L'erreur spirite

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Message par Ligeia Mer 20 Jan - 9:24

Cet ouvrage de René Guénon n'est pas très connu ; il est pourtant fort éclairant sur les dérives modernistes et les divers "courants" fort à la mode aujourd'hui.

Le livre est consultable ici : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]


Table des matières :

PREMIÈRE PARTIE
DISTINCTIONS ET PRÉCISIONS NÉCESSAIRES

Définition du spiritisme
Les origines du spiritisme
Débuts du spiritisme en France
Caractère moderne du spiritisme
Spiritisme et occultisme
Spiritisme et psychisme
L’explication des phénomènes

DEUXIÈME PARTIE
EXAMEN DES THÉORIES SPIRITES

Diversité des écoles spirites
L’influence du milieu
Immortalité et survivance
Les représentations de la survie.
La communication avec les morts
La réincarnation
Extravagances réincarnationnistes
Les limites de l’expérimentation
L’évolutionnisme spirite
La question du satanisme
Voyants et guérisseurs
L’Antoinisme
La propagande spirite
Les dangers du spiritisme

CONCLUSION


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Chapitre déjà traité :

L’explication des phénomènes : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]


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Message par Ligeia Mer 20 Jan - 9:48

Il semble utile de revenir encore et toujours à cette confusion entre le psychique et le spirituel tellement la confusion entre ces deux domaines est répandue et même entretenue à plaisir par ceux qui y ont tout intérêt afin d’illusionner les crédules.

« Dans les deux cas, c’est toujours, en définitive, le spirituel qui est méconnu ; mais le premier concerne ceux qui le nient purement et simplement, tout au moins en fait, sinon toujours d’une façon explicite, tandis que le second concerne ceux qui se donnent l’illusion d’une fausse spiritualité, et c’est ce dernier cas que nous avons plus particulièrement en vue présentement.

Pour ces derniers encore, du reste, c’est l’attrait du "phénomène", c’est-à-dire, au fond, la tendance "expérimentale" inhérente à l’esprit moderne, qui est le plus souvent à la racine de l’erreur : ce qu’ils veulent en effet obtenir, ce sont toujours des résultats qui soient en quelque sorte "sensibles", et c’est là ce qu’ils croient être une "réalisation" ; mais cela revient justement à dire que tout ce qui est vraiment d’ordre spirituel leur échappe entièrement, qu’ils ne le conçoivent même pas, si lointainement que ce soit, et que, manquant totalement de "qualification" à cet égard, il vaudrait encore beaucoup mieux pour eux qu’ils se contentent de rester enfermés dans la banale et médiocre sécurité de la "vie ordinaire". »

"C’est donc le spiritisme qui fait le plus grand nombre de victimes, et ses ravages se sont encore accrus en ces dernières années, dans des proportions inattendues, par un effet du trouble que les récents événements ont apporté dans les esprits. Quand nous parlons ici de ravages et de victimes, ce ne sont point de simples métaphores : toutes les choses de ce genre, et le spiritisme plus encore que les autres, ont pour résultat de déséquilibrer et de détraquer irrémédiablement une foule de malheureux qui, s’ils ne les avaient rencontrées sur leur chemin, auraient pu continuer à vivre d’une vie normale."


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Partie I, Chapitre VI : SPIRITISME ET PSYCHISME


Nous avons dit précédemment que, si nous nions absolument toutes les théories du spiritisme, nous ne contestons pas pour cela la réalité des phénomènes que les spirites invoquent à l’appui de ces théories ; nous devons maintenant nous expliquer un peu plus amplement sur ce point.
Ce que nous avons voulu dire, c’est que nous n’entendons contester « a priori » la réalité d’aucun phénomène, dès lors que ce phénomène nous apparaît comme possible ; et nous devons admettre la possibilité de tout ce qui n’est pas intrinsèquement absurde, c’est-à-dire de tout ce qui n’implique pas de contradiction ; en d’autres termes, nous admettons en principe tout ce qui répond à la notion de la possibilité entendue en un sens qui est à la fois métaphysique, logique et mathématique.
Maintenant, s’il s’agit de la réalisation d’une telle possibilité dans un cas particulier et défini, il faut naturellement envisager d’autres conditions : dire que nous admettons en principe tous les phénomènes dont il s’agit, ce n’est point dire que nous acceptons, sans autre examen, tous les exemples qui en sont rapportés avec des garanties plus ou moins sérieuses ; mais nous n’avons pas à en faire la critique, ce qui est l’affaire des expérimentateurs, et, au point de vue où nous nous plaçons, cela ne nous importe nullement.
En effet, dès lors qu’un certain genre de faits est possible, il est sans intérêt pour nous que tel ou tel fait particulier qui y est compris soit vrai ou faux ; la seule chose qui puisse nous intéresser est de savoir comment les faits de cet ordre peuvent être expliqués, et, si nous avons une explication satisfaisante, toute autre discussion nous paraît superflue.
Nous comprenons fort bien que telle ne soit pas l’attitude du savant qui amasse des faits pour arriver à se faire une conviction, et qui ne compte que sur le résultat de ses observations pour édifier une théorie ; mais notre point de vue est fort éloigné de celui-là, et d’ailleurs nous ne pensons pas que les faits seuls puissent vraiment servir de base à une théorie, car ils peuvent presque toujours être expliqués également par plusieurs théories différentes.

Nous savons que les faits dont il est question sont possibles, puisque nous pouvons les rattacher à certains principes que nous connaissons ; et, comme cette explication n’a rien de commun avec les théories spirites, nous avons le droit de dire que l’existence des phénomènes et leur étude sont choses absolument indépendantes du spiritisme.
De plus, nous savons qu’il existe effectivement de tels phénomènes ; nous avons d’ailleurs, à cet égard, des témoignages qui n’ont pu être influencés en rien par le spiritisme, puisque les uns lui sont fort antérieurs, et que les autres proviennent de milieux où il n’a jamais pénétré, de pays où son nom même est aussi inconnu que sa doctrine ; les phénomènes, comme nous l’avons déjà dit, n’ont rien de nouveau ni de spécial au spiritisme.

Nous n’avons donc aucune raison pour mettre en doute l’existence de ces phénomènes, et nous en avons au contraire beaucoup pour la regarder comme réelle ; mais il est bien entendu qu’il s’agit toujours en cela de leur existence envisagée d’une façon générale, et d’ailleurs, pour le but que nous nous proposons ici, toute autre considération est parfaitement inutile. Si nous croyons devoir prendre ces précautions et formuler ces réserves, c’est parce que, sans parler des récits qui ont pu être inventés de toutes pièces par de mauvais plaisants ou pour les besoins de la cause, il s’est produit d’innombrables cas de fraude, ainsi que les spirites eux-mêmes sont bien forcés de le reconnaître (1) ; mais de là à soutenir que tout n’est que supercherie, il y a fort loin.

1 – Le médium Dunglas Home s’est chargé, d’une façon assez peu charitable pour ses collègues, de dénoncer et d’expliquer un grand nombre de fraudes (Les Lumières et les Ombres du Spiritualisme, pp. 186-235).

Nous ne comprenons même pas que les négateurs de parti pris insistent autant qu’ils le font sur les fraudes constatées et croient y trouver un argument solide en leur faveur ; nous le comprenons d’autant moins que, comme nous l’avons dit en une autre occasion (1), toute supercherie est toujours une imitation de la réalité ; cette imitation peut sans doute être plus ou moins déformée, mais enfin on ne peut songer à simuler que ce qui existe, et ce serait faire trop grand honneur aux fraudeurs que de les croire capables de réaliser quelque chose d’entièrement nouveau, ce à quoi l’imagination humaine ne parvient d’ailleurs jamais.

Au surplus, il y a, dans les séances spirites, des fraudes de plusieurs catégories : le cas le plus simple, mais non le seul, est celui du médium professionnel qui, lorsqu’il ne peut produire de phénomènes authentiques pour une cause ou pour une autre, est poussé par l’intérêt à les simuler ; c’est pourquoi tout médium rétribué doit être tenu pour suspect et surveillé de très près ; et même, à défaut de l’intérêt, la seule vanité peut aussi inciter un médium à frauder.
Il est arrivé à la plupart des médiums, même aux plus réputés, d’être pris en flagrant délit ; cela ne prouve point qu’ils ne possèdent pas des facultés très réelles, mais seulement qu’ils ne peuvent pas toujours en faire usage à volonté ; les spirites, qui sont souvent des impulsifs, ont en de tels cas le tort de passer d’un extrême à l’autre et de regarder comme un faux médium, d’une façon absolue, celui à qui pareille mésaventure est advenue, ne fût-ce qu’une seule fois. Les médiums ne sont nullement des saints, comme voudraient le faire croire certains spirites fanatiques, qui les entourent d’un véritable culte ; mais ils sont des malades, ce qui est tout autre chose, en dépit des théories saugrenues de quelques psychologues contemporains.

1 – Le Théosophisme, pp. 50-52.

Il faut toujours tenir compte de cet état anormal, qui permet d’expliquer des fraudes d’un autre genre : le médium, comme l’hystérique, éprouve cet irrésistible besoin de mentir, même sans raison, que tous les hypnotiseurs constatent aussi chez leurs sujets, et il n’a en pareil cas qu’une bien faible responsabilité, si même il en a une ; de plus, il est éminemment apte, non seulement à s’autosuggestionner, mais encore à subir les suggestions de son entourage, et à agir en conséquence sans savoir ce qu’il fait : il suffit qu’on attende de lui la production d’un phénomène déterminé pour qu’il soit poussé à le simuler automatiquement (1).
Ainsi, il y a des fraudes qui ne sont que semi-conscientes, et d’autres qui sont totalement inconscientes, et où le médium fait souvent preuve d’une habileté qu’il est bien loin de posséder dans son état ordinaire ; tout cela relève d’une psychologie anormale, qui n’a jamais d’ailleurs été étudiée comme elle devrait l’être ; bien des gens ne se doutent pas qu’il y a, jusque dans ce domaine des simulations, un sujet de recherches qui ne seraient point dénuées d’intérêt.

Nous laisserons maintenant de côté cette question de la fraude, mais non sans exprimer le regret que les conceptions ordinaires des psychologues et leurs moyens d’investigation soient si étroitement limités que des choses comme celles auxquelles nous venons de faire allusion leur échappent presque complètement, et que, même quand ils veulent s’en occuper, ils n’y comprennent à peu près rien. Nous ne sommes pas seul à penser que l’étude des phénomènes peut être entreprise d’une façon absolument indépendante des théories spirites ; c’est aussi l’avis de ceux qu’on appelle « psychistes », qui sont ou veulent être en général des expérimentateurs sans idées préconçues (nous disons en général, parce que, là aussi, il y aurait bien quelques distinctions à faire), et qui même s’abstiennent souvent de formuler aucune théorie.

1 – Nous rappellerons aussi le cas des faux médiums qui, consciemment on non, et probablement sous influence au moins partielle d’une suggestion, semblent avoir été les instruments d’une action assez mystérieuse ; à ce propos, nous renverrons à ce que nous avons dit des manifestations du prétendu « John King » en exposant les origines du théosophisme.

Nous conservons les mots de « psychisme » et de « phénomènes psychiques » parce qu’ils sont les plus habituellement employés, et aussi parce que nous n’en avons pas de meilleurs à notre disposition ; mais ils ne sont pas sans donner prise à quelques critiques : ainsi, en toute rigueur, « psychique » et « psychologique » devraient être parfaitement synonymes, et pourtant ce n’est pas de cette façon qu’on l’entend. Les phénomènes dits « psychiques » sont entièrement en dehors du domaine de la psychologie classique, et, si même on suppose qu’ils peuvent avoir quelques rapports avec celle-ci, ce ne sont en tout cas que des rapports extrêmement lointains ; du reste, à notre avis, les expérimentateurs s’illusionnent lorsqu’ils croient pouvoir faire rentrer tous ces faits indistinctement dans ce qu’on est convenu d’appeler « psycho-physiologie ».

La vérité est qu’il y a là des faits de bien des sortes, et qui ne peuvent être ramenés à une explication unique ; mais la plupart des savants ne sont point si dépourvus d’idées préconçues qu’ils se l’imaginent, et, surtout lorsqu’il s’agit de « spécialistes », ils ont une tendance involontaire à tout réduire à ce qui fait l’objet de leurs études ordinaires ; c’est dire que les conclusions des « psychistes », quand ils en donnent, ne doivent être acceptées que sous bénéfice d’inventaire. Les observations mêmes peuvent être affectées par des préjugés ; les pratiquants de la science expérimentale ont d’ordinaire des idées assez particulières sur ce qui est possible et ce qui ne l’est pas, et, de la meilleure foi du monde, ils obligent les faits à s’accorder avec ces idées ; d’autre part, ceux mêmes qui sont le plus opposés aux théories spirites peuvent néanmoins, à leur insu et contre leur gré, subir en quelque façon l’influence du spiritisme.
Quoi qu’il en soit, il est très certain que les phénomènes dont il s’agit peuvent faire l’objet d’une science expérimentale comme les autres, différente des autres sans doute, mais du même ordre, et n’ayant en somme ni plus ni moins d’importance ou d’intérêt ; nous ne voyons pas du tout pourquoi il en est qui se plaisent à qualifier ces phénomènes de « transcendants » ou de « transcendantaux », ce qui est un peu ridicule (1).
Cette dernière remarque en appelle une autre : c’est que la dénomination de « psychisme », malgré ses inconvénients, est en tout cas bien préférable à celle de « métapsychique », inventée par le Dr Charles Richet, et adoptée ensuite par le Dr Gustave Geley et quelques autres ; « métapsychique », en effet, est un mot évidemment calqué sur « métaphysique », ce qui ne se justifie par aucune analogie (2).

Quelque opinion que l’on ait sur la nature et la cause des phénomènes en question, on peut les regarder comme « psychiques », d’autant plus que ce mot en est arrivé à avoir pour les modernes un sens fort vague, et non pas comme étant « au delà du psychique » ; certains seraient même plutôt en deçà ; en outre, l’étude de n’importe quels phénomènes fait partie de la « physique » au sens très général où l’entendaient les anciens, c’est-à-dire de la connaissance de la nature, et est sans aucun rapport avec la métaphysique, ce qui est « au delà de la nature » étant par la même au delà de toute expérience possible. Il n’y a rien qui puisse être mis en parallèle avec la métaphysique, et tous ceux qui savent ce qu’est vraiment celle-ci ne peuvent protester trop énergiquement contre de pareilles assimilations ; il est vrai que, de nos jours, ni les savants ni même les philosophes ne semblent en avoir la moindre notion. Nous venons de dire qu’il y a bien des sortes de phénomènes psychiques, et nous ajouterons tout de suite, à cet égard, que le domaine du psychisme nous paraît susceptible de s’étendre à beaucoup d’autres phénomènes que ceux du spiritisme.

1 – Il existe même une « Société d’études de photographie transcendantale », fondée par Emmanuel Vauchez et présidée par le Dr Foveau de Courmelles, qui a pour but d’encourager et de récompenser les photographes des êtres et des radiations de l’espace » ; il est curieux de voir à quel point certains mots peuvent être détournés de leur sens normal.
2 – Tout récemment, le Dr Richet, présentant son Traité de Métapsychique à l’Académie des Sciences, a déclaré textuellement : « Comme Aristote, au-dessus de la physique, a introduit la métaphysique, au-dessus de la psychique, je présente la métapsychique. » On ne saurait être plus modeste !


Il est vrai que les spirites sont fort envahissants : ils s’efforcent d’exploiter au profit de leurs idées une multitude de faits qui devraient leur rester tout à fait étrangers, n’étant point provoqués par leurs pratiques, et n’ayant aucune relation directe ou indirecte avec leurs théories, puisqu’on ne peut évidemment songer à y faire intervenir les « esprits des morts » ; sans parler des « phénomènes mystiques », au sens propre et théologique de cette expression, phénomènes qui échappent d’ailleurs totalement à la compétence des savants ordinaires, nous citerons seulement des faits comme ceux qu’on réunit sous le nom de « télépathie », et qui sont incontestablement des manifestations d’êtres actuellement vivants (1).
Les incroyables prétentions des spirites à s’annexer les choses les plus diverses ne sont pas sans contribuer à créer et à entretenir dans le public des confusions regrettables : nous avons eu, à maintes reprises, l’occasion de constater qu’il est des gens qui vont jusqu’à confondre le spiritisme avec le magnétisme et même avec l’hypnotisme ; cela ne se produirait peut-être pas si fréquemment si les spirites ne se mêlaient pas de faits qui ne les regardent en rien.
A vrai dire, parmi les phénomènes qui se produisent dans les séances spirites, il en est qui relèvent effectivement du magnétisme ou de l’hypnotisme, et dans lesquels le médium ne se comporte pas autrement qu’un sujet somnambulique ordinaire ; nous faisons notamment allusion au phénomène que les spirites appellent « incarnation », et qui n’est pas autre chose au fond qu’un cas de ces « états seconds », dits improprement « personnalités multiples », qui se manifestent fréquemment aussi chez des malades et chez des hypnotisés ; mais, naturellement, l’interprétation spirite est toute différente.

