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Chronique de Tabari Tome 1

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Message par Ligeia Mar 15 Sep - 18:50

Note :
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Présentation générale :

Chronique de Tabari, histoire des prophètes et des rois (arabe : تاريخ الرسل والملوك Tarikh al-Rusul wa al-Muluk) relate l'histoire du monde depuis la création jusqu'à la naissance de Mahomet, puis l'histoire du monde musulman pendant les trois premiers siècles de l'hégire.

L’auteur, At-tabari, rapporte les évènements avec leur isnâd (chaîne de transmission) laissant aux savants postérieurs le soin de distinguer les récits authentiques des récits forgés : les faits et les légendes sont traités à égalité.

Cet ouvrage, rédigé en arabe, fut traduit en persan vers 963 (soit 40 ans après la mort de l'auteur) par le savant samanide Abou-Ali Mohammed Belami (en), fils de Muhammed, fils d'Abd-Allah, d'après les manuscrits de la Bibliothèque du Roi. C'est une version « abrégée », où les références, répétitions, et citations des sources ont été supprimées. Cette version fut par la suite traduite en turc.

Les sunnites accusent Al Bal'ami d'avoir modifié des récits à des fins de propagande chiite.
Par la suite, ce sera au tour des chiites et des historiens d'accuser avec de solides arguments Hermann Zotenberg de falsification du texte.

La première traduction française de la Chronique de Tabari fut l'œuvre de Louis Dubeux en 1836 et est parue sous le titre: Chronique d'Abou-Djafar Mohammed Tabari, fils de Djarir, fils d'Yezid, traduite sur la version persane d'Al Bal'ami. Par la suite, l'orientaliste Hermann Zotenberg en fit une version plus aboutie, laquelle parut en 1867-74 (4 vol.). Bien qu'« abrégée » elle représente environ 1 500 pages imprimées. L'ampleur déjà considérable de cet ouvrage, même abrégé, est une entrave à la traduction en français de l'origine en langue arabe.

Néanmoins en 2002 est parue une version revue de la Chronique de Tabari, toujours fondée sur la traduction de Hermann Zotenberg, mais cette fois revue sur la base de la version arabe par Mohamad Hamadé.

(source : wikipédia)


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Chronique de Tabari Tome 1  Chroni10


TABLE DES CHAPITRES DU PREMIER TOME.

Chapitres

I. Discours de Mo'hammed, fils de Djarîr, Tabari
II Autre discours sur la création et l'état de ce monde
III. Réponse aux questions précédentes
IV. Tradition du Prophète rapportée par 'Abd-allah-ben-‘Abbâs au sujet du soleil et de la lune
V. On revient à la question du jour du jugement
VI. Réponse à la question relative à la montagne de Qàf.
VII. Réponse à la question relative à Djâboulqâ et à Djâboulsâ
VIII. Réponse à la question relative à Gog et à Magog doués d’oreilles
IX. Réponse relative à l’histoire des gens de la caverne

X. Réponse à la question relative aux gens de la fosse
XI. Réponse relative à l’histoire des prophètes
XII. Réponse à la question relative à Rouh
XIII. Réponse à la question relative au fer qui est devenu mou [et à la question relative à la fontaine d’airain].
XIV. Réponse de Mahomet à la question relative à l'homme qui voulut devenir l’égal de Dieu et qui construisit un paradis.
XV. Réponse aux dix questions que Gabriel apporta cachetées à David
XVI. Réponse à cette question : Où est le tombeau de Salomon ?
XVII. Réponse à cette question : Quel fut le premier édifice bâti sur la terre?
XVIII. Réponse à cette question : Quel fut le premier homme qui commit le meurtre ?
XIX. Réponse à cette question : Quel fut le premier homme qui adora le feu ?

XX. Réponse à cette question : Quel fut le premier homme qui introduisit le culte des idoles ?
XXI. Réponse à cette question : Quel fut le premier homme qui fit du vin et qui introduisit les instruments de musique ?
XXII. Réponse à cette question : Quel fut le premier homme dont les cheveux devinrent blancs ?
XXIII. Réponse à celte question : Quel sera le premier roi qui s’emparera de tout l’univers ?
XXIV. Réponse à cette question : Qui possédait ce monde avant Adam ?
XXV. Histoire de la création d’Adam
XXVI. Dieu ordonne aux anges d’adorer Adam
XXVII. Adam sort du Paradis
XXVIII. Relation de la procession que fit Adam autour de la Maison visitée.
XXIX. Relation de la demande qu’Eblîs fit à Dieu pour obtenir la récompense qu'il avait méritée

XXX. Discours sur l’histoire de Caïn et d’Abel et des enfants d’Adam
XXXI. Relation du pèlerinage d’Adam
XXXII. Discours sur la mission prophétique d’Adam et de Seth, son fils
XXXIII. Relation de la mort d'Adam
XXXIV. Histoire de Seth, fils d'Adam
XXXV. Discours sur l’histoire du prophète Edris
XXXVI. Histoire de Kayoumorth et de son règne
XXXVII. Histoire de Houschenk et de son règne
XXXVIII. Histoire de Tahmourath et de son règne
XXXIX. Histoire du roi Djemschid

XL. Histoire de Beyourasp
XLI. Histoire du prophète Noé
XLII. Histoire du roi Dho'hâk
XLIII. Histoire du règne d'Afridoun
XLIV. Histoire du prophète Houd
XLV. Histoire du prophète Çâli’h et des hommes qui étaient avec lui
XLVI. Histoire d’Abraham
XLVII. Fuite d’Abraham, l’ami de Dieu le miséricordieux.
XLVIII. Mort de Nemrod
XLIX. Histoire d’Ismaël

L. Récit de l’expulsion d’Ismaël et d’Agar
LI. Visite d’Abraham à Ismaël
LII. Histoire du peuple de Loth et naissance d’Isaac
LIII. Récit de l’immolation d’Ismaël
LIV. Construction de la Cuaba par Abraham et par Ismaël
LV. Mort de Sara
LVI. Mort d’Abraham
LVII. [Suite.] Arrivée de l’ange de la mort auprès d’Abraham
LVIII. Abraham demande à Dieu comment il ressuscitera les morts
LIX. Relation de la mort du prophète Ismaël

LX. Histoire d'Esaü et de Jacob
LXI. Discours sur l'animosité d'Esaü contre le prophète Jacob
LXII. Histoire de Joseph
LXIII. Suite de l'histoire de Joseph
LXIV. Discours relatif au songe du roi d'Egypte et à l'explication de ce songe
LXV. Histoire des frères de Joseph ; ils arrivent auprès de celui-ci et achètent des grains
LXVI. Histoire de Job le patient
LXVII. Histoire du prophète Scho'aïb
LXVIII. Histoire du roi Minotschehr
LXIX. Minotschehr assemble l'armée et le peuple

LXX. Histoire de la naissance de Moïse, fils d’Amram.
LXXI. Fuite de Moïse au pays de Madian et son arrivée auprès de Scho'aib
LXXII. Histoire de la mission prophétique de Moïse
LXXIII. Histoire de l’arrivée de Moïse en Egypte auprès de Pharaon
LXXIV. Moïse sort d’Égypte avec les enfants d’Israël et passe la mer. Pharaon est abîmé dans les flots avec son peuple LXXV. Récit de la révélation de Dieu à Moïse sur le mont Sinaï. Le peuple adore un veau
LXXVI. Histoire de Moïse et de Khidhr
LXXVII. Histoire de Qàroun (Coré)
LXXVIII. Histoire du combat de Moïse avec les géants
LXXIX. Mort de Moïse et d’Aaron dans le désert

LXXX. Histoire du règne du prophète Josué au temps de Minotschehr. Histoire de Balaam, fils de Beor
LXXXI. Histoire de Zew, fils de Tahmasp
LXXXII. Histoire de Kaïqobâd
LXXXIII. Histoire du prophète Khazqîl (Ezéchiel)
LXXXIV. Histoire du prophète Elie
LXXXV. Histoire du prophète Elisée
LXXXVI. Histoire des rois qui régnèrent sur les enfants d'Israël
LXXXVII. Histoire de Samuel
LXXXVIII. [Suite de l’] Histoire de Samuel
LXXXIX. Histoire du roi TâIout

XC. [Suite de l’] Histoire de Tâlout et de son dessein de tuer David
XCI. Histoire du prophète David
XCII. Histoire de Loqman le Sage
XCIII. Histoire de Salomon, fils de David
XCIV. Histoire de Salomon et de Balqis
XCV. Histoire de la naissance de Balqis
XCVI. Aventure de Salomon avec les démons
XCVII. Récit de la mort de Salomon
XCVIII. Histoire de la fourmi
XCVIX. Aventure de Salomon et des chevaux

C. Histoire des rois de Perse au temps de Salomon
Cl. Histoire de Kaï-Khosrou, fils de Siâwousch
CII. Histoire du règne de Roboam et de son fils
Clll. Histoire d’Asa et de Zar'h
CIV. Histoire des rois d’Israël après Asa
CV. Histoire de Lohrasp
CVI. Histoire du roi Gonschtasp
CVII. Histoire de Bahman, fils d'Isfendiâr
CVIII. Histoire des rois de l’Yemen, depuis Kaï-Kaous, roi de Perse, jusqu'à l'époque de Bahman
CIX. Suite de l'histoire de Bahman, de sa fille Homaï et de son fils Dârà

CX. Histoire de Dârà l’Ancien
CXI. Histoire de Dârà, fils de Dârà
CXII. Histoire de Dsoul-Qarnaïn et construction du mur de Yadjoudj et Mâdjoudj
CXIII. Histoire des successeurs d'Alexandre
CXIV. Histoire des rois de Perse et des rois de provinces après Alexandre
CXV. Histoire du prophète Zacharie
CXVI. Histoire de la naissance de Marie et de sa consécration
CXVII. Histoire de la naissance de Jean, fils de Zacharie
CXVIII. Histoire de la naissance de Jésus
CXIX. Récit de la fuite de Marie avec Jésus

CXX. Récit du meurtre de Zacharie et de la fonction prophétique de Jean
CXXI. Histoire de la fonction prophétique de Jésus
CXXII. Histoire de la table
CXXIII. Histoire de la ville située au bord de la mer
CXXIV. Récit de l’ascension de Jésus au ciel
CXXV. Récit de la mort de Marie et du meurtre de Jean, fils de Zacharie


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Message par Ligeia Mer 16 Sep - 20:15

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PREMIÈRE PARTIE. CHAPITRE PREMIER.

DISCOURS DE MOHAMMED, FILS DE DJARIR, TABARI, QUI EST L’AUTEUR DE CET OUVRAGE.

Sache que voici ce que rapporte, au commencement de cet ouvrage, Mohammed, fils de Djarîr, fils de Yezîd, Tabari.

Dieu a formé les créatures sans que leur création lui fût nécessaire. Il les a créées pour les éprouver; il leur a ordonné de l’adorer, pour savoir quelles seraient celles d’entre elles qui l’adoreraient, et celles qui ne l’adoreraient point ; quelles seraient celles qui exécuteraient ses ordres, et celles qui ne les exécuteraient point. Or sa sagesse exigeait qu’il les créât, afin que leurs actions justifiassent ce qu’il connaissait par sa prescience.
Il dit dans le Coran (sur. LI, vers. 56-58) :

«Je n’ai créé les génies et les hommes que pour qu’ils me servent ; je ne leur demande pas d’aliments, et je n’exige pas qu’ils me nourrissent. Certes Dieu est celui qui nourrit les hommes : il est doué d’une force inébranlable. »

Voici le sens de ces paroles : J’ai formé ces créatures, hommes et Péris , pour qu’elles m'adorent et obéissent à mes ordres. Je ne leur demande pas la nourriture de chaque jour; c’est moi qui la leur donne. Je ne retire aucun avantage de leurs actions et de leur conduite, et elles reçoivent de moi le prix et la récompense de leurs actions. Si je ne les avais pas créées, il ne m’en reviendrait point de dommage ; maintenant que je les ai créées, si elles ne font pas ce que je leur ai prescrit, et si elles n’exécutent pas mes ordres, il ne m’en revient aucun détriment, et, si elles obéissent à mes ordres, je n’en retire aucune utilité.

Verset. « Si vous êtes ingrats, certes Dieu est riche sans vous ; mais il n’aime pas l'ingratitude de la part de ses serviteurs ; et, si vous lui rendez grâces, il se complaira en vous. » (Sur. XXXIX, vers. 9.)

Le sens de ce passage est : Si vous êtes désobéissants, si vous n’exécutez pas mes ordres, et si vous n’êtes pas reconnaissants de mes bienfaits, je n’ai pas besoin de vous, et votre conduite ne m’apporte aucun dommage. Si les serviteurs de Dieu sont ingrats à son égard, s’ils n’exécutent pas ses ordres, et s’ils ne lui rendent pas grâces pour ses bienfaits, il ne lui en revient aucun mal ; mais il n’agrée pas cette conduite. Or, si Dieu n’avait pas créé ce monde et les créatures, il n’en souffrirait aucun dommage, et sa gloire n’en éprouverait aucun détriment. Maintenant qu’il les a créés, il ne retire d’eux aucun avantage, et sa gloire n’en éprouve point d’accroissement.

Dieu créa d’abord le monde, et ensuite les créatures. Il a donné à celles-ci des yeux pour qu’elles voient ses merveilles et sa toute-puissance ; il leur a donné des oreilles pour qu’elles entendent la science et la sagesse ; il leur a donné le cœur pour quelles comprennent, et il a placé l’intelligence dans le cœur pour qu’elles distinguent la vérité d’avec le mensonge et discernent ce qui est utile de ce qui est nuisible. Il leur a donné la terre comme un tapis, pour qu’elles y établissent leur demeure. Il a étendu le ciel au-dessus d’elles, et les nuages au-dessous du ciel, afin que la pluie se répande, que les plantes sortent de la terre, que les hommes mangent, qu’ils sachent qu’ils ont un créateur, et qu’ils ne reconnaissent et n’adorent que lui.

Dieu a dit dans le Coran :  « Il a établi pour vous la terre comme un tapis et le ciel comme un toit, et il a fait descendre du ciel une eau avec laquelle il a produit des fruits qui sont une nourriture pour vous. Ne soyez pas polythéistes, car vous savez qu’il n’y a qu’un seul Dieu. » (Sur. II, vers. 20)
Et dans un autre endroit Dieu dit: « N’avons-nous pas placé la terre comme un lit ? » (Sur. LXXVIII, vers. 6.)

Dans un endroit, il appelle cette terre un tapis; dans un autre endroit, il l'appelle un lit, et dans un autre, un berceau. Pendant le jour, cette terre est comme un tapis : les hommes marchent sur elle pour aller où cela leur convient ; pendant la nuit, elle est comme un lit et un berceau sur lequel ils dorment.

Dieu a dit: J’ai créé dans le ciel le soleil et la lune, car il avait créé ce monde dans les ténèbres, et, si le soleil ou la lune n’existaient pas, il n’y aurait point de lumière dans ce monde.
Le soleil et la lune avaient tous les deux une lumière égale dans le commencement, lorsque Dieu créa ce monde ; et, si cela était resté ainsi, personne n’aurait distingué la nuit d’avec le jour, personne n’aurait su le compte des jours, des mois et des années ; les personnes qui s'acquittent des cinq prières légales n’auraient pas connu le temps de la prière.
Dieu envoya Gabriel, afin qu’il frottât de son aile la face de la lune, et que la lumière de la lune devint moindre que la lumière du soleil, que la nuit devint distincte du jour, et que les années, les mois et tous les calculs du temps devinssent manifestes : or cela est un grand bienfait.
Dieu a dit dans le Coran : « Nous avons établi lu nuit et le jour comme deux signes de notre puissance ; nous avons ensuite effacé le signe de la nuit, et nous avons rendu manifeste le signe du jour, afin que vous tâchiez, par le travail, d’obtenir l’abondance de la part de votre seigneur, et que vous connaissiez le nombre des années et le calcul des temps.
Nous avons distingué « toute chose.» (Sur. XVII, vers. 13.)
Le sens de ces paroles est : J’ai créé deux signes pour le jour et pour la nuit; le signe du jour est le soleil, et le signe de la nuit est la lune. J’ai ensuite effacé le signe de la nuit, afin que la nuit devint distincte du jour, que vous cherchiez, pendant le jour les biens de ce monde, et que vous sachiez le nombre des années. J’ai manifesté toute chose, afin que l’on n’eût point d’argument contre moi.
Dieu dit encore dans un autre passage du Coran: «Il est celui qui a établi le soleil pour jeter de la lumière, et la lune pour éclairer.» (Sur. X, vers. 5.) Il a rendu le soleil brillant ; il a fait dans le ciel des stations pour la lune, et il l’a disposée en vingt-huit stations, afin que chaque nuit elle soit dans l’une de ces stations; et, lorsqu'elle les a parcourues toutes, le cours de la lune est terminé. Il a disposé la lune en stations, afin que vous sachiez « le nombre des années et le compte du temps. » (Sur. X, vers. 5.)

On lit encore dans le Coran (ibid.) : « Dieu a créé cela avec vérité ; il manifeste les signes aux hommes qui comprennent. »  
Cela veut dire : J’ai manifesté ces signes à ceux qui savent qu’excepté moi personne n’a pu créer ces choses. J’ai ensuite créé tous ces biens et tous ces signes, et puis j’ai formé les créatures. Dieu a rappelé ces bienfaits aux créatures, et il leur a ordonné de lui rendre grâces.
Verset. «Et lorsque votre seigneur vous a avertis en disant : Certes, si vous êtes reconnaissants de mes bienfaits, je les augmenterai en votre faveur ; mais, si vous êtes ingrats, certes mon châtiment sera terrible. » (Sur. XIV, vers. 7).
Le sens de ces paroles est : Si vous me rendez grâces pour mes bienfaits, je les augmenterai en votre faveur ; si vous êtes ingrats, mon châtiment est terrible pour les ingrat ».
Dieu a augmenté les biens de ce monde en faveur de tout homme qui lui a rendu grâces ; et, lorsque cet homme a quitté la terre, Dieu l’a gratifié en outre de la possession de l'autre monde. Or les ingrats sont de deux sortes: les uns sont ceux sur lesquels Dieu répand ses bienfaits jusqu’au jour du jugement et qu’il enverra alors au supplice éternel ; les autres sont ceux auxquels il retire les biens de ce monde et qu’il enverra également au supplice éternel dans l'autre monde.

Je rapporterai dans cet ouvrage la création de l’univers, quelle fut la première chose que Dieu créa dans ce monde, et quelle fut la première créature. Je rapporterai tout ce qui est arrivé depuis Adam jusqu'au temps actuel ; je ferai connaître ces événements prophète par prophète, peuple par peuple, roi par roi. Je te ferai également connaître, dans cet ouvrage, l’époque de chaque personnage, ses mœurs et ses actions dans ce monde-ci.
Je dirai quels sont ceux des hommes qui ont rendu grâces à Dieu, et ceux qui ont été ingrats à son égard. Je rapporterai un à un les traitements que Dieu a fait éprouver à chacun d’eux, de quelle manière il a fait périr les ingrats, et quelle récompense il a donnée à ceux qui lui rendent grâces, afin que tu saches que tout ce que Dieu a fait, il l’a fait avec justice. Il a créé ce inonde et les créatures, afin que l’homme qui fait le bien fût distingué de l’homme qui fait le mal. Il donne à chacun sa rétribution, le bien à l'homme de bien, et le mal au méchant, comme il l'a dit dans le Coran:
« Afin qu’il rende à ceux qui ont fait le mal suivant qu’ils ont agi, et qu’il accorde à ceux qui ont fait le bien la plus excellente des récompenses. » (Sur. LIII, vers. 31.)


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Message par Ligeia Jeu 17 Sep - 7:42

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CHAPITRE II

AUTRE DISCOURS SUR LA CRÉATION ET L'ETAT DE CE MONDE


Sache d’abord que Dieu a fixé à sept mille ans la durée de ce monde, à dater du jour où il a été achevé, où Dieu a créé le ciel et la terre, et où il a mis en mouvement le soleil, la lune, les étoiles et la sphère céleste, jusqu'à l’époque où il rendra ce monde désert, et où le jour du jugement aura lieu.
Ce temps sera de sept mille ans. A la naissance du prophète, il s’était écoulé six mille ans moins quelque chose ; mais per- sonne ne peut savoir exactement combien d'années se sont écoulées, et combien il en reste encore ; chaque homme a une opinion différente à ce sujet.
Les Juifs disent, d’après le Pentateuque, que, à l'époque où Mahomet parut, ce monde comptait six mille deux cents et quelques années. Les Sages grecs, comme Aristote et Platon, disent que, depuis le temps où la sphère commença sa révolution jusqu’au temps où ils vivaient, il s’était écoulé cinq mille cinq cents ans ; mais personne ne sait exactement combien d’années s’étaient écoulées jusqu’à cette époque, et combien il en reste encore jusqu’à la fin du monde.

Dieu a dit : « O Mahomet ! ils le questionneront au sujet du jour du jugement, quand sera le temps exact auquel il aura lieu. Mais que sais-tu à cet égard ? C’est à ton Seigneur qu’il appartient de connaître l’époque de la lin du monde : tu n’es que celui qui avertit les hommes qui la craignent. » (Sur. LXXIX, vers. 42-45.)
Le sens de ce passage est : 0 Mahomet ! ils te questionneront sur l’époque du jour du jugement; mais que sais-tu de cela ? C’est-à-dire tu ne sais rien, et tu n’as aucune connaissance à cet égard ; car cette science appartient à Dieu. Il connaît la fin du monde ; il sait à quelle époque elle sera sur le point d’arriver, et quand aura lieu le jour du jugement.

Les Juifs se réunirent, et ils tirèrent du Pentateuque des questions pour les adresser à notre prophète, afin que, par la réponse qu'il donnerait, on vit clairement s’il était un prophète de Dieu ou non, et si ses prétentions étaient fondées sur le mensonge ou sur la vérité. L’une de ces questions était l’histoire des gens de la caverne ; une autre, l’histoire de l’archange qu’on appelle Rouh ; une autre, l’époque du jour du jugement.
Ils firent donc partir un envoyé, adressèrent une lettre à Médine, et dirent au prophète de Dieu : Fais-nous connaître la réponse à ces questions. Or ils dirent à celui qu’ils avaient envoyé : Ecris tout ce qu’il dira des gens de la caverne, afin que nous voyions s’il dit la vérité ou non ; écris également tout ce qu’il dira au sujet de l’archange Rouh.
Les envoyés allèrent à Médine. Or tu sauras que les questions qu’ils adressèrent à notre prophète étaient au nombre de vingt-huit. Cet événement eut lieu à l’époque où le prophète partit pour la Mecque et où il manifesta l’islamisme. Il dit aux infidèles Qoraïschites : Je suis l'envoyé de Dieu, et le Coran que je récite est la parole de Dieu. On n’ajouta pas foi à ses paroles ; les polythéistes de la Mecque s’élevèrent contre lui et dirent : C’est de toi-même que tu tires le Coran.
Dieu a dit : « Si vous êtes dans le doute au sujet de ce que nous avons envoyé à notre serviteur, apportez un chapitre qui soit semblable à ceux du Coran, et appelez à votre aide vos témoins autres que Dieu, si vous êtes sincères. » (Sur. II, vers. 21.)

Ensuite Abou-Djehel et Walid-ben-Moghaïra allèrent trouver les Juifs de Khaïbar, les Benou-Qoraïdha, ceux de Fadac et de Wadi’l-Qoura ; ils les réunirent et leur dirent : Vous êtes Juifs, tous avez reçu du ciel un livre, et nous n’en avons point reçu. Il faut que vous tiriez du Pentateuque les questions les plus difficiles, afin que nous les adressions à Mahomet. S’il y répond, nous saurons qu’il est un véritable prophète, et nous croirons en lui.
Les Juifs examinèrent le Pentateuque tout entier, et en tirèrent les questions les plus difficiles, au nombre de vingt-huit, et ils dirent : Adressez-lui ces questions; si sa réponse est d’accord avec ce qui se trouve dans le Pentateuque, vous saurez qu'il est un véritable prophète, et il faudra croire en lui :


  • 1 Quels sont les attributs de ce Dieu, dont il prétend être le prophète?
    2 Que fait Dieu, et à quoi est-il occupé ?
    3 fin combien’ de jours Dieu a-t-il créé ce monde, et combien de temps lui accordera-t-il jusqu’à ce qu’il le détruise et l’anéantisse ?
    4 Quand sera le jour du jugement, et combien de temps reste-t-il encore à ce monde?
    5 De quoi Dieu a-t-il créé le soleil, la lune et les étoiles ? Où les portera-t-il à la fin des temps ? Lorsque ces astres se couchent, où se couchent-ils ? Où est leur demeure, et de quelle manière se lèvent-ils ?
    6 Parmi ces étoiles, combien y en a-t-il de fixes, et combien y a-t-il de planètes ? Que font les étoiles fixes ? Dans quel ciel chaque étoile décrit-elle sa révolution ? Comment se fait leur révolution, et quelle utilité les enfants d'Adam retirent-ils des étoiles ?
    7 Comment est la montagne de Kàf, où est-elle, et pourquoi Dieu l’a-t-ii créée ?
    8 Où sont Djâboulqâ et Djàboulsâ ? que sont-ils ? Les créatures qui habitent ces pays, quelle espèce d’hommes sont-elles ? quelle religion suivent-elles ? quand paraîtront-elles ? quels sont leur forme, leur caractère, leur nourriture, et comment sont-elles ?
    9 Quels hommes sont Gog et Magog ? Où habitent-ils ? quelle religion ont-ils ? quand paraîtront-ils ? quels sont leur forme, leur caractère et leur nourriture ? Comment est le rempart que Dsou’l-Qarnaïn a élevé entre eux et les hommes ? Dsou’l-Qarnaïn lui-même, quand a-t-il existé ? Comment était-il ? à quelle époque ses actions eurent-elles lieu ?
    10 A quelle époque les gens de la caverne ont-ils existé ? Quels hommes étaient-ils ? combien étaient-ils ? dans quel temps vivaient-ils ? quelle religion suivaient-ils ?
    11 A quelle époque vivaient les gens de la fosse ? Quelle religion suivaient-ils ? dans quel temps existaient-ils ?
    12 Qui est Rouh ? comment fut-il créé ?
    13 Combien Dieu a-t-il eu de prophètes sur la terre ? et combien y a-t-il eu d'apôtres parmi eux ? Par les prières de combien de prophètes Dieu a-t-il ressuscité des morts ? et quels étaient ces prophètes? et ceux qui ont été rappelés à la vie, qui étaient-ils ?
    14 Quelle est la personne entre les mains de laquelle le fer est devenu mou comme de la pâte et de la cire , et qui le pouvait manier de telle sorte quelle en faisait tout ce quelle voulait ?
    15 Quel est l’homme auquel a appartenu une fontaine d’airain liquide et fondu, qui était semblable à une eau courante ? Avec cet airain coulant, il bâtit une ville d’airain : cette ville, où est-elle ? à qui appartient-elle ? et quelles merveilles renferme-t-elle ?
    16 Quel a été, dans ce monde, l'homme qui s’est associé à Dieu, et qui a bâti dans ce monde un paradis sans égal, et semblable au paradis terrestre créé par Dieu ? Où est ce paradis, et comment est-il ?
    17 Quelles furent les dix paroles que Dieu envoya au prophète David ? Elles étaient écrites sur un anneau, et l’anneau était placé dans un livre, et Dieu dit à David : Celui de les enfants qui donnera une réponse à ces dix paroles est un apôtre; les Devs, les Péris et tout ce qui est sur la terre sera soumis à son obéissance. Or Salomon répondit à toutes ces questions, et obtint la royauté.
    18 Où est le tombeau de Salomon, fils de David, et quel est celui d’entre les hommes qui arriva à ce tombeau après Salomon ?
    19 et 20 Quelle a été la première maison qu'il y a eu sur la terre, et quel a été le premier homme sur la terre qui a adoré les idoles ?
    21 et 22 Quel fut le premier homme qui fit du vin, qui introduisit dans le monde l’usage d’en boire, de jouer des instruments, et d’attacher des peaux sur les tambours de basque, sur les tambours et autres choses semblables ?
    23 Quel fut le premier homme dont, les cheveux et la barbe devinrent blancs ?
    24 et 25 Quel sera celui qui possédera le monde, depuis l'orient jusqu’à l’occident ? Tous les rois deviendront ses esclaves. Lorsqu’il paraîtra, quel sera son nom ?
    26 A quelle époque ont existé Hârout et Mârout ? Quelle faute commirent-ils pour que Dieu leur infligeât une punition ? En quel lieu sont-ils, et qu’apprennent d’eux les hommes ?
    27 A qui était ce monde avant Adam ?
    28 De quoi Dieu a-t-il créé Adam, pourquoi l’a-t-il créé, et de quelle manière ?


Lorsqu'ils eurent tiré du Pentateuque ces questions de la manière que nous venons de rapporter, Abou-Djehel -ben- Heschàm et WaIid-ben-Moghaïra dirent à ces Juifs : Maintenant, choisissez parmi vous cinq hommes, les plus instruits et les plus savants que vous aurez ; ils viendront avec nous, afin que, lorsque nous serons de retour à la Mecque, que nous adresserons ces questions à Mahomet, et qu'il y répondra, s’il dit quelque chose qui soit en contradiction avec le livre des savants Juifs, ces cinq hommes répondent eux-mêmes.
Les Juifs nommèrent donc cinq personnes prises parmi les lecteurs du Pentateuque; c’étaient les hommes les plus savants et les plus versés dans la connaissance de ce livre. On dit que c’étaient Malek-hen-Asch'ath , Ka'ab-ben-Hàni, Asresch-ben Sa'id, Aflah, et son fils Qouddous. Lorsque ces cinq personnes furent parties pour la Mecque avec Abou-Djehel et Walid, ces derniers rassemblèrent les habitants de la Mecque et les Qoraïschites, et allèrent auprès de Mahomet et lui adressèrent ces questions.
Le prophète ne connaissait pas les réponses; cependant il dit aux infidèles Qoraïschites : Je répondrai à vos questions. Il espérait que Gabriel viendrait pour l’instruire. Gabriel ne vint point : dix jours s’écoulèrent, et notre prophète était profondément affligé.

Les Juifs, les infidèles Qoraïschites et les habitants de la Mecque dirent : Le Dieu de Mahomet est irrité contre lui et ne l’instruit pas au sujet de ces questions; c’est de son propre fonds que Mahomet tire le Coran ; il est un insensé, et un homme qui a perdu la voie droite. Les choses restèrent ainsi pendant quinze jours. A la fin du quinzième jour, Gabriel arriva, et il apporta des versets du divin Coran qui contenaient la réponse à ces questions, telle qu’elle devait être. Gabriel fit que cette réponse devint convenable dans les discours du prophète.
Il lui apporta d’abord ce verset :
« Par le jour qui s’élève et par la nuit qui s’étend, nous ne sommes point irrités contre toi, et nous ne nous sommes point éloignés de toi.» (Sur. XCIII, vers. 1-3.) Gabriel lui apporta encore cet autre verset, et dit : Lis.
« Par l’étoile lorsqu’elle se couche, votre compagnon n’a point été dans l’erreur et il n’a point été trompé ; il ne parle pas d’après ses propres idées, mais d’après ce qui lui a été révélé. Un être fort par sa puissance l’a instruit. » (Sur. LIII, vers. 1-5.).

Gabriel dit ensuite : O Mahomet ! lis cet autre verset :
« Ne dis pas, en parlant d’une chose, certes, je ferai cela demain, sans ajouter, s’il plaît à Dieu. » (Sur. XVIII, vers. 23.)

Et il lui donna la solution des vingt-huit questions. Nous rapporterons, dans cet ouvrage, ces réponses depuis le commencement jusqu’à la fin.


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CHAPITRE III.
RÉPONSE AUX QUESTIONS PRÉCÉDENTES.

Or, quant à ce qu’ils lui demandèrent en disant : Dis- nous quels sont les attributs de Dieu et comment il est, le prophète répondit : On ne peut pas dire comment et de quelle manière il est, car on ne peut pas le comparer à une chose ou à une personne.
Ensuite Gabriel lut au prophète ce verset :
« Dis : Il est le Dieu unique, le Dieu éternel; il n’a -point engendré, il n’a point été engendré : il n’a point un -seul égal.» (Sur. CXII)
Et il ajouta : « Dis : Il n’était pas possible de décrire les attributs de Dieu, avant que Dieu les eût fait connaître lui-même. »
Quant à leur seconde question, Que fait Dieu. Gabriel lut au prophète ce verset : « Dis : Ô Dieu! maître de l’empire, tu donnes l’empire à qui tu veux, et tu ôtes l’empire à qui tu veux ; tu élèves qui lu veux, et tu abaisses qui bon te semble. Le bien est entre tes mains, car tu es puissant sur toutes choses. Tu fais entrer la nuit dans le jour, et tu fais entrer le jour dans la nuit ; tu fais sortir le vivant du mort, et tu fais sortir le mort du vivant. Tu nourris qui tu veux sans compter. » (Sur. III, vers. 25-26.)
Mahomet répondit aux Juifs : Avant que Dieu eût parlé, on ne pouvait pas dire quelles sont ses occupations.

A la troisième question qu'ils avaient adressée à Mahomet : En combien de jours Dieu a-t-il créé ce monde ? il répondit : Dieu a créé le monde en six jours, comme il l’a dit dans le Coran :

« Nous avons créé les cieux et la terre, et ce qui est entre eux, dans l’espace de six jours.» (Sur. L, vers. 37.)
Ces six jours, suivant le temps de l’autre monde, sont six mille ans suivant le temps de celui-ci, comme l’a dit Dieu : « Un jour pour ton Seigneur est comme mille ans de ceux que vous comptez. "(Sur. XXII, vers. 46.)

Or la première chose que Dieu créa fut le roseau, et tout ce qu’il voulut créer, il dit au roseau de l’écrire. Ensuite, lorsque le roseau se fut mis à écrire, Dieu créa les cieux, les terres, le soleil, la lune et les astres, et alors la sphère céleste commença à tourner. Six mille ans s’écoulèrent à cette époque. Si Dieu l’avait voulu, il aurait créé l’univers en un instant, mais il a employé à le créer un temps considérable, afin que tu saches que l’œuvre du sage doit être faite avec science, intelligence et sagesse. Notre prophète Mahomet a dit : La précipitation vient du diable, et la temporisation vient de Dieu.

