même dire une équivalence aussi exacte qu’il est possible, avec l’axe polaire primitif (6).
Or, dans le cycle annuel, les solstices d’hiver et d’été sont les deux points qui correspondent respectivement au nord et au sud dans l’ordre spatial, de même que les équinoxes de printemps et d’automne correspondent à l’Orient et à l’Occident ; l’axe qui remplira la condition voulue est donc celui qui joint les deux points solsticiaux ; et l’on peut dire que cet axe solsticial jouera alors le rôle d’un axe relativement vertical, ce qu’il est en effet par rapport à l’axe équinoxial (7).

Les solstices sont véritablement ce qu’on peut appeler les pôles de l’année ; et ces pôles du monde temporel, s’il est permis de s’exprimer ainsi, se substituent ici, en vertu d’une correspondance réelle et nullement arbitraire, aux pôles du monde spatial ; ils sont d’ailleurs naturellement en relation directe avec la marche du soleil, dont les pôles au sens propre et ordinaire de ce mot sont, au contraire, entièrement indépendants ; et ainsi se trouvent reliées l’une à l’autre, aussi clairement que possible, les deux modalités symboliques dont nous avons parlé.

Cela étant, la caverne « cosmique » pourra avoir deux portes « zodiacales », opposées suivant l’axe que nous venons d’envisager, donc correspondant respectivement aux deux points solsticiaux, et dont l’une servira d’entrée et l’autre de sortie ; effectivement, la notion de ces deux « portes solsticiales » se trouve de façon explicite dans la plupart des traditions, et il y est même généralement attaché une importance symbolique considérable. La porte d’entrée est parfois désignée comme la « porte des hommes », ceux-ci pouvant dans ce cas être des initiés aux « petits mystères » tout aussi bien que de simples profanes, puisqu’ils n’ont pas encore dépassé l’état humain ; et la porte de sortie est alors désignée, par opposition, comme la « porte des dieux », c’est-à-dire celle par laquelle passent seulement les êtres qui ont accès aux états supra-individuels. Il ne reste plus qu’à déterminer auquel des deux solstices correspond chacune de ces deux portes ; mais cette question, pour recevoir les développements qu’elle comporte, mérite encore d’être traitée à part.

6 C’est à ce même passage d’un symbolisme à l’autre que se rapporte le « transfert » de certaines constellations de la région polaire à la région zodiacale auquel nous avons fait allusion ailleurs (voir Le Roi du Monde, ch. X).
7 Nous n’avons pas à nous occuper ici du fait que, parmi les différentes formes traditionnelles, il en est qui donnent à l’année un point de départ solsticial, et d’autres un point de départ équinoxial ; nous dirons seulement que la prédominance ainsi attribuée aux solstices et aux équinoxes trouve encore sa raison dans la considération de différentes périodes cycliques, auxquelles ces formes traditionnelles doivent être rattachées plus particulièrement.



FIN


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