1 – Un grand nombre de ces faits ont été rassemblés par Gurney, Myers et Podmore, membres de la Société des recherches psychiques de Londres, dans un ouvrage intitulé Phantasms of the Living. Il existe une traduction française de cet ouvrage ; mais le traducteur a cru devoir lui donner ce titre bizarre : Les Hallucinations télépathiques, qui est en complet désaccord avec l’intention des auteurs, puisqu’il s’agit de phénomènes réels, et qui trahit curieusement l’étroitesse de vues de la science officielle.

La suggestion joue également un grand rôle dans tout cela, et tout ce qui est suggestion et transmission de pensée se rattache évidemment à l’hypnotisme ou au magnétisme (nous n’insistons pas sur la distinction qu’il y a lieu de faire entre ces deux choses, distinction qui est assez difficile à préciser, et qui n’importe pas ici) ; mais, dès lors qu’on a fait rentrer dans ce domaine un phénomène quelconque, le spiritisme n’a plus rien à y voir.
Par contre, nous ne voyons aucun inconvénient à ce que de tels phénomènes soient rattachés au psychisme, dont les limites sont fort indécises et mal définies ; peut-être le point de vue des expérimentateurs modernes ne s’oppose-t-il pas à ce qu’on traite comme une science unique ce qui peut faire l’objet de plusieurs sciences distinctes pour ceux qui l’étudient d’une autre façon et qui, nous ne craignons pas de le dire nettement, savent mieux de quoi il s’agit en réalité.

Cela nous conduit à parler un peu des difficultés du psychisme : si les savants n’arrivent pas, dans ce domaine, à obtenir des résultats bien sûrs et bien satisfaisants, ce n’est pas seulement parce qu’ils ont affaire à des forces qu’ils connaissent mal, mais c’est surtout parce que ces forces n’agissent pas de la même façon que celles qu’ils ont l’habitude de manier, et parce qu’elles ne peuvent guère être soumises aux méthodes d’observation qui réussissent pour ces dernières. En effet, les savants ne peuvent se vanter de connaître sûrement la vraie nature de l’électricité, par exemple, et pourtant cela ne les empêche pas de l’étudier à leur point de vue « phénoméniste », ni surtout de l’utiliser sous le rapport des applications pratiques ; il faut donc que, dans le cas qui nous occupe, il y ait autre chose que cette ignorance à laquelle les expérimentateurs se résignent assez facilement.

Ce qu’il importe de remarquer, c’est que la compétence d’un savant « spécialiste » est chose fort limitée ; en dehors de son domaine habituel, il ne peut prétendre à une autorité plus grande que celle du premier venu, et, quelle que soit sa valeur, il n’aura d’autre avantage que celui que peut lui donner l’habitude d’une certaine précision dans l’observation ; encore cet avantage ne compense t-il qu’imparfaitement certaines déformations professionnelles.
C’est pourquoi les expériences psychiques de Crookes, pour prendre un des exemples les plus connus, n’ont point à nos yeux l’importance exceptionnelle que beaucoup se croient obligés de leur attribuer ; nous reconnaissons très volontiers la compétence de Crookes en chimie et en physique, mais nous ne voyons aucune raison de l’étendre à un ordre tout différent. Les titres scientifiques les plus sérieux ne garantissent même pas les expérimentateurs contre des accidents assez vulgaires, comme de se laisser tout simplement mystifier par un médium : cela est peut-être arrivé à Crookes ; cela est sûrement arrivé au Dr Richet, et les trop fameuses histoires de la villa Carmen, à Alger, font même assez peu d’honneur à la perspicacité de ce dernier. Du reste, il y a à cela une excuse, car ces choses sont bien propres à dérouter un physicien ou un physiologiste, voire même un psychologue ; et, par un fâcheux effet de la spécialisation, rien n’est plus naïf et plus dépourvu de tout moyen de défense que certains savants dès qu’on les sort de leur sphère habituelle : nous ne connaissons pas de plus bel exemple, sous ce rapport, que celui de la fantastique collection d’autographes que le célèbre faussaire Vrain-Lucas fit accepter comme authentiques par le mathématicien Michel Chasles ; nul psychiste n’a encore atteint un semblable degré d’extravagante crédulité (1). Mais ce n’est pas seulement en face de la fraude que les expérimentateurs se trouvent désarmés, faute de connaître mieux la psychologie spéciale des médiums et autres sujets auxquels ils ont recours ; ils sont encore exposés à bien d’autres dangers.

1 – Henri Poincaré, plus prudent que bien d’autres, ou plus conscient de son manque de préparation, refusa de tenter une expérience avec Eusapia Paladino, trop certain à l’avance, écrivait-il, « qu’il serait roulé » (article de M. Philippe Paguat dans les Entretiens Idéalistes, juin 1914, p. 387).

D’abord, quant à la façon de conduire des expériences si différentes de celles auxquelles ils sont accoutumés, ces savants se trouvent parfois plongés dans le plus grand embarras, encore qu’ils ne veuillent pas en convenir, ni peut-être se l’avouer à eux-mêmes ; ainsi, ils n’arrivent pas à comprendre qu’il y ait des faits qu’on ne peut pas reproduire à volonté, et que ces faits soient pourtant aussi réels que les autres ; ils prétendent aussi imposer des conditions arbitraires ou impossibles, comme d’exiger la production en pleine lumière de phénomènes auxquels l’obscurité peut être indispensable ; ils riraient assurément, et à bon droit, de l’ignorant qui, dans le domaine des sciences physico-chimiques, ferait montre d’un aussi complet mépris de toutes les lois et voudrait pourtant à toute force observer quelque chose. Ensuite, à un point de vue plus théorique, ces mêmes savants sont portés à méconnaître les limites de l’expérimentation et à lui demander ce qu’elle ne peut donner ; parce qu’ils s’y sont consacrés exclusivement, ils s’imaginent volontiers qu’elle est la source unique de toute connaissance possible ; et, d’ailleurs, un spécialiste est plus mal placé que quiconque pour apprécier les limites au delà desquelles ses méthodes habituelles cessent d’être valables. Enfin, voici ce qu’il y a peut-être de plus grave : il est toujours extrêmement imprudent, nous l’avons dit, de mettre en jeu des forces dont on ignore tout ; or, à cet égard, les psychistes les plus « scientifiques » n’ont pas de grands avantages sur les vulgaires spirites.

Il y a des choses auxquelles on ne touche pas impunément, lorsqu’on n’a pas la direction doctrinale voulue pour être sûr de ne jamais s’égarer ; nous ne le répéterons jamais assez, d’autant plus que, dans le domaine dont il s’agit, un tel égarement est un des effets les plus communs et les plus funestes des forces sur lesquelles on expérimente ; le nombre des gens qui y perdent la raison ne le prouve que trop. Or la science ordinaire est absolument impuissante à donner la moindre direction doctrinale, et il n’est pas rare de voir des psychistes qui, sans aller jusqu’à déraisonner à proprement parler, s’égarent cependant d’une façon déplorable : nous comprenons dans ce cas tous ceux qui, après avoir débuté avec des intentions purement « scientifiques », ont fini par être « convertis » au spiritisme plus ou moins complètement, et plus ou moins ouvertement. Nous dirons même plus : il est déjà fâcheux, pour des hommes qui devraient savoir réfléchir, d’admettre la simple possibilité de l’hypothèse spirite, et cependant il est des savants (nous pourrions même dire que presque tous en sont là) qui ne voient pas pourquoi on ne peut l’admettre, et qui même, en l’écartant « a priori », auraient peur de manquer à l’impartialité à laquelle ils sont tenus ; ils n’y croient pas, c’est entendu, mais enfin ils ne la rejettent pas d’une façon absolue, ils se tiennent seulement sur la réserve, dans une attitude de doute pur et simple, aussi éloignée de la négation que de l’affirmation.

Malheureusement, il y a de grandes chances pour que celui qui aborde les études psychiques avec de telles dispositions n’en reste pas là, et pour qu’il glisse insensiblement du côté spirite plutôt que du côté opposé : d’abord, sa mentalité a déjà au moins un point commun avec celle des spirites, en ce qu’elle est essentiellement « phénoméniste » (nous ne prenons pas ce mot dans le sens où on l’applique à une théorie philosophique, nous désignons simplement par là cette sorte de superstition du phénomène qui fait le fond de l’esprit « scientiste ») ; ensuite, il y a l’influence du milieu spirite lui-même, avec lequel le psychiste va nécessairement se trouver en contact au moins indirect, ne serait-ce que par l’intermédiaire des médiums avec lesquels il travaillera, et ce milieu est un épouvantable foyer de suggestion collective et réciproque. L’expérimentateur suggestionne incontestablement le médium, ce qui fausse d’ailleurs les résultats dès qu’il a la moindre idée préconçue, si obscure soit-elle ; mais, sans s’en douter, il peut être à son tour suggestionné par lui ; et ce ne serait rien encore s’il n’y avait que le médium, mais il y a aussi toutes les influences que celui-ci traîne avec lui, et dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles sont éminemment malsaines.

Le psychiste, dans ces conditions, va se trouver à la merci d’un incident quelconque, le plus souvent d’ordre tout sentimental : à Lombroso, Eusapia Paladino fait voir le fantôme de sa mère ; Sir Oliver Lodge reçoit des « communications » de son fils tué à la guerre ; il n’en faut pas davantage pour déterminer des « conversions ». Ces cas sont peut-être encore plus fréquents qu’on ne le pense, car il y a certainement des savants qui, par crainte de se mettre en désaccord avec leur passé, n’oseraient pas avouer leur « évolution » et se dire franchement spirites, ni même manifester simplement à l’égard du spiritisme une sympathie trop accentuée. Il y en a même qui n’aiment pas qu’on sache qu’ils s’occupent d’études psychiques, comme si cela devait les déconsidérer aux yeux de leurs confrères et du public, trop habitués à assimiler ces choses au spiritisme ; c’est ainsi que Mme Curie et M. d’Arsonval, par exemple, ont caché pendant fort longtemps qu’ils se livraient à ce genre d’expérimentation.

Il est curieux de citer, à ce propos, ces quelques lignes d’un article que la Revue Scientifique consacra jadis au livre du Dr Gibier dont nous avons déjà parlé :
« M. Gibier appelle de ses vœux la formation d’une société pour étudier cette nouvelle branche de la physiologie psychologique, et paraît croire qu’il est chez nous le seul, sinon le premier, parmi les savants compétents, à s’intéresser à cette question. Que M. Gibier se rassure et soit satisfait. Un certain nombre de chercheurs très compétents, ceux mêmes qui ont commencé par le commencement et ont mis un certain ordre dans le fouillis du surnaturel (sic), s’occupent de cette question et continuent leur œuvre… sans en entretenir le public » (1).
Une semblable attitude est vraiment étonnante chez des gens qui, d’ordinaire, aiment tant la publicité, et qui proclament sans cesse que tout ce dont ils s’occupent peut et doit être divulgué aussi largement que possible. Ajoutons que le directeur de la Revue Scientifique, à cette époque, était le Dr Richet ; celui-là du moins, sinon les autres, ne devait pas toujours s’enfermer dans cette prudente réserve.

1 – Revue Scientifique, 13 novembre 1886, pp. 63l-632.

Il est encore une autre remarque qu’il est bon de faire : c’est que certains psychistes, sans pouvoir être soupçonnés de se rallier au spiritisme, ont de singulières affinités avec le « néo-spiritualisme » en général, ou avec l’une ou l’autre de ses écoles ; les théosophistes, en particulier, se sont vantés d’en avoir attiré beaucoup dans leurs rangs, et un de leur organes assurait jadis « que tous les savants qui se sont occupés de spiritisme et que l’on cite comme des classiques, n’ont pas du tout été amenés à croire au spiritisme (à part un ou deux), que presque tous ont donné une interprétation se rapprochant de celle des théosophes, et que les plus célèbres sont membres de la Société Théosophique » ( 1 ).
Il est certain que les spirites revendiquent beaucoup trop facilement comme étant des leurs tous ceux qui ont été mêlés de près ou de loin à ces études et qui ne sont pas leurs adversaires déclarés ; mais les théosophistes, de leur côté, ont peut-être été un peu trop prompts à faire état de certaines adhésions qui n’avaient rien de définitif ; ils devaient pourtant alors avoir présent à la mémoire l’exemple de Myers et de divers autres membres de la Société des recherches psychiques de Londres, et aussi celui du Dr Richet, qui n’avait fait que passer dans leur organisation, et qui n’avait pas été parmi les derniers, en France, à faire écho à la dénonciation des supercheries de M me Blavatsky par ladite Société des recherches psychiques (2). Quoi qu’il en soit, la phrase que nous venons de citer contenait peut-être une allusion à M. Flammarion, qui fut pourtant toujours plus près du spiritisme que de toute autre conception ; elle en contenait certainement une à William Crookes, qui avait effectivement adhéré à la Société Théosophique en 1883, et qui fut même membre du Conseil directeur de la London Lodge.

1 – Le Lotus, octobre 1887.
2 – Dans une lettre que nous avons citée ailleurs (Le Théosophisme, p. 74), le Dr Richet dit qu’il avait connu Mme Blavatsky par l’entremise de Mme de Barrau ; la même personne joua aussi un certain rôle auprès du Dr Gibier, comme on le voit par cette note qui vient à la suite d’un éloge du « grand et consciencieux savant » Burnouf : « Nous devons aussi une mention spéciale à l’œuvre considérable de M. Louis Leblois, de Strasbourg, dont nous devons la connaissance à une dame d’un grand mérite, Mme Caroline de Barrau, mère d’un de nos anciens élèves, aujourd’hui notre ami, le Dr Emile de Barrau » (Le Spiritisme, p, 110). L’ouvrage de Leblois, intitulé Les Bibles et les Initiateurs religieux de l’humanité, contribua, après ceux de Jacolliot, à inculquer au Dr Gibier les idées fausses qu’il a exprimées sur l’Inde et ses doctrines, ct que nous avons signalées précédemment.


Quant au Dr Richet, son rôle dans le mouvement « pacifiste » montre qu’il a bien gardé toujours quelque chose de commun avec les « néo-spiritualistes », chez qui les tendances humanitaires ne s’affirment pas moins bruyamment ; pour ceux qui sont au courant de ces mouvements, des coïncidences comme celle-là constituent un signe beaucoup plus net et plus caractéristique que d’autres ne seraient tentés de le croire. Dans le même ordre d’idées, nous avons déjà fait allusion aux tendances anticatholiques de certains psychistes comme le Dr Gibier ; nous aurions même pu, en ce qui concerne celui-ci, parler plus généralement de tendances antireligieuses, à moins pourtant qu’il ne s’agisse de « religion laïque », suivant l’expression chère à Charles Fauvety, un des premiers apôtres du spiritisme français ; voici en effet quelques lignes que nous extrayons de sa conclusion, et qui sont un suffisant échantillon de ces déclamations :
« Nous avons foi dans la Science et nous croyons fermement qu’elle débarrassera à tout jamais l’humanité du parasitisme de toutes les espèces de brahmes (l’auteur veut dire de prêtres), et que la religion, ou plutôt la morale devenue scientifique, sera représentée, un jour, par une section particulière dans les académies des sciences de l’avenir » ( 1 ).

Nous nous en voudrions d’insister sur de pareilles niaiseries, qui malheureusement ne sont point inoffensives ; il y aurait pourtant une curieuse étude à faire sur la mentalité des gens qui invoquent ainsi la « Science » à tout propos, et qui prétendent la mêler à ce qu’il y a de plus étranger à son domaine ; c’est encore là une des formes que le déséquilibre intellectuel prend volontiers chez nos contemporains, et qui sont peut-être moins éloignées les unes des autres qu’elles ne le semblent ; n’y a-t-il pas un « mysticisme scientiste », voire même un « mysticisme matérialiste », qui sont, tout aussi bien que les aberrations « néo-spiritualistes », d’évidentes déviations du sentiment religieux (2) ?

1 – Le Spiritisme, p. 383.
2 – La « religion de l’Humanité », inventée par Auguste Comte, est un des exemples qui illustrent le mieux ce que nous voulons dire ici ; mais la déviation peut fort bien exister sans aller jusqu’à de telles extravagances.