Quant aux époques de la création, Dieu commença la création le dimanche, et il créa jusqu’à la dernière heure du vendredi. Le samedi il ne créa rien. Les Juifs dirent ensuite : Quel est celui de ces six jours dans lequel Dieu créa ce monde, et que créa-t-il chaque jour?
Le prophète dit : Le dimanche et le lundi, il créa la terre et tout ce qu’elle produit d’utile et de nuisible à l’homme. Le mardi, il créa les montagnes et tout ce qui est en elles d’utile et de nuisible. Le mercredi, il créa les arbres et tout ce qui est en eux de bon et de mauvais, d'utile et de nuisible, l'eau, et tout ce qui peut servir aux hommes.
Toutes les œuvres du monde furent terminées en quatre jours, comme il est dit dans le Coran : Gabriel dit au prophète :
« Dis : Ne croyez-vous pas en celui qui a créé la terre en deux jours?» (Sur. XLI, vers. 8 ) jusqu’à ce passage :
« Tel fut l'ordre du Tout-Puissant, de celui qui sait » (ibid. vers. 11).
Le prophète dit : Le jeudi, il créa les cieux avec tout ce qui est en eux. Le vendredi, il créa les astres, la lune, le soleil et les anges, depuis le commencement du jour jusqu'à la troisième heure. Les anges possédèrent ce monde la quatrième heure ainsi que la cinquième ; pendant ces deux heures, Dieu ne créa rien.
Entre la sixième heure, qui termine la première moitié de la journée, jusqu’à la dernière heure, il créa Adam. Il ordonna aux anges de l’adorer et de le placer dans le paradis. Lorsque la dernière heure du vendredi fut arrivée, Dieu fit sortir Adam du paradis, à cause du péché qu'il avait commis.

Les Juifs dirent ensuite : Nous l’avons trouvé ainsi dans le Pentateuque, et le samedi Dieu se reposa.
Le prophète dit : Vous mentez ; Dieu n'a pas besoin de se reposer. Le repos est nécessaire à celui qui a été fatigué par quelque chose. La vérité est ce que le Seigneur a dit dans ce verset : « Nous n'avons point éprouvé de fatigue. » (Sur. L, vers. 37.)


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CHAPITRE IV.
TRADITI0N DU PROPHETE RAPPORTÉE PAR ‘ A BD-ALLAH-BEN -‘ABBAS, AU SUJET DU SOLEIL ET DE LA LUNE

‘Icrima rapporte ce qui suit : Je me tenais un jour en présence d’'Abd-allah-ben-'Abbàs. Un homme entra et dit : J’ai entendu dire à Ka'ab al-Akhbâr une chose étonnante. Or ce Ka'ab al-Akhbâr avait été Juif, il était ensuite devenu Musulman à l’époque du califat d’’Omar-ben-al-Khattàb, il avait lu un grand nombre de livres anciens et d’ouvrages d’astrologie, et connaissait parfaitement le Pentateuque. ‘Abdallah-ben- 'Abbàs dit : Qu'avez-vous entendu dire à Ka'ab al-Akhbàr? racontez-le-nous. Cet homme dit : Au jour du jugement, on amènera le soleil et la lune sous la forme de deux taureaux noirs, et on les tiendra élevés au-dessus de la tète des créatures, afin que toutes les créatures puissent les voir ; on les conduira ensuite en enfer, afin qu’ils retournent au feu, car Dieu les a créés du feu.

'Abd-allah-ben-'Abbàs se mit en colère, et dit : Ka'ab al-Akbbàr a dit un mensonge, un très-grand mensonge au sujet d’un serviteur obéissant de Dieu. Or Dieu est trop grand et trop généreux pour infliger un châtiment à un être qui lui obéit. Ne voyez-vous pas qu’il dit : « Il a forcé le soleil et la lune à vous servir sans récompense en faisant leurs révolutions. (Sur. XIV, vers. 37.)
Ensuite 'Abd-allah-ben-'Abbàs dit : Voulez-vous que je vous raconte ce que j’ai entendu dire au prophète, au sujet du soleil et de la lune ? que je vous apprenne de quoi Dieu les a créés dans le principe, et ce qu’il en fera à la fin des temps ? Ils répondirent : Oui, nous le voulons bien.
'Abd-allah-ben-'Abbâs dit alors : On demanda au prophète : Ô apôtre de Dieu, fais-nous connaître les qualités du soleil et de la lune, la manière dont ils décrivent leur révolution, et ce qu’ils deviendront à la fin des temps.

L’apôtre de Dieu, prenant la parole, dit : Lorsque Dieu créa toutes choses, il créa également le soleil et la lune, et ces deux astres avaient une lumière égale. Ce que Dieu voulait dans sa prescience était que la lumière de la lune ne fût point obscurcie pendant qu’il créait ce monde entre l’orient et l’occident. La lune ne parait si petite aux yeux des hommes qu’en raison de l’éloignement et de la hauteur où elle se trouve. Dieu donna ordre ensuite à Gabriel de frotter de son aile la face de la lune, afin que son éclat disparût; et il ne resta pas de lumière en elle, comme il l’a dit : « Nous avons effacé le signe de la nuit. » (Sur. XVII, vers. 13.)

Dieu a créé pour le soleil un char; il a donné à ce char trois cent soixante anses, et il lui a préposé trois cent soixante anges, afin que chacun d’eux fût attaché à une de ces anses et tirât le char. Ce que nous venons de dire du soleil s’applique également à la lune. Dieu a créé pour ces deux astres des orients et des occidents dans le sein de la terre, et il a créé de chaque côté, à l’orient et à l’occident, des fontaines qui sortent d’un endroit plein de vase noire. Cent quatre-vingts de ces fontaines sont à l'orient et cent quatre-vingts à l’occident.
L’eau des fontaines et la vase noire bouillent comme une marmite qui est fortement en ébullition. Chaque jour le soleil se lève d’une fontaine nouvelle à l’orient. Il sort deux fois de la même fontaine dans l’espace d'une année. Chaque jour il passe à une autre fontaine, et quand il se couche, il fait la même chose à l’occident, jusqu’à ce qu’il ait parcouru toutes ces fontaines de l’orient et de l’occident.

II recommence deux fois chaque année, et, toutes les fois qu’il recommence, les jours sont plus courts et ensuite plus longs. A ses premiers levers et couchers, le jour est plus long pendant l'été; à ses seconds levers et couchers, le jour est plus court pendant l’hiver.
C’est à cela que fait allusion ce verset : «Il est le Seigneur des orients et le Seigneur des occidents.» (Sur.LV, vers. 16-17.) Toutes ces choses sont exposées dans un passage du Coran où il est dit :
« Il est le Seigneur de l’orient et de l'occident. « (Sur. XXVI, vers. 7, et LXXIII, vers. 9 .) Dieu a ainsi fait mention de toutes ces fontaines.

Dieu a créé au-dessous des cieux une mer semblable à un cheveu et fixée en l’air. Par l’ordre de Dieu, il ne tombe jamais une seule goutte de l'eau de cette mer sur la terre. Toutes les mers sont fixées à leurs places, et celle-ci est comme une flèche qui part de l’arc avec effort. On dirait d’une corde tendue entre l’orient et l’occident. Plusieurs personnes nomment cette mer le chemin des porteurs de paille; mais on ne porte point de paille dans ce lieu-làr Or sache que le soleil, la lune et ces cinq étoiles auxquelles on a donné le nom de planètes, marchent et nagent au milieu de l’eau.
Dieu a dit : «Le soleil court vers son lieu de repos; «telle est la disposition de celui qui est puissant et qui sait. «Nous avons établi des stations pour la lune, jusqu'à ce «qu’elle devienne semblable à une vieille branche de palmier. «Il n’est point convenable que le soleil atteigne la lune dans «son cours, et la nuit ne devance pas le jour. Chacun de ces «astres se meut dans son orbite.» (Sur. XXXVI, vers. 38-40.)

Or sache que la révolution de la sphère céleste vient du char qui est au milieu de cette mer. Si le soleil ne passait pas au milieu de la mer et s'il en sortait, il ne passerait sur aucune chose et sur aucune créature de celles qui paissent, qui rampent, qui volent ou qui marchent, sur aucun arbre, sur aucune pierre, et autres choses semblables qui sont sans les brûler toutes.
Si les hommes de la terre voyaient réellement le soleil et la lune hors de cette mer, tous deviendraient infidèles à Dieu à cause de la beauté de ces astres. Dieu les ayant créés beaux, il était à craindre que les hommes n'adorassent ces astres au préjudice de Dieu, excepté ceux que le Seigneur, dont la gloire est infinie, prendrait sous sa garde.

Le prince des Croyants, 'Ali, fils d’’Abou-Tàleb, dit ensuite: Ô apôtre de Dieu, quelles sont les étoiles au sujet desquelles Dieu a dit : "Je ne jure pas par les planètes ? (Sur. LXXXI, vers. 15.)
Le prophète répondit : Ô 'Alî, ce sont cinq étoiles qui marchent comme le soleil et la lune; on les nomme planètes.
Ce sont : Saturne, Jupiter, Mars, Mercure et Vénus; elles marchent dans ce ciel que nous voyons ; chacune d’elles a un char semblable au char du soleil dont nous avons précédemment donné la description.

Les autres étoiles sont suspendues comme des lampes. Elles tremblent toutes pour elles-mêmes, par la crainte de Dieu, et par la terreur du jour du jugement. Comme l’a dit Dieu :
« Au jour où aura lieu le jugement, les pécheurs jureront qu’ils n’ont demeuré qu’une heure dans leurs tombeaux. C’est ainsi qu’ils mentaient pendant leur vie. » (Sur. XXX, vers. 54-55.)
Il a dit également : «  Par le toit élevé, par la mer gonflée, certes le châtiment de ton Seigneur arrivera un jour où le ciel sera agité de côté et d’autre, et où les montagnes marcheront. » (Sur. LII, vers. 5-10.)

Or chaque jour les anges conduisent le soleil, la lune et les cinq planètes à l’une de ces fontaines; ils trainent le char à travers la mer. Lorsque Dieu veut faire voir à ses serviteurs un signe ou un miracle, il donne l'ordre à un de ce» astres de s'enfoncer un peu du milieu de son char au milieu de la nier, et de sortir du char. S’il arrivait que le soleil sortît entièrement de son char, le monde serait tout à coup dans les ténèbres, et cela ferait une éclipse totale de soleil. Sache que celte obscurité que tu vois sur la face du soleil vient de l’eau de cette mer.

Il y a au milieu de l'orient et de l’occident deux villes; on les nomme Djàboulqd et Djàboultà. Au delà de ces villes, il y a trois peuples; le nom du premier est Mensik, celui du second Tàqîl, et celui du troisième Thâres. Après eux viennent Gog et Magog.
Notre prophète a dit : Dans la nuit du mi'radj, Gog et Magog ne me répondirent pas, ils ne devinrent pas Musulmans, et ne crurent point en moi, ils iront en enfer.
Les habitants de Djâboulqâ et de Djâboulsâ donnèrent une réponse favorable ; ils crurent au prophète et devinrent Musulmans. Les trois autres peuples ne crurent pas, ne devinrent pas Musulmans et furent infidèles. Le lieu de repos du soleil est sous le trône de Dieu. Le soleil y est en adoration avec les chérubins. Lorsqu'il se couche dans une des fontaines dont nous avons parlé, les anges le tirent vers le ciel jusqu’au septième ciel et le tiennent sous le trône de Dieu, afin qu'il soit en adoration, comme nous l’avons déjà dit plus haut.
On lit dans le Coran :
« Le soleil court vers son lieu de repos : telle est la disposition de celui qui est puissant et qui sait . b (Sur. XXXVI, vers. 38.)
Dieu a créé du côté de l’orient et sous le septième ciel un voile de ténèbres, et il a préposé à ces ténèbres un ange pour chaque nuit jusqu’à l’époque où elles seront épuisées. Lorsque le soleil est sur le point de se coucher, l’ange qui est de garde enfonce la main et prend une poignée de ces ténèbres. Il ouvre la main, se tourne vers l'occident, et fait passer une partie de ces ténèbres par les interstices de ses doigts, afin qu’elles se dispersent dans le monde.
Ensuite, lorsque le crépuscule est descendu, l’ange ouvre la main pour que toutes les ténèbres en sortent. Ensuite il étend son aile ; or ses ailes s’étendent du ciel à la terre, et il chasse les ténèbres jusqu’à l’occident ; lorsqu’il est arrivé à l’occident, le point du jour reparaît. L'ange étend son aile, prend les ténèbres au milieu de son aile, les passe ensuite dans sa main et les place à l’occident, au-dessous de la septième mer. C’est du lieu dont nous avons parlé que viennent les ténèbres de la nuit. Lorsque le voile de ténèbres qui est à l’orient sera à l’occident, on sonnera de la trompette, et le jour du jugement paraîtra.

Le soleil est toute la nuit en adoration sous le trône de Dieu, et, au point du jour, Dieu lui commande de recommencer sa révolution et de se lever du côté de l’orient ; et cela sera ainsi jusqu’au temps où Dieu fermera la porte du repentir pour ses serviteurs, où il n’acceptera plus le repentir de personne, où les mauvaises actions seront mises en évidence, et où les bonnes paraîtront.
Or, une nuit où le soleil sera sous le trône de Dieu, on le retiendra, et, bien qu’il demande la permission de recommencer sa révolution, il ne l’obtiendra pas ; il en est de même de la lune. Le monde demeurera ensuite trois jours dans les ténèbres, et personne ne connaîtra la longueur de cette nuit, excepté les adorateurs et les serviteurs de Dieu et les gens pieux qui prient pendant la nuit, disent le chapelet, louent Dieu et font d’autres choses semblables qui tiennent au service et au culte de Dieu.
Lorsque trois jours complets se seront écoulés, Dieu dira au soleil et à la lune : Allez et levez-vous à l’occident. Ces deux astres auront perdu leur lumière et leur éclat, ils pleureront, et leurs pleurs seront accompagnés de gémissements, de telle sorte que toutes les créatures du ciel et de la terre les entendront pleurer.
Ensuite ces deux astres se lèveront à l’occident, privés de lumière ; ils s’avanceront jusqu’au milieu du ciel et retourneront ensuite sur leurs pas et se coucheront. La porte du repentir aura été fermée alors.

‘Ali, fils d’Abou-Tâleb, dit : Qu’est-ce que la porte du repentir, ô apôtre de Dieu ?
Le prophète répondit : Dieu a créé pour le repentir une porte avec deux battants de perles et de rubis. Le chemin qui conduit à cette porte serait de quarante ans pour un cheval qui irait très vite et que le cavalier pousserait le plus possible. Cette porte aura toujours été ouverte, et quiconque se repentira, son repentir entrera par cette porte, comme il est dit dans le Coran : « Est-ce qu’ils attendent que les anges viennent vers eux, etc. ? » (Sur. VI, vers. 159.)

'Abd-allah-ben-'Abbâs dit : Ô apôtre de Dieu, que deviendra ce monde après ce que tu viens de dire ? Que deviendront le soleil et la lune ? Le prophète répondit : Après ces choses, on rendra au soleil et à la lune leur lumière, afin qu’ils brillent de nouveau, et toutes les créatures vivront jusqu’au jour du jugement, comme il est dit dans le Coran : «Ils n’attendent qu’un bruit qui les fera mourir pendant qu’ils disputent centre eux. » (Sur. XXXVI, vers. 49.) Et dans un autre passage : «  Certes, il les atteindra tout à coup, sans qu’ils s’y attendent. » (Sur. XXIX, vers. 53.) Et encore : "Elle ne viendra que subitement, etc.» (Sur. VII, vers. 186.)

Ce temps sera tel, que, si deux personnes causent ensemble, tout à coup l’une tombera de ce côté-ci, l’autre de ce côté-là, et toutes deux mourront. Il arrivera aussi qu’une mère donnera à téter à son enfant, la mère tombera d’un côté, l’enfant de l’autre, et ils mourront. Les arbres donneront des fruits. Le soleil et la lune se lèveront et se coucheront. Enfin il arrivera qu'il ne restera sur la terre aucune créature, ni quadrupèdes, ni bipèdes, ni bêtes fauves, ni oiseaux dans l’air, ni autres.
Il ne restera en vie que Gabriel, Michel, Isrâfîl et l'ange de la mort.

Ensuite Dieu ordonnera à Gabriel et lui dira : « Descends sur la terre et remarque ce que tu y verras. » Gabriel descendra, et trouvera le monde florissant, à sa même place et en bon état ; mais il n’y verra aucune créature, ni de celles qui volent, ni de celles qui paissent, ni des reptiles, ni autres. Il y trouvera des fruits et toutes les choses que l’on peut désirer, répandus et amoncelés sur la terre en si grande quantité, qu’il est impossible d’en faire la description.
Dieu dira à Gabriel : «Qu’est-ce que tu as vu ? » Gabriel répondra : Ô Seigneur, tu es plus savant que moi, et tu sais ce que j’ai vu. Dieu dira : « Certes, c’est nous qui hériterons de la terre et de ce qui est sur elle ; quant à eux, ils reviendront à nous. (Cor. sur. XIX, vers. 41.) N’ai-je pas dit que j’ai créé tout l’univers et que l’héritage des créatures me resterait?' »
Ensuite Dieu fera mourir Gabriel, Michel, Isrâfîl, l’ange de la mort et Eblîs, et aucune créature ne restera vivante, à l’exception du Dieu très-haut dont la gloire est infinie, qui est vivant et qui ne mourra jamais. Il dira alors :
« A qui appartient l’empire aujourd’hui ? Au Dieu unique et fort. » (Cor. sur. XI, vers. 16.)

Ce monde restera ainsi pendant quarante ans ; ensuite le Seigneur rappellera Isrâfîl à la vie et lui ordonnera de sonner de la trompette ; tous les hommes ressusciteront alors et se réuniront au lieu du jugement. Dieu ordonnera que l’on amène le soleil et la lune, devenus noirs par la crainte de Dieu et par la frayeur du jour du jugement.
Arrivés en face du trône de Dieu, ils adoreront Dieu et ils diront : Ô Seigneur, tu connais notre obéissance, souviens-toi de nous à cause de la manière dont nous avons fait notre révolution pendant le temps du monde. Ne nous punis pas à cause du péché et du culte des infidèles ; tu sais que, si les créatures de Dieu ont commis le mal à cause de notre éclat, nous n'avons point partagé leur crime. Dieu dira : «Cela est ainsi ; vous dites la vérité. Je vous remettrai dans l’état où vous étiez ; je vous ai créés de la lumière de mon trône, et vous y retournerez. »
Ces deux astres retourneront ensuite à la lumière du trône de Dieu, comme il est dit dans le Coran : « Certes, Dieu est celui qui crée et qui ressuscite. » (Sur. XXIX, vers. 18.)

‘Icrima ajoute : Lorsque 'Abd-allah-ben-'Abbâs eut achevé ces paroles, j’allai avec cet homme vers Ka'ab al-Akhbâr ; Ka'ab se leva, alla vers 'Abd-allah-ben-'Abbâs, et lui dit : Je connais la tradition que vous avez rapportée, et les choses sont telles que vous les avez dites ; pour moi, je les avais arrangées d’après mes propres idées, et je m’en suis repenti devant Dieu. Cette tradition n’est point d’'Abd-allah-ben- 'Abbâs.


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Message par Ligeia Lun 21 Sep - 8:17

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CHAPITRE V.
ON REVIENT À LA QUESTION DU JOUR DU JUGEMENT

Les Juifs demandèrent à Mahomet : Quand aura lieu le jour du jugement ? Dieu lui envoya ce verset : «Ils te questionneront au sujet de l’heure du jugement, etc.» (Cor. sur. LXXIX, vers, 42-46.)
Voici le sens de ce verset : Ils te questionneront au sujet du jour du jugement ; réponds-leur : Ceci n’est connu que de Dieu seul. Lorsque le temps fixé pour cette époque arrivera, il ne se sera écoulé, selon eux, que quelques matinées ou quelques soirées.
Le Coran dit encore : « Certes, la science de l’heure appartient à Dieu, etc. » (Sur. XXXI, vers. 34.)
Voici le sens de ce verset : Il y a cinq choses qu'aucune créature ne sait et dont personne n’a la connaissance. Dieu est plus savant et plus instruit que les hommes.
La première chose, qu’aucune créature ne sait, est si l’enfant qui est dans le sein de sa mère est mâle ou femelle, et comment il est.
La seconde est de savoir quand il pleuvra.
La troisième, de connaître ce qui arrivera demain.
La quatrième, personne ne sait dans quel lieu il mourra.
La cinquième est la connaissance du jour du jugement. Et voilà tout.

Lorsqu’on adressa des questions au prophète, il répondit toujours quelques mots sur chaque chose, et il fit connaître les signes et les caractères de ces mêmes choses. Les créatures du monde savent par lui combien de temps doit s’écouler jusqu’au jour du jugement. Il ne leur reste là-dessus que ce qu’a dit le prophète. Lorsqu’on l’interrogea au sujet du jour du jugement, il sépara deux doigts et dit: Il ne reste pas plus entre vous et le jour du jugement qu’entre ces deux doigts ; et il montra l'index et le doigt du milieu.

Voici une autre histoire que l'on tient du prophète : Un jour, Gabriel vint devant moi. Je vis entre ses mains un miroir éclatant, et je vis au milieu de ce miroir un point. Je dis à Gabriel : Ô mon frère et mon ami ! qu’est-ce que ce miroir? Il me répondit: C’est le jour du vendredi. Je lui dis: Qu’est-ce que ce point? Il me répondit: C’est le jour du jugement. Je lui dis: Le jour du jugement sera donc un vendredi ? Il me répondit: Oui.
Et lorsque le vendredi arrivait, le prophète espérait que le jour du jugement aurait lieu.

Un Arabe du désert vint trouver le prophète et lui dit : Je vis en songe la nuit dernière un grand parterre, et au milieu de ce parterre était une chaire ; cette chaire avait sept marches et pas davantage, et je te vis, toi qui es prophète, sur la dernière de ces marches.
Le prophète répondit : Le parterre que tu as vu est ce monde qui aura sept mille ans d’existence ; et, si tu m’as vu sur la dernière marche, c’est que je suis venu dans le dernier millénaire de ces sept mille ans, et c’est un signe que le jour du jugement n’est pas loin. Les Juifs dirent : Nous avons vu dans le Pentateuque les mêmes choses que tu viens de dire.


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CHAPITRE VI.
RÉPONSE A LA QUESTION RELATIVE A LA MONTAGNE DE QÂF

Le prophète dit : Dieu a créé la montagne de Qâf tout autour de la terre. On la nomme le pieu de la terre, comme il est dit dans le Coran : « Les montagnes sont des pieux. » (Sur. LXXVIII, vers. 7.)
Ce monde est au milieu de la montagne de Qâf, et il y est comme le doigt est au milieu de l’anneau. Cette montagne est couleur d’émeraude et bleue. Aucun homme ne peut y arriver, parce qu'il faudrait pour cela passer quatre mois dans les ténèbres. Il n’y a dans cette montagne ni soleil, ni lune, ni étoiles, et elle est tellement bleue, que la couleur azurée que tu vois au ciel vient de l’éclat de la montagne de Qâf qui se réfléchit sur le ciel, et il parait de cette couleur. Si cela n’était pas ainsi, le ciel ne serait pas bleu.
Toutes les montagnes que tu vois dans le monde tiennent à la montagne de Qâf. Sache que, si la montagne de Qâf n’existait point, toute la terre tremblerait sans cesse, et les créatures ne pourraient point vivre sur elle.


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Message par Ligeia Lun 21 Sep - 8:55

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CHAPITRE VII.
REPONSE À LA QUESTION RELATIVE À DJÂBOULQÂ ET À DJÂBOULSÂ.


Voici ce que le prophète répondit au sujet de Djâboulqà et de Djâboulsà : Ce sont deux villes, l’une à l’orient et l’autre à l'occident; on nomme Djâboulqà celle qui est à l’orient, et Djâboulsà celle qui est à l’occident.
Ces villes sont d’émeraude, et toutes les deux tiennent à la montagne de Qâf ; elles ont chacune douze mille parasanges de long sur douze mille parasanges de large.
Le prince des Croyants, 'Ali , fils d’Abou-Tâleb, se trouvait en présence du prophète avec les Juifs qui étaient venus de Khaïbar, de Fadak, et ceux des Beni-Qoraïdha qui étaient venus avec Abou-Djehel et Walîd-ben Moghaïra, pour voir si ce que le prophète dirait serait d’accord ou non avec le Pentateuque et les traditions.

'Ali dit : Ô apôtre de Dieu, ces villes sont-elles dans le monde que nous habitons ? Le prophète répondit : Ces deux villes sont situées dans les ténèbres et contiguës à la montagne de Qâf.
'Ali demanda : Combien y a-t-il d’habitants en ce lieu-là ? Le prophète dit : Chacune de ces villes a mille forteresses, et dans chacune de ces forteresses il y a une garnison de mille hommes qui y montent la garde chaque nuit. Le tour de l’homme qui a une fois monté la garde ne revient plus que l’année suivante.
'Ali demanda : Pourquoi faut-il qu’une si grande quantité de monde soit de garde en ce lieu-là ? Le prophète répondit : C’est parce qu’il y a de ces côtés-là une grande quantité de gens qui appartiennent à ces peuples que l’on nomme Sâris et Tâqîl ; ils sont ennemis de Djâboulqà et de Djâboulsà. Ils sont incessamment, nuit et jour, en guerre avec ces deux villes et combattent contre elles ; c'est à cause de ces peuples que l’on a ces gardes et ces sentinelles.

'Ali, fils d’Abou-Tâleb , demanda : Les habitants de Djâboulqà et de Djâboulsà font-ils partie des enfants d’Adam ? Le prophète répondit : Ils ne connaissent pas même Adam.
'Ali demanda : Le diable a-t-il pénétré chez eux ? Mahomet répondit : Ils ne le connaissent pas non plus.
'Ali demanda: Le soleil et la lune brillent-ils sur eux ? Le prophète répondit : Ils ne savent même pas que Dieu a créé le soleil et la lune.
'Ali demanda : Comment donc voient-ils clair ? Mahomet répondit : La lumière leur vient de la montagne de Qâf, et leurs murailles, leurs pierres et leur poussière sont toutes comme une lumière qui brille.
'Ali demanda : ô apôtre de Dieu, que mangent-ils ? Mahomet répondit : Des herbes qui poussent de la terre.
'Ali demanda : De quoi se vêtent-ils ? Le prophète répondit : Ils n’ont pas besoin de se couvrir le corps de vêtements.
'Ali reprit: Ce sont donc des anges ? Mahomet répondit : Non, mais leur obéissance à Dieu est semblable à celle des anges.
'Ali demanda : Ont-ils des enfants ? Le prophète répondit : Ils ne désirent point d’en avoir, parce qu’ils sont tous males et qu’ils n’ont point de femelles.
'Ali demanda : Sont-ils du nombre des élus ou de celui des réprouvés ? Le prophète répondit: Ils sont du nombre des élus, parce qu’ils suivent la religion et la loi, et qu’ils professent l’islamisme. Dans la nuit du mi'ràdj, lorsque Gabriel m’eut porté au ciel, il me mena ensuite vers ces peuples. Je leur offris l’islamisme : ils crurent en moi et en Dieu ; j’établis sur eux un calife de leur propre nation et je leur enseignai l’islamisme.

Gabriel me conduisit ensuite vers Sâris et Tâqil, et vers Gog et Magog ; ils furent infidèles et n’acceptèrent pas l’islamisme.
Ensuite 'AIi demanda : Ô apôtre de Dieu, quelqu'un d’entre les hommes peut-il arriver à ce lieu-là ? Le prophète répondit : Aucun des hommes n’a la force d’aller vers ces peuples, parce qu’il faudrait marcher quatre mois dans les ténèbres. Cependant, au temps du prophète Houd, trois hommes d’entre les 'Âdites fuirent leur peuple, se firent musulmans, crurent au prophète Houd, et arrivèrent à ces villes.

Quelques personnes prétendent que Djâboulqà et Djâboulsà sont en deçà du lieu où se couche le soleil. On dit aussi que, si ce n’était le bruit et le tumulte de ces deux villes, les habitants de la terre entendraient le lever et le coucher du soleil : mais cela n’est point vrai ; et, si cela était, on aurait dans ce monde plus de renseignements sur ces deux villes qu’on n’en a effectivement, et quelques personnes les auraient visitées.
On les connaîtrait comme Gog et Magog et la muraille de Dsou’l-Qarnaïn, qui a été vue par plusieurs personnes. On dit aussi que Dsou’l-Qarnaïn resta deux mois dans les ténèbres, en voulant aller à ces deux villes ; il n’y arriva pas, parce qu’il lui aurait fallu marcher deux autres mois dans les ténèbres pour y arriver, et cela est une histoire merveilleuse.

Lorsque les Juifs de Médine entendirent ces histoires, ils dirent : Nous avons trouvé la même chose dans le Pentateuque. Ces trois hommes qui fuirent le peuple d’'Âd, arrivèrent à Djâboulqà et à Djâboulsà, et ils y demeurèrent. Tourmentés par le peuple de Fîd, ils voulurent s’enfuir ; mais ils ne le purent pas, car ce peuple avait plus de force qu’eux.


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Message par Ligeia Jeu 24 Sep - 8:11

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CHAPITRE VIII.
RÉPONSE À LA QUESTION RELATIVE À GOG ET À MAGOG DOUÉS D'OREILLES

Le peuple de Gog et Magog [descend de] deux frères dont l’un s’appelait Gog et l’autre Magog. Ils sont du nombre des enfants d’Adam. Leur taille est extrêmement petite, et chacun d’eux a deux oreilles semblables à des oreilles d'éléphant. Ils sont un peuple nombreux, et ils ravagèrent le monde. Ils habitent à l’orient, à l’endroit où le soleil se lève. Or il y a une montagne extrêmement élevée qui nous sépare d’eux. Ils venaient de l’autre côté de cette montagne vers ce côté-ci, pour exercer leurs ravages.

Ces peuples ne pourraient pas avancer davantage vers l'orient. Pour entrer dans le pays que nous habitons, ils passaient par un seul chemin, et ils ne pouvaient pas venir par un autre endroit. Ils détruisaient tout ce qu’ils trouvaient sur la terre, les plantes, l’eau, les arbres et autres choses semblables, et mangeaient tout ; et s’ils avaient remporté la victoire sur nous, ils nous auraient tués tous et nous auraient mangés.

Ces peuples ont un grand nombre de villes et d’habitations vers l’endroit où le soleil se lève. Lorsque le soleil se lève, ils descendent tous sous terre. Lorsque les hommes qui habitaient les pays auprès du Gog et de Magog entendirent parler de Dsou’l-Qarnaïn qui parcourait le monde, ils se réunirent en troupe et allèrent auprès de lui. Ils lui demandèrent du secours et lui dirent : Nous te payerons un tribut ; prends sur toi cette entreprise, et fais une muraille entre nous et Gog et Magog, afin que ces peuples ne puissent plus nous vaincre.

Dsou’l-Qarnaïn alla sur les lieux et examina les choses. Il demanda ensuite aux habitants de ces contrées du fer et de l’airain fondu, et il éleva une muraille extrêmement forte, afin que ces peuples fussent délivrés de Gog et de Magog.
L’histoire de Gog et de Magog est longue, avec les versets du Coran, et elle sera rapportée en entier dans cet ouvrage, en son lieu.


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CHAPITRE IX.
RÉPONSE RELATIVE À L'HISTOIRE DES GENS DE LA CAVERNE.

L’aventure des gens de la caverne eut lieu du temps d'un roi que l’on nommait Decianus (Dèce), et dans une ville que l’on nommait Ephèse. Cet événement se passa avant Jésus, fils de Marie. Tous les habitants d'Ephèse étaient infidèles ; ensuite sept d’entre les favoris du roi Dèce devinrent croyants en secret. Ils s’enfuirent et se retirèrent dans une caverne.
Dieu ferma cette caverne, et ils y restèrent morts pendant trois cents et quelques années. Dieu les rendit ensuite à la vie. Ce fut sous le règne du roi Dèce qu’ils étaient entrés dans cette caverne, et ils ressuscitèrent du temps de Jésus, fils de Marie. Ils suivirent la religion de Jésus.

Cette histoire est longue; elle se trouve dans le chapitre du Coran qui porte le nom de Chapitre de la caverne. Il y est également question de Dsou’l-Qarnaïn dans ce verset : « Ils dirent : Ô Dsou’l-Qarnaïn, Gog et Magog exercent leurs ravages sur la terre : veux-tu que nous te payions un tribut à condition que tu élèveras une muraille entre eux et nous ? » (Sur. XVIII, vers. 93.)

Cette histoire a été racontée en son lieu et place ; elle forme encore dans cet ouvrage une histoire séparée que l'on trouvera également à sa place.


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CHAPITRE X.
RÉPONSE À LA QUESTION RELATIVE AUX GENS DE LA FOSSE.

Ces gens de la fosse étaient les habitants de Nadjeràn. Or Nadjeràn était une ville dont les habitants avaient cru à Moïse. Il y avait dans cette contrée un roi nommé Yousouf, et surnommé Dsou-nowâs.
C’était un géant qui avait de nombreux sujets.
Or Jésus, fils de Marie, était venu au monde, et Dieu l'avait enlevé au ciel. Quelques-uns des apôtres qui avaient été avec Jésus arrivèrent à cette ville de Nadjeràn, manifestèrent la religion de Jésus, et dirent aux habitants : La religion de Moïse a été abrogée ; un autre prophète est venu : son nom est Jésus ; maintenant il vous faut croire à Jésus, et abandonner la religion et la loi de Moïse : et ils leur firent connaître les œuvres merveilleuses de Jésus.

Ces habitants de Nadjeràn devinrent croyants et adoptèrent la religion de Jésus. Deux ou trois des courtisans intimes de Dsou-nowâs se trouvaient à Nadjeràn. Les habitants de cette ville les prirent et leur dirent : Entrer dans notre religion, ou bien nous vous tuerons. Les courtisans ne le voulurent point, elles habitants de Nadjeràn les tuèrent. Cette nouvelle parvint au roi ; il se mit en marche avec cinquante mille hommes, et arriva à Nadjeràn. On creusa des fossés autour de cette ville, et on y jeta du feu. Le roi prit ensuite les habitants de Nadjeràn, les amena sur le bord de ces fossés, et dit : Abandonnez la religion de Jésus, ou nous vous jetterons dans le feu, comme il est dit dans le Coran : « Les gens de la fosse, du feu doué de manière ignée, ont été tués. » (Sur. LXXXV, vers. 4.)

Cette histoire est longue ; elle sera également rapportée dans cet ouvrage.


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Message par Ligeia Sam 26 Sep - 11:26

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CHAPITRE XI.
RÉPONSE RELATIVE À L’HISTOIRE DES PROPHÈTES

Quant à celle question : « Combien Dieu a-t-il eu de prophètes sur la terre? combien d’entre eux ont eu le caractère d’apôtre? par les prières de combien de prophètes des morts ont-ils été rappelés à la vie, et quelles furent les personnes qui ressuscitèrent de la sorte ?