Tout ce que nous avons dit des savants, nous pouvons le dire aussi des philosophes qui s’occupent pareillement de psychisme ; ils sont beaucoup moins nombreux, mais enfin il y en a aussi quelques-uns. Nous avons eu ailleurs ( 1 ) l’occasion de mentionner incidemment le cas de William James, qui, sur la fin de sa vie, manifesta des tendances très prononcées vers le spiritisme ; il est nécessaire d’y insister, d’autant plus que certains ont trouvé « un peu gros » que nous ayons qualifié ce philosophe de spirite et surtout de « sataniste inconscient ». A ce sujet, nous avertirons d’abord nos contradicteurs éventuels, de quelque côté qu’ils se trouvent, que nous tenons en réserve beaucoup de choses autrement « grosses » encore, ce qui ne les empêche pas d’être rigoureusement vraies ; et d’ailleurs, s’ils savaient ce que nous pensons de l’immense majorité des philosophes modernes, les admirateurs de ce qu’on est convenu d’appeler des « grands hommes » seraient sans doute épouvantés. Sur ce que nous appelons « satanisme inconscient », nous nous expliquerons dans une autre partie ; mais, pour le spiritisme de William James, il aurait fallu remarquer qu’il ne s’agissait que de la dernière période (nous parlions d’ « aboutissement final »), car les idées de ce philosophe ont prodigieusement varié. Or il est un fait avéré : c’est que William James avait promis de faire, après sa mort, tout ce qui serait en son pouvoir pour communiquer avec ses amis ou avec d’autres expérimentateurs ; cette promesse, faite assurément « dans l’intérêt de la science », n’en prouve pas moins qu’il admettait la possibilité de l’hypothèse spirite (2), chose grave pour un philosophe (ou qui devrait être grave si la philosophie était ce qu’elle veut être), et nous avons des raisons de supposer qu’il était allé encore plus loin en ce sens ; il va sans dire, du reste, qu’une foule de médiums américains ont enregistré des « messages » signés de lui.

1 – Le Théosophisme, pp. 35 et 130.
2 – Cette attitude était aussi celle d’un philosophe universitaire français, M. Emile Boirac, qui, dans un mémoire intitulé L’Etude scientifique du spiritisme, présenté au « Congrès de psychologie expérimentale » de 1911, déclara que l’hypothèse spirite représentait « une des explications philosophiques possibles des faits psychiques », et qu’on ne pouvait la repousser « a priori » comme « antiscientifique » ; elle n’est peut-être pas antiscientifique ni antiphilosophique, mais elle est certainement antimétaphysique, ce qui est beaucoup plus grave et plus décisif.


Cette histoire nous fait souvenir de celle d’un autre Américain non moins illustre, l’inventeur Edison, qui prétendit récemment avoir découvert un moyen des communiquer avec les morts (1) ; nous ne savons ce qu’il en est advenu, car le silence s’est fait là-dessus, mais nous avons toujours été bien tranquille sur les résultats ; cet épisode est instructif en ce qu’il montre encore que les savants les plus incontestables, et ceux qu’on pourrait croire les plus « positifs », ne sont point à l’abri de la contagion spirite. Mais revenons aux philosophes ; à côté de William James, nous avions nommé M. Bergson ; pour celui-ci, nous nous contenterons de reproduire, parce qu’elle est assez significative par elle-même, la phrase que nous avions déjà citée : « Ce serait quelque chose, ce serait même beaucoup que de pouvoir établir sur le terrain de l’expérience la probabilité de la survivance pour un temp x » (2). Cette déclaration est au moins inquiétante, et elle nous prouve que son auteur, déjà si près des idées « néo-spiritualistes » par plus d’un côté, est vraiment engagé sur une voie bien dangereuse, ce que nous regrettons surtout pour ceux qui, lui accordant leur confiance, risquent d’y être entraînés à sa suite. Décidément, pour prémunir contre les pires absurdités, la philosophie ne vaut pas mieux que la science, puisqu’elle n’est pas même capable, nous ne disons pas de prouver (nous savons bien que ce serait trop lui demander), mais de faire comprendre ou seulement pressentir, si confusément que ce soit, que l’hypothèse spirite n’est qu’une impossibilité pure et simple.

1 – Il y a déjà assez longtemps que deux spirites hollandais, MM. Zaalberg van Zelst et Matla, avaient construit un « dynamistographe » ou « appareil destiné à communiquer avec l’au-delà sans médium » (Le Monde Psychique, mars l9l2).
2 – L’Energie Spirituelle.


Nous aurions pu donner encore bien d’autres exemples, à tel point que, même en laissant de côté ceux qui sont plus ou moins suspects de spiritisme, les psychistes qui ont des tendances « néo-spiritualistes » paraissent être le plus grand nombre ; en France, c’est surtout l’occultisme, au sens où nous l’avons entendu au chapitre précédent, qui a fortement influencé la plupart d’entre eux. Ainsi, les théories du Dr Grasset, pourtant catholique, ne sont pas sans présenter certains rapports avec celles des occultistes ; celles du Dr Durand de Gros, du Dr Dupouy, du Dr Baraduc, du colonel de Rochas, s’en rapprochent bien davantage encore. Nous ne citons là que quelques noms, pris presque au hasard ; quant à fournir des textes justificatifs, ce ne serait pas bien difficile, mais nous ne pouvons songer à le faire ici, parce que cela nous éloignerait trop de notre sujet. Nous nous en tiendrons donc à ces quelques constatations, et nous demanderons si tout cela s’explique suffisamment par le fait que le psychisme représente un domaine mal connu et mal défini, ou si ce n’est pas plutôt, justement parce qu’il y a trop de cas concordants, le résultat inévitable d’investigations téméraires entreprises, dans ce domaine plus dangereux que tout autre, par des gens qui ignorent jusqu’aux plus élémentaires des précautions à prendre pour l’aborder avec sécurité. Pour conclure, nous ajouterons simplement ceci : en droit, le psychisme est tout à fait indépendant, non seulement du spiritisme, mais aussi de toute sorte de « néo-spiritualisme », et même, s’il veut être purement expérimental, il peut à la rigueur être indépendant de toute théorie quelconque ; en fait, les psychistes sont le plus souvent en même temps des « néo-spiritualistes » plus ou moins conscients et plus ou moins avoués, et cet état de choses est d’autant plus regrettable qu’il est de nature à jeter sur ces études, aux yeux des gens sérieux et intelligents, un discrédit qui finira par laisser le champ libre entièrement aux charlatans et aux déséquilibrés.


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L'erreur spirite Empty La question du satanisme

Message par Ligeia Jeu 21 Jan - 12:46

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Partie II, extraits du chapitre X : La question du satanisme.

(partie 1)

Il est convenu qu’on ne peut parler du diable sans provoquer, de la part de tous ceux qui se piquent d’être plus ou moins « modernes », c’est-à-dire de l’immense majorité de nos contemporains, des sourires dédaigneux ou des haussements d’épaules plus méprisants encore ; et il est des gens qui, tout en ayant certaines convictions religieuses, ne sont pas les derniers à prendre une semblable attitude, peut-être par simple crainte de passer pour « arriérés », peut-être aussi d’une façon plus sincère.
Ceux-là, en effet, sont bien obligés d’admettre en principe l’existence du démon, mais ils seraient fort embarrassés d’avoir à constater son action effective ; cela dérangerait par trop le cercle restreint d’idées toutes faites dans lequel ils ont coutume de se mouvoir.

C’est là un exemple de ce « positivisme pratique » auquel nous avons fait allusion précédemment : les conceptions religieuses sont une chose, la « vie ordinaire » en est une autre, et, entre les deux, on a bien soin d’établir une cloison aussi étanche que possible ; autant dire qu’on se comportera en fait comme un véritable incroyant, avec la logique en moins ; mais quel moyen de faire autrement, dans une société aussi « éclairée » et aussi « tolérante » que la nôtre, sans se faire traiter à tout le moins d’ « halluciné » ?

Sans doute, une certaine prudence est souvent nécessaire, mais prudence ne veut pas dire négation « a priori » et sans discernement ; pourtant, on doit dire, à la décharge de certains milieu catholiques, que le souvenir de quelques mystifications trop fameuses, comme celles de Léo Taxil, n’est pas étranger à cette négation : on s’est jeté d’un excès dans l’excès contraire ; si c’est encore une ruse du diable que de se faire nier, il faut convenir qu’il n’y a pas trop mal réussi.

Si nous n’abordons pas cette question du satanisme sans quelque répugnance, ce n’est point pour des raisons du genre de celles que nous venons d’indiquer, car un ridicule de cette sorte, si c’en est un, nous touche fort peu, et nous prenons assez nettement position contre l’esprit moderne sous toutes ses formes pour n’avoir point à user de certains ménagements ; mais on ne peut guère traiter ce sujet sans avoir à remuer des choses qu’on aimerait mieux laisser dans l’ombre ; il faut pourtant se résigner à le faire dans une certaine mesure, car un silence total à cet égard risquerait d’être fort mal compris.

Nous ne pensons pas que les satanistes conscients, c’est-à-dire les vrais adorateurs du diable, aient jamais été très nombreux ; on cite bien la secte des Yézidis, mais c’est là un cas exceptionnel, et encore n’est-il pas sûr qu’il soit correctement interprété ; partout ailleurs, on ne trouverait guère que des isolés, qui sont des sorciers de la plus basse catégorie, car il ne faudrait pas croire que même tous les sorciers ou les « magiciens noirs » plus ou moins caractérisés répondent également à cette définition, et il peut fort bien y en avoir, parmi eux, qui ne croient nullement à l’existence du diable.
D’un autre côté, il y a aussi la question des Lucifériens : il y en a eu, très certainement, en dehors des récits fantastiques de Léo Taxil et de son collaborateur le Dr Hacks, et peut-être y en a-t-il encore, en Amérique ou ailleurs ; s’ils ont constitué des organisations, cela pourrait sembler aller contre ce que nous venons de dire ; mais il n’en est rien, car, si ces gens invoquent Lucifer et lui rendent un culte, c’est qu’ils ne le considèrent point comme le diable, qu’il est vraiment à leurs yeux le « porte-lumière » ( 1 ), et nous avons même entendu dire qu’ils allaient jusqu’à l’appeler « la Grande Intelligence Créatrice ».

1 – Mme Blavatsky, qui donna ce nom de Lucifer à une revue qu’elle fonda en Angleterre vers la fin de sa vie, affectait de le prendre également dans ce sens étymologique de « porte-lumière », ou, comme elle disait, de « porteur du flambeau de la vérité » ; mais elle n’y voyait qu’un pur symbole, tandis que, pour les Lucifériens, c’est un être réel.

Ce sont bien des satanistes de fait, sans doute, mais, si étrange que cela puisse paraître à ceux qui ne vont pas au fond des choses, ce ne sont que des satanistes inconscients, puisqu’ils se méprennent sur la nature de l’entité à laquelle ils adressent leur culte ; et pour ce qui est du satanisme inconscient, à des degrés divers, il est loin d’être rare.

A propos des Lucifériens, nous tenons à signaler une singulière erreur : nous avons entendu affirmer que les premiers spirites américains reconnaissaient être en rapport avec le diable, auquel ils donnaient le nom de Lucifer ; en réalité, les Lucifériens ne peuvent aucunement être des spirites, puisque le spiritisme consiste essentiellement à se croire en communication avec des humains « désincarnés », et qu’il nie même généralement l’intervention d’autres êtres que ceux-là dans la production des phénomènes. Si même il est arrivé que des Lucifériens emploient des procédés analogues à ceux du spiritisme, ils n’en sont pas davantage spirites pour cela ; la chose est possible, quoique l’usage de procédés proprement magiques soit plus vraisemblable en général.
Si des spirites, de leur côté, reçoivent un « message » signé de Lucifer ou de Satan, ils n’hésitent pas un seul instant à le mettre sur le compte de quelque « esprit farceur », puisqu’ils font profession de ne pas croire au démon, et qu’ils apportent même à cette négation un véritable acharnement ; en leur parlant du diable, on ne risque pas seulement d’éveiller chez eux du dédain, mais plutôt de la fureur, ce qui est du reste un assez mauvais signe.
Ce que les Lucifériens ont de commun avec les spirites, c’est qu’ils sont assez bornés intellectuellement, et pareillement fermés à toute vérité d’ordre métaphysique ; mais ils sont bornés d’une autre façon, et il y a incompatibilité entre les deux théories ; cela ne veut pas dire, naturellement, que les mêmes forces ne puissent être en jeu dans les deux cas, mais l’idée qu’on s’en fait de part et d’autre est tout à fait différente. Il est inutile de reproduire les innombrables dénégations des spirites, ainsi que des occultistes et des théosophistes, relativement à l’existence du diable ; on en remplirait facilement tout un volume, qui serait d’ailleurs fort peu varié et sans grand intérêt. Allan Kardec, nous l’avons déjà vu, enseigne que les « mauvais esprits » s’amélioreront progressivement ; pour lui, anges et démons sont également des êtres humains, mais qui se trouvent aux deux extrémités de l’ « échelle spirite » ; et il ajoute que Satan n’est que « la personnification du mal sous une forme allégorique » (1).
Les occultistes, de leur côté, font appel à un symbolisme qu’ils ne comprennent guère et qu’ils accommodent à leur fantaisie ; au surplus, ils assimilent généralement les démons à des « élémentals » plutôt qu’à des « désincarnés » ; ils admettent du moins des êtres qui n’appartiennent pas à l’espèce humaine, et c’est déjà quelque chose. Mais voici une opinion qui sort un peu de l’ordinaire, non quant au fond, mais par l’apparence d’érudition dont elle s’enveloppe : c’est celle de M. Charles Lancelin, dont nous avons déjà parlé ; il résume en ces termes « le résultat de ses recherches » sur la question de l’existence du diable, à laquelle il a d’ailleurs consacré deux ouvrages spéciaux (2) :

1 – Le Livre des Esprits, pp. 54-56. – Sur Satan et l’enfer, cf. Léon Denis, Christianisme et Spiritisme, pp. 103-108 ; Dans l’Invisible, pp. 395-405.
2 – Histoire mythique de Shatan et Le Ternaire magique de Shatan.



  • « Le diable n’est qu’un fantôme et un symbole du mal. Le Judaïsme primitif l’a ignoré ; d’ailleurs, le Jéhovah tyrannique et sanguinaire des Juifs n’avait pas besoin de ce repoussoir. La légende de la chute des anges se trouve dans le Livre d’Hénoch, depuis longtemps reconnu apocryphe et écrit bien plus tard. Pendant la grande captivité de Babylone, le Judaïsme reçoit des religions orientales l’impression de divinités mauvaises, mais cette idée reste populaire, sans pénétrer dans les dogmes. Et Lucifer y est encore l’étoile du matin, et Satan un ange, un enfant de Dieu. Plus tard, si le Christ parle du Mauvais et du démon, c’est par pure accommodation aux idées populaires de son temps ; mais pour lui, le diable n’existe pas…
    Dans le Christianisme, le Jéhovah vindicatif des Juifs devient un Père de bonté : dès lors, les autres divinités sont, près de lui, des divinités du mal. En se développant, le Christianisme entre en contact avec l’Hellénisme et en reçoit la conception de Pluton et des Furies, et surtout du Tartare, qu’il accommode à ses propres idées en y faisant entrer confusément toutes les divinités mauvaises du paganisme gréco-romain et des diverses religions auxquelles il se heurte. Mais c’est au moyen âge que naît véritablement le diable. Dans cette période de bouleversements incessants, sans loi, sans frein, le clergé fut amené, pour mater les puissants, à faire du diable le gendarme de la société ; il reprit l’idée du Mauvais et des divinités du mal, fondit le tout dans la personnalité du diable et en fit l’épouvantail des rois et des peuples. Mais cette idée, dont il était le représentant, lui donnait un pouvoir incontesté ; aussi se prit-il rapidement à son propre piège, et dès lors le diable exista ; dans le courant des temps modernes, sa personnalité s’affirma, et au XVIIe siècle il régnait en maître. Voltaire et les encyclopédistes commencèrent la réaction ; l’idée du démon déclina, et aujourd’hui beaucoup de prêtres éclairés la regardent comme un simple symbole… » (1).



Il va sans dire que ces prêtres « éclairés » sont tout bonnement des modernistes, et l’esprit qui les anime est étrangement pareil à celui qui s’affirme dans ces lignes ; cette façon plus que fantaisiste d’écrire l’histoire est assez curieuse, mais elle vaut bien, somme toute, celle des représentants officiels de la prétendue « science des religions » : elle s’inspire visiblement des mêmes méthodes « critiques », et les résultats ne diffèrent pas sensiblement ; il faut être bien naïf pour prendre au sérieux ces gens qui font dire aux textes tout ce qu’ils veulent, et qui trouvent toujours moyen de les interpréter conformément à leurs propres préjugés. Mais revenons à ce que nous appelons le satanisme inconscient, et, pour éviter toute erreur, disons d’abord qu’un satanisme de ce genre peut être purement mental et théorique, sans impliquer aucune tentative d’entrer en  relation avec des entités quelconques, dont, dans bien des cas, il n’envisage même pas l’existence.

1 – Le Monde Psychique, février 1912

C’est en ce sens qu’on peut, par exemple, regarder comme satanique, dans une certaine mesure, toute théorie qui défigure notablement l’idée de la Divinité ; et il faudrait ici placer au premier rang les conceptions d’un Dieu qui évolue et celles d’un Dieu limité ; d’ailleurs, les unes ne sont qu’un cas particulier des autres, car, pour supposer qu’un être peut évoluer, il faut évidemment le concevoir comme limité ; nous disons un être, car Dieu, dans ces conditions, n’est pas l’Etre universel, mais un être particulier et individuel, et cela ne va guère sans un certain « pluralisme » où l’Etre, au sens métaphysique, ne saurait trouver place.
Tout « immanentisme » soumet, plus ou moins ouvertement, la Divinité au devenir ; cela peut ne pas être apparent dans les formes les plus anciennes, comme le panthéisme de Spinoza, et peut-être même cette conséquence est-elle contraire aux intentions de celui-ci (il n’est pas de système philosophique qui ne contienne, au moins en germe, quelque contradiction interne) ; mais, en tout cas, c’est très net à partir de Hegel, c’est-à-dire, en somme, depuis que l’évolutionnisme a fait son apparition, et, de nos jours, les conceptions des modernistes sont particulièrement significatives sous ce rapport.
Quant à l’idée d’un Dieu limité, elle a aussi, à l’époque actuelle, bien des partisans déclarés, soit dans des sectes comme celles dont nous parlions a la fin du chapitre précédent (les Mormons vont jusqu’à soutenir que Dieu est un être corporel, à qui ils assignent pour résidence un lieu défini, une planète imaginaire nommée Colob), soit dans certains courants de la pensée philosophique, depuis le « personnalisme » de Renouvier jusqu’aux conceptions de William James, que le romancier Wells s’efforce de populariser (1).

1 – Dieu, l’Invisible Roi.

Renouvier niait l’Infini métaphysique parce qu’il le confondait avec le pseudo-infini mathématique ; pour James, c’est tout autre chose, et sa théorie a son point de départ dans un « moralisme » bien anglo-saxon : il est plus avantageux, au point de vue sentimental, de se représenter Dieu à la façon d’un individu, ayant des qualités (au sens moral) comparables aux nôtres ; c’est donc cette conception anthropomorphique qui doit être tenue pour vraie, suivant l’attitude « pragmatiste » qui consiste essentiellement à substituer l’utilité (morale ou matérielle) à la vérité ; et d’ailleurs James, conformément aux tendances de l’esprit protestant, confond la religion avec la simple religiosité, c’est-a-dire qu’il n’y voit rien d’autre que l’élément sentimental.
Mais il y a autre chose de plus grave encore dans le cas de James, et c’est ce qui nous a fait surtout prononcer à son propos ce mot de « satanisme inconscient », qui a, paraît-il, si vivement indigné quelques-uns de ses admirateurs, particulièrement dans des milieux protestants dont la mentalité est toute disposée à recevoir de semblables conceptions (1) : c’est sa théorie de l’ « expérience religieuse », qui lui fait voir dans le « subconscient » le moyen pour l’homme de se mettre en communication effective avec le Divin ; de là à approuver les pratiques du spiritisme, à leur conférer un caractère éminemment religieux, et à considérer les médiums comme les instruments par excellence de cette communication, il n’y avait qu’un pas, on en conviendra. Parmi des éléments assez divers, le « subconscient » contient incontestablement tout ce qui, dans l’individualité humaine, constitue des traces ou des vestiges des états inférieurs de l’être, et ce avec quoi il met le plus sûrement l’homme en communication, c’est tout ce qui, dans notre monde, représente ces mêmes états inférieurs.

1 – On nous a reproché aussi, du même côté, ce qu’on a cru pouvoir appeler un « préjugé antiprotestant » ; notre attitude à cet égard est en réalité tout le contraire d’un préjugé, puisque nous y sommes arrivé d’une façon parfaitement réfléchie, et comme conclusion de maintes considérations que nous avons déjà indiquées en divers passages de notre Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues.

Ainsi, prétendre que c’est là une communication avec le Divin, c’est véritablement placer Dieu dans les états inférieurs de l’être, in inferis au sens littéral de cette expres​sion(1) ; c’est donc là une doctrine proprement « infernale », un renversement de l’ordre universel, et c’est précisément ce que nous appelons « satanisme » ; mais, comme il est clair que ce n’est nullement voulu et que ceux qui émettent ou qui acceptent de telles théories ne se rendent point compte de leur énormité, ce n’est que du satanisme inconscient.
Du reste, le satanisme, même conscient, se caractérise toujours par un renversement de l’ordre normal ; il prend le contrepied des doctrines orthodoxes, il invertit de parti pris certains symboles ou certaines formules ; les pratiques des sorciers ne sont, dans bien des cas, que des pratiques religieuses accomplies à rebours.

Il y aurait des choses bien curieuses à dire sur le renversement des symboles ; nous ne pouvons traiter cette question présentement, mais nous tenons à indiquer que c’est là un signe qui trompe rarement ; seulement, suivant que le renversement est intentionnel ou non, le satanisme peut être conscient ou inconscient (2). Ainsi, dans la secte « carméléenne » fondée jadis par Vintras, l’usage d’une croix renversée est un signe qui apparaît à première vue comme éminemment suspect ; il est vrai que ce signe était interprété comme indiquant que le règne du « Christ douloureux » devait désormais faire place à celui du « Christ glorieux » ; aussi est-il fort possible que Vintras lui-même n’ait été qu’un sataniste parfaitement inconscient, en dépit de tous les phénomènes qui s’accomplissaient autour de lui et qui relèvent nettement de la « mystique diabolique » ; mais peut-être ne pourrait-on pas en dire autant de certains de ses disciples et de ses successeurs plus ou moins légitimes ; cette question, d’ailleurs, demanderait une étude spéciale, qui contribuerait à éclairer singulièrement une foule de manifestations « préternaturelles » constatées pendant tout le cours du XIXe siècle.

1 – L’opposé est in excelsis, dans les états supérieurs de l’être, qui sont représentés par les cieux, de même que la terre représente l’état humain.
2 – Certains ont voulu voir des symboles inversés dans la figure du « cep de vigne dessiné par les esprits » qu’Allan Kardec a placée, sur leur ordre, en tête du Livre des Esprits ; la disposition des détails est en effet assez étrange pour donner lieu à une telle supposition, mais ce n’est pas d’une netteté suffisante pour que nous en fassions état, et nous ne signalons ceci qu’à titre purement documentaire.


Quoi qu’il en soit, il y a certainement plus qu’une nuance entre « pseudo-religion » et « contre-religion » (1), et il faut avoir soin de se garder contre des assimilations injustifiées ; mais, de l’une à l’autre, il peut y avoir bien des degrés par où le passage s’effectue presque insensiblement et sans qu’on s’en aperçoive : c’est là un des dangers spéciaux qui sont inhérents à tout empiètement, même involontaire, sur le domaine proprement religieux ; quand on s’engage sur une pente comme celle-là, il n’est guère possible de savoir au juste où l’on s’arrêtera, et il est bien difficile de se ressaisir avant qu’il soit trop tard. Notre explication relative au caractère satanique de certaines conceptions qui ne passent point habituellement pour telles appelle encore un complément que nous estimons indispensable, parce que trop de gens ne savent pas faire la distinction entre des domaines qui, pourtant, sont essentiellement et profondément séparés. Il y a naturellement, dans ce que nous avons dit, une allusion à la théorie métaphysique des états multiples de l’être, et ce qui justifie le langage que nous avons employé, c’est ceci : tout ce qui est dit théologiquement des anges et des démons peut aussi être dit métaphysiquement des états supérieurs et inférieurs de l’être. Cela est au moins très remarquable, et il y a là une « clef », comme diraient les occultistes ; mais les arcanes qu’ouvre cette clef ne sont point à leur usage. C’est là un exemple de ce que nous avons dit ailleurs (2), que toute vérité théologique peut être transposée en termes métaphysiques, mais sans que la réciproque soit vraie, car il est des vérités métaphysiques qui ne sont pas susceptibles d’être traduites en termes théologiques.

1 – Dans la sorcellerie, la « contre-religion » intentionnelle vient se superposer à la magie, mais elle doit toujours être distinguée de celle-ci, qui, même quand elle est de l’ordre le plus inférieur, n’a pas ce caractère par elle-même ; il n’y a aucun rapport direct entre le domaine de la magie et celui de la religion.
2 – Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues, pp. 112-115.


D’autre part, ce n’est jamais là qu’une correspondance, et non une identité ni même une équivalence ; la différence de langage marque une différence réelle de point de vue, et, dès lors que les choses ne sont pas envisagées sous le même aspect, elles ne relèvent plus du même domaine ; l’universalité, qui caractérise la métaphysique seule, ne se retrouve aucunement dans la théologie. Ce que la métaphysique a proprement à considérer, ce sont les possibilités de l’être, et de tout être, dans tous les états ; bien entendu, dans les états supérieurs et inférieurs, aussi bien que dans l’état actuel, il peut y avoir des êtres non humains, ou, plus exactement, des êtres dans les possibilités desquels n’entre pas l’individualité spécifiquement humaine ; mais cela, qui semble être ce qui intéresse plus particulièrement le théologien, n’importe pas également au métaphysicien, à qui il suffit d’admettre qu’il doit en être ainsi, dès lors que cela est effectivement possible, et parce qu’aucune limitation arbitraire n’est compatible avec la métaphysique.
D’ailleurs, s’il y a une manifestation dont le principe est dans un certain état, peu importe que cette manifestation doive être rapportée à tel être plutôt qu’à tel autre, parmi ceux qui se situent dans cet état, et même, à vrai dire, il peut se faire qu’il n’y ait lieu de la rapporter spécialement à aucun être déterminé ; c’est l’état seul qu’il convient de considérer, dans la mesure où nous percevons, dans cet autre état où nous sommes, quelque chose qui en est comme un reflet ou un vestige, suivant qu’il s’agit d’un état supérieur ou inférieur par rapport au nôtre. Il importe d’insister sur ce point, qu’une telle manifestation, de quelque nature qu’elle soit, ne traduit jamais qu’indirectement ce qui appartient à un autre état ; c’est pourquoi nous disons qu’elle y a son principe plutôt que sa cause immédiate.

Ces remarques permettent de comprendre ce que nous avons dit à propos des « influences errantes », dont certaines peuvent être tenues véritablement pour « sataniques » ou « démoniaques », qu’on les regarde d’ailleurs comme des forces pures et simples ou comme le moyen d’action de certains êtres proprement dits (1) : l’un et l’autre peuvent être vrais suivant les cas, et nous devons laisser le champ ouvert à toutes les possibilités ; du reste, cela ne change rien à la nature intrinsèque des influences en question.
On doit voir par là à quel point nous entendons rester en dehors de toute discussion d’ordre théologique ; nous nous abstenons volontairement de nous placer à ce point de vue, ce qui ne veut pas dire que nous n’en reconnaissions pleinement la légitimité ; et, alors même que nous employons certains termes empruntés au langage théologique, nous ne faisons en somme que prendre, en nous basant sur des correspondances réelles, les moyens d’expression qui sont propres à nous faire comprendre le plus facilement, ce qui est bien notre droit.

Cela étant dit pour mettre les choses au point et pour prévenir autant que possible les confusions des gens ignorants ou mal intentionnés, il n’en est pas moins vrai que les théologiens pourront, s’ils le jugent à propos, tirer parti, à leur point de vue, des considérations que nous exposons ici ; pour ce qui est des autres, s’il en est qui ont peur des mots, ils n’auront qu’à appeler autrement ce que nous continuerons, quant à nous, à appeler diable ou démon, parce que nous n’y voyons aucun inconvénient sérieux, et aussi parce que nous serons probablement mieux compris de cette façon que si nous introduisions une terminologie plus ou moins inusitée, qui ne serait qu’une complication parfaitement inutile. Le diable n’est pas seulement terrible, il est souvent grotesque ; que chacun prenne cela comme il l’entendra, suivant l’idée qu’il s’en fait ; mais que ceux qui pourraient être tentés de s’étonner ou même de se scandaliser d’une telle affirmation veuillent bien se reporter aux détails saugrenus que l’on trouve inévitablement dans toute affaire de sorcellerie, et faire ensuite un rapprochement avec toutes ces manifestations ineptes que les spirites ont l’inconscience d’attribuer aux «désincarnés ».

1 – Divers occultistes prétendent que ce qui nous apparaît comme des forces, ce sont en réalité des êtres individuels, plus ou moins comparables aux êtres humains ; cette conception anthropomorphique est, dans bien des cas, tout le contraire de la vérité.

En voici un échantillon pris entre mille :

  • « On lit une prière aux esprits, et tout le monde place ses mains, qui sur la table, qui sur le guéridon qui lui fait suite, puis on fait l’obscurité… La table oscille quelque peu, et Mathurin, par ce fait, annonce sa présence… Tout à coup, un grattement violent, comme si une griffe d’acier égratignait la table sous nos mains, nous fait tous tressaillir. Désormais, les phénomènes sont commencés. Des coups violents sont frappés sur le plancher auprès de la fenêtre, à un endroit inaccessible pour nous, puis un doigt matérialisé gratte fortement mon avant-bras ; une main glacée vient successivement toucher mes deux mains. Cette main devient chaude ; elle tapote ma main droite et essaie de m’enlever ma bague, mais n’y parvient pas… Elle me ravit ma manchette et la jette sur les genoux de la personne qui est en face de moi ; je ne la retrouverai qu’à la fin de la séance. Mon poignet est pincé entre le pouce et l’index de la main invisible ; mon veston est tiré par le bas, on joue à plusieurs reprises du tambour avec les doigts sur ma cuisse droite. Un doigt s’introduit sous ma main droite qui repose entièrement sur la table, et trouve moyen, je ne sais comment, de me gratter le creux de la main… A chacun de ces exploits, Mathurin, qui paraît enchanté de lui-même, vient exécuter sur la table, tout contre nos mains, une série de roulements. A plusieurs reprises, il demande du chant ; il explique même, par coups frappés, les morceaux qu’il préfère ; on les chante… Un verre d’eau, comprenant du sucre, une carafe d’eau, un verre, un carafon de rhum et une petite cuiller, a été placé, avant la séance, sur la table de la salle à manger, près de la fenêtre. Nous entendons à merveille l’entité s’en approcher, mettre de l’eau, puis du rhum dans le verre, et ouvrir le sucrier. Avant de mettre du sucre dans le grog en préparation, l’entité en prend deux morceaux en produisant de curieuses étincelles, et vient les frotter au milieu de nous. Puis elle retourne au grog après avoir jeté sur la table les morceaux frottés, et puise dans le sucrier pour mettre du sucre dans le verre. Nous entendons tourner la cuiller, et des coups frappés annoncent que l’on va m’offrir à boire. Pour augmenter la difficulté, je détourne la tête, en sorte que Mathurin, s’il cherche ma bouche, ne rencontrera que mon oreille. Mais j’ai compté sans mon hôte : le verre vient chercher ma bouche où elle se trouve sans une hésitation, et le grog m’est envoyé d’une façon plutôt brusque, mais impeccable, car il ne s’en perd pas une seule goutte… Tels sont les faits qui, depuis bientôt quinze ans, se reproduisent tous les samedis avec quelques variations… » (1).


Il serait difficile d’imaginer quelque chose de plus puéril ; pour croire que les morts reviennent pour se livrer à ces facéties de mauvais goût, il faut assurément plus que de la naïveté ; et que penser de cette « prière aux esprits » par laquelle débute une telle séance ? Ce caractère grotesque est évidemment la marque de quelque chose d’un ordre fort inférieur ; même lorsque la source en est dans l’être humain (et nous comprenons dans ce cas les « entités » formées artificiellement et plus ou moins persistantes), cela provient assurément des plus basses régions du « subconscient » ; et tout le spiritisme, en y englobant pratiques et théories, est, à un degré plus ou moins accentué, empreint de ce caractère. Nous ne faisons pas d’exception pour ce qu’il y a de plus « élevé », au dire des spirites, dans les « communications » qu’ils reçoivent : celles qui ont des prétentions à exprimer des idées sont absurdes, ou inintelligibles, ou d’une banalité que des gens complètement incultes peuvent seuls ne pas voir ; quant au reste, c’est de la sentimentalité la plus ridicule. Assurément, il n’y a pas besoin de faire intervenir spécialement le diable pour expliquer de semblables productions, qui sont tout à fait à la hauteur de la « subconscience » humaine ; s’il consentait à s’en mêler, il n’aurait certes aucune peine à faire beaucoup mieux que cela.