Le prophète répondit : Dieu a eu cent vingt-quatre mille prophètes, et trois cent treize d’entre eux ont été apôtres, ont vu Gabriel, et ont reçu de lui les révélations de Dieu.
Le premier de ces apôtres a été Adam, et le dernier, Mahomet.
Parmi ces prophètes, il y en eut quatre qui s’exprimèrent en langue syriaque : Adam, Seth, fils d’Adam, Noé, et Idrîs.
Il y eut quatre prophètes d’entre les Arabes, qui s’exprimèrent en arabe ; ce furent : Houd, Çâlih , Scho'aïb et Mahomet.
Quant à ceux par les prières desquels des morts revinrent à la vie, l’un d’eux fut Moïse, et le premier mort qu’il rappela à la vie fut cet homme que l’on trouva mort au milieu des enfants d’Israël ; et personne ne savait qui l’avait tué. Moïse dit : Dieu vous ordonne de tuer un taureau, et de toucher avec sa queue le cadavre de cet homme jusqu'à ce qu’il parle. Car cette action fut pénible aux enfants d’Israël, et la vie leur devint à charge.
Ensuite Moïse pria, et on toucha le mort avec la queue du taureau. Ce mort parla et dit : C’est un tel qui m’a tué.
Moïse prit ce meurtrier, et lui fit souffrir la peine du talion. Les enfants d’Israël furent ainsi délivrés des peines et des querelles que ce meurtre avait causées.

Ce récit est long; il sera rapporté en son entier avec l'histoire de Moïse.

Il y eut encore soixante et dix personnes qui revinrent à la vie par les prières de Moïse. Ce furent ces hommes qui étaient partis avec Moïse pour comparaître devant Dieu. Lorsque Moïse conversa avec Dieu, comme il est dit dans le Coran : « Dieu a parlé à Moïse » (Sur. IV, vers. 162), un nuage blanc descendit et se tint alentour de Moïse, et Dieu lui envoya le Pentateuque sur des tables. Or ces soixante et dix hommes dirent : Nous voulons voir Dieu. Au même instant la foudre descendit du ciel cl tomba sur eux. Ils furent tous entièrement brûlés, comme il est dit dans le Coran : « Lorsque vous dites : Ô Moïse, nous ne croirons point en toi jusqu’à ce que tu nous montres Dieu d’une manière évidente, la foudre tomba sur vous, et vous voyiez. » (Sur. II, vers. 52.)

Moïse regarda ces soixante et dix hommes : ils étaient tous morts. Il s’écria : "Ô Seigneur, si tu l’avais voulu, tu aurais pu les faire périr auparavant." (Sur. VII, vers. 154.)
Or Moïse savait, et il pensait que Dieu les avait fait périr parce que leur peuple avait adoré le veau. C’est pour cette raison qu’il s’écria : Ô Seigneur, si tu avais voulu les faire périr, tu aurais pu le faire auparavant et m'envelopper dans le même châtiment. Si le peuple a adoré le veau d'or, la faute en est-elle à ces hommes ? Ô Seigneur, rends-les à la vie.
Dieu exauça la prière de Moïse, et il ressuscita ces soixante et dix hommes, comme il est dit dans le Coran : "Nous vous avons ensuite ressuscités, afin que vous rendissiez grâces." (Sur. II, vers. 53.)
Cet événement eut lieu du temps de Moïse.

La même chose eut encore lieu du temps de Jésus, fils de Marie. Des hommes morts revinrent à la vie par ses prières. Le premier homme qui ressuscita par les prières de Jésus fut Sem, fils de Noé.
Voici quelle fut la cause de cet événement.
Lorsque Jésus dit, « Je suis prophète de Dieu, » on lui demanda des miracles qui confirmassent sa mission. Jésus ré- pondit : Certes, je suis venu vers vous avec un signe de la part de votre Seigneur. Je ressusciterai les morts, je rendrai la vue aux aveugles de naissance, et je les rétablirai dans leur état naturel. Je guérirai aussi une lèpre contractée dès le ventre de la mère. (Sur. III, vers. 48.)
Effectivement Jésus ressuscita les morts, et il fit avec de la terre une chose qui avait la forme d’un oiseau, ensuite il souffla sur cet oiseau. Jésus avait dit : Je ferai de telle et telle manière. Or les hommes dirent : Venez, afin que nous éprouvions ses paroles; et ils dirent à Jésus : Donne une âme à cet oiseau. Jésus prit un peu de terre, et il en fit une figure d’oiseau; ensuite il pria Dieu. Dieu exauça sa prière; il envoya une âme à cet oiseau, lequel, par l'ordre de Dieu, devint un oiseau qui volait. On rapporte que cet oiseau était le même qui vole pendant la nuit, et auquel on a donné le nom de chauve-souris.
Lorsque les hommes virent cela, ils s’écrièrent : Celui-ci est un magicien. Jésus leur répondit : Si vous le voulez, je prierai et rappellerai à la vie un homme mort depuis longtemps. Ces hommes tombèrent tous d’accord, et dirent : Il faut que nous cherchions un homme mort depuis longues années, afin que, si Jésus peut le ressusciter, nous sachions qu’il est prophète de Dieu et qu’il est véridique. Or il n’v a aucun homme mort depuis plus longtemps que Sem, fils de Noé ; c’est celui-là qu’il doit ressusciter. Ensuite ils firent part à Jésus de ce qu’ils avaient décidé.
Jésus demanda: En quel lieu est le tombeau de Sem, fils de Noé ? On lui répondit : Dans tel endroit. Jésus forma une réunion d’un grand nombre de personnes, et fixa le temps où il ferait le miracle, afin que tous les hommes se trouvassent dans le lieu convenu. Une foule nombreuse se mit en route et se réunit au tombeau de Sem.

Jésus s’avança ensuite avec majesté, et pria. Dieu exauça sa prière. Jésus poussa un grand cri et dit : Ô Sem, fils de Noé, lève-toi par la volonté de Dieu.
Au même instant le tombeau s'entrouvrit, et Sem leva la tète hors du tombeau. Les cheveux et la barbe de Sem étaient devenus blancs comme du coton. Lorsque Jésus prononça ces paroles, « Ô Sem, fils de Noé » Sem répondit : Que me veux-tu, ô esprit de Dieu ? Jésus lui demanda : Qui es-tu ? Il répondit : Je suis Sem, fils de Noé.
Jésus ajouta : Et moi, qui suis-je ? Sem répondit: Tu es un prophète de Dieu.
Jésus lui dit : Ô Sem, pourquoi tes cheveux sont-ils blancs, tandis qu’à l'époque où tu mourus il n’y avait ni cheveux ni barbe blancs, ni parmi les Péris, ni parmi les hommes, et que la blancheur des cheveux et de la barbe ne s’est manifestée que du temps d’Abraham ?
Sem répondit : Ô esprit de Dieu, la chose est comme tu l’as dit ; ô prophète de Dieu, j’avais les cheveux et la barbe noirs ; mais, lorsque tu m'appelas, j’ai pensé que le jour du jugement était arrivé, parce qu’on me réveillait ; et, par un effet de crainte et de terreur du jour du jugement, mes cheveux sont devenus blancs comme tu le vois.

Ensuite Jésus dit à Sem : Veux-tu que je demande à Dieu qu’il t’accorde une nouvelle vie, que le nombre de tes jours s’accomplisse une seconde fois, et que tu habites encore ce monde ? Sem répondit : Ô esprit de Dieu , comme il me faudrait encore éprouver l’amertume de la perte de la vie, j’aime mieux que tu pries Dieu pour que je reprenne la place que j’ai occupée jusqu'à présent. Je ne pourrais pas supporter une seconde fois l’amertume de la perte de la vie, car cette perte est fort douloureuse.
Jésus pria, Sem redescendit dans son tombeau, et le tombeau reprit l’état dans lequel il était auparavant, de manière que l’on aurait assuré que rien n’en était sorti.
Tout le peuple qui était présent vit ce miracle, et un grand nombre de personnes crurent eu Jésus.

D’autres hommes ressuscitèrent du temps de Daniel, et par ses prières. C’étaient ces hommes au sujet desquels Dieu a dit : « N’as-tu pas regardé ceux qui sont sortis de leurs demeures, au nombre de plusieurs milliers, dans la crainte de la mort, etc.? » (Sur. II, vers, 24.)
La cause de cet événement fut que la mort dévasta leur ville, parce qu’une épidémie s’y était déclarée. Un grand nombre de personnes moururent de celte maladie. Le peuple qui habitait cette ville dit alors : Il nous faut fuir celte maladie contagieuse et partir de cette ville. Ils étaient plusieurs milliers d’hommes.
Enfin, lorsqu’ils furent partis de la ville et qu’ils eurent fait une parasange, la mort les frappa, et toute cette multitude mourut à la même place.
Des hommes venus d'autres pays voulurent mettre ces morts dans le tombeau ; ils ne purent pas le faire, à cause du grand nombre des cadavres. Ces hommes travaillèrent en joignant leurs forces, et élevèrent une muraille autour des cadavres. Les années s'écoulèrent, la chaleur du soleil et le froid frappèrent ces corps morts, et tous devinrent poussière.
Mille ans après cela, Dieu envoya le prophète Daniel. Lorsque Daniel arriva à la muraille dont nous avons parlé, il fut étonné de toute cette histoire, et il pria Dieu. Dieu exauça sa prière, et ressuscita tous ces hommes, qui vécurent de nouveau dans ce monde.

Leur postérité devint nombreuse, et ils virent les enfants de leurs enfants jusqu’au temps où le terme de leur vie fut accompli, et où ils moururent de nouveau. Aujourd’hui les corps de toutes les personnes qui descendent de ce peuple-là exhalent une odeur de cadavre. On peut reconnaître, dans ceux qui sont doués de cette odeur, les enfants de ces hommes qui furent rappelés à la vie par les prières de Daniel.


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Message par Ligeia Lun 28 Sep - 14:39

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CHAPITRE XII.
RÉPONSE A LA QUESTION RELATIVE À ROUH

Le prophète parla encore sur ce sujet, parce que l’ange Gabriel lui apporta un verset dans lequel il lui disait : Ô Mahomet, réponds-leur et dis-leur : « Ils te questionneront au sujet de Rouh ; dis : Rouh est du nombre des choses de mon seigneur, etc.» (Sur. XVII, vers. 87.)
Cela signifie : Ils te questionneront au sujet de Rouh ; réponds-leur : Rouh n’est point du nombre des choses qui me concernent ; il est du nombre des choses qui concernent Dieu , et, jusqu’à présent, Dieu ne m’a rien fait connaître à ce sujet.


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CHAPITRE XIII.
RÉPONSE À LA QUESTION RELATIVE AU FER QUI EST DEVENU MOU [ET À LA QUESTION RELATIVE À LA FONTAINE D’AIRAIN).

Sache que le fer devint mou comme de la cire entre les mains de David, de sorte qu'il en fit tout ce qu'il voulut sans le rougir au feu. La cotte de mailles qui se trouve actuellement dans le monde, et qui n'a point de défaut, est nommée cotte de mailles de David, parce qu'il est dit dans le Coran : « Et nous lui avons amolli le fer, etc. (Sur. XXXIV, vers. 10.) Or toute espèce d’armure qui est parfaite, qui n’a ni attaches ni défaut, se nomme en arabe sâbigh.

Quant à l'airain fondu et coulant, on le nomme en arabe ‘ai'n oul-qitr. Dieu n'a donné cette fontaine d'airain coulant qu'à Salomon. On lit dans le Coran : « Nous avons fait couler pour lui une fontaine d'airain, etc. » (Sur. XXXIV, vers. 11.) Salomon réunit les Péris et les Devs, ainsi que les hommes, et il leur demanda de lui construire avec cet airain coulant un monument qui subsistât jusqu'au jour du jugement. Ils délibérèrent tous ensemble, et furent tous du même avis; ils dirent à Salomon : Il faut qu'avec cet airain coulant nous te bâtissions une grande ville ; elle aura douze milles de long sur douze milles de large. Il faudra transporter cet airain dans l'endroit qui aura été choisi, dans un lieu où les hommes ne passent pas ; car autrement ils useraient de ruse et ils détruiraient l'édifice. Il faudra faire de cette ville le dépôt de tous les trésors et de tous les livres que tu as en ton pouvoir.

     Or on a dit qu'il existe une ville nommée Andalous, et cette ville d'Andalous est au delà d'un désert, dont aucune créature ne connaît ni le commencement ni la fin. Les hommes n'y passent point, et aucune créature n'arrive jusqu'à cet endroit. Salomon ordonna aux Devs de transporter la fontaine d'airain coulant à vingt journées de chemin au-delà d'Andalous. Ils bâtirent dans ce lieu-là une ville comme nous l'avons déjà dit. C'était une grande ville. Les Devs y firent une porte sous terre, et ils fabriquèrent un talisman, afin que personne ne trouvât le chemin de ce lieu-là. Aucun d'entre les hommes n'a pu aller jusqu'à cet endroit, parce que, dans ce désert, il n'y a ni nourriture, ni boisson, ni eau, ni herbe, et que personne ne savait où était située cette ville. Personne n'eut le désir d'y aller jusqu'au temps d’’Abd-al-Mélik-ben-Merwân. On raconta un jour devant lui l'histoire de cette ville d'airain. Mousa-ben-Noçaïr était le lieutenant d"Abd-al-Mélik dans le Magreb, et tout le pays d'Andalous se trouvait sous son pouvoir. 'Abd-al-Mélik lui envoya une lettre dont voici le contenu :

Au nom du Dieu Clément et Miséricordieux!
J'ai appris que dans un certain désert d'Andalous il y a une ville d'airain qui a dix milles de longueur et autant de largeur, et dans laquelle se trouvent les trésors et les livres de Salomon (que la paix soit sur lui). Lorsque cette lettre te sera parvenue, ne la quitte pas des mains avant d'être parti avec ton armée pour cette ville située dans ce désert, toi, et tous les princes et les soldats qui se trouvent avec toi.

Lorsque cette lettre parvint à Mousa, lieutenant d’Abd-al-Mélik, il réunit aussitôt son armée dans la ville nommée Kaïrouwan, et située dans le Magreb. Il montra à ses soldats la lettre d’Abd-al-Mélik , qui portait un sceau d'or, et il leur dit : Qui d'entre vous peut prendre pour quarante jours de vivres, d'eau et de fourrage pour les bêtes de somme, afin de marcher avec moi ?
Il choisit ensuite mille hommes des plus braves et des plus courageux, et leur dit : Il faut vous préparer à venir avec moi. Ces gens acceptèrent la proposition de Mousa et partirent avec lui.

Mousa-ben-Noçaïr et ses mille cavaliers marchèrent pendant quarante jours jusqu'à ce qu'ils fussent arrivés près de la ville. Lorsqu'il ne leur restait plus qu'un espace de cinq milles pour y parvenir, ils virent de loin une chose telle qu'ils n'avaient jamais rien vu de si étrange et de si effrayant.
Cette chose jetait pendant une nuit obscure un éclat semblable à celui du soleil, de la lune et des étoiles. Les soldats de Mousa, pleins de crainte, s'avancèrent jusqu'à ce qu'ils fussent arrivés près de cette ville. Ils en firent le tour et ne trouvèrent nulle part un endroit pour y entrer. Les murailles étaient d'une hauteur telle, qu'aucune créature ne pouvait y monter. Mousa et son armée, saisis d'étonnement, restèrent dans ce lieu sans savoir que faire, et, bien qu'ils se missent à réfléchir et à délibérer, cela ne leur servit à rien, et ils ne trouvèrent aucun expédient.

Alors Mousa dit à son armée : Quelle ruse emploierons-nous pour conduire à bien notre entreprise? Un héraut prononça ces paroles : Celui d'entre vous qui pourra monter sur cette muraille ou en atteindre les créneaux, et rapporter des nouvelles de cette ville, recevra de moi cent mille dirhems pris sur mes propres richesses.
Un homme accepta cette proposition et dit à Mousa : Je monterai et je te rapporterai des nouvelles. Les soldats formèrent un monceau des bâts des chameaux et des selles des chevaux, en les plaçant les uns sur les autres. Ils apportèrent du bois du désert, et ils le placèrent sous les selles et sous les bâts. Ils apportèrent aussi des cordes, lièrent le tout ensemble et usèrent d'adresse pour lancer le bout d'une corde sur les créneaux. Ils dirent ensuite à cet homme la formule Bismillah, en ajoutant : Maintenant c'est ton affaire, monte. Cet homme usa d'adresse et monta. Lorsqu'il eut atteint l'extrémité des créneaux, il fit un visage riant à ses compagnons, se mit à rire aux éclats, se précipita de l'autre côté des murailles et disparut. Personne de tous ceux qui étaient présents n'entendit plus parler de lui.

On offrit encore cent mille dirhems à un autre homme pour qu'il montât. Lorsque cet homme eut atteint l'extrémité des créneaux, il fit la même chose que le premier. On offrit encore cent mille dirhems à trois autres hommes ; il y en eut un qui accepta cette somme, et dit : Attachez-moi une corde au pied. Ils attachèrent une corde au pied de cet homme et ils dirent : Lorsqu'il voudra passer de l'autre côté, nous tirerons la corde afin qu'il tombe de ce côté-ci. Lorsque cet homme eut atteint l'extrémité des créneaux, et qu'il voulut descendre de l'autre côté, Mousa et ses compagnons tirèrent la corde, afin que l'homme tombât de leur côté. La corde cassa de la même manière qu'une chose que l'on coupe violemment avec un couteau. L'homme tomba de l'autre côté des créneaux, rit aux éclats comme les autres et disparut.
Lorsque ces trois hommes se furent perdus de la sorte par l'ambition de posséder cent mille dinars (sic), personne ne voulut monter. Mousa, lieutenant d"Abd-al-Mélik, fils de Merwân, demeura stupéfait, ainsi que les soldats qui étaient avec lui. Personne ne put lui suggérer ni un conseil, ni une ruse. Mousa se décida en conséquence à revenir sur ses pas, et il dit à ses compagnons: Tournez du moins tout autour de cette ville, pour voir si vous ne découvrirez point quelque chose d'extraordinaire.

Ils ne découvrirent rien, excepté les vers suivants gravés en creux sur la muraille :

Ô vous qui placez votre confiance dans votre force et dans la longueur de votre existence, sachez que personne ne reste toujours dans le monde. Si les grandes richesses, les armées nombreuses, la science et la force faisaient rester quelqu'un dans le monde, Salomon, fils de David, ne serait jamais mort. Sachez que je suis Salomon, fils de David ; je demandai à Dieu une fontaine d'airain coulant, et Dieu me la donna. J'ai fait construire ce château, dans ce lieu, par les Deys et les Génies. J'ai fait faire en airain les briques qui ont servi à sa construction. J'ai fait couler au milieu de ce château cet airain coulant, et j'ai fait apporter ici les pierres précieuses et les trésors de la terre. J'ai fait construire ce château de manière qu'il pût subsister jusqu'à l'époque où arrivera le jour du jugement; mais ceux qui l'ont bâti sont tous devenus poussière sous la terre. Ô vous qui, avec le temps, viendrez dans ce lieu, et qui verrez ici ce château, sachez que l'empire du monde ne demeure à personne. L'empire est à Dieu; c'est à lui qu'il appartient de donner et de prendre. Profitez de cet exemple, et conformez-y vos actions.


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Message par Ligeia Jeu 1 Oct - 10:35


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CHAPITRE XIV.
RÉPONSE DE MAHOMET À LA QUESTION RELATIVE A L'HOMME QUI VOULUT DEVENIR L’ÉGAL DE DIEU, ET QUI CONSTRUISIT UN PARADIS.

Sache que cet homme fut Scheddâd, fils d’’Âd, qui possédait tout l’univers, de l’orient à l’occident. Tous les rois lui étaient soumis. Or il voulut devenir l’égal de Dieu, et il construisit un paradis à l’instar du paradis véritable.

Voici la réponse que fit à cette question le prophète : Le nom de ce roi était Scheddâd, fils d’‘Âd, fils d’Amalec, comme il est dit dans le Coran : « N’as-tu pas vu comment ton Seigneur a agi envers les Adites, habitants d'Irem, orné de colonnes telles qu’on n’en a point fait de semblables sur la terre? » (Sur. XXXIX, vers. 5-7.)

Ce Scheddâd faisait partie du peuple d’’Âd ; mais aucun des Adites ne l’égalait en force et en stature. Personne n’aurait pu élever des édifices semblables à ceux qu’ils construisaient. Or ce Scheddâd devint infidèle, et introduisit l’impiété parmi les hommes, et il dit : Je ne connais point Dieu.

Dieu envoya vers Scheddâd le prophète Houd. Houd l’appela à Dieu, et lui dit : Crois en Dieu, afin qu’il te place dans le paradis. Scheddâd lui demanda : Qu’est-ce que le paradis ? Houd lui en fit la description.
Alors Scheddâd dit à Houd : Si ton Dieu se glorifie d’un tel paradis, moi j’en ferai un sur la terre qui sera beaucoup plus beau et plus excellent. Il ajouta : J’ai un lieutenant, et je le ferai venir pour qu’il fasse la guerre à ton Dieu.

Ce Scheddâd, fils d"Ad , fils d’Amalec, avait près de lui un géant de la plus haute stature. Dieu n’en avait point créé de plus grand que lui sur la terre. Il s’appelait Og. Cet Og n’était point du nombre des enfants d”Âd, qu’il surpassait de beaucoup par sa taille. Il était du nombre des enfants d’Adam. Cependant Dieu l’avait créé tel que sa tête touchait les nuages, et il était si long qu’il baissait la main, tirait un poisson de la mer et l’élevait vers le disque du soleil jusqu'à ce qu’il fût rôti, et le mangeait ensuite.
On rapporte dans l’Histoire des expéditions du prophète qu’à l’époque du déluge de Noé, lorsque l’eau couvrit tout l’univers, et qu’elle s’éleva de quarante coudées au-dessus des montagnes les plus grandes et les plus hautes du monde, elle n’allait qu’au genou d’Og. Or sache que la vie de ce géant fut de trois mille six cents ans.

On dit aussi que cet Og sortit du sein de sa mère tandis que notre père Adam vivait encore, et que sa vie se prolongea jusqu’au temps de Moïse. Lorsque Moïse sortit d'Egypte, il alla combattre Og avec tous les enfants d’Israël, au nombre de trois cent cinquante mille hommes. Lorsque Og entendit Moïse et les enfants d’Israël, il s’avança ; et, par un effet de sa force extraordinaire, il arracha une montagne qui pût couvrir le même espace de terrain que l’armée de Moïse, la plaça sur sa tête, et voulut la jeter sur Moïse et son armée pour les écraser.

Lorsque Og, surnommé ben-'Onk, plaça cette montagne sur sa tête et qu'il l'apporta, Moïse, apprenant cette nouvelle, adressa ses prières à Dieu. Dieu les exauça, et il donna ordre à un oiseau de se placer sur le sommet de cette montagne, et d’y faire un trou avec son bec, afin qu'elle tombât comme un collier sur le cou du géant. Og demeura stupéfait de cela, et ce fut parce que cette montagne tomba sur son cou qu’on le nomma Og ben-‘Onk, c’est-à-dire Og au cou.
Gabriel vint ensuite vers Moïse, lui apprit cet événement et lui dit : Va combattre Og ben-‘Onk, va, car tu remporteras la victoire sur lui, et tu le tueras. Moïse prit son bâton et partit. Arrivé près d’Og, il le trouva dans l’état que nous avons décrit, et doué de sa haute stature et de sa force extraordinaire. On rapporte que le bâton de Moïse avait dix coudées de hauteur. La taille de Moïse était de dix coudées ; il sauta à vingt coudées de terre, et lança son bâton qui atteignit le talon d'Og ben-'Onk. Or le bâton de Moïse était extrêmement lourd, et les prophètes étaient forts. Lorsque Moïse lança son bâton, Og ben-'Onk tomba par suite de la fatigue que lui causait la montagne, et mourut.

De longues années s’étaient écoulées après la mort d'Og ben-'Onk lorsque, sous les Cosroès, qui étaient des rois de Perse, on voulut construire un pont sur l’Euphrate. On ne trouva point de bois convenable à cet usage. On fabriqua alors cinquante chariots, et on transporta, au moyen de taureaux forts et robustes, des crocs que l’on attacha aux côtes d’Og ben-'Onk ; on transporta ces côtes à Bagdad, et ou en fit un pont. Lorsque les hommes eurent passé sur ce pont pendant un espace de cinq cents ans, sans que l’on eût éprouvé le besoin d’un autre pont ou d’un bateau, tant que la côte d’Og servit à cet usage et resta à la même place, tout le monde se plaignit aux rois de Perse de ce qu’un os humain servait de pont : on l’enleva alors et l’on construisit le pont de briques qui existe maintenant.

Or on rapporte qu’avant la guerre dont nous avons parlé, Scheddâd, fils d"Ad, avait établi Og ben-'Onk son lieutenant sur tout le peuple d’'Ad. Lorsqu'ils se révoltèrent tous ensemble contre Dieu, Scheddâd fil venir en sa présence Og ben-'Onk, et il dit au prophète Houd : Voici mon lieutenant, c’est lui qui fera la guerre à toi et à ton Dieu. Houd lui répondit : Infortuné ! ne crains-tu donc pas les peines de l’enfer, et n’espères-tu pas le paradis? Scheddâd répondit : Je ferai moi-même un paradis ; et il établit des personnes pour lui amener des hommes, des maîtres et des ouvriers. Il plaça mille ouvriers sous l’obéissance de chaque maître. Les maîtres étaient au nombre de mille. Il n’en existait pas davantage dans l’univers. Scheddâd leur ordonna de chercher un endroit dont le terrain fût des plus unis, et dont l’eau et l’air fussent des plus agréables. Ces mille maîtres trouvèrent un endroit qu’ils nommèrent Irem, et qui leur plut. Scheddâd leur ordonna de commencer à bâtir ce paradis, auquel ils donnèrent douze milles de longueur sur douze milles de largeur.

Scheddâd écrivit ensuite une lettre aux lieutenants qu’il avait dans le monde, partout où se trouvaient un roi, des princes, des lieutenants, des ministres, des gouverneurs, des gens qui lui fussent dévoués et autres personnes semblables, telles que Dhohâk, fils d’’Olwân, Walîd, fils d’ar-Riyân, Ghânem, fils d’‘Olwân, et d’autres encore, afin qu'ils enlevassent l’or, l’argent, les pierres précieuses, les perles, les rubis, les topazes, le bois d’aloès, le musc, l’ambre, le safran et toutes les choses de ce genre qui se trouvaient dans le monde, à tous ceux qui les possédaient, depuis l’orient jusqu’à l’occident, et qu’ils lui envoyassent toutes ces matières.
Les choses en vinrent, dit-on, au point qu’on mit à l’encan dans ce royaume un chameau avec sa litière pour un dirhem d’argent. Personne n’avait ce dirhem et ne put le donner pour le prix de ce chameau et de cette litière, afin de les acheter.

Or, vers ce même temps-là, on sut qu'un dirhem avait été mis dans la bouche d’un mort ; on alla pour voir si ce dirhem était à sa place, et on ouvrit le tombeau de ce mort : on prit ce dirhem, et on le donna afin que Scheddâd l’employât à la construction de ce paradis, dont les murailles étaient de briques d’or alternant avec des briques d’argent, et tous les créneaux de rubis. Des ruisseaux de vin, de lait, d’eau et de miel coulaient dans ce paradis.
Au lieu de cailloux, Scheddâd mit au milieu de ces ruisseaux des perles et des rubis, et au lieu de sable, du musc et du safran ; il rangea sur leurs bords des arbres qui étaient tout d’or et d'argent, et dont les feuilles étaient d’or, et les fleurs d’argent incrustées de pierres précieuses. Il construisit dans ce paradis des palais dans lesquels il plaça des jeunes filles et des jeunes garçons. Sept cents ans s’écoulèrent avant que ce paradis fût achevé.

Or Scheddâd ne l’avait jamais vu, et il dit au prophète Houd : J’irai, je vous le promets, voir mon paradis, lorsqu’il sera achevé. Houd répondit : Ô infortuné! ne crains-tu pas Dieu, et te laisses-tu tromper par de semblables paroles? Scheddâd ne s’inquiéta point de Houd ni de ses discours, et il partit avec cent mille hommes pour aller voir son paradis. Lorsqu’ils furent arrivés près de l’endroit où ce paradis est situé, le châtiment terrible que ces Adites s’étaient attiré de la part de Dieu les atteignit. Ce fut un ouragan qui les extermina tous. Cet ouragan sortit d’un nuage arrêté sur une montagne, et de couleur noire, parce qu’il renfermait la punition divine.
Il est dit dans le Coran : « Les Adites ont été détruits par un ouragan bruyant et terrible que Dieu envoya contre eux pendant sept nuits et huit jours consécutifs : tu aurais vu alors les hommes étendus à terre comme des troncs de palmiers creux dans l’intérieur ; mais en aurais-tu vu un seul de sauvé ? » (Sur. LXIX, vers. 6-8.)
Le mot çarçar [qui se trouve dans le texte du Coran | signifie un vent qui a toujours une violence terrible. Ce fut le vent que Dieu fit souffler contre les Adites. Il atteignit les cent mille hommes qui étaient venus avec Scheddâd pour voir son paradis, et cent autres mille qui étaient les maîtres, les ouvriers et les inspecteurs, et il les fit tous périr. Scheddâd et les personnes qui raccompagnaient ne virent point ce paradis; et depuis Scheddâd aucune créature n’a pu le voir.
Les Juifs dirent alors : Tu as parlé conformément à la vérité, ô Mahomet, nous avons vu ces mêmes choses dans le Pentateuque.

On rapporte que du temps de Mo'âwiya, fils d’Abou-Sofyân, fils de Harb, il y eut un homme dont le nom était ‘Abd-allah, fils de Qilàba ; cet homme avait perdu un chameau, et il partit pour le chercher. Tout à coup il arriva au paradis de Scheddâd, sans savoir ce que c’était que ce paradis ; il pensa être devenu fou.
Il prit ensuite quelques pierres précieuses, du musc et de l’ambre, et les enleva sans opposition. Son adresse le fit sortir de cet endroit ; il arriva à la ville, se présenta à Mo'âwiya, et plaça devant lui ce qu'il avait rapporté du paradis de Scheddâd. Toutes ces substances avaient perdu leur première forme, et on ne savait pas ce qu’elles étaient. On tira quelque chose de ce qui était or ou argent. Les pierres précieuses et toutes les autres matières avaient été altérées. Lorsqu'on les mil sur le feu, il en sortit une odeur de musc ; on sut alors que ces choses avaient été du musc.

On donna alors une armée à ce même homme-là, afin qu’il allât et qu’il rapportât de ce paradis tout ce qu’il y trouverait. Ils partirent, et, quelque recherche qu’ils fissent, ils ne le retrouvèrent point. On raconte ce qui suit de Daghfal, fils de Handzala, Schaïbânî, qui a été cadi de Hadhramaut.

Or Hadhramaut est une grande ville, située dans l’Arabie. Lorsque l’armée dont nous avons parlé chercha le paradis de Scheddâd et n’en trouva point de trace, ce Daghfal, qui était cadi de Hadhramaut, dit : J’étais encore enfant lorsque j’appris de mon père que près de Hadhramaut, sur le bord de la mer, il y a une caverne qui a pour porte la côte d’un grand poisson. Le corps de Scheddâd est en ce lieu.

Les hommes qui étaient à la recherche du paradis de Scheddâd prirent de la lumière et marchèrent vers celte caverne. Leur lumière s’éteignit, ils demeurèrent stupéfaits ; cependant ils avancèrent toujours jusqu’à ce qu’il parut une clarté qui venait du côté de la grande mer. Ils arrivèrent ensuite à une maison creusée dans le roc, et qui avait cent coudées de largeur sur cent coudées de longueur. Ils virent dans cette maison une espèce de trône en pierre, et un homme d’une grandeur telle qu’il remplissait toute la maison. On avait couché cet homme sur le dos.
Tout autour du trône se trouvait une grande quantité de pierres précieuses, d’or et d’argent, et on avait revêtu cet homme de soixante et dix robes brochées d’or. Lorsque les gens qui cherchaient le paradis de Scheddâd portèrent la main sur ces étoffes, elles devinrent poussière, et les pierres précieuses et l’argent qu’elles contenaient tombèrent à terre. Ces mêmes gens virent sur le lit de ce mort une table en or, sur laquelle on avait gravé des caractères comme on a coutume d’en graver sur la pierre. Ils prirent cette table et voulurent l’emporter et sortir de la maison en suivant le passage par lequel ils étaient entrés. Ils ne purent exécuter leur dessein ; alors ils retournèrent sur leurs pas, se dirigeant vers l’endroit d’où venait la lumière du jour, et là ils examinèrent cette table, sur laquelle étaient écrits les vers suivants :

O vous qui placez voire confiance dans la longueur de votre existence, dans votre courage et dans votre force, et qui vous appuyez sur le nombre de vos possessions, sachez que je suis Scheddâd, fils d''Âd ; je m'appuyais sur ma force et sur mes richesses ; je disais : L’empire du monde m'appartient; les rois de l’univers me craignaient. Le prophète Houd vint, il nous trouva en révolte contre Dieu, et nous appela à la religion. Nous nous confiâmes en notre force, et nous n'écoutâmes pas ses paroles ; nous nous révoltâmes contre lui. Enfin la colère du ciel descendit sur nous, et me fit périr moi et mon armée. Voyez donc l’état dans lequel je me trouve, et profitez de mon exemple.

Daghfal ajouta ; Je dis aux habitants de Hadhramaut : Comment se fait-il que nous ayons trouvé dans cette maison le tombeau de Scheddâd ? Il était le chef du peuple d’'Âd que Dieu extermina. Les habitants de Hadhramaut répondirent : Oui, tu as raison, ils périrent tous par le châtiment de Dieu; mais Scheddâd avait un fils nommé Morthed, lequel était lieutenant de son père, et qui avait cru au prophète Houd. Ce Morthed quitta à cette époque le pays d’’Ad ; il y retourna ensuite, prit son père, embauma tout son corps avec du camphre et de l'aloès, le porta à Hadhramaut et lui construisit le monument dont nous avons parlé.

Les hommes qui cherchaient le paradis de Scheddâd virent encore sur le rivage de la mer où ils se trouvaient un grand rocher dans lequel on avait creusé un palais. On avait couché dans ce lieu-là, sur un trône, et de la même manière que son père, ce Morthed, fils de Scheddâd, fils d’'Ad, fils d’Amalec. Il y avait aussi sur son lit une table de pierre, sur laquelle étaient gravés les distiques suivants :

Je suis ce roi qui pendant longtemps a exercé la royauté dans le monde. Tout ce que j’ai entrepris, je suis parvenu à l'exécuter. Après mon père, je fus, pendant un temps, roi de la terre. Et moi aussi, durant quelques années, je me laissai entraîner par mes passions. A la fin je quittai ce monde avec regret, je mourus. Quoique en apparence je fusse un grand roi, dans la réalité je n'étais qu'un des plus faibles serviteurs du Dieu très- haut. Mes regrets sont de n’avoir pas rendu à Dieu l’obéissance que je lui devais. Ma crainte est l’enfer qui a été allumé pour les rebelles ; mais a-t-il déjà été rempli, ou, en le nommant enfer, l’a-t-on destiné, ô Seigneur, aux rebelles qui pourraient encore se révolter contre toi ? Le bonheur est pour ceux qui font partie du peuple de Mahomet, et qui conforment leurs actions à la loi du prophète. Toutes les religions sont une preuve que sa religion est fondée sur la vérité ; et tous les hommes superbes, se sentant faibles et sans force, placent leur espoir dans son intercession.

On avait donné l’empire à ce fils de Scheddâd après la mort de Themoud et celle de Hâsem, qui est le Pharaon d'Abraham. Son tombeau se trouvait dans ces parages, sur le bord de la mer. Le palais dont nous avons parlé se trouvait également sur le bord de la mer. Tous ces édifices qui étaient situés dans le voisinage de la ville de Hadhramaut ont disparu avec le temps. Au-dessus de la porte du palais se trouvait une pierre, sur laquelle on avait gravé les cinq distiques suivants :

Pendant plusieurs années nous avons habité ce palais, et notre cœur a trouvé l’objet de ses désirs. Pendant un certain temps, nous aussi nous avons dit au monde : Tu nous appartiens ; mais, grâces à Dieu, nous sommes enfin venus à la foi et nous avons su que Dieu est un.


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Message par Ligeia Lun 5 Oct - 14:33

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CHAPITRE XV.
RÉPONSE AUX DIX QUESTIONS QUE GABRIEL APPORTA CACHETEES À DAVID.

Gabriel dit à David : Celui de tes enfants qui répondra à ces questions sera ton successeur après ta mort. Les génies, les hommes, les démons, les oiseaux et tout l’univers seront sous son obéissance.
David réunit ensuite ses enfants, et il leur dit : Ô mes enfants, sachez que Gabriel m'a apporté ces feuillets de la part de Dieu ; ils contiennent dix questions : quiconque y répondra convenablement sera, comme l'a dit Dieu, un prophète revêtu du caractère d'apôtre.
David commença ensuite à lire ces questions en présence de ses enfants ; personne ne put y faire de réponse, excepté Salomon, qui se leva et dit : Ô mon père, je répondrai à ces questions par la force de Dieu.
David fut plein de joie, lui lut une à une ces questions, et lui dit : Apprends-moi quelle est la plus petite chose qui existe, quelle est la plus grande, quelle est la plus amère, quelle est la plus douce, quelle est la plus honteuse, quelle est la meilleure, quelle est la plus proche, quelle est la plus éloignée, quelle est celle qui cause le plus de chagrin , et quelle est la plus agréable.

Salomon répondit : C’est fort bien, ô mon père : or la plus petite chose qui se trouve dans le corps humain, c’est l’âme ; la chose la plus grande, c’est le doute ; la chose la plus amère, c’est la pauvreté ; la chose la plus douce, ce sont les richesses ; la chose la plus honteuse qui se trouve parmi les enfants d'Adam, c’est l’incrédulité ; la chose la plus mauvaise qui se trouve parmi les enfants d’Adam, c’est une méchante femme ; la chose la plus proche pour les enfants d'Adam, c’est l’autre monde, et la plus éloignée est ce monde, parce qu’il passe ; la chose qui cause le plus de chagrin aux enfants d’Adam, c’est l'âme qui se sépare du corps, et la chose la plus agréable pour eux, c’est l’âme qui est dans le corps.
David dit à Salomon : Tu as dit la vérité.
Or cet anneau à quatre faces qui avait été apporté du paradis devint le sceau de Salomon. Sur une de ses faces était écrit ce qui suit, L'empire est à Dieu ; sur la seconde face était écrit, L'excellence est à Dieu ; sur la troisième était écrit, L'autorité suprême est à Dieu ; et sur la quatrième : La toute-puissance est à Dieu.
Les Juifs convinrent que les choses étaient ainsi.


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CHAPITRE XVI.
RÉPONSE À CETTE QUESTION : OU EST LE TOMBEAU DE SALOMON ?

Le prophète répondit : Le tombeau de mon frère Salomon est au milieu d’une mer qui fait partie de la grande mer, dans un palais creusé dans le roc. Ce palais renferme un trône, sur lequel on a placé Salomon dans la même attitude qu'il avait pendant son règne ; l’anneau royal est toujours à son doigt, tellement qu’on dirait que Salomon est encore en vie.
Dans cette île sont douze gardiens qui gardent Salomon nuit et jour. Aucune créature humaine ne peut arriver à l’endroit où est le tombeau de ce prince, parce que, pour y arriver, il faudrait rester deux mois dans la mer. On dit aussi que, depuis la mort de Salomon, aucune créature ne parvint jusqu’à son tombeau, excepté deux personnes, dont l’une était 'Offàn et l’autre Beloukyâ.

On dit qu’'Offàn était allé à la recherche de l’anneau de Salomon, et qu’il avait pris Beloukyâ pour compagnon de voyage. Ils partirent, et ils arrivèrent, avec des peines infinies, à l’endroit dont nous avons parlé. Ensuite, lorsque ‘Offàn voulut enlever l’anneau du doigt de Salomon, la foudre tomba sur lui par la toute-puissance de Dieu, et le consuma.

Beloukyâ revint sur ses pas et fit connaître cet événement. La cause de cela fut que, lorsque Salomon fut mort, il se tint pendant une année debout, appuyé sur un bâton, et personne ne savait s’il était mort, endormi ou vivant. Enfin une fourmi blanche rongea le bâton, qui se rompit, et Salomon tomba.
La confusion se mit ensuite parmi les Devs, les Péris et les hommes. Puis ces différents êtres enlevèrent le trône de Salomon et le transportèrent dans cette île, au milieu de la mer dont nous avons parlé.
L’histoire de Salomon sera par la suite racontée en entier dans cet ouvrage.
Les cinq Juifs dirent à Mahomet : Tu as dit la vérité, nous avons vu ces mêmes choses dans le Pentateuque.


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Message par Ligeia Jeu 8 Oct - 13:05

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CHAPITRE XVII.
RÉPONSE À CETTE QUESTION : QUEL FUT LE PREMIER ÉDIFICE BÂTI SUR LA TERRE ?

Le prophète répondit : Le premier édifice fut la maison visitée que Dieu fit descendre du ciel pour honorer Adam. Cette maison était de rubis. Lorsque le temps du déluge arriva et que l’eau du châtiment fut venue, Dieu donna l’ordre de transporter au ciel cette maison. Il ordonna ensuite à Abraham d’aller avec Ismaël, de relever une autre fois cette maison et de la bâtir de nouveau.
De sorte que maintenant la maison qu’ils élevèrent remplace la maison visitée.
Les Juifs dirent : Tu as dit la vérité, ô Mahomet, nous avons lu ces mêmes choses dans le Pentateuque.


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CHAPITRE XVIII.
RÉPONSE À CETTE QUESTION : QUEL FUT LE PREMIER HOMME QUI COMMIT LE MEURTRE ?

Le prophète répondit : Le premier homme qui a commis le meurtre a été Qâbil (Caïn), fils d'Adam, qui tua son frère à cause de sa sœur.
La cause de cela fut que, toutes les fois qu’Eve devenait mère par le moyen d’Adam, elle avait deux enfants à la fois, dont l’un était mâle et l'autre femelle, de sorte qu’elle accouchait d’un garçon et d'une fille.
Adam et Eve donnaient pour femmes à leurs fils celles de leurs filles qui étaient nées avec d’autres garçons. Cela n’avait rien d’illicite à cette époque.
Or la fille qui était née avec Caïn était extrêmement belle de visage. Adam aimait beaucoup Abel, et, à cause de l’amour qu’il lui portait, il voulut lui donner pour femme la sœur jumelle de Caïn, suivant l’ordre de Dieu. Caïn dit : Je ne consentirai point à cela.
Cette histoire est extrêmement intéressante. Elle sera racontée en son lieu, avec les versets du Coran qui y ont rapport.


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CHAPITRE XIX.
RÉPONSE À CETTE QUESTION : QUEL FUT LE PREMIER HOMME QUI ADORA LE FEU ?

Ce fut Caïn, fils d’Adam. La cause de cela fut que, lorsque Caïn eut tué son propre frère Abel, il n’osa pas se présenter devant son père à cause de la crainte qu’il ressentait. Il prit la fuite et erra dans le désert. Or Caïn avait eu beaucoup d’enfants. Lorsqu’il fut devenu vieux et faible, un jour, pendant la chaleur, il se tenait dans sa maison.
Le diable (que Dieu le maudisse!) vint sons la forme d’un ange, descendit dans la maison par la fenêtre, et se tint devant Caïn. Caïn lui dit : Qui es-tu ? Le diable lui répondit : Je suis un ange ; je suis venu du ciel pour te conseiller et te diriger dans tes affaires, afin que tu puisses paraître devant ta mère, ton père et tes frères ; qu’ils se réjouissent en toi et qu’ils ne te tuent point.

Caïn, poussé par le désir de revoir son père, sa mère et ses proches, répondit : Que faut-il faire pour cela ?
Le diable dit : Sache bien que le feu a consumé le sacrifice d’Abel parce qu’il avait été adoré par Abel et qu’il était content de lui.
Maintenant, si tu adores le feu, il te sera également soumis. Au même instant Caïn adora le feu. Après cela les enfants de Caïn virent ce que faisait leur père, et ils continuèrent d’adorer le feu.
Les Juifs dirent : Cela est vrai, ô apôtre de Dieu.


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CHAPITRE XX.
REPONSE À CETTE QUESTION : QUEL FUT LE PREMIER HOMME QUI INTRODUISIT LE CULTE DES IDOLES ?

Le culte des idoles vint du roi Djemschîd.
La cause de cela fut que Djemschîd était ce roi qui s’était emparé de la souveraineté de tout l’univers. Or Djem signifie, en langue persane, une chose que rien ne surpasse en beauté.
Partout où Djemschîd allait, l’éclat qui sortait de sa personne se réfléchissait sur les portes et sur les murailles. Il posséda l’empire pendant mille ans, et pendant ces mille ans il ne fut pas un seul instant incommodé ou malade. Or Djemschîd pensa en lui -même et dit : Qui est-ce qui est semblable à moi ?

Lorsque Eblîs eut connaissance de sa pensée et que cette parole lui eut frayé la route, il jeta dans son cœur des tentations, de sorte que Djemschîd dit en lui-même : Je ne suis point un homme, car j’ai régné pendant mille ans sans avoir aucun mal. Or, un jour, à l’heure de la sieste, cette tentation agitait son cœur. Le diable descendit par la fenêtre et dit. Je suis un ange venu du ciel ; et il se tint debout devant Djemschîd.
Djemschîd leva la télé et vit le diable. Il lui dit : Pour quelle affaire es-tu venu ? Le diable lui répondit : On m’a envoyé du ciel devant toi.
Djemschîd lui demanda : Que savent de moi les anges du ciel ? Le diable poussa un profond soupir et dit : Tu sais bien toi-même qui tu es. Djem lui demanda : Qui suis-je ? Le diable répondit : Tu es le Dieu du ciel et de la terre, et toutes ces créatures, c’est toi qui les as formées. Maintenant je suis venu pour te dire de bien gouverner ce monde. Tous les anges espèrent en toi.
Djemschîd demanda : Quelle preuve y a t-il que je sois le Dieu du ciel et de la terre ? Eblîs répondit : La première preuve en est qu’aucune créature ne peut voir un ange, et tu m’as vu face à face. La seconde preuve en est que ta vie est parvenue à mille ans, et dans cet espace de temps tu n’as éprouvé ni peine, ni maladie, ni incommodité, et l'ennemi n’a jamais remporté la victoire sur toi.
Djem lui dit : Maintenant que faut-il que je fasse pour monter au ciel ? Eblîs répondit : Il faut sortir, réunir tous les hommes, faire apporter mille charges de bois, ordonner qu’on y mette le feu, et tu diras à tous ces hommes : Je suis Dieu ; quiconque se prosternera devant moi et m'adorera pourra se retirer ; et quiconque ne voudra pas le faire, je le brûlerai dans ce feu.

Après cela, Djemschîd fit faire un grand feu par l’ordre du diable ; il réunit tous les hommes, et brilla des créatures innocentes afin que les hommes reconnussent sa divinité. Ensuite il envoya cinq lieutenants pour parcourir le monde, et il leur donna des armées. Il assigna à chacun d’eux un pays, et il leur donna des chevaux, des mulets, des chameaux, des ânes, des bœufs, des tentes, des baraques, de l’or, de l’argent et d’autres choses semblables.
Ces lieutenants se mirent en marche avec leurs armées pour les lieux où ils avaient reçu l’ordre de se rendre. Ensuite on lit cinq figures à l’image de Djemschîd, et quiconque voyait ces figures disait : C’est Djemschîd lui-même. Djemschîd ordonna de faire ces figures en or, en argent et en pierres précieuses, et il en donna une à chacun de ses lieutenants, afin qu'ils les emportassent avec eux, et qu’ils ordonnassent aux hommes de se prosterner devant elles au préjudice de Dieu. Un grand nombre de créatures commirent le mal de cette manière. Ces lieutenants dirent aux hommes : Cette figure est votre Dieu, adorez-la.

Ensuite plusieurs années s’écoulèrent et Djemschîd mourut ; ses lieutenants moururent aussi. Ces figures restèrent entre les mains des hommes, qui les adorèrent. Les noms de ces lieutenants étaient : Yagouth, Sowâ’, Ya'ouq , Wadd et Nasr.
Quelques années après la mort de ces lieutenants, on donna leur nom à ces cinq idoles, et les hommes trouvèrent plaisir à l’idolâtrie. Enfin Dieu envoya le prophète Noé pour qu’il rappelât les hommes à Dieu.
Ceux-ci firent à Noé la réponse que Dieu nous a conservée dans le Coran ; ils dirent : « N'abandonnez point vos dieux, n’abandonnez point Wadd, Sowâ', Yagouth, Ya'ouq et Nasr. Ils en ont déjà séduit un grand -nombre. Ta prédication ne servira qu’à augmenter l’erreur de ceux qui sont injustes. » (Sur. LXXI, vers, 22-24.)
L’origine du culte des idoles a été comme nous venons de le dire.


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Message par Ligeia Sam 10 Oct - 11:09

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CHAPITRE XXI
RÉPONSE À CETTE QUESTION : QUEL FUT LE PREMIER HOMME QUI FIT DU VIN ET QUI INTRODUISIT LES INSTRUMENTS DE MUSIQUE ?

Quant à l’usage de faire et de boire du vin, de jouer des instruments et d’attacher des peaux sur les tambours de basque, sur les tambours et autres choses semblables, voici ce que répondit le prophète : Tous ces usages sont venus des enfants de Caïn. Caïn avait un grand nombre d'enfants, et parmi eux se trouvait un jeune homme dont le nom était Jubal, lequel aimait la gaieté ; Eblîs trompa ce jeune homme et lui enseigna toutes ces choses, de sorte que Jubal prit du raisin, et en fil du moût, auquel il ne toucha pas jusqu'à ce qu'il fût devenu amer. Il l’agita ensuite et le mit dans une cruche de verre. Il fit des flûtes, des luths, des cymbales et d’autres instruments.
Lorsqu'il se fut mis à boire un peu de vin, il commença à sauter en l’air, à remuer les pieds et à se réjouir.
Le diable revint sous la forme d’un vieillard et lui enseigna l’art de faire ces choses. Tous les enfants de Caïn regardèrent ce que faisait leur frère, ces actions leur devinrent agréables, ils les imitèrent et y prirent du plaisir.
Ils commencèrent à boire du vin et à jouer des instruments, et tous ces usages se propagèrent.
Dieu est très-savant!


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CHAPITRE XXII.
RÉPONSE À CETTE QUESTION : QUEL FUT LE PREMIER HOMME DONT LES CHEVEUX DEVINRENT BLANCS ?

Mahomet répondit : Ce premier homme fut Abraham, l'ami de Dieu. Il regarda sa barbe et vit quelle était blanche ; il fut étonné de cela et ne sut pas ce que c’était, parce qu’avant lui les poils du corps et la barbe ne blanchissaient jamais.
II dit : Ô Seigneur, fais-moi savoir ce que c’est que cette blancheur. Dieu lui répondit : C’est la modestie, la gravité, l’intelligence et la douceur.


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CHAPITRE XXIII.
RÉPONSE À CETTE QUESTION : QUEL SERA LE PREMIER ROI QUI S'EMPARERA DE TOUT L’UNIVERS ?

Le prophète répondit : Les Juifs auront un roi qui s’emparera de tout l’univers depuis l’orient jusqu’à l’occident. Il réduira les créatures sous son obéissance. On lui donnera le nom de Deddjàl ; sa stature sera tellement élevée que sa tète dépassera les nuages. Dans l'endroit le plus profond de la mer, l’eau ne s’élèvera pas au-dessus de son talon. Il marchera accompagné d’un tourbillon de sable qui obéira à ses ordres. Ce Deddjàl aura un paradis dans ce monde-ci. Le prophète avait dit : Je répondrai à cette question ; mais il n’en connaissait pas la solution avant que Gabriel lui eût apporté ce verset : « Les Juifs disputeront avec toi au sujet de leur roi, mais ils savent bien à quoi s’en tenir à cet égard. »
Le roi qu’ils auront sera le Deddjàl. Il sera Juif. On le nomme communément Deddjàl, mais son véritable nom est 'Abd-allah ben-al-Çayàtîd. Il possédera un empire, et cet empire sera celui de ce monde-ci. Or le roi dont parlent les Juifs sera le Deddjàl. Il viendra à la fin des temps et à une époque qui est encore éloignée. Les Juifs qui vivent actuellement n’existeront pas alors, car le Deddjàl paraîtra à l’époque du jour du jugement. Gabriel ajouta : Les Juifs sont pleins d’orgueil à cause de la grandeur du Deddjàl, et ils se glorifient de ce que le Deddjàl aura cette grandeur. Quant à toi, qui es le prophète de Dieu, prie-le qu'il te préserve, toi et ton peuple, de la méchanceté du Deddjàl.
Gabriel dit encore: « Dieu est celui qui sait et qui entend. » (Cor. Sur. XL, vers. 58.)
Il ajouta : « Réponds aux Juifs et dis-leur les paroles de Dieu. Qu’est-ce qui est plus grand, de créer les cieux et les terres, ou de créer le Deddjàl, qui est une de mes créations ? Je puis le préserver du Deddjàl, toi et ton peuple, mais la plus grande partie des hommes ne savent pas. » (Cor. Sur. XL, vers. 59.)

Les amis du prophète lui demandèrent : Comment sera l'histoire du Deddjàl et à quelle époque paraîtra-t-il ?
Le prophète répondit : Il paraîtra lorsque Gog et Magog feront un trou à la muraille de Dsou’l-Qarnaïn et qu'ils se répandront dans le monde. Ce sera l’époque du jour du jugement. Tous les insensés et les magiciens qui se trouveront dans le monde seront avec le Deddjàl. Il aura un âne aussi grand que lui.

A la droite du Deddjàl marchera une étendue de quarante parasanges de terrain remplie de bosquets, d’eaux courantes et de gazon. Toutes ces choses, telles que nous venons de les décrire, marcheront avec le Deddjàl et l'accompagneront partout où il ira. Les hommes sauront que tout ce qu’il y a dans le monde de pierres précieuses, de pierres, de vases de terre, et autres choses semblables, marcheront avec le Deddjàl, qui dira : Ces quarante parasanges de terrain sont mon paradis. Ses disciples et ses serviteurs les habiteront.

Il y aura aussi à la gauche du Deddjàl des déserts, des nuages, des ténèbres, et d’autres choses semblables, et toutes les choses hideuses qui se trouvent dans l’enfer ; et le Deddjàl (que Dieu le maudisse !) dira : Ceci est mon enfer.
Or il semblera aux yeux des hommes que toutes ces ténèbres qui marcheront avec le Deddjàl soient de véritables ténèbres, afin que le cœur des hommes se brise, qu'ils se plient aux ordres et aux défenses du Deddjàl, qu’ils les suivent et qu’ils lui obéissent. L’âne sur lequel sera assis le Deddjàl aura une taille si grande, que mille de ces hommes pervers et insensés qui suivent le Deddjàl marcheront à l'ombre formée par ses oreilles.

Toute personne qui regardera le Deddjàl saura et verra que depuis ses pieds jusqu’à sa tête il y a des serpents, des scorpions, des dragons et d’autres choses semblables. Ces monstres marcheront avec lui. Il soumettra à son pouvoir la plus grande partie des hommes, excepté ceux auxquels Dieu accordera sa protection. Personne ne lui fera la guerre et ne pourra la lui faire. Sa souveraineté ne durera que quarante jours.
Pendant ces quarante jours il ira de l’orient à l'occident ; il ira ensuite au midi et au septentrion, et toutes les créatures de la terre pousseront des gémissements à cause de lui et de son année. Elles crieront pour demander du secours, et lèveront les mains vers Dieu.
Bien qu’elles cherchent à fuir et à éviter le Deddjàl, la fuite ne sera possible qu’à celui qui se tiendra dans le mihrâb  ou dans la mosquée, qui sera sur le tapis destiné à la prière ou dans le mihrâb, qui priera et qui demandera du secours, qui invoquera Dieu, et qui comblera de bénédictions le prophète. Celui-là seulement ne sera point vu par le Deddjàl, qu’il n’y aura aucun autre moyen d’éviter. Car le Deddjàl appellera à son obéissance toutes les créatures de la terre et du ciel, les infidèles et les musulmans, les mages et les chrétiens, les idolâtres, ceux qui adorent le soleil, ceux qui adorent le feu et autres choses semblables, et ceux qui appartiennent à toutes les différentes religions.

Lorsque les quarante jours que doit durer la domination du Deddjàl seront écoulés, Dieu voudra accorder à ses serviteurs la joie et le repos, les délivrer de l’injustice du Deddjàl et enlever celui-ci de la face de la terre.
Il ordonnera à Jésus, fils de Marie, de descendre des cieux sur la terre ; le Mahdi viendra aussi du côté de l’occident.
Le nom du Mahdi sera Mohammed-ben-'Abd-allah , comme celui de l’apôtre de Dieu ; or sache qu’on le nomme le Mahdi parce qu’il sera le guide de toutes les créatures de la terre. Le prophète a dit : La nuit et le jour ne passeront pas avant qu'ait paru le Mahdi qui dirigera tous les hommes ; son nom sera semblable à mon nom, et le nom de son père sera semblable au nom de mon père.

Or, lorsque le Mahdi paraîtra, les créatures du monde iront vers lui, et il apprendra que Jésus, fils de Marie, est descendu des cieux à Jérusalem. Le Mahdi se dirigera avec une armée nombreuse vers Jésus, et il lui racontera l’histoire du Deddjàl.
Jésus prendra le Mahdi pour son vicaire, ordonnera qu’on amène devant lui le Deddjàl, et remettra son anneau au Mahdi.
Le Mahdi partira : or le Deddjàl verra venir le Mahdi de loin ; le Mahdi verra également le Deddjàl, et, lorsqu’il l’aura atteint, il lui montrera le sceau du prophète de Dieu, et il lui dira : Je suis l’apôtre de Dieu.
Au même instant le Deddjàl deviendra faible. Il ira à Jérusalem ; lorsqu’il sera arrivé près de Jésus, fils de Marie, toute la grandeur de son corps aura disparu et son corps sera devenu aussi mince qu’un cheveu. Jésus ne lui permettra pas de paraître en sa présence, et il ordonnera au Mahdi de le tuer. Les hommes seront ainsi délivrés de la tyrannie du Deddjàl, et ils goûteront le repos.
Jésus établira le Mahdi son vicaire sur la terre, et le Mahdi sera sur la terre le vicaire de Dieu et le vicaire de Jésus. Le monde deviendra alors florissant par la justice et l’équité, comme l’a dit le prophète. Le Mahdi prendra tous les trésors qui se trouvent dans la terre, les dirhems, les dinars, les pierres précieuses, les tapis, le cuivre jaune, et toutes les autres choses semblables qui se trouvent sur la terre.
On espère que le jour du jugement arrivera à cette époque.
Ces choses, telles que nous les avons rapportées, se trouvent dans les traditions du prophète.


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Message par Ligeia Jeu 22 Oct - 17:46

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CHAPITRE XXIV
Réponse à cette question : Qui possédait ce monde avant Adam ?

« La cause de ceci fut que Dieu créa ce monde, et il créa une troupe d'anges de sa propre lumière. Il forma les cieux et en donna le gouvernement à Eblîs. Le nom d'Eblîs, avant qu'il se fût révolté contre Dieu, était Hâreth. Dieu créa une troupe d'anges avant ceux dont nous venons de parler, et il leur donna le nom de Djâns. Il les avait créés de feu, et il leur donna ce monde, comme il est dit dans le Coran : « Il a créé les génies du feu mâridj. » (Sur. LV, vers. 14.)
Or mâridj signifie en arabe la flamme.
Ces anges, dont le nom est Djâns, vinrent sur la terre, et ils en eurent l'empire. Le diable était leur chef dans l'empyrée. Il s'était consacré au service de Dieu dans chaque ciel pendant plusieurs milliers d'années, et jamais il ne s'était révolté. Les Djâns commirent, par la suite, le mal sur la terre et se révoltèrent contre Dieu. Dieu ordonna que le diable vînt sur la terre et en chassât les Djâns.
Le diable vint sur la terre, et la souveraineté de la terre lui fut dévolue, à lui et aux anges du ciel qui étaient avec lui. Les Djâns qui avaient fui devant le diable se retirèrent dans les îles et dans les mers, et ils furent tous taillés en pièces.

Lorsque l'empire du monde appartint au diable, l'orgueil et la fierté descendirent dans son cœur, et il dit : Qui est-ce qui est semblable à moi dans les cieux et sur la terre, moi qui ai servi Dieu dans chaque ciel pendant trois cents ans, et qui ne me suis jamais révolté ? Maintenant que je suis descendu sur la terre, tout l'empire de la terre m'appartient, et j'ai mis en fuite les Djâns. Dieu sut que l'orgueil et la fierté étaient dans le cœur du diable.

Or Dieu voulut faire connaître aux anges l'orgueil et la fierté que le diable avait conçus dans son cœur, afin qu'ils sussent qu'il ne faut pas trop se confier dans le culte qu'on rend à Dieu. Or il n'y a eu aucun être dans les sept cieux et sur la terre dont le culte ait été tel que celui du diable, qui se nomme Hâreth.
Dieu envoya une révélation aux anges de la terre qui étaient avec Hâreth, comme il est dit dans le Coran : « Lorsqu'il dit aux anges, certes j'établirai, sur la terre un vicaire ; les anges répondirent : Ô Seigneur, créeras-tu sur la terre un être qui fera le mal et qui répandra le sang injustement, tandis que nous t'obéissons et que nous te louons? Dieu dit : Je sais ce que vous ne savez pas (sur. II, vers. 28), et je sais que des reins de ces créatures que je formerai sortiront des prophètes et des hommes pieux, et que du milieu d'elles sortiront des hommes consacrés à mon service.
Les Juifs dirent : Ces choses se trouvent dans le Pentateuque, telles que tu les as dites.
Ici finissent les questions adressées à Mahomet et les réponses qu'il y fit.
Maintenant nous allons reprendre le fil de notre ouvrage par le récit de la manière dont Dieu créa Adam.


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CHAPITRE XXV.
HISTOIRE DE LA CRÉATION D’ADAM.

Lorsque Dieu voulut créer Adam, il ordonna à Gabriel d'enlever de la face de la terre une poignée de chaque espèce d'argile : de la noire, de la blanche, de la rouge, de la jaune, de la bleue et de chaque espèce différente.
Gabriel vint au milieu de la terre, à l'endroit où se trouve aujourd'hui le temple de la Kaaba. Il voulut se baisser et prendre de l'argile sur la terre. La terre se mit à lui parler et lui dit : Ô Gabriel, que veux-tu faire ?
Gabriel répondit : Je veux enlever de la face de la terre un peu d'argile, de limon et de pierre, car Dieu formera de toi un vicaire.
La terre lui dit en jurant par Dieu : Tu ne prendras à la terre ni argile, ni poussière, ni pierre. Que serait-ce si Dieu formait de moi des créatures, et qu'ensuite ces créatures fissent le mal sur la terre et qu'elles répandissent le sang injustement ?
Gabriel se retira par respect pour ce serment et ne prit point de terre. Il dit : Ô Seigneur, tu sais bien ce que m'a dit la terre et quel serment elle a fait.

Dieu envoya ensuite Michel, et lui dit : Enlève un peu de limon de la terre. Lorsque Michel fut arrivé, la terre lui fit le même serment ; Michel se retira aussi par respect pour ce serment et ne prit point de terre.
Dieu ordonna ensuite la même chose à `Izràïl, qui est l'ange de la mort. `Izràïl vint, et, quoique la terre lui fit le même serment, il ne se retira point et dit : Je ne m'abstiendrai pas d'exécuter les ordres de Dieu, à cause de tes serments. L'ange de la mort se baissa donc et enleva de dessus la terre quarante coudées d'argile de toutes espèces, comme nous l'avons dit.

Ensuite Dieu forma Adam de cette terre, comme il l'a dit : "Certes nous vous avons créés de poussière." (Cor. Sur. XXII, vers. 5)
Le mot tourâb (dont se sert le Coran dans ce passage) a la même acception en arabe qu'en persan, et signifie poussière. Dieu a dit dans un autre endroit : "Certes nous les avons créés d'une terre glutineuse". (Sur. XXXVII, vers.11.) Le mot arabe lâzib, glutineux, a le sens du persan dousendeh.
Dieu a dit encore qu'il créa Adam « de limon pur mêlé de sable » (Sur. XV, vers. 26, et LV, vers. 13), parce que c'était d'abord une terre sèche, blanche, noire et de différentes espèces.
Lorsqu'il se fut écoulé quelque temps, cette terre prit une forme ; le soleil darda ensuite sur elle ses rayons, elle sécha ; ensuite Dieu en créa Adam, auquel il donna la même forme qu'à nous qui sommes ses enfants.

Personne sur la terre n'avait vu une figure comme la sienne ; ni anges, ni génies, ni hommes. Hâreth alla voir cette figure. Adam était resté de longues années étendu à sa place, comme Dieu l'avait créé, ainsi qu'il est dit dans le Coran : « Ne s'est-il pas écoulé un long espace de temps sans que l'homme fut rien de remarquable ? » (Sur. LXXVI, vers.1.) Or sache qu'Adam était demeuré de la sorte étendu à sa place pendant un espace de quarante ans. Personne ne pensait à lui, et on ne savait pas ce qu'il était et quelle créature il était.
Or, lorsque Hâreth alla vers lui, il le vit étendu à terre, d'une grandeur telle que son corps allait de l'Orient à l'Occident, et l'argile dont il avait été formé était devenue comme deux branches de palmier sèches. Or, de même que, si vous prenez deux branches de palmier et que vous les frappiez l'une contre l'autre, elles rendent un son, de même aussi lorsque Hâreth poussa Adam, l'argile sèche dont celui-ci était formé rendit un son.
Hâreth en fut étonné. Il examina plus attentivement la figure d'Adam, il trouva que l'intérieur de cette figure était vide. Il alla du côté de la bouche, tourna et y entra. Lorsqu'il fut sorti de l'intérieur du corps d'Adam, il laissa connaître aux anges l'infidélité qui était dans son cœur, en disant :
Cette créature n'est rien, parce que son intérieur est vide ; et toute chose dont l'intérieur est vide peut être cassée. Maintenant que Dieu l'a créée, il lui a donné l'empire de ce monde ; mais du moins je combattrai contre elle, et je ne lui donnerai point la terre, mais je la chasserai de la terre comme j'en ai chassé les Djâns. Quel est votre avis ?

Les anges répondirent :
Ô Hâreth, ce que nous avons fait contre les Djâns, nous l'avons fait par l'ordre de Dieu qui nous a dit de leur faire la guerre et de les mettre en fuite. Maintenant, si Dieu a formé cette créature, s'il l'a choisie et s'il nous ordonne de lui être soumis, il ne nous est pas possible de nous écarter des ordres de Dieu.
Lorsque Hâreth sut que les anges ne pensaient pas comme lui, au même instant il changea son discours et dit : Vous dites la vérité ; et moi aussi, je pense comme vous, mais j'ai voulu vous éprouver pour voir ce que vous diriez.

Lorsque Dieu voulut donner la vie à Adam, il ordonna à l'âme d'entrer dans son corps. L'âme pénétra par son gosier jusqu'à sa poitrine et à son ventre, et partout où elle arrivait, la terre, l'argile, la poussière et le limon noir dont était formé le corps d'Adam devenaient des os, des nerfs, des veines, de la chair, de la peau et d'autres choses semblables. Lorsque l'âme arriva à la tête d'Adam et qu'il éternua, Adam dit : Louange à Dieu !
Gabriel dit : Que Dieu te fasse miséricorde, ô Adam ! Adam tourna la tête et vit le paradis avec les délices qu'il renferme.
Or l'âme était parvenue à l'estomac d'Adam, et il désirait manger quelque chose. Il voulut aller vers ces délices et en prendre pour manger. Il essaya de se lever, et il ne put point le faire, parce que toute la partie inférieure de son corps n'était encore que de l'argile.
Gabriel dit : Ô Adam, ne te presse point. Comme il est dit dans le Coran, « L'homme est pressé » (Sur. XVII, vers. 12), il y est dit encore : « J'ai formé l'homme, et je l'ai formé pressé de sa nature. » (Sur. XXI, vers. 38.)
Or, lorsque l'âme se fut étendue dans tout le corps d'Adam, qu'elle s'y fut attachée, et qu'Adam fut devenu un homme parfait, Dieu voulut montrer aux anges le mérite d'Adam, afin qu'ils sussent que ce n'était point sans motif qu'il leur ordonnait de l'adorer.
Il enseigna à Adam les noms de tous les hommes, des Péris et des Devs qui se trouvaient sur la terre, ceux des quadrupèdes qui sont dans la mer et hors la mer, des animaux qui paissent, qui broutent, qui marchent, qui volent, et d'autres choses semblables qui ont existé ou qui existeront jusqu'au jour du jugement.
Il lui enseigna encore les noms des choses sèches et des choses humides, des petites et des grandes, telles que l'hiver, l'été, le ciel, la terre, montagne, plaine, désert, mer et autres choses semblables. Il est dit dans le Coran :
« Il fit connaître à Adam toutes ces choses par leurs noms, et les exposa ensuite devant les anges, en disant : Indiquez-moi les noms de ces choses, si vous êtes véridiques. » (Sur. II, vers. 29.)

Lorsqu'on eut dit ces choses à Adam et qu'il les sut, Dieu dit aux anges : Dites-moi les noms de ces choses, afin que votre mérite devienne manifeste. Ils répondirent : Ô Seigneur, nous n'avons point cette science. Dieu dit à Adam : Dis-leur ces noms. Adam se mit à parler, et il leur récita les noms de ces choses. Les anges entendirent ces noms et les surent. Adam les savait déjà lorsque Dieu dit aux anges : « Ne vous ai-je pas dit que je sais le secret des cieux et de la terre ? Je sais ce que vous manifestez et ce que vous cachez. » (Sur. II, vers. 31.)
Dieu dit encore : « Je sais ce que vous ne savez pas. » (Ibid. vers. 28.)
Lorsque les anges virent qu'Adam les surpassait en science, ils avouèrent tous leur infériorité, et ils lui furent soumis en fait de science et d'instruction.


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Message par Ligeia Jeu 29 Oct - 8:29

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CHAPITRE XXVI.
DIEU ORDONNE AUX ANGES D’ADORER ADAM.