1 – Le Fraterniste, 26 décembre 1913 (article de M. Eugène Philippe, avocat à la Cour d’appel de Paris, vice-président de la Société française d’études des phénomènes psychiques). – Le récit d’une séance à peu près semblable, avec les mêmes médiums (Mme et Mlle Vallée) et la même « entité » (qui y est même qualifiée de « guide spirituel »), a été donné dans L’Initiation, octobre 1911.

(à suivre)
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Message par Ligeia Jeu 21 Jan - 12:48

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Partie II, extraits du chapitre X : La question du satanisme.

(partie 2, suite et fin) :


On dit même que le diable, quand il veut, est fort bon théologien ; il est vrai, pourtant, qu’il ne peut s’empêcher de laisser échapper toujours quelque sottise, qui est comme sa signature ; mais nous ajouterons qu’il n’y a qu’un domaine qui lui soit rigoureusement interdit, et c’est celui de la métaphysique pure ; ce n’est pas ici le lieu d’en indiquer les raisons, encore que ceux qui auront compris les explications précédentes puissent en deviner une partie sans trop de difficulté.

Mais revenons aux divagations de la « subconscience » : il suffit que celle-ci ait en elle des éléments « démoniaques », au sens que nous avons dit, et qu’elle soit capable de mettre l’homme en relation involontaire avec des influences qui, même si elles ne sont que de simples forces inconscientes par elles-mêmes, n’en sont pas moins « démoniaques » aussi ; cela suffit, disons-nous, pour que le même caractère s’exprime dans quelques-unes des « communications » dont il s’agit.

Ces « communications » ne sont pas forcément celles qui, comme il y en a fréquemment, se distinguent par la grossièreté de leur langage ; il se peut que ce soient aussi, parfois, celles devant lesquelles les spirites tombent en admiration. Il y a sous ce rapport, des marques qui sont assez difficiles à distinguer à première vue : là aussi, ce peut être une simple signature, pour ainsi dire, constituée par le ton même de l’ensemble, ou par quelque formule spéciale, par une certaine phraséologie ; et il y a de ces termes et de ces formules, en effet, qui se retrouvent un peu partout, qui dépassent l’atmosphère de tel ou tel groupe particulier, et qui semblent être imposés par quelque volonté exerçant une action plus générale.

Nous constatons simplement, sans vouloir en tirer une conclusion précise ; nous préférons laisser disserter là-dessus, avec l’illusion que cela confirme leur thèse, les partisans de la « troisième mystique », de cette « mystique humaine » qu’imagina le protestant mal converti qu’était Gœrres (nous voulons dire que sa mentalité était demeurée protestante et « rationaliste » par certains côtés) ; pour nous, si nous avions à poser la question sur le terrain théologique, elle ne se poserait pas tout à fait de cette façon, dès lors qu’il s’agit d’éléments qui sont proprement « infra-humains », donc représentatifs d’autres états, même s’ils sont inclus dans l’être humain ; mais, encore une fois, ce n’est point là notre affaire.

Les choses auxquelles nous venons de faire allusion se rencontrent surtout dans les « communications » qui ont un caractère spécialement moral, ce qui est d’ailleurs le cas du plus grand nombre ; beaucoup de gens ne manqueront pas de s’indigner qu’on fasse intervenir le diable là-dedans, si indirectement que ce soit, et qu’on pense qu’il peut prêcher la morale ; c’est même là un argument que les spirites font valoir souvent contre ceux de leurs adversaires qui soutiennent la théorie « démoniaque ».
Voici, par exemple, en quels termes s’est exprimé à ce sujet un spirite qui est en même temps un pasteur protestant, et dont les paroles, en raison de cette double qualité, méritent quelque attention :


  • « On dit dans les Eglises : Mais ces esprits qui se manifestent, ce sont des démons, et il est dangereux de se mettre en relation avec le diable. Le diable, je n’ai pas l’honneur de le connaître (sic) ; mais enfin supposons qu’il existe : ce que je sais de lui, c’est qu’il a une réputation bien établie, celle d’être très intelligent, très malin, et en même temps de n’être pas un personnage essentiellement bon et charitable. Or, si les communications nous viennent du diable, comment se fait-il que, très souvent, elles ont un caractère si élevé, si beau, si sublime qu’elles pourraient très avantageusement figurer dans les cathédrales et dans la prédication des orateurs religieux les plus éloquents ? Comment se fait-il que ce diable, qui est si malfaisant et si intelligent, s’applique dans tant de circonstances à fournir à ceux qui communiquent avec lui les directions les plus consolantes et les plus moralisantes ? Donc je ne puis pas croire que je suis en communication avec le diable » (1).


1 – Discours du pasteur Alfred Bénézech au Congrès spirite de Genève, en 1913.

Cet argument ne fait sur nous aucune impression, d’abord parce que, si le diable peut être théologien quand il y trouve avantage, il peut aussi, et « a fortiori », être moraliste, ce qui ne demande point tant d’intelligence ; on pourrait même admettre, avec quelque apparence de raison, que c’est là un déguisement qu’il prend pour mieux tromper les hommes et leur faire accepter des doctrines fausses.

Ensuite, ces choses « consolantes » et « moralisantes » sont précisément, à nos yeux, de l’ordre le plus inférieur, et il faut être aveuglé par certains pré-jugés pour les trouver « élevées » et « sublimes » ; mettre la morale au-dessus de tout, comme le font les protestants et les spirites, c’est encore renverser l’ordre normal des choses ; cela même est donc « diabolique », ce qui ne veut pas dire que tous ceux qui pensent ainsi soient pour cela en communication effective avec le diable.

À ce propos, il y a encore une autre remarque à faire : c’est que les milieux où l’on éprouve le besoin de prêcher la morale en toute circonstances sont souvent les plus immoraux en pratique ; qu’on explique cela comme on voudra, mais c’est un fait ; pour nous, l’explication toute simple, c’est que tout ce qui touche à ce domaine met en jeu inévitablement ce qu’il y a de plus bas dans la nature humaine ; ce n’est pas pour rien que les notions morales de bien et de mal sont inséparables l’une de l’autre et ne peuvent exister que par leur opposition ; Mais que les admirateurs de la morale, s’ils n’ont pas les yeux fermés par un parti pris par trop incurable, veuillent bien regarder du moins s’il n’y aurait pas, dans les milieux spirites, bien des choses qui pourraient alimenter cette indignation qu’ils manifestent si facilement ; à en croire des gens qui ont fréquenté ces milieux, il y a là des dessous fort malpropres. Répondant à des attaques parues dans divers organes spirites (1), F.-K. Gaboriau, alors directeur du Lotus (et qui devait quitter la Société Théosophique un peu plus tard), écrivait ceci :

1 – Notamment dans la Revue Spirite du 17 septembre 1887.


  • « Les ouvrages spirites enseignent et provoquent fatalement la passivité, c’est-à-dire l’aveuglement, l’affaiblissement moral et physique des pauvres êtres dont on pétrit et déchiquette le système nerveux et psychique dans des séances où toutes les passions mauvaises et grotesques prennent corps… Nous aurions pu par vengeance, si la vengeance était admise en théosophie, publier une série d’articles sur le spiritisme, faisant défiler dans le Lotus toutes les histoires grotesques ou hideuses que nous connaissons (et n’oubliez pas que nous, les phénoménalistes, avons presque tous été de la maison), montrer tous les médiums célèbres pris la main dans le sac (ce qui ne leur enlève que la sainteté et non l’authenticité), analyser cruellement les publications des Bérels (1), et ils sont légion, dire, en l’expliquant, tout ce qu’il y a dans le livre de Hucher, La Spirite, revenir sur l’histoire des dessous du spiritisme, copier dans les revues spirites américaines des réclames spirites de maisons de prostitution, raconter en détail les horreurs de tout genre qui se sont passées et se passent encore dans les séances obscures à matérialisations, en Amérique, en Angleterre, dans l’Inde et en France, en un mot, faire peut-être une œuvre d’assainissement utile. Mais nous préférons nous taire et ne pas mettre le trouble en des esprits déjà suffisamment troublés » (2).


Voilà, malgré cette réserve, un témoignage très net et qu’on ne peut suspecter : c’est celui d’un « néo-spiritualiste », et qui, étant passé par le spiritisme, était bien informé. Nous en avons d’autres du même genre, et plus récents, comme celui de M. Jollivet-Castelot, un occultiste qui s’est surtout occupé d’alchimie, mais aussi de psychisme, et qui s’est d’ailleurs séparé depuis longtemps de l’école papusienne à laquelle il avait appartenu tout d’abord.

1 – Il s’agit d’un médium nommé Jules-Edouard Bérel, qui s’intitulait modestement « le secrétaire de Dieu », et qui venait de faire paraître un énorme volume rempli des pires extravagances. – Un autre cas pathologique analogue, bien qu’en dehors du spiritisme proprement dit, est celui d’un certain M. Paul Auvard, qui a écrit, « sous la dictée de Dieu », un livre intitulé Le Saint Dictamen, dans lequel il y a de tout, excepté des choses sensées.
2 – Le Lotus, octobre 1887.


C’était au moment où l’on faisait un certain bruit, dans la presse, autour des fraudes incontestables qui avaient été découvertes dans les expériences de matérialisation que Mme Juliette Alexandre-Bisson, la veuve du célè- bre vaudevilliste, et le Dr von Schrenck-Notzing poursuivaient avec un médium qu’on ne désignait que par l’appellation mystérieuse d’Eva C… ; M. Jollivet-Castelot souleva contre lui la colère des spirites en faisant connaître, dans une lettre qui fut publiée par le Matin, que cette Eva C… ou Carrière, qui s’était aussi fait appeler Rose Dupont, n’était autre en définitive que Marthe Béraud, qui avait déjà mystifié le Dr Richet à la villa Carmen d’Alger (et c’est encore avec la même personne que d’autres savants officiels veulent aujourd’hui expérimenter dans un laboratoire de la Sorbonne) (1). M. Chevreuil, en particulier, couvrit d’injures M. Jollivet-Castelot (2), qui, poussé à bout, dévoila assez brutalement les mœurs inavouables de certains milieux spirites, « le sadisme qui se mélange à la fraude, à la crédulité, à la sottise insondable, chez beaucoup de médiums… et d’expérimentateurs » ; il y employa même des termes trop crus pour que nous les reproduisions, et nous citerons seulement ces lignes : « Il est certain que la source est souvent impure. Ces médiums nus, ces examens de petites « cachettes », ces attouchements minutieux des fantômes matérialisés, traduisent plutôt l’érotisme qu’un miracle du spiritisme et du psychisme. J’ai idée que si des esprits revenaient, ils s’y prendraient d’une autre façon ! » (3). Là-dessus, M. Chevreuil s’écria : « Je ne veux plus prononcer le nom de l’auteur qui, Psychosé par la Haine (sic), vient de se noyer dans l’ordure ; son nom n’existe plus pour nous » (4).

1 – Ces expériences, terminées depuis que ceci a été écrit, ont donné un résultat entièrement négatif ; il faut croire qu’on avait pris cette fois des précautions plus efficaces.
2 – Le Fraterniste, 9 janvier, 1er et 6 février 1914.
3 – Les Nouveaux Horizons de la Science et de la Pensée, février 1914, p. 87.
4 – Le Fraterniste, 13 février 1914.


Mais cette indignation, plutôt comique, ne pouvait tenir lieu d’une réfutation ; les accusations restent entières, et nous avons tout lieu de croire qu’elles sont fondées.
Pendant ce temps, on discutait, chez les spirites, sur la question de savoir si les enfants doivent être admis aux séances : il paraît que, dans le « Fraternisme », ils sont exclus des réunions où l’on fait des expériences, mais qu’on a, en revanche, institué des « cours de bonté » (sic) à leur intention (1) ; d’autre part, dans une conférence faite devant la « Société française d’études des phénomènes psychiques », M. Paul Bodier déclarait nettement que « rien ne serait peut-être plus nuisible que de faire assister les enfants aux séances expérimentales qui se font un peu partout », et que « le spiritisme expérimental ne doit être abordé qu’à l’adolescence » (2).
Les spirites un peu raisonnables craignent donc l’influence néfaste que leurs pratiques ne pourraient manquer d’exercer sur l’esprit des enfants ; mais cet aveu ne constitue-t-il pas une véritable condamnation de ces pratiques, dont l’effet sur les adultes n’est guère moins déplorable ? Les spirites, en effet, insistent toujours pour que l’étude des phénomènes, aussi bien que la théorie par laquelle ils les expliquent, soit mise à la portée de tous indistinctement ; rien n’est plus contraire à leur pensée que de la considérer comme réservée à une certaine élite, qui pourrait être mieux prémunie contre ses dangers.
D’un autre côté, l’exclusion des enfants, qui peut étonner ceux qui connaissent les tendances propagandistes du spiritisme, ne s’explique que trop quand on songe à toutes ces choses plus que douteuses qui se passent dans certaines séances, et sur lesquelles nous venons d’apporter des témoignages indéniables. Une autre question qui jetterait un jour étrange sur les mœurs de certains milieux spirites et occultistes, et qui d’ailleurs se rattache plus directement à celle du satanisme, c’est la question de l’incubat et du succubat, à laquelle nous avons fait allusion en parlant d’une enquête où on l’avait fait intervenir, d’une façon plutôt inattendue, à propos du « sexe des esprits ».

1 – Le Fraterniste, 12 décembre 1913.
2 – Revue Spirite, mars 1914, p. 178.


En publiant la réponse de M. Ernest Bosc à ce sujet, la rédaction du Fraterniste ajoutait en note : « M.-Legrand, de l’Institut n° 4 d’Amiens (c’est la désignation d’un groupement « fraterniste »), nous citait, au début de mars courant (1914), le cas d’une jeune fille vierge de dix-huit ans qui, depuis l’âge de douze ans, subit toutes les nuits la passion d’un incube. Des confidences circonstanciées et détaillées, stupéfiantes, lui ont été faites » (1).

On ne nous dit pas, malheureusement, si cette jeune fille avait, contrairement à la règle, fréquenté les séances spirites ; en tout cas, elle se trouvait évidemment dans un milieu favorable à de telles manifestations ; nous ne déciderons point si ce n’est là que détraquement et hallucination, ou s’il faut y voir autre chose. Mais ce cas n’est pas isolé : M. Ernest Bosc, tout en affirmant avec raison qu’il ne s’agit point là de « désincarnés », assurait que « des veuves, ainsi que des jeunes filles, lui avaient fait des confidences absolument renversantes, à lui aussi ; seulement, il ajoutait prudemment : « Mais nous ne saurions en parler ici, car ceci constitue un véritable secret ésotérique non communicable. » Cette dernière assertion est tout simplement monstrueuse : les secrets vraiment incommunicables, ceux qui méritent d’être appelés « mystères » au sens propre de ce mot, sont d’une tout autre nature, et ils ne sont tels que parce que toute parole est impuissante à les exprimer ; et le véritable ésotérisme n’a absolument rien à voir avec ces choses malpropres (2).
Il est d’autres occultistes qui, à cet égard, sont loin d’être aussi réservés que M. Bosc, puisque nous en connaissons un qui est allé jusqu’à publier, sous forme de brochure, une « méthode pratique pour l’incubat et le succubat », où il ne s’agit, il est vrai, que d’autosuggestion pure et simple ; nous n’insistons pas, mais, si des contradicteurs possibles prétendaient réclamer de nous des précisions, nous les prévenons charitablement qu’ils ne pourraient avoir qu’à s’en repentir ; nous en savons trop long sur le compte de certains personnages qui se posent aujourd’hui en « grands-maîtres » de telles ou telles organisations pseudo-initiatiques, et qui feraient beaucoup mieux de rester dans l’ombre.

1 – Le Fraterniste, 13 mars 1914.
2 – Il faudrait parler aussi de certaines affaires de « vampirisme », qui relèvent de la plus basse sorcellerie ; même s’il n’intervient là-dedans aucune force extra-humaine, tout cela n’en vaut guère mieux.


Les sujets de cet ordre ne sont pas de ceux sur lesquels on s’étend volontiers, mais nous ne pouvons nous dispenser de constater qu’il est des gens qui éprouvent le besoin maladif de mélanger ces choses à des études occultistes et soi-disant mystiques ; il est bon de le dire, ne serait-ce que pour faire connaître la mentalité de ceux-là. Naturellement, il ne faut pas généraliser, mais ces cas sont beaucoup trop nombreux dans les milieux « néo-spiritualistes » pour que cela soit purement accidentel ; c’est encore un danger à signaler, et il semble vraiment que ces milieux soient aptes à produire tous les genres de détraquement ; quand même il n’y aurait que cela, trouvera-t-on que l’épithète de « satanique », prise dans un sens figuré si l’on veut, soit trop forte pour caractériser quelque chose d’aussi malsain ?