Lorsque la création d'Adam fut achevée, et que tout ce que nous avons dit sur les noms des choses fut terminé, Dieu ordonna aux anges d’adorer Adam, comme il est dit dans le Coran : « Et lorsque nous dîmes aux anges : Adorez Adam, ils l’adorèrent, à l’exception d’Eblîs. » (Sur. II, vers. 32.)
Il y a des personnes qui disent que ces paroles, Adorez Adam, ne regardent qu’une partie des anges; cependant tous les anges l’adorèrent.

Dieu donna au premier homme le nom d’Adam, parce qu’il l’avait créé de cette partie de la terre qu’on nomme en arabe adim ; or adim signifie la surface d’une chose. Le verset suivant du Coran : « Tous les anges adorèrent Adam » (sur. xv, vers. 30), est une preuve qu’ils l'adorèrent tous. Or le mot adorer veut dire ici honorer la grandeur, car l’adoration appartient à Dieu, et cet honneur rendu à Adam était pour manifester son mérite.
C’est ainsi qu’on adore le temple de la Kaaba : l’adoration appartient à Dieu, et le respect seul appartient au temple.
Dieu dit à Eblîs : « Pourquoi n’as-tu pas adoré Adam ? Il répondit : Parce que tu l’as créé de terre et moi de feu ; je suis donc meilleur que lui. » (Sur. VII, vers. 11.) Or, en disant ces paroles, Je suis meilleur que lui, Eblîs tirait ces preuves de lui-même ; car Dieu est le créateur de toutes choses, il sait mieux que personne quelle est la plus excellente de ces deux substances qu’il a créées lui-même. S’il avait cru le feu plus excellent, il aurait créé Adam avec du feu, et il ne l’aurait pas formé de différentes terres mêlées ensemble.
Ensuite, Dieu maudit Eblîs, comme il est dit dans le Coran : " Certes ma malédiction sera sur toi jusqu’au « jour du jugement. » (Sur. XXXVIII, vers. 79.) Il lui ôta sa ligure d’ange et lui donna une figure de diable, et il le maudit jusqu’au jour du jugement, à cause de son orgueil, de sa vaine confiance en lui-même et de sa désobéissance.

Dieu envoya ensuite Adam dans le paradis, et il lui donna tous les biens et tous les fruits qui s’y trouvent. Lorsque Adam fut dans le paradis, tous les habitants du paradis furent étonnés de la beauté de sa figure, et ils vinrent en foule pour voir Adam.
Adam mangea un peu des fruits du paradis ; le sommeil s’empara de lui, et il s’endormit. Or on ne dort point dans le paradis, et son âme demeura éveillée. Dieu créa ensuite Eve à l’image d’Adam, en prenant à celui-ci pour la former une de ses côtes du côté gauche. Lorsque Adam ouvrit les yeux, il vit Eve sur le lit qu’il occupait ; comme il est dit dans le Coran : « Nous avons dit : O Adam, habite le paradis, toi et ton épouse. » (Sur. II, vers. 33.) Lorsque Adam regarda Eve, il fut étonné, et il lui dit : Qui es-tu ? Elle lui répondit : Je suis ton épouse ; Dieu m'a créée de toi et pour toi, afin que ton cœur trouve le repos.

Les anges dirent à Adam : Quelle chose est cela, quel nom a-t-elle, et pourquoi Dieu l’a-t-il créée ? Adam répondit : C’est Eve. Dieu plaça ensuite Adam et Ève dans le paradis. Il fit des commandements à Adam, il établit un pacte avec lui, et il lui dit : Eblîs est ton ennemi, prends garde qu’il ne te trompe, toi et ton épouse, et qu’il n’étende sa puissance sur toi ; car alors tu sortirais du paradis, et tu deviendrais malheureux et digne de l’enfer. Lorsque ce commandement eut été fait, Dieu en fit un autre, et il dit : "Ô Adam, habite le paradis, toi et ton épouse, et mangez abondamment des choses qu’il produit où vous voudrez ; mais ne vous approchez point de cet arbre, afin que vous ne soyez pas du nombre des injustes.» (Cor. sur. II, vers. 33.)

Adam resta dans le paradis cinq cents années de celles de ce monde, et une année de ce monde est peu de chose auprès de celle de l’autre monde. Ce fut le Vendredi qu'Adam entra dans le paradis.


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CHAPITRE XXVII.
ADAM SORT DU PARADIS.

La cause pour laquelle Adam sortit du paradis fut la suivante: Dieu avait maudit Eblîs à cause d'Adam ; il avait retranché son nom d’entre les noms des anges, et lui avait ôté tout espoir de pardon. Eblîs ne savait que faire. Or, lorsque Adam fut dans le paradis, Eblîs chercha un moyen d’y entrer aussi par la ruse, de tromper Adam et de l'égarer. La crainte de Ridhwân, portier du paradis, l'empêcha d'y entrer. Il se mit donc à tourner autour du paradis pour voir s'il pourrait parvenir à s’y jeter un jour ou l’autre. Enfin, un jour, il vit le serpent qui en était sorti. Le serpent avait alors quatre pieds comme les chameaux.

On rapporte que dans le paradis il n’y avait rien de plus beau que le serpent, excepté Adam. Or Eblîs alla trouver le serpent, et lui dit : Je te donnerai un conseil et je veux causer avec toi. Fais-moi entrer secrètement dans le paradis, de telle sorte que Ridhwân ne le sache pas et qu’il ne le voie pas. Le serpent ouvrit la bouche, Eblîs y entra, et le serpent le porta dans le paradis et le mit en présence d’Adam. Eblîs commença à adresser des questions à Adam, et Adam combla Dieu de louanges et d'actions de grâces, et il dit : Ma vie est très douce.
Eblîs lui dit : J'ai entendu parier de tes bonnes qualités, et maintenant je suis venu pour te donner un conseil. Sache bien que Dieu te chassera du paradis et que j’ai compassion de toi. Il t’a dit : Tiens-toi éloigné de cet arbre, parce que cet arbre est l’arbre de vie qu’on nomme arbre d’éternité. Dieu ne chassera pas du paradis quiconque mangera de son fruit.

La tentation descendit dans le cœur d’Adam, et Eblîs lui dit : Je jure que je suis du nombre de ceux qui vous veulent du bien et qui vous donnent des conseils. Adam dit ensuite à Eblîs : Je n’exécuterai point tes ordres, je ne mangerai point du fruit de cet arbre, et je ne cesserai point de faire ce que Dieu m’a ordonné, pour t’obéir. Eve pencha pour l’avis d’Eblîs, et elle crut qu’il disait la vérité ; elle dit : Nous vivrons éternellement. Or les femmes cèdent, bientôt à de douces paroles. Adam n’écouta point les paroles d’Eblîs, et il n’accepta pas ses conseils. Mais Eve leva la main, cueillit un peu du blé de cet arbre, le mit dans sa bourbe et le mangea. Lorsque ce blé fut descendu dans le gosier d’Eve, et qu’elle n’en éprouva aucune espèce de mal, Adam leva aussi la main, et il comprit qu’il n’en ressentirait non plus aucun mal. Il prit donc un peu de ce blé, le mit dans sa bouche el le mangea. Lorsque ce blé fut descendu dans le gosier d'Adam et qu’il fut arrivé à son ventre, la peau qu'Adam avait dans le paradis tomba de son corps ; celle d’Eve tomba de même, et la chair de tout leur corps fut à découvert comme nous l’avons maintenant. Cette peau qu’Adam avait dans le paradis était semblable à nos ongles ; lorsqu’elle fut détachée, il leur en resta au bout des doigts la quantité que nous avons maintenant. Or, toutes les fois qu'Adam regardait les ongles de ses doigts, et Eve également, ils se rappelaient le paradis et tous ses délices.

La cause pour laquelle Eve mangea du fruit défendu fut que la défense ne lui en avait point été faite à elle-même, et ce fut aussi pour cela qu’elle n’en ressentit point de mal, afin que tu saches que, pour toutes les choses qui arrivent dans une maison, tant que le maître de la maison ne s’est pas rendu coupable, la punition n'a pas lieu. Lorsque Adam et Eve reconnurent qu’ils étaient nus, ils se séparèrent, parce qu’ils avaient honte l’un de l’autre. Ils arrachèrent chacun une feuille des arbres du paradis et la placèrent sur leurs parties sexuelles. Il s’éleva une voix dans le paradis, les arbres et les anges du paradis parlèrent de tous les côtés. Adam et Ève demeurèrent stupéfaits ; ils entendirent ensuite une voix qui leur disait : Je vous avais défendu de manger du fruit de cet arbre, et je vous avais dit que ce Dîw était votre ennemi manifeste. Or Adam et Eve péchèrent en mangeant du fruit de cet arbre. Le serpent se rendit aussi coupable de péché en faisant entrer dans le paradis Eblîs, et Eblîs fut le plus coupable de tous. Dieu les chassa hors du paradis et les sépara les uns des autres. Quatre branches des arbres du paradis se baissèrent, et, s'attachant chacune à un corps, l’une à Adam, l’autre à Eve, la troisième à Eblîs, et la quatrième au serpent, elles les chassèrent tous quatre du paradis.

Adam fut jeté dans l'Hindoustan. Il y a dans ce pays une montagne à laquelle on donne le nom de montagne de Serândib, et on rapporte que dans tout l’univers il n’y a point de montagne plus haute. Adam prit terre sur cette montagne. Eve fut jetée à Djidda, sur le bord de la mer, à sept parasanges de la Mecque. Le serpent fut jeté à Ispahan, et Eblîs à Simnân, de l’autre côté dans le Djordjân. Dieu s’irrita contre le serpent ; il lui ôta ses pieds de devant et de derrière, et le fit marcher sur le ventre. Il le rendit ennemi des enfants d'Adam et le condamna à se nourrir de terre, et il ajouta : Que Dieu ne fasse pas miséricorde à celui qui te fera miséricorde. On dit que le paon était aussi avec Adam et Eve et qu’il fut chassé du paradis. Le paon pécha contre Dieu, et Dieu lui ôta la voix. Le péché du paon fut d'avoir conduit Eve à l’endroit où se trouvait le blé. Or, lorsque Adam eut pris terre sur la montagne de Serândib, il comprit au même instant quelle action il avait faite, et sentit qu'il avait péché contre Dieu. Il demeura stupéfait et ne sut que faire. Il se mit en adoration le visage contre terre ; il ne leva point son visage de dessus la terre, et il pleura.

On rapporte qu'il resta ainsi pendant cent ans en adoration. Des larmes coulèrent de ses yeux comme un ruisseau et roulèrent sur la montagne de Serândib, et, actuellement encore, ce sont les larmes qui coulèrent des yeux d’Adam qui font pousser ces grands arbres, tels que les myrobolaniers de différentes espèces et autres semblables qui tous ont leurs vertus, que l’on emploie aujourd’hui dans les médicaments, et que l’on apporte des montagnes de l’Hindoustan.

Lorsque cent ans furent écoulés. Dieu fit miséricorde à Adam, et, ne voulant pas qu’il mourut dans son affliction, il lui envoya Gabriel. Gabriel dit à Adam : O Adam, Dieu te salue et te fait dire : Ne t’ai-je pas créé de terre par ma propre volonté ? Ne t’ai-je pas ensuite donné mon paradis pour demeure ? Pourquoi donc ces gémissements et ces pleurs ? Adam répondit : Comment ne pleurerais-je pas, et comment ne pousserais-je pas des gémissements ? N’ai-je pas perdu la protection de Dieu, et ne lui ai-je pas désobéi ?
Gabriel répondit à Adam : Ne t'afflige point, et récite les paroles que je vais t’apprendre, afin que Dieu t’accorde le repentir, qu'il agrée la pénitence et qu’il accepte tes excuses ; comme il est dit dans le Coran : « Adam apprit de son Seigneur des paroles, et le Seigneur revint vers lui, car il est celui qui revient, le miséricordieux. » (Sur. II, vers. 35.) Adam récita ces paroles, et dans la joie où il était que Dieu eût agréé son repentir, il se mit à pleurer, non de chagrin, mais à cause de la joie de son cœur, comme cela arrive encore maintenant si une personne éprouve de la joie, les larmes coulent de ses yeux, de telle sorte qu’on dirait qu’elle pleure. Or les larmes que la joie fit sortir des yeux d'Adam coulèrent sur la terre, et des plantes comme le narcisse, le khodjesteh, l'œil-de-bœuf, l’amarante et autres semblables, poussèrent sur toute la montagne et sur la plaine. Ensuite Adam dit à Gabriel : que ferai-je ? Gabriel donna à Adam de ce blé qu’il avait mangé dans le paradis la quantité nécessaire pour se nourrir un jour, et il lui dit : Voici la nourriture que tu auras dans ce monde.

Ensuite Gabriel enseigna à Adam à tirer le fer de la pierre et à faire des instruments de labourage pour semer le blé. Or tout ce que semait Adam poussait à l’heure même, à cause de la bénédiction que Dieu lui avait donnée. Adam fit ensuite la moisson, battit le blé et le vanna. Puis Gabriel lui ordonna d’arracher deux pierres de la montagne. Adam les apporta, mit le blé sous la meule, et, lorsqu’il l’eut réduit en farine, il dit à Gabriel : Mangerai-je ? Gabriel lui répondit : Non. Il lui ordonna ensuite de construire un four en fer, et ce four est celui d’où sortit l’eau du déluge à Koufa. Il lui ordonna encore de réduire la farine en pâte, de chauffer le four, et d’y mettre la pâte pour en faire du pain. Lorsque le pain fut fait, Adam se sentit pressé d’en manger, et il dit : Ô Gabriel, en mangerai-je maintenant ? Gabriel lui répondit : Attends un peu qu’il refroidisse et qu’il soit rassis. Lorsque Adam eut mangé du pain, il eut mal au ventre, car cette nourriture ne trouvait aucune issue par où elle pût sortir. Gabriel passa son aile sur la partie inférieure du dos d'Adam et sur sa cuisse, pour ouvrir un passage à la nourriture et à la boisson ; ces deux issues furent comme celles que nous avons nous-mêmes.

Dieu ordonna à Gabriel d’apporter du paradis le bœuf de labour et les fruits ; parmi ces derniers il y en avait dix dont on mangeait l’extérieur, et dont l’intérieur, qu’on ne pouvait pas manger, ne servait rien, comme les abricots, les pêches, les dattes et autres semblables. Sur ces dix espèces il y en avait trois dont on ne pouvait manger ni l’intérieur ni l’extérieur. Puis il apporta dix autres espèces dont on mange l’extérieur et l’intérieur, comme le raisin nommé 'andjed, le raisin ordinaire, les figues et autres fruits semblables. Ensuite Gabriel dit à Adam : Sème ces choses. Adam les sema, et les arbres dont nous venons de parler sont tous ceux que Gabriel avait apportés du paradis de Dieu.

Or Adam était resté seul, et, lorsqu’il se tenait debout sur le haut de la montagne de Serândib, la hauteur de sa stature lui faisait atteindre le premier ciel avec sa tête. La chaleur du soleil qui donnait sur Adam avait fait tomber tous ses cheveux. Au commencement Adam s’entretenait avec les anges du ciel. Dieu envoya ensuite Gabriel, qui passa son aile sur la tête d’Adam, et la stature de celui-ci fut réduite à soixante coudées. Lorsque après cela il se leva, il ne lui fut pas possible d’entendre la voix des anges, ce qui lui causa un chagrin très-vif. Il se mit de nouveau en adoration, et adressa ses prières à Dieu. Au même instant Gabriel vint et dit à Adam : Dieu te salue et te dit : J'ai fait de ce monde une prison pour toi, et j’ai diminué ta stature, afin que tu fusses dans une prison. Maintenant je t’envoie de mon propre paradis une maison de rubis, afin que tu y entres, que tu t’y promènes, que tu en fasses le tour, et que ton cœur trouve par là le repos.

On apporta ensuite du ciel, par l’ordre de Dieu, cette maison qui est la maison visitée, et on la plaça dans l’endroit où se trouve aujourd’hui le temple de la Mecque. La pierre noire, qui aujourd’hui a cette couleur, était auparavant blanche et brillante. On la plaça dans cette maison de rubis. Quiconque regardait d'une distance de dix parasanges voyait la lumière et l’éclat de cette maison qui s’élevait jusqu’au ciel, et la pierre blanche brillait au milieu de cette lumière.


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Message par Ligeia Mar 3 Nov - 8:27


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CHAPITRE XXVIII.
RELATION DE LA PROCESSION QUE FIT ADAM AUTOUR DE LA MAISON VISITÉE.

Ensuite Gabriel conduisit Adam vers cette maison, afin qu'il en fît processionnellement le tour. Or tous les lieux sur lesquels Adam posait le pied, et tous ceux que touchait son talon, devenaient florissants et se couvraient d’eaux courantes et de verdure ; et tous les endroits qui se trouvaient entre ses deux talons n’étaient point florissants, mais ils étaient entièrement déserts. Gabriel apprit à Adam à faire le pèlerinage, et il lui enseigna toutes les cérémonies relatives à ce devoir religieux. C'est pour cette raison que, si quelqu'un part pour faire le pèlerinage sans en connaître les cérémonies, il faut qu'il ait un guide qui les lui enseigne.

Or Adam vivait dans ces montagnes dont nous avons parlé, et Eve était à Djidda, à sept parasanges de la Mecque. Adam n’avait point de nouvelles d’Eve, et Eve n’avait point de nouvelles d’Adam. Eve était devenue triste, et elle vivait pleine d chagrin. Elle regarda et vit de loin Adam, qui venait du côté de la Mecque. Or il n’y avait dans le monde aucun autre homme qu’Adam ; Eve se dirigea vers lui et le rencontra dans le lieu que l'on nomme aujourd’hui 'Arafât.
Lorsque Adam et Eve se furent retrouvés et qu’ils se furent reconnus l’un l’autre, ils furent pleins de joie. Ils allèrent à la Mecque et firent en procession le tour de la maison visitée. Ils demeurèrent trois jours dans ce lieu-là et immolèrent des brebis. Le coton et le lin n’étaient point en usage à cette époque ; Adam et Eve prenaient des peaux de brebis, les préparaient et s’en faisaient des vêtements. Ensuite Adam dit à Gabriel : Je ne puis demeurer dans ce lieu, car il est désert, et tous les travaux que j’ai faits sont sur la montagne de Serândib. Gabriel répondit à Adam : C’est juste, retournes-y ; et Adam et Eve y retournèrent. Ils ensemencèrent la terre dans cet endroit, leur travail réussit, et ils recueillirent des biens de toute espèce. Or il n’y avait pas dans le monde un seul être humain, excepté eux deux, et il n’existait aucune maison, excepté la maison visitée.
Ensuite ils se mirent à élever des constructions, et ils bâtirent des maisons pour eux.


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CHAPITRE XXIX.
RELATION DE LA DEMANDE QU’EBLIS FIT À DIEU POUR OBTENIR LA RÉCOMPENSE QU’IL AVAIT MÉRITÉE.

Ensuite Eblîs adressa des prières à Dieu, et il dit : J'ai servi Dieu dans chaque ciel pendant trois cents ans, et, durant ce temps-là, je ne me suis pas révolté un seul instant ; et toi, qui es Dieu, tu as dit : Je ne ferai d’injustice à personne, pas même pour la valeur d’un atome. Maintenant que tu m’as maudit, j’ai une demande à te faire. Dieu dit à Eblîs : Que veux-tu ? Demande, afin que je t'accorde ce qui sera juste. Eblîs répondit : Accorde-moi la vie jusqu'au dernier jour où Isrâfîl sonnera de la trompette et où les hommes sortiront de leurs tombeaux.

Or il demandait à conserver la vie jusqu’au jour où sonnera la trompette dernière, parce que quiconque conservera la vie jusqu’à cette époque ne pourra plus jamais mourir ensuite ; car, lorsque toutes les créatures mourront, on amènera la Mort sous la forme d’une brebis, et on la tuera aussi. Lorsque la Mort aura été tuée, personne ne pourra plus mourir. Mais, en faisant cette demande, ce maudit ne savait pas qu’il est impossible d’user de ruse et de tromperie envers Dieu. Ensuite Dieu dit à Eblîs : Ô maudit, je t’accorde tout le temps qui s’écoulera jusqu’au dernier jour, jusqu’au jour fixé où toutes les créatures mourront. Eblîs dit : De même que tu m’as détourné de la voie droite, de même aussi je les en détournerai. Il entendait désigner par ces paroles Adam et ses enfants sur la terre. Dieu dit ensuite : Tous ceux d’entre eux qui t’obéiront et qui se soumettront à tes ordres, je les enverrai eu enfer.

Or Eblîs recommença une seconde fois à employer la ruse et la fourberie pour tromper Adam dans ce monde, comme il l’avait déjà trompé dans l’autre, lorsqu'il était dans le paradis. Il vint donc, et se lia de nouveau avec Adam, et lui dit : Sache que Dieu m’a chassé sans retour de son paradis, qu’il m’a enlevé la souveraineté de la terre et qu’il te l’a donnée. Pourquoi ne me lierais-je pas d’amitié avec toi et ne serais-je pas ton conseiller dans toutes les affaires ? Adam se dit en lui-même : Il faut que je sois le compagnon de celui-ci dans ce monde et sur cette terre, je le ménagerai.

La première tromperie qu’il exerça contre Adam sur cette terre fut la suivante : Chaque enfant qu'Adam avait d’Eve mourait ensuite ; et autant d’enfants ils avaient, autant il en mourait. Ensuite Eve devint grosse pour la quatrième fois. Eblîs dit à Adam : Je suis très affligé de ce que tes enfants meurent tous. Maintenant je pense que cet enfant qu’Eve porte dans son sein aura une longue vie et sera beau de visage. Adam répondit : J’ai le même espoir. Eblîs dit : Si les choses arrivent comme nous l’espérons, tu me donneras l’enfant. Adam répondit : Je te le donnerai. Peu de temps après, Eve eut un fils extrêmement beau de visage et bien conformé. Alors Eblîs dit : Je ne me suis point trompé dans ma pensée, et cet enfant aura une longue vie. Maintenant donne-lui un nom qui indique qu’il est mon serviteur, afin que j’aie part à la possession de tes enfants et que celui-ci t’appartienne et à moi aussi. Adam nomma cet enfant 'Abd al-'Hâreth , parce qu’Eblîs, avant qu’il se fût révolté contre Dieu, portait le nom de 'Hâreth.

Adam eut honte de ne pas tenir sa promesse, tandis que l’heureuse prédiction d’Eblîs s’était réalisée. C’est alors que Dieu dit : Lorsque je leur ai donné des enfants, ils se sont associés avec Eblîs. Cela ne veut pas dire qu’Adam se soit associé avec Eblîs dans sa révolte contre Dieu, ou qu’il ail été infidèle ; car Adam était un prophète revêtu du caractère d’apôtre. Mais cela signifie qu’il avait donné entrée à Eblîs au milieu de ses enfants. Voici encore une autre explication de cela. Supposons deux amis, dont l’un a des enfants ; celui-ci dit à l’autre : Cet enfant est ton serviteur. Cela n’est qu’une façon de parler, et l’enfant n’est point réellement son serviteur ; mais le père dit à son ami une parole agréable comme toutes celles qu’on a coutume d’échanger entre amis. Dieu ne fut point satisfait de la conduite d’Adam ; bien que la chose ne fût rien en elle-même, il la lui imputa à péché, et, en effet, les grands prophètes commettent de petits péchés.
Or l'enfant nommé 'Abd al-'Hâreth mourut au bout de deux ans ; et après cet ‘Abd al-‘Hâreth il naquit à Adam un fils qu’il nomma Seth, lequel remplaça son père après sa mort et fut prophète. Après Seth, Adam continua à engendrer et eut encore des enfants.


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CHAPITRE XXX.
DISCOURS SUR L'HISTOIRE DE CAÏN ET D'ABEL ET DES ENFANTS D’ADAM.

Après cela, Ève conçut d’Adam, et, chaque fois qu'elle devenait grosse, elle accouchait de deux enfants, une fille et un garçon. La fille qui était née avec un garçon était donnée pour femme à un autre garçon, comme nous l’avons rapporté dans les questions qu’Abou-Djehel-ben-Heschâm, Walid-ben-Moghaïra et les Juifs apportèrent et adressèrent à notre prophète ; ces mariages étaient licites à cette époque. Or Adam voulut donner pour femme à Abel la sœur jumelle de Caïn, lorsque celle-ci fut devenue grande. Caïn ne fut pas satisfait de cela. Adam lui dit ainsi qu’à Abel : Allez, et offrez un sacrifice ; celui dont Dieu acceptera le sacrifice, moi, je lui donnerai cette jeune fille. Or Adam enseignait un métier à chacun de ses enfants ; Abel était berger, et Caïn était laboureur. Adam leur dit: Allez, prenez vos offrandes et faites vos sacrifices. Ensuite Abel s’en alla, prit la plus grasse de ses brebis et l’apporta sur le lieu où il devait la sacrifier. Caïn apporta une gerbe de blé, la plus mauvaise qu’il eût, et la plaça sur le lieu du sacrifice.
Par la permission de Dieu, le feu descendit sous la forme d’un simourg, et consuma le sacrifice d’Abel , de telle sorte que les cendres mêmes disparurent, et il n’approcha pas du blé que Caïn avait apporté. Adam donna la jeune fille à Abel. Ensuite Caïn dit à Abel : Je te tuerai ; et depuis cela Caïn cherchait l’occasion de tuer Abel.

Or, un jour, Abel était endormi sur une montagne ; Caïn y alla, prit une grande pierre, la lança contre la tête d’Abel et le tua. Il prit sur son dos le cadavre, dans la crainte d'Adam, et se mit à parcourir le monde, le portant toujours sur son dos. Caïn ne savait que faire du corps d’Abel, et il resta stupéfait. Alors Dieu inspira à deux corbeaux d’aller devant Caïn et de combattre l’un contre l’autre. Un de ces corbeaux tua l’autre, ensuite il creusa un trou avec son bec et cacha sous la terre le corbeau mort. Caïn dit : Je n’ai pas tant d’intelligence que ce corbeau. Moi aussi je déposerai mon frère sous la terre. Ensuite il enterra Abel. Le premier homme qui tua son semblable fut Caïn, et le premier homme qui fut mis au tombeau fut Abel.
Lorsque Adam apprit la mort de son fils, il se mit à chercher Caïn ; il ne le trouva point, et il récita les quatre distiques suivants :

Les villes présentent toutes le même aspect ; les hommes sont corrompus. La face de la terre est devenue un désert salé ; elle est devenue hideuse. Chaque chose a perdu sa couleur et son goût. Les objets qui étaient beaux n’ont conservé qu’une partie de leur éclat. Hélas ! mon fils Abel a été tué injustement ! Tous ses charmes sont devenus poussière sous la terre noire. Nous avons eu pour voisin un homme qui ne trouve pas la mort, et le repos ne se trouve pas sur cette terre qu'il a habitée.


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Message par Ligeia Ven 6 Nov - 9:26

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CHAPITRE XXXI.
RELATION DU PÈLERINAGE D'ADAM.

Or, tous les ans, lorsque l'époque du pèlerinage arrivait, Adam partait de la montagne de Serândib, dans l’Hindoustan, et allait à Djidda. Il faisait le pèlerinage, et il retournait à sa demeure habituelle. Une année il alla et fit le pèlerinage. Or, de l’autre coté du mont 'Arafat, il y a une vallée que l’on nomme Nou'man. Adam alla dans cette vallée. Il mit un appui sous sa tête pour se reposer quelque temps et dormir. Alors Dieu donna ordre à Gabriel de se rendre auprès de lui, de faire sortir de ses reins toute sa postérité qui devait naître jusqu'au jour du jugement, et de la lui montrer ; comme il est dit dans le Coran, en forme de question : « Et lorsque ton Seigneur a fait sortir des reins des enfants d’Adam la postérité qui y était cachée. » (Sur. VII, vers. 171.)
Adam avait alors cent vingt enfants mâles. Gabriel les réunit tous auprès d’Adam, la moitié à sa droite et la moitié à sa gauche. Ensuite il dit à ceux de la droite : Ceux-ci seront certainement dans le paradis. Puis il dit à ceux de la gauche : Ceux-là iront certainement en enfer.

Notre prophète a dit : Il y a des hommes qui font des œuvres qui méritent le paradis, et à la fin ils commettent un péché, et pour ce péché ils vont en enfer. Il y a aussi des hommes qui commettent des péchés, et qui font le bien à la fin de leur vie, et pour ce bien ils vont en paradis. 'Omar, fils d’al-Khattâb, dit : Qu’est-ce que l’action, ô apôtre de Dieu ? Le prophète répondit : Agissez, on obtient tout par le travail.
Ensuite Gabriel montra à Adam toute sa postérité jusqu'aux prophètes. Lorsqu'il fut arrivé au prophète David, Adam lui donna quarante ans de sa propre vie. Sur la fin de sa vie, Adam se repentit de ce qu’il avait fait, et il dit à Dieu : Rends-moi mes quarante années, et il nia l’abandon qu’il en avait fait en faveur de David. Quand il eut nié de la sorte, Dieu dit : Lorsque vous donnez quelque chose à quelqu’un, prenez des témoins. Il est dit dans le Coran :
« Appelez en témoignage deux témoins d’entre vos hommes. » (Sur. II, vers. 282.)


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CHAPITRE XXXII.
DISCOURS SUR LA MISSION PROPHÉTIQUE D'ADAM ET DE SETH, SON FILS.

Sache que Dieu a envoyé du ciel à Adam soixante livres ou, suivant quelques personnes, vingt livres seulement ; et Gabriel enseigna à Adam à connaître les lettres de l’alphabet.

Lorsque Adam fut âgé de cent vingt ans, et cinq ans après que Caïn eut tué Abel, Adam eut un autre fils, comme nous l’avons dit plus haut; on le nomma Seth. Or, après Abel, et à la place d’Abel, Dieu donna Seth, qui sortit seul du sein de sa mère et qui n’eut point de sœur ni de frère jumeaux. Gabriel dit : Ô Adam, Dieu t’a donné ce fils à la place d'Abel, nomme-le Seth. Or Seth signifie en arabe « Don de Dieu. »
Lorsque Seth fut devenu grand, Adam le traita avec plus de distinction que tous ses frères, et il le nomma son successeur dans la souveraineté de la terre, après sa mort. Dieu lui accorda le don de prophétie, et il l'envoya vers tous les enfants d'Adam. Il eut de la postérité, et ces enfants d’Adam que tu vois maintenant sont les descendants de Seth.
En effet, aucun des enfants d’Adam n’eut une postérité aussi nombreuse que celle de Seth.

On rapporte qu’Abou-'Derr Ghaffari a dit : J’ai entendu dire ce qui suit au prophète : Il y a eu sur la terre cent vingt- quatre mille prophètes. Je dis au prophète : Combien y en a-t-il eu parmi eux qui aient été revêtus du caractère d’apôtre ? Il me répondit : Cent treize; le premier fut Adam, et le dernier Mahomet. Je dis au prophète : Ô apôtre de Dieu, combien de livres Dieu a-t-il envoyés du ciel ? Il me répondit: Il a envoyé cent quatorze livres ; sur ce nombre, cinquante ont été envoyés à Adam et à son fils Seth, trente au prophète Noé, vingt à Abraham, et dix à plusieurs autres prophètes ; parmi ces dix derniers livres se trouvent le Pentateuque, l’Evangile, le livre des psaumes, et le Coran, qui m’a été envoyé à moi qui suis Mahomet.


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CHAPITRE XXXIII.
RELATION DE LA MORT D’ADAM.

Or il y a contestation entre les hommes au sujet de la mort d’Adam. Il en est qui disent qu’Adam vécut mille ans. L’année où Dieu montra à Adam sa postérité, Adam donna à David quarante ans de sa vie. Ensuite, lorsque Adam eut vécu mille ans, l’ange de la mort vint vers lui ; Adam lui dit : Ô ange de la mort, tu t'es trompé. Ensuite Dieu ordonna à Adam de prendre Seth pour son héritier présomptif. Adam l’avait déjà désigné pour être son successeur après sa mort. Or, lorsque le temps de la mort d’Adam fut venu, et que l’ordre de Dieu fut arrivé, Adam nomma Seth son exécuteur testamentaire. Lorsque Adam fut mort. Dieu envoya Gabriel vers Seth pour lui porter le don de prophétie et lui ordonner de laver le corps d’Adam, de l'envelopper dans un linceul et de l’enterrer. Cet usage a subsisté jusqu’à présent parmi tous les enfants d’Adam, et il subsistera jusqu’à la résurrection.

Gabriel enseigna toutes ces choses à Seth, et Dieu lui envoya du paradis le linceul. Seth enveloppa dans ce linceul le corps d’Adam, et récita sur lui les prières des morts, comme Gabriel lui avait appris à le faire. Or Gabriel dit à Seth : Tu es le vicaire et l’exécuteur testamentaire de ton père, c’est à toi à remplir les fonctions d'officiant.
Ensuite Seth récita sur Adam trente tecbîrs. Quatre de ces tecbîrs formaient les prières légales, tous les autres étaient surérogatoires et destinés à relever l’excellence d’Adam. Ensuite, lorsque Seth eut achevé toutes ces prières, Gabriel lui ordonna de creuser une fosse et de déposer le corps d’Adam dans la terre. Cet usage subsistera parmi les enfants d’Adam jusqu’au jour de la résurrection. Plusieurs personnes disent que le tombeau d’Adam est auprès de la Mecque, sur la montagne nommée Abou-Qobaïs.

Ève vécut encore un an après Adam, ensuite elle mourut. Seth enterra Adam et Eve dans le même endroit. On dit qu’à l’époque du déluge Noé prit leurs ossements et les plaça dans l’arche. Lorsque le déluge fut passé, Noé sortit de l’arche et enterra ces ossements à Jérusalem. Il y a des personnes qui disent que maintenant encore le tombeau d’Adam et d’Eve est dans ce lieu-là.

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Message par Ligeia Ven 20 Nov - 8:12

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CHAPITRE XXXIV.
HISTOIRE DE SETH, FILS D'ADAM.

Lorsque Seth fut monté sur le trône, et qu’il fut devenu le plus grand de tous les enfants d'Adam, il fit tous les ans le pèlerinage, rendit le monde florissant, et agit avec justice et équité. A l’âge de trois cent cinquante ans, il eut un fils ; il l’appela Enos et le nomma son exécuteur testamentaire.
Lorsque Seth fut mort, Enos le mit au tombeau auprès d'Adam et d'Eve. Seth était âgé de neuf cent douze ans lorsqu'il mourut. Enos devint le successeur de son père, et il eut un fils extrêmement savant ; il le nomma Caïnan.
La vie d’Enos fut de neuf cent douze ans, comme l’avait été celle de son père. Il nomma Caïnan son exécuteur testamentaire. Or sache que Caïnan et Enos furent tous les deux rois de la terre et qu’ils ne furent pas prophètes. Caïnan laissa un fils nommé Malaléel, qui monta sur le trône. Malaléel eut un fils, il le nomma Jared. Celui-ci vécut sept cents ans, et il eut un fils qu’il nomma Enoch. Le père d’Énoch fut souverain de la terre, mais il ne fut pas prophète. Or le nom d’Enoch est syriaque: le nom arabe de ce personnage est Edrîs.
Edrîs reçut le don de prophétie.