Il est encore une autre affaire, particulièrement grave, dont il est nécessaire de dire quelques mots : en 1912, le chevalier Le Clément de Saint-Marcq, alors président de la « Fédération Spirite Belge » et du « Bureau international du Spiritisme », publia, sous prétexte d’ « étude historique », une ignoble brochure intitulée L’Eucharistie, qu’il dédia à Emmanuel Vauchez, ancien collaborateur de Jean Macé à la « Ligue française de l’Enseignement ». Dans une lettre qui fut insérée en tête de cette brochure, Emmanuel Vauchez affirmait, « de la part d’esprits supérieurs », que « Jésus n’est pas du tout fier du rôle que les cléricaux lui font jouer » ; on peut juger par là de la mentalité spéciale de ces gens qui, en même temps que des spirites éminents, sont des dirigeants des associations de libre-pensée. Le pamphlet fut distribué gratuitement, à titre de propagande, à des milliers d’exemplaires ; l’auteur attribuait au clergé catholique, et même à tous les clergés, des pratiques dont il est impossible de préciser la nature, et qu’il ne prétendait d’ailleurs pas blâmer, mais dans lesquelles il voyait un secret de la plus haute importance au point de vue religieux et même politique ; cela peut paraître tout à fait invraisemblable, mais c’est ainsi.
Le scandale fut grand en Belgique (1) ; beaucoup de spirites furent eux-mêmes indignés, et de nombreux groupes quittèrent la Fédération ; on réclama la démission du président, mais le comité déclara se solidariser avec lui. En 1913, M. Le Clément de Saint-Marcq entreprit dans les différents centres une tournée de conférences au cours desquelles il devait expliquer toute sa pensée, mais qui ne firent qu’envenimer les choses ; la question fut soumise au Congrès spirite international de Genève, qui condamna formellement la brochure et son auteur (2). Celui-ci dut donc démissionner, et, avec ceux qui le suivirent dans sa retraite, il forma une nouvelle secte dénommée « Sincérisme », dont il formula le programme en ces termes : « La vraie morale est l’art d’apaiser les conflits : paix religieuse, par la divulgation des mystères et l’atténuation du caractère dogmatique de l’enseignement des Eglises ; paix internationale, par l’union fédérale de toutes les nations civilisées du monde en une monarchie élective ; paix industrielle, par le partage de la direction des entreprises entre le capital, le travail et les pouvoirs publics ; paix sociale, par le renoncement au luxe et l’application de l’excédent des revenus à des œuvres de bienfaisance ; paix individuelle, par la protection de la maternité et la répression de toute manifestation d’un sentiment de jalousie » (3).

1 – Il y a eu dans ce pays d’autres choses vraiment extraordinaires en ce genre, comme les histoires du Black Flag par exemple ; celles-là ne se rapportent pas au spiritisme, mais il y a entre toutes ces sectes plus de ramifications qu’on ne pense.
2 – Discours prononcé au Congrès national spirite belge de Namur par M. Fraikin, président, le 23 novembre l913.
3 – Le Fraterniste, 28 novembre 1913.


La brochure sur L’Eucharistie avait déjà fait voir suffisamment en quel sens il fallait entendre la « divulgation des mystères » ; quant au dernier article du programme, il était conçu en termes volontairement équivoques, mais que l’on peut comprendre sans peine en songeant aux théories des partisans de l’ « union libre ». C’est dans le « Fraternisme » que M. Le Clément de Saint-Marcq trouva ses plus ardents défenseurs ; sans oser pourtant aller jusqu’à approuver ses idées, un des chefs de cette secte, M. Paul Pillault, plaida l’irresponsabilité et trouva cette excuse :
« Je dois déclarer qu’étant psychosiste, je ne crois pas à la responsabilité de M. Le Clément de Saint-Marcq, instrument très accessible aux diverses psychoses tout comme un autre humain. Influencé, il dut écrire cette brochure et la publier ; c’est ailleurs que dans la partie tangible et visible qu’il faut rechercher la cause, qu’il faut trouver l’action productrice du contenu de la brochure incriminée » (1).

Il faut dire que le « Fraternisme », qui n’est au fond qu’un spiritisme à tendances très fortement protestantes, donne à sa doctrine spéciale le nom de « psychosie » ou « philosophie psychosique » : les « psychoses » sont les « influences invisibles » (on emploie même aussi le mot barbare d’ « influencisme »), il en est de bonnes et de mauvaises, et toutes les séances débutent par une invocation à la « Bonne Psychose » (2) ; cette théorie est poussée si loin qu’elle arrive, en fait, à supprimer à peu près complètement le libre arbitre de l’homme. Il est certain que la liberté d’un être individuel est chose relative et limitée, comme l’est cet être lui-même, mais il ne faut tout de même pas exagérer ; nous admettons très volontiers, dans une certaine mesure, et spécialement dans des cas comme celui dont il s’agit, l’action d’influences qui peuvent être de bien des sortes, et qui, d’ailleurs, ne sont point ce que pensent les spirites ; mais enfin M. Le Clément de Saint Marcq n’est pas médium. que nous sachions, pour n’avoir joué qu’un rôle d’instrument purement passif et inconscient.

1 – Le Fraterniste, 12 décembre 1913.
2 – Compte rendu du premier Congrès des Fraternelles, tenu à Lille le 25 décembre 1913 : Le Fraterniste, 9 janvier 1914. Cf. id., 21 novembre 1913.


Du reste, nous l’avons vu, tout le monde, même parmi les spirites, ne l’excusa pas aussi facilement ; de leur côté, les théosophistes belges, il faut le dire à leur honneur, furent parmi les premiers à faire entendre de véhémentes protestations ; malheureusement, cette attitude n’était pas tout à fait désintéressée, car cela se passait à l’époque des scandaleux procès de Madras (1), et M. Le Clément de Saint-Marcq avait jugé bon d’invoquer, comme venant à l’appui de sa thèse, les théories que l’on reprochait à M. Leadbeater ; il était donc urgent de répudier une solidarité aussi compromettante. Par contre, un autre théosophiste, M. Theodor Reuss, Grand-Maître de l’ « Ordre des Templiers Orientaux », écrivit à M. Le Clément de Saint-Marcq ces lignes significatives (nous reproduisons scrupuleusement son jargon) : « Je vous adresse deux brochures : Oriflammes ( 2 ), dans lesquelles vous trouverez que l’Ordre des Templiers Orientaux a la même connaissance comme on trouve dans la brochure Eucharistie. » Dans l’Oriflamme, nous trouvons effectivement ceci, qui fut publié en 1912, et qui éclaircit la question : « Notre Ordre possède la clef qui ouvre tous les mystères maçonniques et hermétiques : c’est la doctrine de la Magie sexuelle, et cette doctrine explique, sans rien laisser d’obscur, toutes les énigmes de la nature, toute la symbolique maçonnique, tous les systèmes religieux. »

1 – Voir Le Théosophisme, pp. 207-211.
2 – L’Oriflamme, petite revue rédigée en allemand, est l’organe officiel des divers groupements de Maçonnerie « irrégulière » dirigés par M. Theodor Reuss, et dont nous avons parlé en faisant l’histoire du théosophisme (pp. 39 et 243-244).


Nous devons dire, à ce propos, que M. Le Clément de SaintMarcq est un haut dignitaire de la Maçonnerie belge ; et un de ses compatriotes, M. Herman Boulenger, écrivait dans un organe catholique :
« La Maçonnerie s’est-elle émue jusqu’à présent de posséder dans son sein un exégète aussi extraordinaire ? Je ne sais.Mais comme il déclare que sa doctrine est aussi le secret de la secte (et ma foi, si je ne connaissais ses procédés de documentation, je pourrais croire qu’il est fort bien placé pour le savoir), sa présence y est terriblement compromettante, surtout pour ceux de ses membres qui se sont élevés publiquement contre de telles aberrations » (1).

Il est à peine utile de dire qu’il n’y a absolument rien de fondé dans les prétentions de MM. Le Clément de Saint-Marcq et Theodor Reuss ; il est vraiment fâcheux que quelques écrivains catholiques aient cru devoir admettre une thèse analogue à la leur, soit en ce qui concerne la Maçonnerie, soit à l’égard des mystères antiques, sans s’apercevoir qu’ils ne pouvaient ainsi qu’affaiblir leur position (de même que lorsqu’ils acceptent l’identification fantaisiste de la magie et du spiritisme) ; il ne fallait voir là que les divagations de quelques esprits malades, et peut- être plus ou moins « psychosés », comme disent les « Fraternistes », ou « obsédés », comme nous dirions plus simplement. Il vient d’être fait allusion aux « procédés de documentation » de M. Le Clément de Saint-Marcq ; ces procédés, où éclate la plus insigne mauvaise foi, lui valurent un certain nombre de démentis de la part de ceux qu’il avait imprudemment mis en cause. C’est ainsi qu’il s’était prévalu de l’adhésion d’ « un prêtre catholique encore en exercice », en citant une phrase qu’il détachait de son contexte, de façon à lui donner une acception toute différente de celle qu’elle comportait, et il appelait cela « une confirmation formidable » (2) ; le prêtre en question, qui était l’abbé J.-A. Petit, dont nous avons parlé précédemment, s’empressa de rectifier, et il le fit en ces termes :

  • « La phrase est celle-ci : « Votre thèse repose sur une vérité primordiale que vous avez été le premier, à ma connaissance, à signaler au grand public. » Ainsi présentée, la phrase paraît approuver la thèse soutenue par M. le chevalier de Saint-Marcq. Il importe essentiellement que toute équivoque disparaisse. Quelle est cette vérité primordiale ? Les catholiques prétendent que, dans l’Eucharistie, c’est le corps même du Christ, né de la Vierge Marie et crucifié, qui est présent sous les apparences du pain et du vin.


1 – Le Catholique, décembre 1913.
2 – ld., octobre 1913.


  • M. le chevalier de Saint-Marcq dit : Non, et, à mon avis, il a raison. Le Christ ne pouvait pas prétendre y mettre son corps, crucifié surtout, puisque l’institution du sacrement a précédé le crucifiement. Le Christ est présent dans l’Eucharistie par le principe vital qui s’est incarné dans la Vierge : c’est ce que M. le chevalier de Saint-Marcq a été le premier, à ma connaissance, à signaler au grand public, et ce que j’appelle « une vérité primordiale ». Sur ce point, nous sommes d’accord ; mais là se borne la coïncidence de nos idées. M. de Saint-Marcq fait intervenir un élément humain, et moi un élément spirituel avec toute la portée que saint Paul attribue à ce mot (1), de sorte que nous sommes aux antipodes l’un de l’autre… Je suis son adversaire déclaré, ainsi que le témoigne la réfutation que j’ai faite de sa petite brochure » (2).



Les interprétations personnelles de l’abbé Petit, en l’occurrence, ne nous semblent guère moins hétérodoxes que lorsqu’il prétend que la « résurrection de la chair » signifie la réincarnation ; et peut-il être entièrement de bonne foi, lui aussi, en introduisant le mot « crucifié », comme il le fait, à propos du corps du Christ présent dans l’Eucharistie ?
En tout cas, il met beaucoup de bonne volonté à se déclarer d’accord, même sur un point particulier, avec M. Le Clément de Saint-Marcq, pour qui Jésus n’est qu’un homme ; mais sa réponse n’en constitue pas moins un démenti formel.


1 – I Corinthiens, XV, 44.
2 – Le Catholique, décembre 1913. – La réfutation en question avait paru dans La Vie Nouvelle, de Beauvais.


D’autre part, Mgr Ladeuze, recteur de l’Université de Louvain, adressa à la Revue Spirite Belge, le 19 avril 1913, la lettre suivante :

  • « On me communique votre numéro du 1 er mars 1913, où il est fait allusion à un passage de la brochure L’Eucharistie lancée par M. Le Clément de SaintMarcq, dans lequel celui-ci cite un de mes ouvrages pour prouver l’existence des pratiques immondes qui constitueraient le sacrement eucharistique.Je ne m’abaisserai pas jusqu’à entrer en discussion avec M. Le Clément de Saint- Marcq sur un sujet aussi ignoble ; je vous prie seulement de signaler à vos lecteurs… que, pour interpréter mon texte comme il le fait, il faut, ou bien être de mauvaise foi, ou bien ignorer la langue latine au point de n’en rien connaître. L’auteur me fait dire, par exemple (je choisis cet exemple parce qu’il est possible d’en parler sans se salir, l’auteur n’introduisant pas ici dans mes paroles la théorie nauséabonde en question) : « Le mensonge ne peut jamais être permis, si ce n’est pour éviter les plus grands maux temporels. » J’ai dit, en réalité, dans le passage visé : « Le mensonge ne peut jamais être permis, pas même pour éviter les plus grands maux temporels. » Voici le texte latin : « Dicendum est illud nunquam, ne ad maxima quidem temporalia mala vitanda, fieri posse licitum. » Un élève de quatrième latine ne pourrait pas se méprendre sur le sens de ce texte. » Après cela, la dénomination de « Sincérisme » apparaît comme plutôt ironique, et nous pouvons terminer là-dessus ce que M. Herman Boulenger a appelé « une histoire scabreuse où le lecteur un peu au courant des données de la théologie mystique a pu reconnaître, dans les choses qui lui ont été révélées, les caractères traditionnels de l’action diabolique » (1).



Nous ajouterons seulement que la brouille survenue dans le spiritisme belge à l’occasion de cette affaire ne fut pas de longue durée : le 26 avril 1914 eut lieu, à Bruxelles, l’inauguration de la « Maison des Spirites » ; la « Ligue Kardéciste » et la « Fédération Sincériste » avaient été invitées l’une et l’autre ; deux discours furent prononcés, le premier par M. Fraikin, le nouveau président de la « Fédération Spirite », et le second par M. Le Clément de Saint-Marcq ; la réconciliation était donc opérée (2).

1 – Le Catholique, décembre 1913.
2 – M. Le Clément de Saint-Marcq n’a jamais renoncé pour cela à ses idées spéciales ; il a même publié tout récemment une nouvelle brochure, dans laquelle il soutient encore les mêmes théories.


Nous n’avons voulu qu’apporter ici quelques faits, que chacun sera libre d’apprécier à son gré ; les théologiens y verront probablement quelque chose de plus et d’autre que ce que pourraient y trouver de simples « moralistes ». En ce qui nous concerne, nous ne voulons pas pousser les choses à l’extrême, et ce n’est pas à nous qu’il appartient de poser la question d’une action directe et « personnelle » de Satan ; mais peu nous importe, car, quand nous parlons de « satanisme », ce n’est pas nécessairement ainsi que nous l’entendons. Au fond, les questions de « personnification », si l’on peut s’exprimer ainsi, sont parfaitement indifférentes à notre point de vue ; ce que nous voulons dire en réalité est tout à fait indépendant de cette interprétation particulière aussi bien que de toute autre, et nous n’entendons en exclure aucune, sous la seule condition qu’elle corresponde à une possibilité.

En tout cas, ce que nous voyons dans tout cela, et plus généralement dans le spiritisme et les autres mouvements analogues, ce sont des influences qui proviennent incontestablement de ce que certains appellent la « sphère de l’Antéchrist » ; cette désignation peut encore être prise symboliquement, mais cela ne change rien à la réalité et ne rend pas ces influences moins néfastes.
Assurément, ceux qui participent à de tels mouvements, et même ceux qui croient les diriger, peuvent ne rien savoir de ces choses ; c’est bien là qu’est le plus grand danger, car beaucoup d’entre eux, très certainement, s’éloigneraient avec horreur s’ils pouvaient se rendre compte qu’ils se font les serviteurs des « puissances des ténèbres » ; mais leur aveuglement est souvent irrémédiable, et leur bonne foi même contribue à attirer d’autres victimes ; cela n’autorise-t-il pas à dire que la suprême habileté du diable, de quelque façon qu’on le conçoive, c’est de faire nier son existence ?


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Message par Ligeia Ven 19 Fév - 9:51

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L’erreur spirite, chapitre V : LA COMMUNICATION AVEC LES MORTS


Partie 1/3 :


En discutant la communication avec les morts, ou la réincarnation, ou tout autre point de la doctrine spirite, il est un genre d’arguments dont nous ne tiendrons aucun compte : ce sont les arguments d’ordre sentimental, que nous regardons comme absolument nuls, aussi bien dans un sens que dans l’autre.
On sait que les spirites ont volontiers recours à ces raisons qui n’en sont point, qu’ils en font le plus grand cas, et qu’ils sont sincèrement persuadés qu’elles peuvent réellement justifier leurs croyances ; cela est tout à fait conforme à leur mentalité. Les spirites, assurément, sont loin d’avoir le monopole du sentimentalisme, qui est assez généralement prédominant chez les Occidentaux modernes ; mais leur sentimentalisme revêt des formes particulièrement irritantes pour quiconque est exempt de leurs préjugés : nous ne connaissons rien de plus sottement puéril que ces invocations adressées aux « chers esprits », ces chants par lesquels s’ouvrent la plupart des séances, cet absurde enthousiasme en présence des « communications » les plus banales et des manifestations les plus ridicules.
Il n’y a rien d’étonnant, dans ces conditions, à ce que les spirites insistent à tout propos sur ce qu’il y a de « consolant » dans leurs théories ; qu’ils les trouvent telles, c’est leur affaire, et nous n’avons rien à y voir ; nous constatons seulement qu’il y en a d’autres, au moins aussi nombreux, qui ne partagent point cette appréciation et qui pensent même exactement le contraire, ce qui, du reste, ne prouve rien non plus. En général, quand deux adversaires se servent des mêmes arguments, il est bien probable que ces arguments ne valent rien ; et, dans le cas présent, nous avons toujours été étonné de voir que certains ne trouvent rien de mieux à dire contre le spiritisme que ceci, qu’il est peu « consolant » de se représenter les morts venant débiter des inepties, remuer des tables, se livrer à mille facéties plus ou moins grotesques ; certes, nous serions plutôt de cet avis que de celui des spirites, qui, eux, trouvent cela très « consolant », mais nous ne pensons pas que ces considérations aient à intervenir quand il s’agit de se prononcer sur la vérité ou la fausseté d’une théorie.

D’abord, rien n’est plus relatif : chacun trouve « consolant » ce qui lui plaît, ce qui s’accorde avec ses propres dispositions sentimentales, et il n’y a pas à discuter là-dessus, pas plus que sur tout ce qui n’est qu’affaire de goût ; ce qui est absurde, c’est de vouloir persuader aux autres que telle appréciation vaut mieux que l’appréciation contraire. Ensuite, tous n’ont pas un égal besoin de « consolations » et, par suite, ne sont pas disposés à accorder la même importance à ces considérations ; à nos yeux, elles n’en ont qu’une bien médiocre, parce que ce qui nous importe, c’est la vérité : les sentimentaux n’envisagent pas les choses ainsi, mais, encore une fois, leur manière de voir ne vaut que pour eux, tandis que la vérité doit s’imposer également à tous, pour peu qu’on soit capable de la comprendre.
Enfin, la vérité n’a pas à être « consolante » ; s’il en est qui, la connaissant, lui trouvent ce caractère, c’est tant mieux pour eux, mais cela ne vient que de la façon spéciale dont leur sentimentalité s’en trouve affectée ; à côté de ceux-là, il peut y en avoir d’autres sur qui l’effet produit sera tout différent et même opposé, et il est même certain qu’il y en aura toujours, car rien n’est plus variable et plus divers que le sentiment ; mais, dans tous les cas, la vérité n’y sera pour rien.

Cela dit, nous rappellerons que, quand il s’agit de communication avec les morts, cette expression implique que ce avec quoi l’on communique est l’être réel du mort ; c’est bien ainsi que l’entendent les spirites, et c’est là ce que nous avons à considérer exclusivement. Il ne saurait être question de l’intervention d’éléments quelconques provenant des morts, éléments plus ou moins secondaires et dissociés ; nous avons dit que cette intervention est parfaitement possible, mais les spirites, par contre, ne veulent pas en entendre parler ; nous n’avons donc plus à nous en occuper ici, et nous aurons une observation semblable à faire en ce qui concerne la réincarnation.
Ensuite, nous rappellerons également que, pour les spirites, il s’agit essentiellement de communiquer avec les morts par des moyens matériels ; du moins, c’est en ces termes que nous avons défini leur prétention au début, parce qu’ils étaient suffisants pour nous faire comprendre ; mais il y a là une équivoque possible, parce qu’il peut y avoir des conceptions de la matière qui soient extrêmement différentes, et que ce qui n’est pas matériel pour les uns peut cependant l’être pour les autres sans compter ceux à qui l’idée même de matière est étrangère ou paraît vide de sens ; nous dirons donc, pour plus de clarté et de précision, que les spirites envisagent une communication établie par des moyens d’ordre sensible.
C’est là, en effet, ce qui constitue l’hypothèse fondamentale du spiritisme ; c’est précisément ce dont nous affirmons l’impossibilité absolue, et nous allons avoir maintenant à en donner les raisons.

Nous tenons à ce que l’on comprenne bien notre position à cet égard : un philosophe, tout en se refusant à admettre la vérité ou même la probabilité de la théorie spirite, peut cependant la regarder comme représentant une hypothèse comme une autre, et, même s’il la trouve fort peu plausible, il peut se faire que la communication avec les morts ou la réincarnation lui apparaissent comme des « problèmes », qu’il n’a peut-être aucun moyen de résoudre ; pour nous, au contraire, il n’y a là aucun « problème », parce que ce ne sont que des impossibilités pures et simples.

Nous ne prétendons pas que la démonstration en soit facilement compréhensible pour tous, parce qu’elle fait appel à des données d’ordre métaphysique, d’ailleurs relativement élémentaires ; nous ne prétendons pas non plus l’exposer ici d’une façon absolument complète, parce que tout ce qu’elle présuppose ne saurait être développé dans le cadre de cette étude, et il est des points que nous reprendrons ailleurs. Cependant, cette démonstration, lorsqu’elle est pleinement comprise, entraîne la certitude absolue, comme tout ce qui a un caractère vraiment métaphysique ; si donc certains ne la trouvent pas pleinement satisfaisante, la faute n’en sera qu’à l’expression imparfaite que nous lui donnerons, ou à la compréhension également imparfaite qu’ils en auront eux-mêmes.

Pour que deux êtres puissent communiquer entre eux par des moyens sensibles, il faut d’abord que tous deux possèdent des sens, et, de plus, il faut que leurs sens soient les mêmes, au moins partiellement ; si l’un deux ne peut avoir de sensations, ou s’ils n’ont pas de sensations communes, aucune communication de cet ordre n’est possible.
Cela peut sembler très évident, mais ce sont les vérités de ce genre qu’on oublie le plus facilement, ou auxquelles on ne fait pas attention ; et pourtant elles ont souvent une portée qu’on ne soupçonne pas. Des deux conditions que nous venons d’énoncer, c’est la première qui établit d’une façon absolue l’impossibilité de la communication avec les morts au moyen des pratiques spirites ; quant à la seconde, elle compromet au moins très gravement la possibilité des communications interplanétaires. Ce dernier point se rattache immédiatement à ce que nous avons dit à la fin du chapitre précédent ; nous allons l’examiner en premier lieu, car les considérations qu’il va nous permettre d’introduire faciliteront la compréhension de l’autre question, celle qui nous intéresse principalement ici.

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Si l’on admet la théorie qui explique toutes les sensations par des mouvements vibratoires plus ou moins rapides, et si l’on considère le tableau où sont indiqués les nombres de vibrations par seconde qui correspondent à chaque sorte de sensations, on est frappé par le fait que les intervalles représentant ce que nos sens nous transmettent sont très petits par rapport à l’ensemble : ils sont séparés par d’autres intervalles où il n’y a rien de perceptible pour nous, et, de plus, il n’est pas possible d’assigner une limite déterminée à la fréquence croissante ou décroissante des vibrations (1), de sorte qu’on doit considérer le tableau comme pouvant se prolonger de part et d’autre par des possibilités indéfinies de sensations, auxquelles ne correspond pour nous aucune sensation effective.
Mais dire qu’il y a des possibilités de sensations, c’est dire que ces sensations peuvent exister chez des êtres autres que nous, et qui, par contre, peuvent n’avoir aucune de celles que nous avons ; quand nous disons nous, ici, nous ne voulons pas dire seulement les hommes, mais tous les êtres terrestres en général, car il n’apparaît pas que les sens varient chez eux dans de grandes proportions, et, même si leur extension est susceptible de plus ou de moins, ils restent toujours fondamentalement les mêmes.
La nature de ces sens semble donc bien être déterminée par le milieu terrestre ; elle n’est pas une propriété inhérente à telle ou telle espèce, mais elle tient à ce que les êtres considérés vivent sur la terre et non ailleurs ; sur toute autre planète, analogiquement, les sens doivent être déterminés de même, mais ils peuvent alors ne coïncider en rien avec ceux que possèdent les êtres terrestres, et même il est extrêmement probable que, d’une façon générale, il doit en être ainsi.

En effet, toute possibilité de sensation doit pouvoir être réalisée quelque part dans le monde corporel, car tout ce qui est sensation est essentiellement une faculté corporelle ; ces possibilités étant indéfinies, il y a très peu de chances pour que les mêmes soient réalisées deux fois, c’est-à-dire pour que des êtres habitant deux planètes différentes possèdent des sens qui coïncident en totalité ou même en partie.

1 – Il est évident que la fréquence d’une vibration par seconde ne représente aucunement une limite minima, la seconde étant une unité toute relative, comme l’est d’ailleurs toute unité de mesure ; l’unité arithmétique pure est seule absolument indivisible.


A suivre.

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Message par Ligeia Lun 22 Fév - 11:21

Vu le nombre de théories farfelues qui circulent sur le Net et les dangereuses rêveries qu’elles génèrent sur un « secours » providentiel par ces « êtres », seules des certitudes inébranlables peuvent nous sortir de cette illusion et de la fausse « verticalité » qu’ils nous proposeront.

A notre époque où la plupart ne croient plus qu’en ce qu’ils peuvent voir ou « expérimenter », la contre-tradition se chargera bien de leur en « mettre plein les yeux » à coup de faux prodiges.
Nul doute que les « humanistes », pseudos mystiques, faux prophètes, et autres adeptes du « new-âge » ne s’en donnent à cœur joie et triomphent de voir leurs inepties concrétisées par ces « apparitions ».

Les « sens » et autres ressentis ne sont rien car ils ne dépassent JAMAIS l’ordre individuel ; tout juste bons à nous leurrer et nous égarer ; malheur à ceux qui s’y fient car les forces occultes sont passées maître dans l’art de les manipuler.

Seule la Connaissance et une Foi inébranlable pourront, si Dieu veut, nous préserver.


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L’erreur spirite, chapitre V : LA COMMUNICATION AVEC LES MORTS


Partie 2/3 :

Si l’on suppose cependant que cette coïncidence puisse se réaliser malgré tout, il y a encore une fois très peu de chances pour qu’elle se réalise précisément dans des conditions de proximité temporelle et spatiale telles qu’une communication puisse s’établir ; nous voulons dire que ces chances, qui sont déjà infinitésimales pour tout ensemble du monde se trouvent indéfiniment réduites si l’on envisage seulement les astres qui existent simultanément à un moment quelconque, et indéfiniment plus encore si, parmi ces astres, on ne considère que ceux qui sont très voisins les uns des autres, comme le sont les différentes planètes appartenant à un même système ; il doit en être ainsi, puisque le temps et l’espace représentent eux-mêmes des possibilités indéfinies.

Nous ne disons pas qu’une communication interplanétaire soit une impossibilité absolue ; nous disons seulement que ses chances de possibilité ne peuvent s’exprimer que par une quantité infinitésimale à plusieurs degrés, et que, si l’on pose la question pour un cas déterminé, comme celui de la terre et d’une autre planète du système solaire, on ne risque guère de se tromper en les regardant comme pratiquement nulles ; c’est là, en somme, une simple application de la théorie des probabilités.

Ce qu’il importe de remarquer, c’est que ce qui fait obstacle à une communication interplanétaire, ce ne sont pas des difficultés du genre de celles que peuvent éprouver par exemple, pour communiquer entre eux, deux hommes dont chacun ignore totalement le langage de l’autre ; ces difficultés ne seraient pas insurmontables, parce que ces deux êtres pourraient toujours trouver, dans les facultés qui leur sont communes, un moyen d’y remédier dans une certaine mesure ; mais, là ou les facultés communes n’existent pas, du moins dans l’ordre où doit s’opérer la communication, c’est-à-dire dans l’ordre sensible, l’obstacle ne peut être supprimé par aucun moyen, parce qu’il tient à la différence de nature des êtres considérés.
Si des êtres sont tels que rien de ce qui provoque des sensations en nous n’en provoque en eux, ces êtres sont pour nous comme s’ils n’existaient pas, et réciproquement ; quand bien même ils seraient à côté de nous, nous n’en serions pas plus avancés, et nous ne nous apercevrions peut-être même pas de leur présence, ou, en tout cas, nous ne reconnaîtrions probablement pas que ce sont là des êtres vivants.
Cela, disons-le en passant, permettrait même de supposer qu’il n’y a rien d’impossible à ce qu’il existe dans le milieu terrestre des êtres entièrement différents de tous ceux que nous connaissons, et avec lesquels nous n’aurions aucun moyen d’entrer en rapport ; mais nous n’insisterons pas là-dessus, d’autant plus que, s’il y avait de tels êtres, ils n’auraient évidemment rien de commun avec notre humanité.

Quoi qu’il en soit, ce que nous venons de dire montre combien il y a de naïveté dans les illusions que se font certains savants à l’égard des communications interplanétaires ; et ces illusions procèdent de l’erreur que nous avons signalée précédemment, et qui consiste à transporter partout des représentations purement terrestres. Si l’on dit que ces représentations sont les seules possibles pour nous, nous en convenons, mais il vaut mieux n’avoir aucune représentation que d’en avoir de fausses ; il est parfaitement vrai que ce dont il s’agit n’est pas imaginable, mais il ne faut pas en conclure que cela n’est pas concevable, car cela l’est au contraire très facilement.
Une des grandes erreurs des philosophes modernes consiste à confondre le concevable et l’imaginable ; cette erreur est particulièrement visible chez Kant, mais elle ne lui est pas spéciale, et elle est même un trait général de la mentalité occidentale, du moins depuis que celle-ci s’est tournée à peu près exclusivement du côté des choses sensibles ; pour quiconque fait une semblable confusion, il n’y a évidemment pas de métaphysique possible.

Le monde corporel, comportant des possibilités indéfinies, doit contenir des êtres dont la diversité est pareillement indéfinie ; pourtant, ce monde tout entier ne représente qu’un seul état d’existence, défini par un certain ensemble de conditions déterminées, qui sont communes à tout ce qui s’y trouve compris, encore qu’elles puissent s’y exprimer de façons extrêmement variées. Si l’on passe d’un état d’existence à un autre, les différences seront incomparablement plus grandes, puisqu’il n’y aura plus de conditions communes, celles-là étant remplacées par d’autres qui, d’une façon analogue, définissent cet autre état ; il n’y aura donc plus, cette fois, aucun point de comparaison avec l’ordre corporel et sensible envisagé dans son intégralité, et non plus seulement dans telle ou telle de ses modalités spéciales, comme celle qui constitue, par exemple, l’existence terrestre.
Des conditions comme l’espace et le temps ne sont aucunement applicables à un autre état, parce qu’elles sont précisément de celles qui définissent l’état corporel ; si même il y a ailleurs quelque chose qui y correspond analogiquement, ce « quelque chose » ne peut, en tout cas, donner lieu pour nous à aucune représentation ; l’ « imagination, faculté de l’ordre sensible, ne saurait atteindre des réalités d’un autre ordre, pas plus que ne le peut la sensation elle-même, qui lui fournit tous les éléments de ses constructions. Donc, ce n’est pas dans l’ordre sensible que l’on pourra jamais trouver un moyen d’entrer en rapport avec ce qui est d’un autre ordre ; il y a là une hétérogénéité radicale, ce qui ne veut pas dire une irréductibilité principielle : s’il peut y avoir communication entre deux états différents, ce ne peut être que par l’intermédiaire d’un principe commun et supérieur à ces deux états, et non directement de l’un à l’autre ; mais il est bien évident que la possibilité que nous envisageons ici ne concerne à aucun degré le spiritisme.

A ne considérer que les deux états en eux-mêmes, nous dirons ceci : la possibilité de communication nous apparaissait tout à l’heure comme extrêmement improbable, alors qu’il ne s’agissait pourtant encore que d’êtres appartenant à des modalités diverses d’un même état ; maintenant qu’il s’agit d’êtres appartenant à des états différents, la communication entre eux est une impossibilité absolue. Nous précisons qu’il est question seulement, pour le moment tout au moins, d’une communication qu’on supposerait établie par les moyens que chacun de ces êtres peut trouver dans les conditions de son propre état, c’est-à-dire par les facultés qui résultent en lui de ces conditions mêmes, ce qui est le cas des facultés sensibles dans l’ordre corporel ; et c’est bien, en effet, aux facultés sensibles que les spirites ont recours.
C’est une impossibilité absolue, parce que les facultés dont il s’agit sont rigoureusement propres à un seul des états envisagés, comme le sont les conditions dont elles dérivent ; si ces conditions étaient communes aux deux états, ceux-ci se confondraient et n’en seraient qu’un seul, puisque c’est par ces conditions que se définit un état d’existence (1).
L’absurdité du spiritisme est ainsi pleinement démontrée, et nous pourrions nous en tenir là ; pourtant, comme la rigueur même de cette démonstration peut la rendre difficilement saisissable pour ceux qui ne sont pas habitués à envisager les choses de cette façon, nous y joindrons quelques observations complémentaires qui, en présentant la question sous un aspect un peu différent et plus particularisé, rendront cette absurdité plus apparente encore.