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CHAPITRE XXXV.
DISCOURS SUR L'HISTOIRE DU PROPHÈTE EDRÎS.

Edrîs était de l’Hindoustan , mais il habitait l’Yémen. Il était prophète et revêtu du caractère d’apôtre. Or, de son temps, tous les hommes étaient adorateurs du feu, parce qu’Eblîs avait trompé Caïn, comme nous l’avons dit plus haut.
Lorsque Dieu envoya Edrîs vers ses frères, ils ne lui obéirent pas. Or Edrîs leur lisait des livres, et ces livres étaient les livres d’Abraham. Avec ces livres il appelait les hommes à Dieu.

Or le premier homme qui plaça le roseau sur le papier pour écrire fut Edrîs. Il savait coudre et faire le métier de tailleur. Il fut le premier qui introduisit l’usage de tailler et de coudre les vêtements, et il était très habile dans tous les ouvrages. De son temps, les hommes n’avaient point de vêtements cousus ; ils portaient tous des peaux et de la laine. Ils jetaient les peaux sur leur corps ; quant à la laine, ils en faisaient une espèce de feutre et s’en couvraient. Ils ne savaient pas même ce que sont les chemises et les caleçons. Or Edrîs commença à couper les peaux et à en faire des chemises et des caleçons cousus. Ce fut lui qui introduisit cet usage dans le monde. Avec tout cela, Edrîs était nuit et jour constamment occupé à adorer et à servir Dieu.
On dit que, pendant dix ans environ, il ne se coucha jamais la nuit, et qu’au lieu de dormir il priait et lisait les livres d’Abraham.

Or, après qu’Edrîs eut passé tout ce temps-là en adoration, l’ange de la mort désira se lier d’amitié avec lui. Il alla donc, sous une forme humaine, vers Edrîs, se montra à lui et lui dit : Je suis l’ange de la mort, et je désire me lier d’amitié avec toi. Il faut, à cause du culte extraordinaire que tu as rendu à Dieu, que tu me fasses une demande à laquelle il me soit possible de satisfaire.
Edrîs dit à l’ange de la mort : La demande que j’ai à te faire est que tu m’enlèves mon âme. L’ange de la mort lui répondit : Je ne suis pas venu pour cela, et ta vie n’a point encore atteint son terme. Edrîs lui répondit : C’est bien, mais enlève-moi mon âme pour quelques moments, et ensuite, s’il me reste encore du temps à vivre, Dieu me rendra mon âme.
L’ange de la mort dit : Je ne puis faire ce que tu me demandes sans l’ordre de Dieu. Ensuite l’ange de la mort présenta à Dieu la demande d’Edrîs. Dieu connaissait parfaitement le but qu'avait Edrîs en faisant cette demande. Il exauça sa prière, et il dit à l’ange de la mort : Accorde à mon serviteur la demande qu’il t’a faite.
Izraïl enleva l’âme d’Edrîs, et au même instant Dieu la rendit à ce dernier. Or cela est un des miracles que le Miséricordieux fit en faveur d’Edrîs, car il le laissa jouir ensuite du temps qui lui restait à vivre. Après cela, Edrîs se remit à servir et adorer Dieu, et l’ange de la mort devint son ami et alla souvent le visiter.

Des années se passèrent ; ensuite Edrîs dit un jour à l’ange de la mort : Ô mon ami, j’ai encore une demande à te faire. L’ange de la mort lui répondit : Si je puis te l’accorder, je le ferai volontiers. Edrîs lui dit : Il faut que tu me montres l’enfer, car j’ai éprouvé la mort, et l’âme que j’ai doit rester avec moi, et maintenant je puis voir l’enfer. Izraïl lui dit : Je ne puis pas faire ce que tu me demandes sans l’ordre de Dieu. Ensuite il exposa à Dieu la demande d’Edrîs. Dieu répondit : Accorde à mon serviteur la demande qu'il t’a faite.
Cela est encore un des miracles que le Miséricordieux fit en faveur d’Edrîs. L’ange de la mort enleva Edrîs, et lui montra les sept étages de l’enfer un à un, et il lui fit voir dans chaque étage les châtiments infligés à chaque classe de pécheurs. Il le remit ensuite à l’endroit où il l’avait pris.

Edrîs dit alors à l’ange de la mort : J’ai une autre demande à te faire, pourrais-tu encore me l'accorder? Izraïl lui dit : Quelle est cette demande ? Edrîs lui répondit: Il faut que tu me montres le paradis de Dieu comme tu m’as montré l'enfer. Izraïl lui dit : Je ne puis pas faire ce que tu me demandes sans l’ordre de Dieu. Il s’adressa donc à Dieu comme il l’avait déjà fait les autres fois. Dieu lui dit : Accorde à mon serviteur la demande qu’il t’a faite.
Ensuite Izraïl porta Edrîs dans le paradis.

Lorsqu'ils furent arrivés à la porte du paradis, Ridhwân ne les laissa point entrer et pénétrer jusqu’aux habitants du paradis, et il dit à Edrîs : Tu es un homme, et nul homme ne peut entrer dans le paradis avant d’avoir éprouvé la mort. Edrîs lui répondit : On m’a fait éprouver la mort, et mon âme périssable m’a quitté ; l'âme que j’ai maintenant doit rester éternellement avec moi, et Dieu m’a ressuscité. L’ange de la mort rendit témoignage à la vérité des paroles d’Edrîs ; Ridhwân se laissa toucher et dit : Je ne puis rien faire sans l’ordre de Dieu. L’ordre arriva à Ridhwân, de la part de Dieu, d’ouvrir la porte du paradis et d’y laisser entrer Edrîs.
Or toutes ces choses sont du nombre des miracles de Dieu en faveur d’Edrîs. Mais, avant que l’ange de la mort et Edrîs entrassent dans le paradis, Ridhwân dit à ce prophète : Maintenant le temps n’est point encore venu d’entrer dans le paradis. Tant que les créatures n’auront point été réunies dans le lieu du jugement dernier, il ne sera pas possible d’entrer dans le paradis. Entre cependant, vois le paradis, et tu en sortiras ensuite. Edrîs répondit : Oui, je ferai ainsi.
Puis, lorsque Edrîs fut entré dans le paradis, et qu’il y eut demeuré quelque temps, il en sortit à cause de la convention qu’il avait faite avec Ridhwân. Cette seconde fois il dit à Ridhwân : Ô Ridhwân, j’ai laissé quelque chose dans le paradis. Il revint sur ses pas et voulut entrer de nouveau dans le paradis. Ridhwân lui dit : Je ne te permettrai pas de rentrer dans le paradis.
Une dispute s’éleva entre Ridhwân et Edrîs, et Edrîs dit : Je suis un prophète, et Dieu m’a envoyé trente livres, et je les ai tous écrits ; et jusqu’à présent jamais je ne me suis révolté contre Dieu. Dans ces livres que Dieu m’a envoyés, il m’a promis le paradis. Et s’il faut avoir éprouvé la mort, je l’ai éprouvée, et Dieu m’a ressuscité. S’il faut avoir vu l’enfer, je l’ai vu ; maintenant je suis venu dans le paradis, il est ma demeure, Dieu me l’a promis, et maintenant que je suis entré, je ne sortirai point. Edrîs eut avec Ridhwân de longues discussions à ce sujet, jusqu’à ce que l’ordre de Dieu arriva, et Ridhwân ne s’opposa plus à l’entrée d’Edrîs, et ce prophète resta dans le paradis, où il est maintenant.

Edrîs eut un fils nommé Mathusalem. Lorsque ce fils sut que son père était pour toujours dans le paradis, il s’empara de la souveraineté de la terre, appela les hommes à la vraie religion, et fit renoncer un grand nombre de personnes à l’adoration du feu. Il exerça la royauté pendant neuf cents ans, et il eut un fils qu'il nomma Lamech.
La vie de Lamech fut de sept cent deux ans ; il mourut après ce temps. Lamech laissa un fils appelé Noé. Dieu accorda à Noé le don de prophétie. Du temps de Noé, chaque homme suivait une religion différente ; les uns adoraient le feu, et les autres adoraient les idoles. Entre Noé et Edrîs il s’écoula mille sept cents ans.
Pendant tout ce temps il ne parut aucun prophète ; il n’y eut que des rois terrestres qui possédèrent la souveraineté de la terre. Or, du nombre de ces rois qui possédèrent tout l’univers, fut Kayoumorth, lequel fui un roi juste.


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CHAPITRE XXXVI.
HISTOIRE DE KAYOUMORTH ET DE SON RÈGNE.

Kayoumorth fut un de ces rois qui possédèrent tout l'univers. C’était un roi beau de visage. Il vivait dans les montagnes et fréquentait peu les hommes. Il était plein de majesté, et avait la taille si grande que quiconque le voyait était effrayé. Il introduisit l’usage de dépouiller le fuseau de la laine et du poil pour faire des vêtements.
Or les hommes avaient déjà appris d'Edrîs à coudre les vêtements.
Kayoumorth était un roi doué de justice et d'équité, et il introduisit dans le monde plusieurs bonnes institutions. Il exerça la royauté pendant sept cents ans ; il eut un fils qu’il nomma Houschenk, et qu’il désigna pour son successeur.


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CHAPITRE XXXVII.
HISTOIRE DE HOUSCHENK ET DE SON RÈGNE.

Or on n’est pas d'accord sur l’époque à laquelle Houschenk monta sur le trône. Plusieurs personnes disent que Houschenk était fils de Kayoumorth, qui était lui-même fils de Malaléel, descendant d’Adam. Houschenk fut un roi qui s’empara de toute la terre, qui appela les créatures à la connaissance de Dieu, et les ramena à la vraie religion. Il rendit le monde florissant, exerça la justice au milieu des hommes, et fonda des temples. Il fut le premier homme qui coupa les arbres et en fit des planches pour construire les portes qu’on place à l'entrée des maisons.
Ce fut encore lui qui fit connaître et creuser les mines qui se trouvent dans la terre, comme les mines d'or, d’argent, de turquoises, et plusieurs autres semblables. Il fit tirer de la mer et de plusieurs autres lieux les perles, les pierres précieuses, les topazes et les hyacinthes.
Il fonda, dans le pays d’Ahvaz, une ville nommée Sousen. Il fit sourdre les eaux de leurs sources, et il enseigna à étendre à terre les différentes espèces de tapis, comme schâdir wân, takht, palâs et ma’h fourî âiïn.
Ce fut encore Houschenk qui introduisit l’usage de faire courir les chiens à la chasse, et de chasser. On dit qu’il fonda la ville de Réi.
La droiture de Houschenk lui concilia l'affection de tous les hommes. Les mages disent : Houschenk était adorateur du feu, el il était un des nôtres ; et les Juifs disent de leur côté qu’il suivait leur religion. Houschenk exerça la royauté pendant quatre cents ans.


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CHAPITRE XXXVIII.
HISTOIRE DE TAHMOURATH ET DE SON RÈGNE.

Après que Tahmourath se fut assis sur le trône, les mages le nommèrent Kayoumorth, et ils dirent qu'il adorait les idoles ; mais ils disaient un mensonge, car Tahmourath adorait Dieu. On dit que Dieu avait donné à ce prince tant de force et de vigueur que tous les Devs du monde étaient sous son obéissance, et il les chassa du milieu des hommes et les relégua dans les déserts et dans les mers.
Il les précipita à l’occident et à l’orient. Ce fut lui qui introduisit l’usage d’équiper les chevaux, de les seller et de les brider. Il enseigna à dresser les chameaux, les mulets, les ânes, les bœufs et les autres animaux qui servent aux rois. Avant lui il n’y avait pas de mulets dans le monde ; il fit saillir une jument par un âne pour produire un mulet, et il lui fil porter des fardeaux. Il alla à la chasse, et il fut le premier homme qui dressa des panthères pour cet exercice. Il fut également le premier homme qui écrivit des caractères persans. Il exerça la royauté pendant cent ans, et à la fin il mourut.

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Message par Ligeia Sam 28 Nov - 11:18


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CHAPITRE XXXIX.
HISTOIRE DU ROI DJEMSCHÎD.

Or on dit que Djemschîd était frère de Tahmourath ; il posséda tout l’univers et fut très beau de visage. Djem signifie éclat, et on le nomma Djem parce que, dans tous les lieux où il allait, il répandait un éclat qui sortait de sa personne. Djemschîd suivait la religion du prophète Edrîs, et il fut le premier homme qui fabriqua des armes, telles que les cimeterres, les couteaux, les piques, les cuirasses, etc. Avant lui, les armes des hommes étaient des pierres et des bâtons.
Ce fut Djemschîd qui introduisit dans le monde l’usage de recueillir le coton, de faire de la toile, de filer la soie et de la tisser. Il introduisit aussi l’usage des différentes couleurs, telles que le noir, le blanc, le rouge, le jaune, le vert, et autres couleurs semblables. Toutes ces choses n’existaient point avant Djemschîd. Il força les Devs à lui construire des thermes ; et ils tirèrent pour lui du fond de la mer toutes les pierres précieuses qui s’y trouvaient, à quelque profondeur qu'elles pussent être. Les hommes apprirent alors des Devs l’art de plonger ; et ils surent comment il faut s’y prendre pour aller au fond de la mer et en tirer des perles. Djemschîd enseigna aux hommes à suivre des routes sur les montagnes, et à marcher dans les déserts. Il ordonna aux Devs de tirer de la terre la chaux, la céruse, le cinabre, le vif-argent, et plusieurs autres substances semblables. Les Devs firent pour Djemschîd tout ce qu’il était convenable de faire. Djemschîd introduisit l’usage des fleurs odoriférantes et la manière de préparer les parfums, tels que le musc, l'ambre et le camphre.

Djemschîd partagea toutes les créatures du monde en quatre classes. Les militaires formaient une de ces quatre classes. Djemschîd leur dit : Gardez les armes et les chevaux, et ne vous éloignez pas de ma porte ; si vous agissez autrement, je vous punirai.
Les écrivains et les gens doués de science et d'instruction, de prudence et de jugement, formaient une autre classe. Djemschîd leur dit : Vous ne vous occuperez que des affaires qui vous concernent. Djemschîd enseigna à la troisième classe l’agriculture, et à la quatrième des métiers, tels que ceux d’orfèvre, de cordonnier et plusieurs autres semblables, et il dit : Que chacun fasse son travail et ne s'occupe pas d'autre chose.
Djemschîd établit des inspecteurs sur ces différentes classes, et il dit aux militaires : Vous serez attachés à ma personne. Ensuite Djemschîd plaça des savants à la tête des quatre classes, afin que ces savants l’instruisissent matin et soir de ce que chacun faisait la nuit, le jour, pendant le mois et pendant l'année. Si quelqu’un s'écartait des règlements qu’il avait établis, il le faisait mettre à mort.

Ensuite Djemschîd demanda aux savants : Que doit faire un roi pour ne pas perdre son trône ? Les savants lui répondirent : Il doit être juste et équitable, et délivrer l’opprimé de la main de l’oppresseur. Alors Djemschîd institua la coutume de demander justice ; il assembla les sages et les savants, s’assit sur son trône et rendit la justice. Tous les hommes accoururent vers lui, et on nomma ce jour nourouz (nouveau jour).
Or, au commencement de chaque mois, Djemschîd s’asseyait ainsi pour administrer la justice, et sept cents ans se passèrent de cette manière. Pendant tout cet espace de temps, Djemschîd n’éprouva aucune incommodité, son règne ne fut point interrompu, aucun ennemi ne se leva contre lui, et il n’eut aucun sujet d'affliction.

Un jour, à l’heure de la sieste, Djemschîd était seul dans sa maison, et un grand nombre de personnes de différentes classes se tenaient à sa porte. Eblîs entra par la fenêtre de la maison. Djemschîd lui dit : Qui es-tu, et comment as-tu pu entrer ici ? Or Djemschîd pensait qu’Eblîs était du nombre des personnes qui se tenaient à la porte de sa maison, et qu’il s’y était introduit par la ruse et sans en avoir obtenu la permission.
Eblîs entra en conversation avec Djemschîd, et il lui dit : Je suis un ange du nombre de tes anges, et je suis descendu du ciel pour le donner des conseils. Djemschîd lui répondit : Quels conseils me donnes-tu ? Eblîs lui dit : Dis-moi qui tu es. Djemschîd lui répondit : Je suis l’un des enfants d’Adam. Eblîs lui dit : Tu te trompes, tu n’es pas un homme. Considère que, depuis que tu exerces la royauté, tu n'as jamais été malade ; d’ailleurs, les rois sont dépossédés, ils meurent, ils ont des ennemis qui se lèvent contre eux, et toi tu n'as éprouvé aucun de ces maux. Si tu étais du nombre des enfants d’Adam, tu en aurais éprouvé une partie ; or tu n’en as éprouvé aucun, parce que tu es Dieu ; mais tu ne te connais pas toi-même. Tu étais d’abord dans le ciel, et le soleil, la lune et les étoiles étaient tous sous tes ordres, et tu les dirigeais bien. Tu es descendu ensuite sur la terre pour rendre la justice aux hommes et remonter après cela au ciel; mais tu as oublié ce que tu es. Moi je suis ton ange, et tu as des droits sur moi. Je suis venu vers toi pour te faire savoir qui tu es. Maintenant toute la terre t'appartient, et tu as rendu la justice aux hommes ; fais-toi donc connaître à eux, et ordonne leur de t’adorer ; et quiconque ne t’adorera pas, jette-le dans le feu.

Or nous avons déjà rapporté une partie de cette histoire, mais ici elle sera racontée plus au long.
Djemschîd demanda donc à Eblîs : Quelle preuve as-tu de ma divinité ? Eblîs lui répondit : Quel besoin as-tu de preuves autres que celles qui sont sous tes yeux ? Je suis un ange ; un homme ne peut pas voir un ange, et tu me vois. Après avoir dit ces paroles, Eblîs disparut.

Djemschîd se laissa tromper par les paroles d’Eblîs. Le lendemain il fit faire un grand feu, et, après avoir réuni toutes les créatures, il leur dit : Je suis le Dieu du ciel et de la terre ; adorez-moi, autrement je vous ferai tous brûler dans ce feu. Djemschîd envoya des lieutenants dans toutes les villes, et nous avons déjà fait connaître les noms de ces lieutenants et ceux des idoles qu’ils emportèrent. Toutes les créatures, dans la crainte d’être brûlées, adorèrent Djemschîd. Après cela, un homme, dont le nom était Beyourasp, partit de l'extrémité du royaume de Djemschîd et s’avança contre ce prince.


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CHAPITRE XL.
HISTOIRE DE BEYOURASP.

On rapporte que Beyourasp s’avança, et qu’il s’empara du trône et des villes de Djemschîd, avec une armée dont Dieu connaît le nombre. Lorsque Beyourasp arriva dans le royaume de Djemschîd, ce prince était à Damavend. Beyourasp alla à Damavend et, lorsqu’il y arriva, Djemschîd s'enfuit et se cacha.
Beyourasp s’empara alors de tout l’univers. Djemschîd se tint caché pendant un an. Lorsque Beyourasp eut découvert sa retraite, il s’empara de sa personne et le fit scier en deux, depuis la tête jusqu’aux pieds.


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Message par Ligeia Ven 4 Déc - 18:05

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CHAPITRE XLI.
HISTOIRE DU PROPHÈTE NOÉ.


Dieu accorda à Noé le don de prophétie, et il l’envoya vers Beyourasp. Les mages disent que Beyourasp était adorateur du feu ; mais nous voyons dans le Coran qu’il adorait les idoles, et qu’il n’adorait point le feu. Il est dit dans le Coran (sur. LXXI, vers. 20) :
« Noé s’écria ; Seigneur, ils ne m’obéissent point ; ils suivent celui dont les richesses et les enfants augmentent la perfidie. Ils ourdirent une trame contre Noé, et ils dirent : N’abandonnez point vos dieux, n'abandonnez point Wadd, Sowâ, Yagouth, Yaouk et Nasr. Ils en ont déjà séduit un grand nombre. »
Ce verset est une preuve que les gens vers lesquels Noé fut envoyé adoraient les idoles.

La vie du prophète Noé fut de mille ans. A l’âge de cinquante ans, Dieu lui accorda le don de prophétie, que Noé conserva pendant neuf cent cinquante ans. Noé appela les hommes à Dieu, comme il est dit dans le Coran (sur. XXIX, vers. 13) : « Nous avons envoyé Noé vers son peuple, et il est resté avec eux mille ans, moins cinquante ans. Ensuite ils furent détruits par le déluge ; car ils étaient du nombre des injustes ; mais nous avons sauvé Noé et les habitants de l’arche. »

Pendant les années que Noé passa avec son peuple, personne ne crut à sa parole, jusqu'au moment du déluge. Alors Noé et les personnes qui avaient cru à sa parole entrèrent dans l’arche. Ils étaient en tout quatre-vingts, tant hommes que femmes, et Noé était chargé de rappeler à Dieu tous les habitants de la terre ; il était un prophète revêtu du caractère d'apôtre. Or, pendant les neuf cent cinquante ans que dura la mission de Noé, trois générations d’hommes s’étaient succédé sur la terre.

Du temps de Noé, lorsqu'un enfant, après être sorti du sein de sa mère, était devenu grand, son père le prenait par la main, le conduisait vers le prophète Noé, le montrait à l'enfant, et disait : Cet homme est un fou et un magicien. Prends garde, lorsque tu auras atteint l’âge de puberté, n’ajoute pas foi à ses paroles ; et, si tu as des enfants, fais-leur la même recommandation que je te fais, à toi. Or, toutes les fois que Noé appelait les hommes à Dieu, ils le frappaient et le traitaient avec mépris, et Noé supportait avec patience ces mauvais traitements.

Noé avait une femme qui ne croyait point à sa mission, comme il est dit dans le Coran (sur. LXVI, vers. 10) :
« Dieu a donné pour exemple à ceux qui sont infidèles la femme "de Noé et la femme de Loth. »
II avait eu de cette femme quatre fils, le premier était Sem, le second Cham, le troisième Japhet, et le quatrième Chanaan. Les trois premiers avaient cru à la parole de Noé ; mais le quatrième, qui était Chanaan, et sa mère, étaient restés infidèles.

Plusieurs années s’écoulèrent; la patience et le courage de Noé étaient à bout ; personne ne croyait à ses discours. Il pria Dieu de faire périr son peuple, et il dit les paroles que Dieu a conservées dans le Coran : « Noé dit : Seigneur, ne laissez pas sur la terre les maisons des infidèles ; car, si vous les y laissez, ils séduiront vos serviteurs, et ils engendreront des enfants coupables et infidèles. Ensuite Noé pria pour lui-même et dit : Seigneur, pardonnez-moi, pardonnez à mes parents, à ceux qui sont entrés avec foi dans ma maison, aux hommes et aux femmes fidèles, et perdez les injustes. » (Sur. LXXI, vers. 27-29.)

Dieu exauça la prière de Noé, et il lui ordonna de planter un teck, afin de punir les hommes. Or le teck est un arbre qui met quarante ans à pousser, et Noé savait que dans quarante ans le châtiment des hommes aurait lieu. Noé planta donc un teck, et adressa ses prières à Dieu. Ensuite, lorsque quarante années se furent écoulées, et que l’arbre eut atteint sa croissance. Dieu envoya à Noé une révélation, et lui dit : Je ferai périr par l’eau toutes ces créatures. Je ferai sortir de la terre et je ferai descendre du ciel l’eau du châtiment. Or Noé demeurait à Koufa, et il avait dans sa maison un four en fer qui avait, dit-on, appartenu à Adam. Dieu avait établi ce four comme un symbole, et il avait dit : Voici quel sera le signe du châtiment de ce peuple : l’eau sortira par l'embouchure du four, comme on le voit par ces paroles du Coran : "Lorsque notre ordre sera arrivé, et que le four sera en ébullition." (Sur. XXIII, vers. 27.)
Effectivement, lorsque l’eau fut sur le point de sortir par l’embouchure du four, elle entra en ébullition. Noé craignit de périr aussi avec les infidèles, et il dit : "Seigneur, sauvez-moi, ainsi que les fidèles qui sont avec moi." (Sur. XXVI, vers. 118.)

Dieu promit à Noé qu’il le sauverait lui et sa famille, et il lui dit : Arrache le teck et fais-en des planches. En même temps il donna ordre à Gabriel d’aller vers Noé et de lui enseigner à construire une arche, comme il est dit dans le Coran : "Construis une arche en notre présence, etc." (Sur. XI, vers. 39.)
Noé construisit l’arche, et les hommes passaient près de lui. Ces infidèles lui demandaient : Que fais-tu ? Noé répondait : Je fais une arche, car Dieu fera périr les hommes par l'eau. Les infidèles se moquaient alors de Noé, le tournaient en ridicule et lui jetaient des pierres. Noé leur répondait : « De même que vous vous moquez de moi actuellement, de même aussi, moi et les hommes fidèles, nous nous moquerons de vous demain.» (Sur. XI, vers. 40.)

Or Noé acheva de construire l’arche en quarante jours. Cette arche était longue de douze cents coudées, et elle avait trois étages ; l’étage inférieur était pour les quadrupèdes, celui du milieu pour les hommes, et le plus élevé pour les oiseaux, comme il est dit dans le Coran : « Nous avons dit à Noé : Place dans l’arche un couple de tous les animaux, etc. » (Sur. XI, vers. 42.)

L’eau sortit ensuite de la terre et elle tomba du ciel pendant quarante jours, et, lorsqu’elle fut devenue haute, elle enleva l’arche de la terre. Noé dit à son fils : «Ô mon fils, viens avec nous et ne reste pas avec les infidèles.» (Sur. XI, vers. 44 et suiv.) Or Chanaan, fils de Noé, se trouvait avec les infidèles, et il répondit à son père : « Je me retirerai sur une montagne, qui me garantira de l’eau. » Noé dit à Chanaan : « Cette montagne ne garantira aujourd'hui, contre les ordres de Dieu, que celui auquel Dieu fera miséricorde. »

Pendant qu’ils discutaient ainsi, l’eau monta et submergea Chanaan, comme il est dit dans le Coran : « Une vague passa entre eux deux, et il fut du nombre des submergés. » Il est dit encore : « Noé invoqua son Seigneur, et lui dit : Seigneur, mon fils fait partie de ma famille, et ta promesse est une vérité ; car tu es le plus juste de ceux qui jugent. Le Seigneur lui répondit : Ô Noé, ton fils ne fait pas partie de ta famille. Ce que tu demandes de moi est une action injuste ; ne me demande donc pas une chose sur laquelle tu n’as aucune connaissance. Je t’avertis afin que tu ne sois pas du nombre des ignorants. Ensuite Noé dit : Seigneur, je me réfugie vers toi, ne permets pas que je te demande une chose sur laquelle je n’ai aucune connaissance, etc. » (Sur. XI, vers. 49.)
Dieu ordonna ensuite au vent de réunir près de Noé tous les animaux qui volent, afin que Noé prit un couple de chacun de ces animaux et les plaçât dans l’arche.

Lorsque l’âne voulut entrer dans l’arche, Eblîs saisit avec sa main la queue de l’âne et le tira en arrière. Enfin Noé dit à l’âne : Ô maudit, entre donc. Alors Eblîs entra dans l’arche en même temps que l’âne. Lorsque Noé vit Eblîs, il lui dit : Ô maudit, en vertu de quelle permission es-tu entré dans celle arche ? Eblîs lui répondit : Ô Noé, je suis entré par ton ordre ; car j’avais saisi la queue de l’âne, et je l’empêchais d’entrer ; lorsque tu dis : Ô maudit, entre donc, j’entrai dans l’arche ; car le maudit, c’est moi.

Après cela, Dieu laissa sortir l’eau des cieux, et il fit sortir l’eau des sources de la terre, comme il est dit dans le Coran : « Nous avons ouvert les portes du ciel à une eau qui coulait abondamment, etc. » (Sur. LIV, vers. 11.)

Lorsque Noé vit que l’arche se tenait sur la surface des eaux et qu’elle commençait à marcher, il dit : « Au nom de Dieu, elle marche et elle s’arrête, etc.» (Sur. XI, vers. 43.)
Or l’eau sortit de la terre et descendit du ciel en si grande quantité, qu’elle couvrit toutes les montagnes du monde, même les plus élevées, et monta encore quarante coudées plus haut.
Or Chanaan avait parlé comme il le fit, parce qu’il pensait que la pluie du déluge était semblable aux autres pluies; et  comme il était berger, toutes les fois qu'il pleuvait, il se retirait sur la montagne, et l’eau ne pouvait lui faire aucun mal, ni arriver jusqu'à lui. Il crut qu’il en serait de même pour l’eau du déluge. Lorsque Noé lui dit, « Ô mon fils, viens avec nous, » Chanaan lui répondit : « Je me retirerai sur une montagne qui me garantira de l’eau. »

Noé fut six mois dans l’arche, et pendant ces six mois l’eau tomba du ciel et sortit de la terre sans interruption. Or sache que Noé entra dans l’arche à Koufa, et l'arche alla à la Mecque et tourna autour de l’emplacement de la Caaba. Et tantôt elle allait vers l’orient, tantôt elle revenait vers l’occident, et elle alla aussi en Syrie. Lorsque six mois se furent écoulés, l’arche s’arrêta sur la surface de l’eau au-dessus du mont Djoudî. Dieu arrêta l’eau des cieux après six mois, de sorte que tous les animaux qui se trouvaient sur la terre, à l’exception de ceux qui étaient dans l’arche, furent détruits. Après cela, Dieu ordonna aux sources de la terre d’absorber l’eau qui couvrait l’univers, et il commanda aux cieux de retenir la pluie qu’ils versaient sur la terre, comme cela est rapporté dans le Coran : « Dieu dit : Ô terre, absorbe ton eau. Ô ciel, retiens la pluie. » (Sur. XI, vers. 46.) Or sache que le mot ibla'ï, qui se trouve dans le texte du Coran, signifie absorber, et que le mot aqla'ï signifie retenir.

Après cela, l’eau baissa, et l'arche s’arrêta sur le sommet du mont Djoudî, comme il est dit dans le Coran : « L’arche s’arrêta sur le mont Djoudî, et il fut dit : Loin d’ici, hommes injustes! » (Ibid.) Cela signifie que Dieu ordonna la destruction de ces hommes.

Lorsque Noé sortit de l’arche, les créatures se multiplièrent, et Noé rendit des actions de grâces à Dieu, et il dit : « Louange à Dieu qui nous a délivrés des hommes injustes! » Et il dit également : « Seigneur, fais que ma sortie de l’arche soit bénie, etc. » (Sur. XXIII, vers. 29-30.)
Or Noé sortit de l’arche le jour que l’on nomme 'aschourâ, qui est le dixième jour du mois de mo'harrem ; et il y était entré le dixième jour du mois de redjeb. Le jour de son entrée dans l’arche, Noé avait fait jeûner toutes les personnes qui étaient avec lui.

On vit sortir de l’arche deux espèces d’animaux qui n'y étaient point entrés ; c’étaient le porc et le chat. Ces animaux n’existaient point sur la terre avant le déluge, et Dieu les créa dans l’arche, parce qu’elle était remplie d’ordures et d’excréments humains qui répandaient une grande puanteur.
Les personnes qui étaient dans l’arche, n’ayant pas la force de supporter cette puanteur, se plaignirent à Noé ; alors Noé passa sa main sur le dos de l’éléphant, et le porc sortit de l’anus de cet animal. Le porc mangea toutes les ordures qui étaient dans l’arche, et la puanteur disparut.

Quelque temps après, les rats se trouvèrent en grande quantité dans l’arche. Ils mangèrent la nourriture des hommes et la remplirent d’ordures. Alors les personnes qui étaient avec Noé allèrent le trouver, et lui dirent : Tu nous as délivrés d’un premier mal ; mais maintenant nous sommes tourmentés par les rats, qui rongent nos vêtements, mangent notre nourriture et la remplissent d’ordures. Alors Noé passa sa main sur le dos du lion, qui éternua, et le chat sortit du nez de cet animal. Le chat se mit à manger les rats.

Lorsque Noé fut sorti de l’arche, il passa quarante jours sur le mont Djoudî, jusqu’à ce que l’eau du châtiment se fût retirée dans la mer. Maintenant cette eau amère et salée, qui se trouve dans la mer, provient de l’eau du déluge qui s’y retira du temps de Noé.

Or Noé dit au corbeau : Va, pose ta patte sur la terre, et vois quelle est la hauteur de l’eau. Le corbeau partit, et ayant trouvé une charogne sur sa route, il se mit à la manger, et ne retourna pas auprès de Noé. Noé fut affligé de cela et maudit le corbeau en disant : Que Dieu le rende méprisable aux yeux des hommes, et que ta nourriture ne consiste qu’en charognes ! Après cela, Noé envoya la colombe. La colombe partit, et, sans s’arrêter nulle part, elle mit ses pattes dans l’eau. L’eau du châtiment était amère et salée, elle brûla les pattes de la colombe, les plumes n’y repoussèrent plus et la peau s'en détacha. Maintenant les colombes qui ont les pattes rouges et sans plumes sont de l’espèce de celle qui se présenta devant Noé et qui lui montra ses pattes. Noé dit alors ; Que Dieu te rende agréable aux yeux des hommes ! C’est pour cette raison que maintenant la colombe est chère au cœur des hommes.

Après cela, Noé descendit sur la terre ainsi que les personnes qui avaient été avec lui dans l’arche. Or, dans tout l'univers, depuis l’orient jusqu’à l’occident, il n’y avait pas un seul édifice qui n’eût été détruit. Noé construisit un bourg, et il éleva une maison pour chacune des quatre-vingts personnes qui étaient sorties de l’arche avec lui et qui se trouvaient sur le mont Djoudî ; de sorte qu’il y eut quatre-vingts maisons bâties dans ce lieu-là, et toutes les personnes dont nous avons parlé eurent chacune la leur. Il est dit dans le Coran (sur. XI, vers. 42) : « Il n’y eut qu’un petit nombre qui crut avec Noé. »
Ces mots « un petit nombre » désignent les quatre-vingts personnes qui étaient avec Noé. Le bourg que Noé bâtit devint grand, et aujourd’hui il est florissant. Il est situé au pied du mont Djoudî. Plusieurs personnes nomment ce bourg « le bourg de Noé, » et d’autres personnes lui donnent le nom de Souk al-themànîn (marché des quatre-vingts).

Noé vécut encore trois cents ans après le déluge. Depuis le temps d’Adam jusqu’au temps du déluge, il s'était écoulé deux mille deux cents ans, ou, suivant d’autres, trois mille cinq cents ans.
Ce fut des quatre-vingts personnes qui se sauvèrent avec Noé que Dieu fit sortir tous les hommes que nous voyons. Or tous les peuples du monde, les Juifs, les Chrétiens et les Musulmans, regardent le déluge de Noé comme un fait véritable ; il n’y a que les Mages qui ne connaissent ni Noé ni le déluge, et ils disent que, depuis que ce monde existe, il a toujours été tel qu’il est.

L’histoire de ces quatre-vingts personnes se trouve dans tous les livres qui ont été envoyés du ciel depuis l’époque d’Adam jusqu’à l’époque d’Yezdeguerd, fils de Schahriâr, qui fut roi de Perse et qui perdit la couronne du temps d’’Omar, fils d’al-Khattâb. Ces livres sont, entre autres, le livre d’Abraham et la loi de Moïse, l’Évangile de Jésus et le Coran de Mahomet. On trouve dans tous ces livres l’histoire du déluge, de la destruction du peuple de Noé, et du séjour de Noé sur le territoire de Babylone.

Quelques personnes prétendent que le déluge n’a eu lieu qu’à cet endroit, d’autres disent que le déluge s’étendit sur toute la terre, comme il est dit dans le Coran (sur. LIV, vers. 12) : « Nous avons fait jaillir des sources de toute la terre. » Dieu a dit ces paroles afin que tu comprennes que le déluge a été universel.

Or sache que toutes les créatures sont sorties, après Noé, de Sem, de Cham et de Japhet. Les Arabes, les Persans, les hommes blancs de visage, les gens de bien, les jurisconsultes, les savants et les sages sont de la race de Sem ; et voici pourquoi :
Un jour Noé était endormi, le vent souleva ses vêlements et découvrit ses parties sexuelles sans qu’il s’en aperçût. Japhet passa près de Noé, dont il vit les parties sexuelles ; il se mit à rire aux éclats et à tourner son père en ridicule, sans le recouvrir. Cham, frère de Japhet, arriva ensuite ; il regarda Noé, se mit à rire aux éclats et à plaisanter, et passa outre, sans couvrir son père. Sem vint après ses frères, et, voyant Noé dans une posture indécente, il détourna les yeux et cacha la nudité de son père. Noé se réveilla ensuite, et demanda à Sem ce qui s’était passé ; ayant appris que Cham et Japhet avaient passé près de lui et qu’ils avaient ri, il les maudit en disant : Que Dieu change la semence de vos reins ! Après cela, tous les hommes et les fruits du pays de Cham devinrent noirs. Le raisin noir est du nombre de ces derniers. Les Turcs, les Slaves et Gog et Magog, avec quelques autres peuples qui nous sont inconnus, descendent de Japhet. Cham et Japhet furent punis de la sorte pour avoir ri en voyant les parties sexuelles de leur père.


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Message par Ligeia Jeu 10 Déc - 10:46

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CHAPITRE XLII.
HISTOIRE DU ROI DHO’HÂK.

Pendant les premiers mille ans qui s’écoulèrent après le déluge, il n'y eut dans le monde aucun roi qui possédât l’empire de tout l’univers. Lorsque ces mille ans furent passés, il s’éleva un roi de la race de Cham, fils de Noé ; ce roi s’ap- pelait Dho'hàk. Il savait la magie, et il s’empara de la souveraineté de tout l’univers. Sur l’extrémité de ses épaules s’élevaient deux excroissances de chair qui ressemblaient à deux têtes de serpent. La cause pour laquelle il avait cette difformité sera rapportée plus loin.
Dho'hàk cachait ces excroissances, qui, chaque fois qu’il ôtait ses vêtements, lui paraissaient deux dragons. Les hommes craignaient le gouvernement de ce prince. Les Arabes l’ont nommé Dho'hàk, et les Mages disent qu’il est le même que Beyourasp ; mais on n’est pas d’accord là-dessus, parce que Beyourasp vivait du temps de Noé.

Or Dho’hàk était un roi extrêmement injuste et méchant. Il introduisit les mauvaises mœurs dans l’univers, et il fit périr tous les rois. Il appela les créatures à l’idolâtrie, et il fut un homme tellement sanguinaire que, parmi les rois ses contemporains, il n’y en eut aucun qui répandit autant de sang que lui. Ce fut encore ce prince qui introduisit l’usage de fouetter et de pendre les hommes. Il régna pendant mille ans, mais sa conduite éloigna de lui tous ses sujets, car il ne rendait la justice à qui que ce fût ; et, lorsqu’il était irrité contre une personne quelconque, il envoyait des soldats et la faisait mettre à mort.

Or Dieu voulut enlever la royauté à Dho'hàk, et, lorsque ce prince eut régné pendant huit cents ans, les deux excroissances de chair qu’il avait sur ses épaules devinrent des ulcères, et lui causèrent des douleurs très vives, au point qu’il criait nuit et jour sans pouvoir trouver de repos. Personne ne connaissait de remède à ses souffrances. Or, une nuit, le sommeil s’empara de lui, et il vit, pendant qu’il dormait, quelqu'un qui lui dit : Si tu veux que tes ulcères aillent mieux, appliques-y la cervelle d’un homme, car tel est le remède qui te convient. Le lendemain, Dho'hàk se réveilla, et il ordonna qu’on lui amenât deux hommes, qu’on les mit à mort, et qu’on appliquât leur cervelle sur ses ulcères. Les ulcères allèrent un peu mieux, la douleur se calma, et Dho'hàk put se tenir en repos.
Après cela, Dho’hàk établit une redevance de deux hommes par jour. On lui amenait ces hommes, on les tuait, et on mettait leur cervelle sur ses ulcères. Pendant les deux cents dernières années de la vie de Dho’hàk, tous les gens qui se trouvaient dans les prisons, qu’ils eussent ou non mérité la mort, furent tués par son ordre et pour la raison que nous venons d’exposer. Après cela, il fixa la répartition du tribut de deux hommes qu’on devait lui fournir chaque jour, afin qu’il les tuât et qu’il mit leur cervelle sur la partie de son corps qui était ulcérée.

Or il y avait à Ispahan un homme qui était père de deux jeunes gens beaux de visage et doués d’un heureux naturel. Un jour, on saisit ces deux jeunes gens, et on les tua sans s’inquiéter de leur père ni de leur mère. Cet homme se nommait Kâveh ; il était forgeron, et il travaillait sous un auvent, devant sa maison, lorsqu'on vint lui annoncer que ses enfants avaient été pris et mis à mort. Au même instant il sortit de son auvent, et, dans son trouble et sa juste colère, il se mit à courir par la ville avec la pièce de cuir que portent les forgerons et qui les couvre jusqu’aux pieds pour garantir du feu leurs vêtements. Kâveh se mit à pousser des cris et des gémissements dans Ispahan, et les hommes se réunirent autour de lui. On rapporte aussi qu’un des principaux Dehqans d’Ispahan s'avança au milieu de la foule et dit : Ô hommes, venez afin que je vous délivre et que je me délivre moi-même de l’injustice de ce tyran. Or les habitants d’Ispahan étaient fatigués de la cruauté de Dho’hàk ; ils se levèrent en masse avec le forgeron Kâveh, lequel attacha au bout d’un bâton cette pièce de cuir qui le rouvrait jusqu’aux pieds, et la tint en l’air comme un étendard. Il y a des personnes qui disent que ce ne fut pas une pièce de cuir, mais bien le turban que Kâveh  portait autour de sa tête, qu’il plaça ainsi au bout d'un bâton, comme un étendard. Un grand nombre de gens sans aveu, de voleurs et de brigands se joignirent à Kâveh, qui alla au palais du lieutenant de Dho’hàk, situé auprès de la porte d’Ispahan, tua ce lieutenant, pilla ses trésors, enleva toutes les armes qu’il put trouver et les distribua aux hommes qui étaient à sa suite.
Kâveh établit après cela un autre lieutenant et s'avança contre Dho’hàk. Des gens partis de toutes les villes allaient grossir son armée ; car les sujets de Dho’hàk s’étaient fatigués du joug de ce prince pendant les mille ans qu’avait duré sa domination. Kâveh, ayant réuni cent mille hommes autour de sa personne, marcha vers Damâvend. Lorsqu’il fut arrivé, il assembla tous ses soldats et leur dit : Vous savez que je n’ai fait la guerre qu’aux lieutenants de Dho’hàk, el que, pour lui, il est encore roi : choisissez donc un souverain, afin que nous le placions sur le trône, qu’il s’oppose à Dho’hàk, et que je prenne ses ordres. Kâveh tint encore à ses soldats d’autres discours sur le même sujet. Ceux-ci lui répondirent : Sois notre roi, nous t’acceptons. Mais Kâveh répondit: Vous savez que je ne remplirais pas convenablement les devoirs d’un roi.
Or il y avait un prince de race royale nommé Afridoun ; il était fils du roi Djemschîd. Ce prince s’était enfui et s’était tenu caché à cause de Dho’hàk. On l’alla chercher et on l’amena. Kâveh lui remit toutes les troupes, les trésors, les armes, et se tint en sa présence pour recevoir ses ordres. Afridoun donna à Kâveh le commandement général de l’armée. Dho’hàk sortit alors de Damâvend. Les troupes d’Afridoun lui livrèrent bataille, le tirent prisonnier, le tuèrent et mirent en fuite son armée. Afridoun monta alors sur le trône.


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CHAPITRE XLIII.
HISTOIRE DU RÈGNE D’AFRIDOUN

Lorsque Afridoun monta sur le trône, il nomma Kâveh gouverneur d’Ispahan et chef de toutes les provinces de son empire. Kâveh étant mort, Afridoun demanda à ses enfants la pièce de cuir qui avait servi d’étendard à leur père le jour où il sortit d’Ispahan, et il la serra dans son trésor pour qu’elle fût un monument d’heureux augure. Toutes les fois qu’Afridoun avait à livrer une grande bataille, il prenait cet étendard, le fixait au bout d’un bâton, et il remportait la victoire.

On rapporte qu’on avait attaché sur cet étendard une grande quantité de dirhems, de dinars, de pierres précieuses et de perles. Après Afridoun, tous les rois de Perse gardèrent comme un monument d’heureux augure ce même étendard, qui leur porta bonheur à tous, excepté à Yezdeguerd, fils de Schahriâr. Lorsqu’on pilla le trésor de ce prince, on prit l’étendard de Kâveh qu’on apporta à ‘Omar, fils d’al-Khattâb, lequel ordonna de brûler cette pièce de cuir. Il y a des personnes qui disent que ce ne fut point le turban qu'’Omar fit brûler, mais bien la pièce de cuir.

Afridoun exerça la royauté pendant deux cents ans après la mort de Kâveh, et il gouverna le monde avec équité et justice. Les Mages disent que ce prince était adorateur du feu. Le premier, il étudia l’astronomie ; il composa les tables Kharesmiennes, et il fut le fondateur de la science de la médecine. Il fut aussi le premier roi qui monta sur un éléphant.

Lorsque Afridoun eut régné pendant deux cents ans, il eut trois fils : il nomma le premier Tour, le second Salm, et le plus jeune Iradj. Il aimait ce dernier plus que les deux autres, et il lui donna la souveraineté de l'Irak, de Mosoul, de Koufa et de tout le territoire de Bagdad. Après la mort d’Afridoun, Tour et Salm marchèrent contre Iradj, le combattirent et le tuèrent, en disant : Notre père a partagé son héritage, et il a donné à Iradj la meilleure part, le milieu du monde ; quant à nous, il nous a rejetés à l’extrémité de l’univers.

A la mort de Tour et de Salm, la royauté sortit de leur famille, et le souverain pouvoir tomba entre les mains d’un roi qui se nommait Kousch, et qui était du nombre des enfants de Cham, fils de Noé, de la race duquel Dho'hàk était également. Kousch régna pendant quarante ans, et il mourut ensuite. Après lui, Chanaan monta sur le trône. Or Kousch et Chanaan adoraient tous deux les idoles. On dit que Nemrod était fils de Chanaan. Lorsque celui-ci mourut, Nemrod monta sur le trône. Or Nemrod avait un vizir nommé Azar, fils de Nachor, fils de Sàrough, qui descendait de Noé à la sixième génération. Cet Azar fut le père d’Abraham, l’ami de Dieu.

Depuis le temps du déluge jusqu’au temps d’Abraham, il s’écoula trois mille ans. Pendant ces trois mille ans, comme il ne restait plus aucun prophète, et que le peuple d’'Ad s’était révolté contre Dieu, Dieu envoya vers les 'Adites le prophète Houd. Nous raconterons d’abord l'histoire de Houd et celle de Çâli'h, et nous reviendrons après à l’histoire de Nemrod.


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Message par Ligeia Mar 15 Déc - 15:50

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CHAPITRE XLIV.
HISTOIRE DU PROPHÈTE HOUD.


'Ad et Themoud étaient deux tribus et deux rois du nombre des enfants de Sem, fils de Noé. On donnait le nom d"Àd à la tribu qui descendait d’'Àd, fils d’'Oudh, fils de Sem, fils de Noé. Or l’usage des Arabes est de désigner une tribu par le nom du père de cette tribu, et ils disent : les Benou-Temîm , les Benou-Hâschem, et ainsi des autres. La tribu qui descendait de Themoud portait également le nom de Themoud. Or Dieu a donné lui-même à la tribu d’'Ad le nom d’‘Ad, en disant :
« Nous avons envoyé vers 'Ad leur frère Houd." (Cor. sur. VII, vers. 63.) Le texte du passage précédent porte : Akhâhoum, parce que les descendants d’'Ad étaient les frères de Houd, et ce mot Akhâhoum se rapporte au peuple d’'Ad. Si Dieu avait voulu qu’il se rapportât à Houd, il aurait dit Akâhou. Or les habitants d’'Ad sont aussi nommés ‘Adites et Irémites, comme il est dit dans le Coran : « Les 'Adites, habitants d’Irem, orné de colonnes. » (Sur. LXXXIX, vers. 6.) On voit d’après ce passage que les 'Adites et les Irémites sont un seul et même peuple.

Les tribus d’'Ad et de Themoud étaient voisines l’une de l’autre et habitaient le désert du Hedjâz. Le pays du peuple d’'Ad était plus près de la Mecque que la vallée de Hidjr. Or la vallée de Hidjr est située à l’extrémité du désert et sur la route de Syrie. La tribu de Themoud avait fixé sa résidence dans cette contrée, comme il est dit dans le Coran : « Les habitants de Hidjr ont accusé de mensonge ceux qui ont été envoyés de Dieu." (Sur. XV, vers. 80.)

Jamais, dans le monde, il n’a existe des hommes aussi grands et aussi forts que les 'Adites. Chacun d’eux était haut de douze de leurs coudées; et ils avaient une force et une vigueur telles, qu’en frappant du pied un terrain desséché ils y enfonçaient jusqu'au genou.
Les 'Adites élevèrent des monuments très grands dans le pays qu’ils habitaient. Dans tous les lieux où l’on trouve de ces constructions, on les nomme constructions 'âdites, comme il est dit dans le Coran : « N’as-tu pas vu comment ton Seigneur a agi envers les 'Adites, habitants d’Irem, orné de colonnes telles qu’on n’en a point fait de semblables sur la terre ? » (Sur. LXXXIX, vers. 5-7.) Dieu compare les statures des 'Adites à des colonnes, et il dit aussi : « Ils sont comme des troncs de palmiers.» (Sur. LXIX, vers. 6.)

Dieu ordonna au prophète Houd d’aller vers les 'Adites. Or le prophète Houd était fils de l’oncle des descendants d’‘Ad; il était du nombre des enfants de Sem, fils de Noé. C’est pour cette raison que Dieu nomme Houd frère des 'Adites, et ce prophète était effectivement leur frère par ses ascendants.

Houd appela à Dieu les 'Adites, et il leur dit : « Ô mon peuple, servez Dieu : vous n’avez pas d’autre Dieu que lui ; ne le craindrez-vous donc point ? ») (Sur. VII, vers. 63.) Mais les 'Adites se laissèrent éblouir par leur force et leur vigueur, et ils dirent : « Qui est-ce qui est plus puissant que nous en force ? » (Sur. XLI, vers. 14.) Qui pourrait nous infliger un châtiment ? Les 'Adites étaient plus de cinquante mille hommes. Or il est dit dans le Coran : « Ne voyaient-ils pas que Dieu, qui les avait créés, était plus puissant qu’eux en force ? Ils ont renié nos signes ; nous avons donc envoyé contre eux un vent bruyant et terrible, dans des jours de malheur, pour leur faire éprouver un châtiment ignominieux dans cette vie ; mais le châtiment de l’autre monde sera plus ignominieux encore, et ils ne pourront pas s’en garantir. (Sur. XLI, vers. 14-15.)

Houd dit ensuite aux 'Adites : « Elèverez-vous des constructions sur tous les hauts lieux pour observer ceux qui traversent votre pays et vous moquer d’eux ? Construirez-vous toujours des édifices magnifiques comme si vous deviez les habiter éternellement ? Et lorsque vous sévissez, vous sévissez avec violence. » (Sur. XXVI, vers. 128-1 35.) Or le mot djabbârin, qui se trouve dans le texte du Coran, s’entend d’une colère sans miséricorde, et dans laquelle celui qui est irrité ne s’arrête qu’après avoir tué la personne contre laquelle il est en fureur. Houd ajoute encore : « Craignez donc Dieu et obéissez-moi. Craignez celui qui vous a enrichis par le moyen de votre travail, qui a augmenté vos troupeaux et vos enfants, vos jardins et vos fontaines. Certes, je crains pour vous le châtiment du grand jour. »

Dans ce passage, Dieu rappelle aux 'Adites les bienfaits qu’ils ont reçus de lui. Il leur parle d’abord de leurs troupeaux, puis de leurs richesses et de leurs enfants. Or les hommes aiment mieux les richesses que les enfants, parce que, lorsqu’on n’a pas de biens et qu’on a des enfants, les soins qu’ils exigent empêchent d’acquérir des richesses pour soi et pour eux. Cette vérité est confirmée par les paroles suivantes du Coran : « Les richesses et les enfants sont l'ornement de la vie de ce monde. » (Sur. XVIII, vers. 44.) Dieu parle d’abord des richesses et ensuite des enfants.

Or Houd appela à Dieu le peuple d’'Ad pendant cinquante ans. Les 'Adites firent à ce prophète la réponse qui nous est conservée dans le Coran : « Ils dirent : Ô Houd, tu ne nous apportes aucune preuve de ce que tu avances, et nous n’abandonnerons pas nos dieux à cause de tes discours ; nous ne croyons point en toi. Nous pensons seulement que quelqu'un des nos dieux t’a pris en aversion. » Houd répondit aux ‘Adites: « Je prends Dieu à témoin, et vous aussi, soyez témoins que je suis innocent de votre polythéisme. » (Sur. XI, vers. 57.) Ces paroles des 'Adites, « Nous pensons seulement que quelqu'un de nos dieux t’a pris en aversion, » signifient : « Nous disons que nos dieux t’ont rendu fou, parce que tu ne les adores point. »

Pendant les cinquante ans que dura la mission de Houd, les 'Adites ne crurent point à Dieu, ni à son prophète, à l’exception d’un petit nombre, qui crut en secret. A la fin de cette époque, Dieu retint l’eau du ciel et affligea les 'Adites par la sécheresse. Tout le bétail du peuple d’'Ad mourut, et les 'Adites eux-mêmes tombèrent exténués. Il ne plut pas durant trois ans dans le pays qu’ils habitaient. Après cela, Houd dit aux 'Adites : Croyez à Dieu, et il vous donnera de la pluie. Ils lui répondirent : Tu es devenu fou. Puis, leur embarras étant devenu très grand, ils dirent : Ne croyons pas en cet homme, car il est fou ; mais nous ferons partir quelques personnes des nôtres, et nous enverrons, par leur entremise, des victimes à la Mecque, afin que ces personnes fassent des sacrifices et qu’elles demandent de la pluie pour nous. Or les infidèles reconnaissaient, comme on le fait aujourd’hui, l’excellence de la Mecque, et, toutes les fois qu’une affaire difficile leur survenait, ils y envoyaient des victimes. Ces infidèles savaient que Dieu existe, qu’il exauçait leurs demandes, et que la Mecque était son temple.

Or Houd dit aux 'Adites, lorsque ceux-ci désignèrent leurs envoyés : Ce que vous faites ne sera d’aucune utilité pour vous, si auparavant vous ne croyez à Dieu. Les 'Adites n’écoutèrent pas ces paroles, et choisirent trois hommes ; le premier se nommait Loqmân, le second Morthed, fils de Saad, et le troisième Qaïl. Loqmân et Morthed suivaient dans leur cœur la doctrine de Houd, et étaient devenus croyants en secret ; mais Qaïl était infidèle.
Les 'Adites envoyèrent à la Mecque par ces trois hommes un grand nombre de victimes, telles que des chameaux, des bœufs et des brebis. Or le peuple d’’Ad est éloigné de la Mecque de trois journées de chemin. Lorsque ces trois hommes partirent, Houd dit aux 'Adites ces paroles conservées dans le Coran : « Ô mon peuple, implorez la clémence de votre Seigneur, et retournez à lui. Il enverra du ciel sur vous une pluie abondante, et il ajoutera de la  force à votre force ; mais ne recommencez pas à commettre des crimes.» (Sur. XI, vers. 54.) Les 'Adites ne s'inquiétèrent pas de ce que disait Houd.

Lorsque les trois envoyés du peuple d"Âd furent arrivés à la Mecque, ils se lièrent d'amitié avec les habitants de cette ville, qui exercèrent envers eux les devoirs de l'hospitalité. Ils passèrent les nuits et les jours à boire du vin, et, dans leur ivresse, ils ne pensèrent pas à leur peuple et au motif qui les avait amenés. Des habitants de la Mecque ordonnèrent ensuite à des musiciens de chanter l'affliction des 'Adites, en s’accompagnant sur le luth, afin de rappeler aux envoyés le souvenir de leur peuple. Alors Loqmân et Morthed avouèrent à Qaïl qu’ils étaient déjà croyants, et ils ajoutèrent : Si notre peuple avait cru au prophète Houd, il aurait eu la pluie du ciel ; mais les 'Adites n’ont pas voulu croire, et c’est à cause d’eux que nous souffrons depuis si longtemps.

Qaïl, qui était infidèle, leur répondit : Vous ne partagez point l’affliction de votre peuple, j’irai moi-même, et j’offrirai le sacrifice. Il alla donc, et il conduisit les victimes sur le sommet de la montagne pour les sacrifier lui-même. Tournant alors son visage vers le ciel, il dit : Ô Dieu du ciel, je viens t’adresser une prière ; je n’ai point de maladie dont je désire obtenir la guérison, et je ne me plains de personne, mais je te demande de la pluie pour mon peuple : sois notre protecteur. Au même instant parurent trois nuages ; le premier était rouge, le second noir, et le troisième blanc. De ces nuages sortit une voix qui disait : Lequel veux-tu voir se diriger vers ton peuple ? Qaïl se dit en lui-même : Si ce nuage rouge allait vers mon peuple, il ne répandrait pas de pluie ; et, quand même il durerait nuit et jour, il ne donnerait pas une goutte d’eau ; et le nuage blanc durât-il tout un jour, il n’en sortirait pas de pluie : c’est le nuage noir qui renferme la pluie.
Alors Qaïl dit à haute voix : Je demande que ce nuage noir aille vers mon peuple. Une voix lui répondit : Il est parti. Qaïl s’en retourna alors plein de joie, croyant avoir fait une grande œuvre et avoir envoyé la pluie à son peuple ; mais ce nuage renfermait la punition divine, et Dieu envoya des anges pour le transporter vers le peuple d’'Ad.

Lorsque Qaïl fut de retour auprès de ses amis, il leur raconta ce qui s’était passé ; mais ceux-ci se mirent à rire et à se moquer de lui. Le nuage, étant arrivé chez le peuple d”Ad, fut précédé d’un vent qui soufflait devant lui. Lorsque les ‘Adites s’aperçurent qu’il faisait du vent, ils se dirent en eux-mêmes : Le vent est venu, maintenant la pluie viendra. Ils regardèrent donc, et voyant le nuage, ils furent remplis de joie, comme il est dit dans le Coran : « Et lorsqu’ils virent le nuage qui s’avançait vers leurs vallées, ils dirent : Ce nuage nous donnera de la pluie ; mais il leur fut dit : Non, au contraire; c’est le châtiment dont vous demandiez qu’on vous fit voir promptement l'accomplissement, c’est un vent dans lequel est une peine douloureuse. Il détruira toutes choses par l’ordre de son Seigneur, et, lorsque le matin fut arrivé, on ne vit plus que leurs demeures. C’est ainsi que nous rémunérons les hommes qui commettent des actions criminelles. » (Sur. XLVI, vers. 23.)

Or Houd savait que ce nuage renfermait le châtiment des 'Adites ; Dieu le lui avait fait connaître. Le nuage se tint arrêté au-dessus de la tête des 'Adites, et le vent stérile qu’il renfermait en sortit, comme il est dit dans le Coran :
« Nous avons fait éclater notre puissance sur les 'Adites, lorsque nous avons envoyé contre eux un vent stérile. » (Sur. LI, vers. 41.) Et ailleurs encore : « Les 'Adites ont été détruits par un vent bruyant et terrible.» (Sur. LXIX, vers. 6.)

Le mot çarçar, qui se trouve dans le texte du Coran, signifie un vent froid ; et le mot âtiyat, qui se rapporte à çarçar, signifie terrible, à tel point qu’il n’y a aucun moyen de l’éviter. Alors le vent enleva tous les quadrupèdes qui se trouvaient sur la terre, les porta en l’air, les rejeta ensuite sur la terre, et les brisa en morceaux. Lorsque les 'Adites virent cela, ils se dirent les uns aux autres : Prenons patience ; plus tard, après que ce vent sera passé, il y aura de la pluie. Tous les 'Adites sortirent de leurs maisons et se tinrent dans la campagne. Ils frappaient la terre avec leurs pieds, et ils y enfonçaient jusqu’au genou. Houd pensait que les 'Adites allaient venir le prier d’intercéder pour eux, afin de détourner le châtiment qui les menaçait ; mais aucun d’eux n’alla trouver le prophète Houd, et ils ne s’inquiétèrent pas de lui. Après cela, le vent stérile et terrible commença à souiller. Il enleva en l’air les 'Adites, et les rejeta contre terre. Chacun de ces hommes était semblable à un palmier pour la stature, et ils périrent, comme il est dit dans le Coran : « Tu aurais vu alors les hommes étendus à terre comme des troncs de palmiers creux dans l'intérieur ; mais en aurais-tu vu un seul de sauvé ? » (Sur. LXIX, vers. 7.) Et ailleurs : « Nous avons envoyé contre eux un vent bruyant, dans un jour de malheur durable. Ce vent enlevait les hommes comme s’ils avaient été des troncs de palmiers déracinés. » (Sur. LIV, vers. 19.)

Or le mot mounqa’ir, qui se trouve dans le texte du Coran, signifie tirer, arracher avec la racine. Les femmes, les enfants et les hommes les plus faibles parmi les 'Adites coururent se réfugier dans les maisons ; mais le vent y pénétra aussi, et il jeta les 'Adites d’une muraille contre l’autre muraille, de sorte qu’ils furent brisés en morceaux, et leurs os réduits en poussière comme du bois vermoulu. Ce vent continua à souffler pendant huit jours et sept nuits, comme il est dit dans le Coran : « Dieu l’envoya contre eux pendant sept nuits et huit jours consécutifs. » (Sur. LXIX, vers. 7.) Or le mot 'housoum, qui se trouve dans le texte du Coran, se dit d’une chose qui n’est point interrompue.

Houd fut sauvé, et les fidèles qui étaient avec lui le furent également, comme il est dit dans le Coran : « Lorsque notre ordre arriva, nous sauvâmes Houd, etc. » (Sur. XI., vers. 61.)

Or les envoyés du peuple d"Ad, qui se trouvaient à la Mecque, ne savaient point encore que le nuage avait détruit toute leur nation. Lorsqu’ils apprirent cet événement, ils allèrent tous les trois sur la montagne. Alors Loqmân et Morthed dirent à Qaïl : Deviens croyant. Cet infidèle répondit : La vie sans mon peuple m’est inutile ; et, levant son visage vers le ciel, il dit : Ô Dieu du ciel, si tu as fait périr mon peuple, fais-moi périr aussi. Au même instant le vent commença à souffler, et, enlevant en l’air cet infidèle, il le rejeta contre terre et le brisa en morceaux, comme tous les autres ‘Adites.

Ensuite, lorsque Loqmân et Morthed eurent fait leur sacrifice, une voix se fit entendre et leur dit : Vous aussi, faites chacun une demande. Celui des deux qui se nommait Loqmân dit : Ô Seigneur, daigne m’accorder une longue vie ; je demande à vivre autant que sept vautours. La voix lui répondit : Quelque longue que soit ta vie, tu finiras toujours par mourir. Loqmân dit : C’est vrai. Sa demande lui fut ensuite accordée. Or la vie de sept vautours forme trois mille cinq cents ans. Loqmân prit donc le petit d’un vautour, et il le nourrissait ; lorsque cet oiseau mourut, il en reprit un autre ; mais à la fin Loqmân mourut, n’ayant plus aucun moyen d’éviter la mort.
Morthed fil aussi sa demande ; il voulut avoir du pain de froment, et il dit : Ô Seigneur, donne-moi du pain de froment. Car, dans le lieu où il était, on mangeait du pain d'orge. Dieu donna donc à Morthed autant de froment qu’il en pouvait consommer pendant sa vie.

Or Houd vécut encore cinquante ans avec les fidèles qui avaient cru à sa mission, et sa vie fut en tout de cent cinquante ans. Le prophète Çâli’h parut cent cinquante ans après Houd. Dieu l’envoya vers les Themoudites, pour qu’il les appelât à lui.


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Message par Ligeia Lun 4 Jan - 11:08


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CHAPITRE XLV.
HISTOIRE DU PROPHÈTE CÂLI'H ET DES HOMMES QUI ETAIENT AVEC LUI.


Sache que tous les Themoudites étaient du nombre des enfants de Sem, fils de Noé. Çâli’h lui-même était fils d’'Âd, fils d’Aram, fils de Sem, fils de Noé. Tous les habitants du pays de Hidjr étaient du nombre des enfants de Themoud. Notre prophète était en marche avant la bataille de Tabouk, et, lorsqu’il fut arrivé près du pays de Hidjr, il dit : Voilà le pays de nos frères, les enfants de Themoud. Les Themoudites égalaient en force les 'Adites. Ils habitaient une plaine, et ils s’étaient creusé des maisons dans le roc, près des montagnes de la Syrie. Il est dit dans le Coran : « Les habitants de Hidjr ont accusé de mensonge ceux qui ont été envoyés de Dieu.» (Sur. XV, vers. 80.) Il est dit encore au sujet du peuple de Themoud : « Vous vous creusez habilement des maisons dans les montagnes. » (Sur. XXVI, vers. 149.)

Les Themoudites avaient une source d’eau à laquelle ils buvaient tous. Ils étaient tous idolâtres, et Dieu envoya vers eux Çâli'h, comme il l’a dit dans le Coran : « Nous avons envoyé vers les Themoudites leur frère Çâli’h. » (Sur. XI, vers. 64.) Çâli’h était effectivement frère des Themoudites par le sang ; il était du nombre des enfants de Themoud.

Or Çâli'h dit aux Themoudites : «Ô mon peuple, servez Dieu ; vous n’avez pas d’autre Dieu que lui. Il vous a créés de la terre, et il a établi en elle votre demeure. Implorez donc sa clémence et retournez vers lui, car mon Seigneur est proche, il exauce. » Les Themoudites répondirent à Çâli’h : « Avant ceci, nous avions fondé des espérances sur toi. Veux-tu nous empêcher d’adorer ce qu'adoraient nos pères ? Mais nous avons du doute sur les choses auxquelles tu nous appelles ; elles nous paraissent suspectes. » (Cor. sur. XI, vers. 65.)

Or Çâli’h était né au milieu des Themoudites, et il avait grandi parmi eux. Jamais il n’avait adoré les idoles, et jamais en cela il n'avait obéi aux Themoudites. Ceux-ci dirent : Laissez-le, il est encore jeune ; lorsque l’intelligence lui sera venue, il suivra la même religion que nous. Quand Çâli’h fut grand, il défendit aux Themoudites d’adorer les idoles. Ces derniers lui répondirent : Ô Çâli’h, nous pensions que, devenu grand, tu adorerais nos dieux, et maintenant tu nous détournes de notre religion ! Çâli’h appela les Themoudites à Dieu, et personne n’écouta ses paroles. Les Themoudites ne s'inquiétèrent point de Çâli’h, ils ne voulurent point croire, et ils dirent à ce prophète : « Fais venir vers nous ce dont tu nous menaces, si tu es du nombre des envoyés de Dieu. » (Cor. sur. VII, vers. 75.) Ils lui dirent encore : « Tu es du nombre des magiciens. Tu n’es qu’un homme comme nous. Fais-nous voir un miracle, si tu es du nombre de ceux qui disent la vérité. » (Sur. XXVI, vers. 153.)

Lorsque Çâli’h se disposa à faire voir aux Themoudites le miracle que nous allons rapporter, il leur dit, comme nous l’apprend le Coran : « Ô mon peuple, cette femelle de chameau, qui viendra de Dieu, sera pour vous un miracle. Laissez-la donc aller, qu’elle mange sur la terre de Dieu et ne lui faites aucun mal, afin que vous n’éprouviez pas un châtiment qui ne se ferait point attendre. » (Sur. XI, vers. 67.)

Or Çâli’h dit aux Themoudites : Quel miracle demandez-vous ? Ils répondirent : Nous demandons que tu fasses sortir de ce rocher une femelle de chameau dont le poil soit rouge, avec un petit à poil rouge comme sa mère ; il faudra qu'ils marchent et qu’ils mangent de l’herbe, et alors nous croirons en toi. Çâli’h leur dit : Ce que vous demandez est facile à Dieu ; et il se mit en prière. Alors le rocher mugit et se fendit par l’ordre de Dieu, et, lorsqu’il se fendit, il en sortit une femelle de chameau à poil rouge, avec un petit qui courait après elle. Quand celui-ci fut sorti du rocher, il fit entendre un cri, et se mit à manger de l’herbe. Les Themoudites dirent alors : Çâli’h est un magicien, et il a fait une œuvre magique ; et ils ne crurent point en lui. Cette femelle de chameau alla ensuite à la source d’eau dont nous avons parlé, et elle but toute l’eau des Themoudites, de sorte que ce jour-là ils ne trouvèrent point d’eau. Ils allèrent vers Çâli’h, et ils lui dirent : Nous avons besoin d’eau. Çâli’h leur répondit : L’eau de la source sera un jour pour vous, et un jour pour cette femelle de chameau.

Or ils convinrent que l’eau serait un jour pour le peuple de Çâli’h, et un jour pour la femelle de chameau. Çâli’h y veilla et dit aux Themoudites : Tâchez de ne tuer ni cette femelle de chameau, ni son petit ; autrement vous éprouveriez un châtiment terrible. Les Themoudites ne s’inquiétèrent pas du discours de Çâli’h, et ils ne l’écoutèrent point.
Cette femelle de chameau vécut pendant trente ans au milieu des Themoudites. Or Dieu avait dit à Çâli’h : Ils tueront la femelle de chameau ; et celui qui la tuera n’est point encore né. Ce sera un enfant qui aura le poil roux et les yeux bleus.

Or les Themoudites prirent dix femmes de leur tribu qu’ils chargèrent de se tenir près de toutes les femmes grosses ; et, lorsque l’enfant sortait du sein de sa mère, s’il avait les signes indiqués par le prophète Çâli’h, il était tué sur-le- champ. On tua de cette manière jusqu'à neuf enfants, à cause de ce que Çâli’h avait dit. Les pères de ces enfants conçurent une haine violente contre le prophète, et ils formèrent le dessein de le tuer, comme il est dit dans le Coran : « Il y avait dans la ville neuf hommes qui faisaient le mal sur la terre, et qui ne faisaient pas de bien.» (Sur. XXVII, vers. 49.)

Un homme des principaux parmi les Themoudites eut ensuite un enfant sur lequel on voyait les signes indiqués par Çâli’h. On voulut tuer cet enfant ; mais les neuf hommes qui étaient ennemis de Çâli’h se réunirent au père de l’enfant, parce que leurs fils avaient été mis à mort pour la même raison, et ils dirent : Les paroles de Çâli’h n’ont aucun fondement, il exerce la magie, et personne ne tuera cette femelle de chameau ; mais Çâli’h veut que nous soyons les meurtriers de nos propres enfants.
Après cela, les Themoudites négligèrent les paroles de Çâli’h, et ils ne tuèrent pas l’enfant. Lorsque celui-ci eut atteint sa douzième année, il devint grand ; et on dit que, depuis que le monde existe, aucun enfant n’est sorti du sein de sa mère aussi funeste à son peuple que celui dont nous parlons, car il fut cause de la perte de tous les Themoudites. C’est à son sujet que les Arabes disent proverbialement : Celui qui tue la femelle de chameau.
Lorsque les hommes dont on avait fait périr les enfants le voyaient, ils disaient : Si l’on n’avait pas tué nos enfants, ils seraient aujourd’hui aussi grands que celui-ci. Or ces hommes jurèrent en disant : Nous tuerons Çâli’h et nous sortirons de la ville ; nous reviendrons ensuite et nous dirons : Nous n’étions pas ici. Il est dit dans le Coran : « Ils se dirent les uns aux autres : Jurez-vous mutuellement par Dieu que nous tuerons Çâli’h et sa famille pendant la nuit ; ensuite nous dirons au vengeur de son sang : Nous n'avons pas été témoins de la destruction de sa famille.» (Sur. XXVII, vers. 50.) Mais il est dit aussi : « Ils ont tramé un complot contre Çâli’h, et nous avons tramé un complot contre eux, et ils ne le savaient pas. »

Or, après avoir formé ce projet, ils sortirent de la ville, et ils se placèrent sous un rocher, en attendant que la nuit fût venue ; mais Dieu commanda au rocher, qui tomba sur eux et les tua tous. Le lendemain on rapporta ces cadavres, comme il est dit : « Vois quelle a été la fin de leur complot : nous les avons perdus, eux et tout leur peuple, et voilà que leurs maisons sont restées vides à cause de l’iniquité qu’ils ont commise. » (Sur. XXVII, vers. 52.)

Après cela, les Themoudites dirent : Ce que nous avons éprouvé de la part de Çâli’h n’est arrivé à personne sur la terre. Çâli’h a d’abord fait mourir nos enfants, et maintenant il fait mourir les pères. Alors ils devinrent furieux, et ils dirent : Nous tuerons cette femelle de chameau; mais personne ne voulut la tuer. L’enfant que Çâli’h avait dépeint aux Themoudites se chargea de le faire. Il alla donc à la source où la femelle de chameau était à boire, et il lui donna sur le pied un coup qui la renversa ; il lui en donna ensuite un autre qui la tua. Il se mit après cela à poursuivre le petit de cette femelle de chameau, pour le tuer également ; mais celui-ci s’enfuit et alla vers la montagne de laquelle il était sorti. Alors Çâli’h dit aux Themoudites : Préparez-vous maintenant à recevoir le châtiment de Dieu ! Les Themoudites craignant ce châtiment allèrent vers Çâli’h et lui dirent: C’est nous qui avons ordonné de tuer cette femelle de chameau ; à présent que devons-nous faire ? Çâli’h leur dit : Tant que le petit de celle femelle de chameau sera parmi vous, vous n’éprouverez aucun châtiment.
Alors les Themoudites emmenèrent avec eux Çâli'h, et allèrent avec lui vers la montagne, pour le chercher. Lorsqu’ils y furent arrivés, ils virent de loin le petit de la femelle de chameau ; et, lorsque celui-ci aperçut ces hommes, il s’arrêta, et, se retournant vers eux, il poussa trois cris et disparut. Quoique les Themoudites courussent après lui, ils ne purent le trouver nulle part. Alors Çâli'h leur dit : Préparez-vous à recevoir le châtiment de Dieu, car il arrivera dans trois jours. Le premier jour, vos faces deviendront livides ; le second jour, elles deviendront toutes noires, et le troisième rouges. Après cela, un homme d’entre les Themoudites se mit à réciter des vers.

Or, le quatrième jour, le châtiment arriva, comme il est dit dans le Coran : « Ils tuèrent la femelle de chameau. Çâli'h leur dit : Réjouissez-vous pendant trois jours dans vos maisons, et ensuite vous périrez. Cette prédiction est infaillible. » (Sur. XI, vers. 68.) Il est dit encore : « Ils ont accusé Çâli'h de mensonge, et ils ont tué la femelle de chameau, etc. » (Sur. XCI, vers, 14.)

Or les choses se passèrent comme Çâli'h l’avait annoncé. Lorsque les Themoudites virent les signes qu’il leur avait prédits, ils comprirent que leur châtiment allait arriver ; mais ils ne savaient pas de quel côté il viendrait. Après cela, un bruit du ciel se fit entendre et les tua tous, comme il est dit dans le Coran (sur. XI, vers. 69-70). Dieu sauva Çâli'h et ceux qui avaient cru avec lui, comme il l’a dit : « Lorsque notre ordre arriva, nous sauvâmes, par notre miséricorde, Çâli'h, etc. » Çâli'h et les fidèles entendirent le bruit du ciel.

Par la volonté de Dieu, lors de la destruction du peuple de Çâli'h, un homme de ce peuple se trouva absent de son pays, il était à la Mecque. Le surnom de cet homme était Abou-Ghalib. Lorsqu'il eut connaissance de ce qui était arrivé à son peuple, il fixa sa résidence à la Mecque, et il y resta jusqu’à sa mort. A l’exception de ce seul homme, tous les Themoudites périrent, comme il est dit dans le Coran : « Et le matin ils furent trouvés dans leurs maisons morts et étendus à terre, comme s’ils n’avaient jamais habité ce lieu-là. » Le bruit du ciel fit tant d’impression sur les Themoudites, et les mit dans un étal tel, qu’on aurait dit qu’ils n'avaient jamais existé. Çâli'h resta dans ce pays-là jusqu’à sa mort.

Or sache que depuis Çâli'h jusqu’à Abraham il n’y eut aucun prophète. Nous avons déjà rapporté quelque chose de l’histoire d’Abraham. Du temps de ce patriarche, il n’y avait pas de roi qui régnât sur tout l’univers. La souveraineté avait passé de prince en prince jusqu’à Chanaan, fils de Chus, fils de Cham, fils de Noé.


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Message par Ligeia Mer 13 Jan - 9:29


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CHAPITRE XLVI.
HISTOIRE D'ABRAHAM.


Après cela, Nemrod monta sur le trône. Ce prince était fils de Chanaan. Il vécut, ainsi que son père, dans le pays de Babylone, dans le lieu où est maintenant Bagdad. Les rois qui avaient précédé Nemrod avaient été injustes, mais pas autant que ce prince, qui était le plus méchant et le plus injuste de tous. Nemrod était idolâtre, et il couvrait ses idoles d’ornements et de pierreries de toute espèce.

Nemrod avait pour vizir le père d'Abraham. Il avait pour lui une grande amitié, et il l'estimait. Cet homme était non seulement vizir, mais encore sculpteur d’idoles, et il administrait tous les trésors du royaume. On le nomme Azar en arabe, et Tharé en pehlvi. Il était fils de Nachor, fils de Sarug, fils de Reü, fils de Phaleg, fils de Héber, fils de Salé, fils de Cainan, fils d’Arphaxad, fils de Sem, fils de Noé.

Or il y a des personnes qui disent que Nemrod posséda tout l’univers, et qu’il était roi de toutes les contrées; mais cela n’est pas exact : Nemrod n’était roi que du pays de Babylone. On dit aussi que, depuis Nemrod, personne ne posséda l’univers entier, excepté quatre princes, dont deux furent infidèles et deux croyants. Les deux infidèles furent Nemrod lui-même et Nabuchodonosor ; et les deux croyants furent Salomon, fils de David, et Dsou’I-Qarnaïn.

Or les astrologues, les sages et les grands allèrent trouver Nemrod, et ils lui dirent : Il est manifeste que cette année il doit naître un enfant qui brisera toutes les idoles dans ton royaume, qui s’emparera de ton trône, et qui te fera même périr. Alors Nemrod chargea des inspecteurs de surveiller toute femme enceinte qui accouchait, pour tuer l’enfant s’il était mâle.

Il arriva que la mère d’Abraham devint grosse et accoucha d’Abraham. Elle prit son enfant, le cacha et dit : J’ai accouché d’un fils; mais hier il est mort. Cette femme transporta alors Abraham sur une montagne, le cacha dans une caverne, lui donna à téter, puis, ayant placé une grande pierre à l’entrée de la caverne, elle s’en alla et dit : S'il lui arrive quelque chose, du moins que ce ne soit pas en ma présence. Deux ou trois jours se passèrent, et la mère d’Abraham dit : J’irai et je verrai s’il est vivant ou mort. Or elle pensait qu’il serait mort. Lorsqu’elle arriva à la caverne, et qu’elle vit Abraham, elle fut remplie de joie. Quant à Abraham, il avait mis son doigt dans sa bouche, et il le suçait ; car Dieu avait fait sortir de ce doigt la nourriture dont l'enfant avait besoin.
Or la mère d’Abraham prit son enfant, lui donna à téter, le replaça où il était auparavant, et, ayant fermé soigneusement l’entrée de la caverne, elle s’en alla. Cette femme continua ainsi à visiter son fils en secret pendant un an. Or Abraham croissait autant en un jour que les autres enfants en un mois, et en un mois il grandissait autant que les autres enfants dans l’espace d’un an. Lorsque Abraham fut âgé de quinze mois, il était aussi grand que s’il avait eu quinze ans. Sa mère allait vers lui pendant la nuit, et elle lui donnait à téter, parce quelle n’aurait pas pu le visiter pendant le jour.

Une nuit, cette femme avait été voir Abraham, et elle l’avait fait sortir de la caverne. Lorsque Abraham fut dehors de la caverne, il vit une étoile, et il dit : « Celui-ci est mon Seigneur. » Ces paroles ont un sens interrogatif, et Abraham cherchait Dieu. Cependant la mère d’Abraham resta avec son fils jusqu'au milieu de la nuit. Lorsque l’étoile se coucha. Abraham dit : « Je n’aime pas ceux qui se couchent. » Abraham voulait dire par là : Celui qui se couche n’est pas Dieu.
La lune se leva ensuite, et Abraham dit : « Celui-ci est mon Seigneur. » Il disait ces paroles parce que l’éclat de la lune était plus grand que celui de l’étoile ; mais, lorsque la lune se coucha, il dit : « Celui-ci n'est pas Dieu non plus. »
Quand le jour arriva et que le soleil parut, il dit, comme le rapporte le Coran : « Celui-ci est mon Seigneur, celui-ci est plus grand que les autres. » (Sur. VI, vers. 76-78.) Mais, lorsque le soleil se coucha, Abraham dit à sa mère : « Aucun de ceux-ci n’est Dieu ; emmène-moi, afin que je cherche Dieu. »
Alors sa mère le conduisit dans la maison qu’elle habitait; elle raconta à Azar celte histoire qu’elle avait tenue secrète, et elle lui dit : Voilà ce que j’ai fait de cet enfant. Azar conçut dans son cœur de l'affection pour Abraham, il l'aima beaucoup et l'estima. Il raconta à Nemrod l’histoire de son fils en ces termes : J’avais un fils, il était parti pour un voyage, et maintenant il est de retour.

Azar donc était sculpteur d’idoles. Il faisait des idoles d’or, d’argent, de bois, d’airain et de toutes sortes de matières, et il les vendait ensuite aux hommes à prix d’argent. On dit aussi qu’il donnait des idoles à Abraham, pour les vendre. Alors Abraham attachait une corde au cou de ces idoles, il les traînait au bazar par terre et la tête en bas, et il disait : Qui veut acheter une chose de laquelle on ne peut retirer aucune espèce d’avantage, et de laquelle on peut recevoir autant de détriment que l’on voudra ?

Or Abraham observa le moment où Azar était sorti, et il entra dans le temple où celui-ci avait ses idoles. Il y trouva des mets qu’on avait servis. Alors il renversa l’une après l’autre toutes ces idoles la face contre terre, leur donna des coups de pied, et il dit : Mangez cette nourriture qu’on a placée devant vous. Puis il frappait les idoles en disant : Pourquoi ne mangez-vous pas ? Les hommes se réunirent alors et ils dirent: Pourquoi te moques-tu de nos dieux, et pourquoi les frappes-tu ? Abraham répondit : Parce qu'on a placé de la nourriture devant eux et qu’ils ne la mangent point ; et, lorsque je leur ai donné de l’eau, ils ne l’ont point bue. Les hommes répondirent : Ces dieux ne peuvent ni manger ni boire. Abraham leur répondit : Comment une chose qui ne peut pas manger serait-elle Dieu ?

Azar eut ensuite connaissance de ce que son fils avait fait, et il le réprimanda fortement, mais Abraham n’obéit pas à ses ordres, et il lui dit : N’obéis pas au diable et n’adore pas les idoles. Dieu dit dans le Coran : "Fais mention d'Abraham dans le Coran; car il était un juste et un prophète. Lorsqu’il dit à son père : Ô mon père, pourquoi adores-tu ce qui n’entend pas, ne voit pas et ne t’apporte aucune utilité ? Ô mon père, j’ai reçu un degré de science que tu n’as pas reçu ; suis-moi donc, je te dirigerai dans une voie unie. Ô mon père, ne sers pas Satan ; car Satan a été rebelle au Miséricordieux. Ô mon père, je crains que tu n’éprouves un châtiment de la part du Miséricordieux, et que tu ne deviennes un compagnon de Satan. Son père lui répondit : « Rejettes-tu mes dieux, ô Abraham? Si tu ne t’abstiens pas de les rejeter, je te lapiderai. Eloigne-toi de moi pour un long espace de temps. Abraham répliqua : Que la paix soit sur toi ! je demanderai pardon pour toi à mon Seigneur ; car il est bienveillant à mon égard. » (Sur. XIX, vers. 42 et suiv.)

Abraham donna très souvent des avertissements à son père ; très souvent il s’éleva des discussions entre eux deux ; Azar répondait à son fils, et il ne crut pas.

Or Azar alla trouver le roi, et il lui dit : Puisque mon fils ne sait pas m’estimer à ma juste valeur, et qu’il témoigne du mépris pour nos dieux, il faut que le roi l’envoie pendant quelque temps au grand temple, afin que les prêtres l’instruisent dans le service des dieux. Lorsque Abraham mit le pied dans le temple des idoles, il leva son visage vers le ciel, et il dit à Dieu : Ô Seigneur, tu es mon maitre. Puis il se mit en adoration, détourna son visage du côté où étaient les idoles, se plaça dans un coin et s’y tint en silence. Les prêtres du temple dirent : Cet homme-là est fou.

Quelque temps se passa, et ensuite arriva une fête solennelle pour ces idolâtres. Or l’usage de ces gens-là était de regarder comme une chose convenable que tous, petits et grands, hommes obscurs et hommes illustres, hommes et femmes, assistassent à cette fête. Lorsque cette multitude fut partie, et que les prêtres du temple eux-mêmes se virent contraints de partir pour se rendre à la fête, ils dirent à Abraham : Vas-y donc toi aussi. Abraham répondit : J’ai vu dans les étoiles que je deviendrai malade : comme il est dit dans le Coran : « Abraham observa les étoiles et il dit : Je serai certainement malade ; et les autres le quittèrent et s’éloignèrent de lui. » (Sur. XXXVII, vers. 86.) Or, à cette époque, tous les hommes s’occupaient d’astrologie, et Abraham n’était pas malade, et il ne devait pas le devenir, mais il avait observé les étoiles afin que l’opinion des gens auxquels il s’adressait fût qu'il parlait d’après les étoiles.

Plusieurs personnes disent que les paroles qu’employa Abraham pour ne pas aller à cette fête sont un mensonge. On dit aussi qu’Abraham ne mentit jamais, excepté dans cette occasion, et une autre fois lorsque le roi d’Égypte lui enleva Sara et lui dit : Cette femme, que t’est-elle ? Abraham répondit : Elle est ma sœur.

Or, lorsque ces prêtres sortirent du temple, ils dirent à Abraham : Toi aussi sors. Abraham sortit, les prêtres fermèrent la porte du temple, et se dirigèrent vers l’endroit où devait avoir lieu la fête. Au moment où ces prêtres s’en allaient, Abraham jura en disant : Lorsque vous serez partis, j’ouvrirai la porte de ce temple, et je renverserai sens dessus dessous toutes les idoles. Les prêtres du temple entendirent les paroles d’Abraham, mais ils pensèrent que c'était sa folie qui le faisait parler ainsi ; ils n’y attachèrent pas d’importance et s’en allèrent. Lorsqu’ils eurent disparu à ses yeux, Abraham prit aussitôt une hache, ouvrit la porte et entra dans le temple. Or ces idolâtres étaient dans l'usage de porter au temple des mets qu'ils avaient préparés, et ils disaient : C’est afin que la bénédiction de nos dieux soit sur cette nourriture ; et ils la regardaient comme bénie. Lorsque Abraham eut ouvert la porte du temple, et qu’il vit des mets de toute espèce placés devant les idoles, il dit à celles-ci, comme le rapporte le Coran : « Est-ce que vous ne mangez pas ? Pourquoi ne parlez-vous pas ? » (Sur. XXXVII, vers. 89.)
Abraham, après avoir dit ces mots, frappa les idoles avec sa hache. A l’une il coupa la tête, à l’autre il cassa les mains et les pieds, et, lorsqu'il les eut brisées, il les jeta la face contre terre. Ayant ensuite pris sa hache, il la plaça sur le cou de la plus grande de toutes les idoles à laquelle il n'avait fait aucun mal. Cette idole était dans le sanctuaire placée sur un trône d’or. Après cela. Abraham sortit du temple et en ferma la porte.

Quand les prêtres furent de retour, ils virent le temple et les idoles dans l’état que nous avons décrit. Ils en avertirent aussitôt Nemrod. Nemrod, sur-le-champ, alla au temple et dit : « Qui a traité nos dieux de cette manière ? » (Cor. sur. XXI, vers. 60.)

Or les prêtres qui avaient entendu les paroles qu’Abraham avait dites, « Lorsque vous serez partis, je mettrai toutes les idoles sens dessus dessous, » allèrent vers Nemrod et lui dirent : Nous avons entendu dire telle et telle chose à un jeune homme qui est là, et dont le nom est Abraham. Cela est rapporté dans le Coran (sur. XXI, vers. 61). Nemrod dit : Amenez-moi Abraham, afin que, si les paroles que vous lui imputez se trouvent véritables devant les hommes, et que des témoins viennent déposer contre lui, je le punisse comme il l’a mérité. Cela est également rapporté dans le Coran.

Quoique ces gens fussent infidèles et idolâtres, ils n’employaient la violence dans aucune affaire ; et Nemrod, par la raison qu’Abraham était fils de son vizir, ne voulait pas agir contre lui sans preuves. Or on amena Abraham ; Nemrod lui dit : Est-ce toi qui as ainsi traité nos dieux ? Abraham fit à Nemrod la réponse qui est rapportée par le Coran ; il lui dit : C’est la plus grande de toutes les idoles qui a fait ce que vous voyez ; car la hache est sur ses épaules. Abraham ajouta encore : Consultez ces idoles, et si elles disent quelque chose, ce sera vrai. Nemrod dit à Abraham : Ces idoles ne peuvent pas parler. Abraham lui répondit : Malheur à vous ! vous adorez, en laissant Dieu de côté, une chose qui ne vous rapporte aucune utilité : comment votre Dieu serait-il un être raisonnable ? Nemrod dit alors, comme nous l’apprend le Coran : Brûlez-le à l’instant même. On dit qu’après cela Nemrod différa le supplice d’Abraham, et qu’il ne voulut pas le punir sur-le-champ de peur d’affliger Azar.

Or Nemrod se mit à argumenter avec Abraham en présence de la foule. Nemrod dit: Ô Abraham, où est ton Dieu, et que fait-il ? Abraham répondit : Mon Dieu rappelle le mort à la vie, et il fait mourir le vivant. Nemrod répondit : Moi aussi, j’en fais autant. Dieu nous a fait connaître cette réponse de Nemrod dans le passage du Coran où il rapporte la discussion d’Abraham avec ce prince. (Sur. II, vers. 260.) Nous voyons dans les traditions du prophète qu’Abraham dit à Nemrod : Dis comment tu rappelles un mort à la vie. Nemrod ordonna d'amener de la prison deux hommes qui avaient mérité la mort et qui avaient été condamnés à la souffrir.
Après cela, il tua l’un, et il dit : J’ai fait périr celui-ci ; il épargna l’autre et il dit : J’ai rappelé celui-là à la vie. Lorsque Abraham examina les paroles de Nemrod, il comprit que les arguments dont ce prince faisait usage étaient bien faibles. Il lui dit alors : « Dieu fait lever le soleil à l’orient, fais qu’il se lève du côté de l’occident. » Nemrod ne put rien répondre, comme cela est dit dans le Coran : " L'infidèle resta confondu. »

Après cela, ils prirent Abraham et l’enfermèrent. Abraham appelait cependant toujours les hommes à Dieu, et il dit à son père : Qui adorez-vous ? Comment prenez-vous pour votre dieu un être qui n’entend point et ne voit point ? Cessez d’adorer les idoles. Azar dit à Abraham : Attends que nous sortions de ce royaume, je deviendrai alors croyant. Abraham espérait que son père accomplirait la promesse qu’il lui avait faite, et il priait pour lui.

Or Abraham dit à son père et à son peuple : Que servez- vous ? Ils dirent: "Nous servons les idoles et nous nous tenons tout le jour en leur présence. Abraham leur dit : Vous exaucent-elles, lorsque vous les invoquez ? Vous sont-elles utiles ou vous sont-elles nuisibles ? Ils répondirent : Nous avons trouvé nos pères qui agissaient ainsi, etc. » (Cor. sur. XXVI, vers. 71.)

Or on dit que le jour de la prise de la Mecque, les Musulmans prièrent pour leurs pères et leurs mères infidèles. Le prophète dit : Ne priez pas pour eux, parce qu’ils sont infidèles. Alors 'Omar, fils d'al-Khattâb, dit : Ô apôtre de Dieu ! Abraham pria pour son père et demanda à Dieu pardon pour lui. Au même instant le verset suivant fut révélé : "Il n’appartient pas au prophète, ni à ceux qui sont fidèles, d’intercéder auprès de Dieu en faveur des polythéistes, fussent-ils leurs parents, du moment où il est connu que ces polythéistes sont en enfer. Il ne fut permis à Abraham d’intercéder en faveur de son père qu’à cause de la promesse que celui-ci lui avait faite. Mais, lorsque Abraham sut que son père était l’ennemi de Dieu, il se jugea quitte à son égard. Certes, Abraham était pieux et doux. » (Cor. sur. IX, vers.114).)

Or on dit qu’Abraham intercéda en laveur d'Azar, parce que celui-ci lui avait dit : Je te promets que, lorsque nous sortirons de ce royaume, je deviendrai croyant. Mais, quand il mourut dans l'infidélité, Abraham, quitte envers son père, cessa de prier pour lui.

Nemrod traita Abraham avec beaucoup de rigueur; il lui donna des gardiens, et le jeta dans les chaînes. Abraham supporta avec patience tous ces mauvais traitements. Après cela, lorsque Azar fut mort. Nemrod ordonna de construire un édifice très élevé et de l’entourer d’un mur à une distance de dix parasanges, comme il est dit dans le Coran : « Ils dirent : Construisez pour lui un four, et jetez-le dans un feu ardent. Ils voulurent donc ourdir une trame contre lui ; mais nous les avons rendus faibles.» (Sur. XXXVII, vers. 95.)

Lorsque l’édifice fut achevé, Nemrod ordonna de commencer à faire apporter du bois par des mulets, des chameaux et des ânes. On porta ainsi du bois pendant un an. Or les chameaux jetaient toujours leur charge à terre et ne voulurent pas en porter. Abraham les bénit pour cette raison. Mais les mulets et les ânes portèrent toujours le bois dont on les chargeait, et Abraham les prit en aversion et les appela maudits. Les gens qui dépendaient de Nemrod, qu’ils fussent faibles, malades ou boiteux, allaient tous porter du bois, et ils disaient : C’est afin de venger nos dieux du malheur qu’ils ont eu. Ces hommes espéraient se rendre agréables à leurs divinités en réunissant ainsi du bois pour brûler Abraham. Ensuite ils placèrent ce bois sur les dix parasanges de terrain dont nous avons parlé, de sorte qu’on voyait le bûcher d’une distance de plusieurs parasanges.
On mit ensuite le feu à ce bois, et les étincelles qui sortaient des flammes montaient jusqu’au ciel. Alors on amena Abraham attaché avec des chaînes et des entraves, pour le jeter dans les flammes ; mais personne ne pouvait approcher du bûcher. Lorsque Eblîs sut que ces hommes, ne pouvant trouver aucun moyen de jeter Abraham dans le feu, restaient sans rien entreprendre, il se vêtit promptement d’une robe magnifique, et, ayant jeté une écharpe sur sa tête, il se présenta devant Nemrod, qui ne le connut pas.
Eblîs dit à Nemrod : Je suis un vieillard ; il y a deux cents ans que je me suis consacré à ton service dans ce désert, et que je prie pour toi. Maintenant j’ai appris que tu as mis en prison ce magicien, et que tu veux le brûler, mais que tu ne peux pas le lancer dans les flammes. Je suis venu afin de t’enseigner un moyen de finir cette affaire et de le lancer dans les flammes. Nemrod lui répondit : Tu es le bienvenu, instruis-moi. Eblîs dit : Ordonne que l’on apporte du bois. Dès qu’on eut apporté ce bois, Eblîs en fit une baliste. Or jamais avant cela on n’avait fait une machine semblable. Lorsque cette baliste fut achevée, on amena, les mains enchaînées, Abraham. On le plaça dans la baliste, et on le lança en l'air. Au moment où Abraham en sortait et se trouvait dans les airs, Dieu ordonna à Gabriel d’aller soutenir Abraham dans les airs, et de lui parler.
Gabriel dit donc à Abraham : Je suis Gabriel, fais-moi connaître ce dont tu as besoin. Abraham lui répondit : Je m’en remets, pour ce qui m’est nécessaire, à Dieu. Je lui appartiens, et le feu lui appartient aussi ; il me fera tomber où bon lui semblera. On dit que, se trouvant ainsi dans les airs, il ne demanda rien à Gabriel, et au même instant Dieu le nomma son ami, et il dit au feu, comme on le voit dans le Coran : « Ô feu, deviens froid et salutaire pour Abraham ! » (Sur. XXI, vers. 69.)
Or on dit que, si Dieu n'avait commande au feu que de devenir froid, sans ajouter, et salutaire, Abraham ne serait jamais sorti de ce feu ; mais qu’au lieu d’être brûlé par la chaleur, il serait mort gelé par la rigueur du froid.

Lorsque Abraham fut arrivé au milieu du feu, le feu se relira d’un côté et de l’autre et donna passage à Abraham, qui arriva jusqu’à terre. Une source jaillit au milieu de ce feu, et autour de cette source était un parterre. Abraham était assis sur le bord de l’eau, et les chaînes, les liens et les entraves qui le retenaient se détachèrent de lui par la puissance de Dieu. Or ce feu était tel que personne ne pouvait le regarder et en soutenir l’éclat à une distance de trois parasanges.

Nemrod avait un palais très élevé. Il ordonna que l’on construisît une tour de bois au-dessus de ce palais. Il monta sur cette tour pour voir la hauteur du feu, comment Abraham brûlait, et l’état dans lequel il se trouvait. Lorsque Nemrod regarda, il vit au milieu de ce feu un parterre, de la verdure, une source d’eau courante, et Abraham au milieu du feu, assis sur le bord de cette source.

Or il y a des gens qui disent que l’on vit deux personnes assises dans ce même lieu-là ; l’une de ces personnes était Abraham lui-même, et l’autre était un ange. Cela n’est point exact, car Abraham, même après avoir senti le feu, ne demanda pas de secours à Gabriel, mais il plaça sa confiance en Dieu.

Lorsque Nemrod vit Abraham dans cet état, il demeura stupéfait, et il crut avoir perdu l’esprit. Il sauta en l’air, et dit à haute voix, en se tournant du côté où était le feu : Ô Abraham! Abraham répondit à Nemrod en disant : Que veux-tu, ô ennemi de Dieu ? Nemrod dit : Quel est celui qui a rafraîchi de cette manière le feu pour toi ? Abraham répondit : C’est celui qui a créé le feu. Nemrod ajouta : Obtiens de ton Dieu de sortir de ce feu, ô Abraham, afin que je te voie. Abraham se leva, et marcha à travers ce feu brillant. Partout où il posait le pied, le feu devenait froid et agréable sous les pieds de l’ami de Dieu. Lorsque Abraham fut sorti du feu, il se tint devant Nemrod. Celui-ci lui dit : Tu as un Dieu puissant, je désire lui donner l'hospitalité. Abraham répondit : Mon Dieu n’a pas besoin de ton hospitalité.

Or Nemrod ordonna d’apporter plusieurs milliers de bœufs, de brebis, d’oiseaux, de poissons, et une grande quantité d'autres choses semblables qui entrent dans un banquet. Il fit un sacrifice de tous ces animaux en présence d’Abraham ; mais Dieu n’accepta pas un atome de ce qu’il lui offrait. Nemrod, couvert de honte et de confusion, n’osa pas regarder Abraham. Il ferma la porte de son palais, dont il ne permit l’entrée à personne. Les hommes se tournèrent alors vers Abraham, et un grand nombre d’entre eux crurent en lui. Nemrod perdit patience, et il dit : J'ai été vaincu une fois, mais je veux frapper le Dieu d’Abraham, comme j’ai frappé Abraham. Après cela, il réunit ses vizirs, ses favoris et ses lieutenants, et il leur dit : Dites que l’on fasse de grandes caisses. On amena donc des maîtres, et ils commencèrent à faire des caisses. Lorsqu’ils en eurent entièrement achevé une, Nemrod dit : Faites à cette caisse une porte vers le ciel et une porte vers la terre. Ces maîtres exécutèrent ponctuellement tout ce que Nemrod leur avait ordonné. Il leur commanda encore de faire quatre piques, de les attacher fortement aux quatre angles de la caisse, et de placer au haut de ces piques quatre morceaux de chair. Il ordonna ensuite d’amener quatre vautours qu’on lia aux quatre pieds de la caisse, dans laquelle il monta, armé complètement et accompagné d’un vizir affidé, pour faire la guerre à Dieu, qu'il voulait anéantir (malheur à lui !); et il disait : Si je remporte la victoire, je serai délivré d’Abraham ; et si je suis vaincu par le Dieu d’Abraham, il pourra partager avec moi le règne sur le ciel, la terre et les créatures.
Or on cessa de retenir les vautours, afin qu'ils enlevassent la caisse dans les airs. Ces animaux, voulant saisir la chair qui était au-dessus d’eux pour la manger, enlevèrent la caisse et la soutinrent dans les airs pendant un jour et une nuit. Après cela, Nemrod dit au vizir : Ouvre la porte qui est du côté de la terre, et observe ce que tu verras. Le vizir ouvrit la porte de la caisse, il vit de la terre et de la poussière, et il dit : Ô prince, je vois de la terre et de la poussière. Quelque temps après, Nemrod dit encore à ce vizir : Ouvre la porte qui est du côté du ciel, et observe ce que tu verras. Le vizir ouvrit cette porte, et il dit : Je vois ce que j’ai vu la première fois. Ils continuèrent à errer dans les airs pendant un jour et une nuit.
Après cela, Nemrod dit à son vizir : Ouvre la porte qui est du côté de la terre, et considère ce qui s’offrira à ta vue. Le vizir lui dit : Ô roi, je vois quelque chose qui ressemble à de la fumée. Nemrod lui dit alors : Ouvre la porte qui est du côté du ciel. Le vizir ouvrit cette porte. Nemrod lui demanda : Que vois-tu ? Le vizir lui répondit : Je vois ce que j’ai vu du côté de la terre. Ils planèrent encore dans les airs pendant un jour et une nuit. Après cela, Nemrod dit à son vizir : Ouvre. Celui-ci ouvrit. Nemrod lui demanda : Que vois-tu ? Il répondit : Je ne vois rien. Alors Nemrod attacha la corde de son arc, ouvrit son carquois et en tira trois flèches qu’il lança contre le ciel.

Or on rapporte que Dieu ordonna à Gabriel de renvoyer à Nemrod ces mêmes flèches, après les avoir souillées de sang. Nemrod dit alors : J’ai détruit le Dieu d’Abraham : et il changea la direction de la caisse, et redescendit sur la terre. Un grand bruit se fil alors entendre dans l'air, et les anges pensèrent que c’était un ordre de Dieu qui descendait du ciel. Nemrod se retrouva sur la terre sans avoir éprouvé aucune espèce de mal.

Dieu dit dans le Coran : « Ceux qui étaient avant eux ont déjà usé d’artifice ; mais Dieu alla vers leur édifice pour le détruire jusqu'aux fondations; c’est pourquoi le toit tomba sur eux, et le châtiment leur arriva d’où ils ne l'attendaient pas. Ensuite, au jour du jugement, Dieu les couvrira de confusion, et il dira : Où sont les dieux que vous m’avez associés, et au sujet desquels vous aviez des discussions ? Ceux auxquels la science aura été donnée répondront : La confusion et le mal seront aujourd’hui le partage des infidèles. » (Sur. XVI, vers. 28.)

Or, quant à Nemrod, son couteau rencontra un os, et tous ses artifices furent inutiles ; il ne put rien contre Abraham, ni contre Dieu. Il fit venir Abraham, et il lui dit : Je devrais croire en ton Dieu, mais je ne le puis pas, à cause de la royauté. Or Dieu te garde et peut te garder partout où tu seras ; quel mal y aurait-il donc à ce que tu t’en allasses d’ici, avec les fidèles qui ont cru en toi , en m’abandonnant la ville de Babylone ? Abraham accepta ces propositions, et s’en alla.


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