Pour qu’un être puisse se manifester dans le monde corporel, il faut qu’il possède des facultés appropriées, c’est-à-dire des facultés de sensation et d’action, et qu’il possède aussi des organes correspondant à ces facultés ; sans de tels organes, en effet, ces facultés pourraient bien exister, mais seulement a l’état latent et virtuel, elles seraient de pures potentialités qui ne s’actualiseraient pas, et elles ne serviraient en rien à ce dont il s’agit.
Donc, si même on suppose que l’être qui a quitté l’état corporel pour passer à un autre état conserve en lui, d’une certaine façon, les facultés de l’état corporel, ce ne peut être qu’à titre de potentialités, et ainsi elles ne peuvent lui être désormais d’aucun usage pour communiquer avec les êtres corporels. Un être peut d’ailleurs porter en lui des potentialités correspondant à tous les états dont il est susceptible, et même il le doit en quelque manière, sans quoi ces états ne seraient pas des possibilités pour lui ; mais nous parlons ici de l’être dans sa réalité totale, et non pas de cette partie de l’être qui ne renferme que les possibilités d’un seul état, comme l’individualité humaine par exemple.

1 – Il y aurait une réserve à faire, en ce sens qu’il est, comme nous le dirons plus loin, une condition commune à tout état individuel, à l’exclusion des états non-individuels ; mais ceci n’affecte en rien notre démonstration, que nous avons tenu à présenter sous une forme aussi simple que possible, sans pourtant que ce soit au détriment de la vérité.

Cela est donc bien au delà de tout ce que nous avons à envisager présentement, et, si nous y avons fait allusion, c’est uniquement pour ne rien négliger de ce qui pourrait sembler susceptible de donner lieu à quelque objection ; d’autre part, pour éviter toute équivoque, nous devons ajouter que ce que représente l’individualité humaine n’est pas précisément l’état corporel seul, mais comporte en outre divers prolongements qui, avec cet état corporel proprement dit, constituent encore un seul et même état ou degré de l’existence universelle.
Ici, nous n’avons guère à nous préoccuper de cette dernière complication, puisque, s’il est vrai que l’état corporel n’est pas un état absolument complet, il est pourtant seul en cause dans toute manifestation sensible ; au fond, sensible et corporel s’identifient complètement. Pour revenir à notre point de départ, nous pouvons donc dire qu’une communication par des moyens sensibles n’est possible qu’entre des êtres qui possèdent un corps ; cela revient en somme à dire qu’un être, pour se manifester corporellement, doit être lui-même corporel, et, sous cette dernière forme, la chose n’est que trop évidente.

Les spirites eux-mêmes ne peuvent aller ouvertement contre cette évidence ; c’est pourquoi, sans trop se rendre compte des raisons qui les y obligent, ils supposent que leurs « esprits » conservent toutes les facultés de sensation des êtres terrestres, et ils leur attribuent en outre un organisme, une sorte de corps qui n’en est pas un, puisqu’il aurait des propriétés incompatibles avec la notion même de corps, et qu’il n’aurait pas toutes les propriétés qui sont essentiellement inhérentes à cette notion : il en garderait bien quelques-unes, comme d’être soumis à l’espace et au temps, mais cela est loin d’être suffisant. Il ne saurait y avoir de milieu : ou un être a un corps, ou il n’en a pas ; s’il est mort au sens ordinaire du mot, ce que les spirites appellent « désincarné », cela veut dire qu’il a quitté son corps ; dès lors, il n’appartient plus au monde corporel, d’où il suit que toute manifestation sensible lui est devenue impossible ; nous serions presque tenté de nous excuser d’avoir à insister sur des choses si simples au fond, mais nous savons que cela est nécessaire.


A suivre.


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Message par Ligeia Mer 3 Mar - 10:44

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L’erreur spirite, chapitre V : LA COMMUNICATION AVEC LES MORTS

Partie 3/3 :


Nous ferons remarquer encore que cette argumentation ne préjuge rien de l’état posthume de l’être humain : de quelque façon que l’on conçoive cet état, on peut s’accorder à reconnaître qu’il n’est nullement corporel, à moins que l’on n’accepte ces grossières représentations de la « survie » que nous avons décrites au chapitre précédent, avec tous les éléments contradictoires qu’elles comportent ; cette dernière opinion n’est pas de celles que l’on peut discuter sérieusement, et toute autre opinion, quelle qu’elle soit, doit entraîner nécessairement la négation formelle de l’hypothèse spirite.

Cette remarque est très importante, parce qu’il y a deux cas à envisager effectivement : ou bien l’être, après la mort, et du fait même de ce changement, est passé dans un état entièrement différent et défini par des conditions tout autres que celles de son état précédent, et alors la réfutation que nous avons exposée en premier lieu s’applique immédiatement et sans aucune restriction ; ou bien il demeure encore dans quelque modalité du même état, mais autre que la modalité corporelle, et caractérisée par la disparition de l’une au moins des conditions dont la réunion est nécessaire pour constituer la corporéité : la condition qui a forcément disparu (ce qui ne veut pas dire que d’autres ne puissent pas avoir disparu aussi), c’est la présence de la matière, ou, d’une façon plus précise et plus exacte, de la « matière quantifiée » (1).
Nous pouvons admettre que ces deux cas correspondent l’un et l’autre à des possibilités : dans le premier, l’individualité humaine a fait place à un autre état, individuel ou non, qui ne peut plus aucunement être dit humain ; dans le second, au contraire, on peut dire que l’individualité humaine subsiste par quelqu’un de ces prolongements auxquels nous avons fait allusion, mais cette individualité est dès lors incorporelle, donc incapable de manifestation sensible, ce qui suffit pour qu’elle ne puisse être absolument pour rien dans les phénomènes du spiritisme.

1 – Materia quantitate signata, suivant l’expression scolastique.

Il est à peine besoin d’indiquer que c’est au second cas que répond, entre autres, la conception de l’immortalité entendue au sens religieux et occidental ; en effet, c’est bien de l’individualité humaine qu’il s’agit alors, et d’ailleurs le fait qu’on y transporte l’idée de vie, si modifiée qu’on la suppose, implique que cet état conserve certaines des conditions de l’état précédent, car la vie même, dans toute l’extension dont elle est susceptible, n’est qu’une de ces conditions et rien de plus.

Il y aurait encore un troisième cas à envisager : c’est celui de l’immortalité entendue au sens métaphysique et oriental, c’est-à-dire du cas où l’être est passé, d’une façon immédiate ou différée (car peu importe, quant au but final, qu’il y ait eu ou non des états intermédiaires), à l’état inconditionné, supérieur à tous les états particuliers dont il a été question jusqu’ici, et en lequel tous ces états ont leur principe ; mais cette possibilité est d’un ordre trop transcendant pour que nous nous y arrêtions actuellement, et il va de soi que le spiritisme, avec son point de départ « phénoménique », n’a rien à voir avec les choses de cet ordre ; il nous suffira de dire qu’un tel état est au delà, non plus seulement de la manifestation sensible, mais de toute manifestation sous quelque mode que ce soit.

Nous n’avons naturellement envisagé, dans tout ce qui précède, que la communication avec les morts telle que l’admettent les spirites ; on pourrait encore se demander, après en avoir établi l’impossibilité, s’il n’y a pas, par contre, possibilité de communication d’un tout autre genre, se traduisant par une sorte d’inspiration ou d’intuition spéciale, en l’absence de tout phénomène sensible ; sans doute, cela ne peut guère intéresser les spirites, mais cela pourrait en intéresser d’autres.
Il est difficile de traiter complètement cette question, parce que, si c’est là une possibilité, les moyens d’expression font à peu près entièrement défaut pour en rendre compte ; d’ailleurs, pour que ce soit vraiment une possibilité, cela suppose réalisées des conditions tellement exceptionnelles qu’il est presque inutile d’en parler. Nous dirons cependant que, d’une façon générale, pour pouvoir se mettre en rapport avec un être qui est dans un autre état, il faut avoir développé en soi-même les possibilités de cet état, de sorte que, même si celui qui y parvient est un homme vivant actuellement sur la terre, ce n’est pourtant pas en tant qu’individualité humaine terrestre qu’il peut y parvenir, mais seulement en tant qu’il est aussi autre chose en même temps.

Le cas le plus simple, relativement, est celui où l’être avec lequel il s’agit de communiquer est demeuré dans un des prolongements de l’état individuel humain ; il suffit alors que le vivant ait étendu sa propre individualité, dans une direction correspondante, au delà de la modalité corporelle à laquelle elle est communément limitée en acte, sinon en puissance (car les possibilités de l’individualité intégrale sont évidemment les mêmes en tous, mais elles peuvent demeurer purement virtuelles pendant toute l’existence terrestre) ; ce cas peut se trouver réalisé dans certains « états mystiques », et cela peut même se produire alors sans que la volonté de celui qui le réalise y soit intervenue activement.
Si nous considérons ensuite le cas où il s’agit de communiquer avec un être qui est passé à un état entièrement différent de l’état humain, nous pouvons dire que c’est pratiquement une impossibilité, car la chose ne serait possible que si le vivant avait atteint un état supérieur, assez élevé pour représenter un principe commun aux deux autres et permettre par là de les unir, comme impliquant « éminemment » toutes leurs possibilités particulières ; mais alors la question n’a plus aucun intérêt, car, étant parvenu à un tel état, il n’aura nul besoin de redescendre à un état inférieur qui ne le concerne pas directement ; enfin, de toute manière, il s’agit en cela de tout autre chose que de l’individualité humaine (1).

1 – Nous avons supposé ici que l’être non-humain est dans un état encore individuel ; s’il était dans un état supra-individuel, bien que toujours conditionné, il suffirait que le vivant atteigne le même état, mais alors les conditions seraient telles qu’on ne pourrait guère plus parler de communication, dans un sens analogue à l’acception humaine, qu’on ne le peut quand il s’agit de l’état inconditionné.

Quant à la communication avec un être qui aurait atteint l’immortalité absolue, elle supposerait que le vivant possède lui-même l’état correspondant, c’est-à-dire qu’il ait actuellement et pleinement réalisé sa propre personnalité transcendante ; du reste, on ne peut parler de cet état comme analogue à un état particulier et conditionné : il ne saurait plus y être question de rien qui ressemble à des individualités, et le mot même de communication perd sa signification, précisément parce que toute comparaison avec l’état humain cesse ici d’être applicable.

Ces explications peuvent paraître quelque peu obscures encore, mais il faudrait, pour les éclairer davantage, trop de développements complètement étrangers à notre sujet (1) ; ces développements pourront, à l’occasion, trouver place dans d’autres études.

1 – Il faudrait aussi, après avoir supposé que l’initiative vient du vivant, reprendre la question eu sens inverse, ce qui entraînerait encore d’autres complications.

D’ailleurs, la question est loin d’avoir l’importance que certains pourraient être tentés de lui attribuer, parce que la véritable inspiration est tout autre chose que cela en réalité : elle n’a point sa source dans une communication avec d’autres êtres, quels qu’ils soient, mais bien dans une communication avec les états supérieurs de son propre être, ce qui est totalement différent. Aussi pourrions-nous répéter, pour ce genre de choses dont nous venons de parler, ce que nous avons dit déjà à propos de la magie, bien qu’elles soient assurément d’un ordre plus élevé : ceux qui savent vraiment de quoi il s’agit et qui en ont une connaissance profonde se désintéressent entièrement de l’application ; quant aux « empiriques » (dont l’action se trouve d’ailleurs restreinte ici, par la force des choses, au seul cas où n’intervient qu’une extension de l’individualité humaine), on ne peut évidemment les empêcher d’appliquer à tort et à travers les quelques connaissances fragmentaires et incoordonnées dont ils ont pu s’emparer comme par surprise, mais il est toujours bon de les avertir qu’ils ne sauraient le faire qu’à leurs risques et périls.


FIN.

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L'erreur spirite Empty LA RÉINCARNATION

Message par Ligeia Mar 23 Mar - 8:31

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L’erreur spirite, chapitre VI : LA RÉINCARNATION


Partie 1 :


Nous ne pouvons songer à entreprendre ici une étude absolument complète de la question de la réincarnation, car il faudrait un volume entier pour l’examiner sous tous ses aspects ; peut-être y reviendrons-nous quelque jour ; la chose en vaut la peine, non pas en elle-même, car ce n’est qu’une absurdité pure et simple, mais en raison de l’étrange diffusion de cette idée de réincarnation, qui est, à notre époque, une de celles qui contribuent le plus au détraquement mental d’un grand nombre.

Ne pouvant cependant nous dispenser présentement de traiter ce sujet, nous en dirons du moins tout ce qu’il y a de plus essentiel à en dire ; et notre argumentation vaudra, non seulement contre le spiritisme kardéciste, mais aussi contre toutes les autres écoles « néo-spiritualistes » qui, à sa suite, ont adopté cette idée, sauf à la modifier dans des détails plus ou moins importants. Par contre, cette réfutation ne s’adresse pas, comme la précédente, au spiritisme envisagé dans toute sa généralité, car la réincarnation n’en est pas un élément absolument essentiel, et on peut être spirite sans l’admettre, tandis qu’on ne peut pas l’être sans admettre la manifestation des morts par des phénomènes sensibles.
En fait, on sait que les spirites américains et anglais, c’est-à-dire les représentants de la plus ancienne forme du spiritisme, furent tout d’abord unanimes à s’opposer à la théorie réincarnationniste, que Dunglas Home, en particulier, critiqua violemment (1) ; il a fallu, pour que certains d’entre eux se décident plus tard à l’accepter, que cette théorie ait, dans l’intervalle, pénétré les milieux anglo-saxons par des voies étrangères au spiritisme.

1 – Les Lumières et les Ombres du Spiritualisme, pp. 118-141.

En France même, quelques-uns des premiers spirites, comme Piérart et Anatole Barthe, se séparèrent d’Allan Kardec sur ce point ; mais, aujourd’hui, on peut dire que le spiritisme français tout entier a fait de la réincarnation un véritable « dogme » ; Allan Kardec lui-même, d’ailleurs, n’avait pas hésité à l’appeler de ce nom (1).

C’est au spiritisme français, rappelons-le encore, que cette théorie fut empruntée par le théosophisme d’abord, puis par l’occultisme papusien et diverses autres écoles, qui en ont fait également un de leurs articles de foi ; ces écoles ont beau reprocher aux spirites de concevoir la réincarnation d’une façon peu « philosophique », les modifications et les complications diverses qu’elles y ont apportées ne sauraient masquer cet emprunt initial.
Nous avons déjà noté quelques-unes des divergences qui existent, à propos de la réincarnation, soit parmi les spirites, soit entre eux et les autres écoles ; là-dessus comme sur tout le reste, les enseignements des « esprits » sont passablement flottants et contradictoires, et les prétendues constatations des « clairvoyants » ne le sont pas moins.
Ainsi, nous l’avons vu, pour les uns, un être humain se réincarne constamment dans le même sexe ; pour d’autres, il se réincarne indifféremment dans un sexe ou dans l’autre, sans qu’on puisse fixer aucune loi à cet égard ; pour d’autres encore, il y a une alternance plus ou moins régulière entre les incarnations masculines et féminines. De même, les uns disent que l’homme se réincarne toujours sur la terre ; les autres prétendent qu’il peut aussi bien se réincarner, soit dans une autre planète du système solaire, soit même sur un astre quelconque ; certains admettent qu’il y a généralement plusieurs incarnations terrestres consécutives avant de passer à un autre séjour, et c’est là l’opinion d’Allan Kardec lui-même ; pour les théosophistes, il n’y a que des incarnations terrestres pendant toute la durée d’un cycle extrêmement long, après quoi une race humaine tout entière commence une nouvelle série d’incarnations dans une autre sphère, et ainsi de suite.

1 – Le Livre des Esprits, pp. 75 et 96.

Un autre point qui n’est pas moins discuté, c’est la durée de l’intervalle qui doit s’écouler entre deux incarnations consécutives : les uns pensent qu’on peut se réincarner immédiatement, ou tout au moins au bout d’un temps très court, tandis que, pour les autres, les vies terrestres doivent être séparées par de longs intervalles ; nous avons vu ailleurs que les théosophistes, après avoir d’abord supposé que ces intervalles étaient de douze ou quinze cents ans au minimum, en sont arrivés à les réduire considérablement, et à faire à cet égard des distinctions suivant les « degrés d’évolution » des individus (1).

Chez les occultistes français, il s’est produit également une variation qu’il est assez curieux de signaler : dans ses premiers ouvrages, Papus, tout en attaquant les théosophistes avec lesquels il venait de rompre, répète après eux que, « d’après la science ésotérique, une âme ne peut se réincarner qu’au bout de quinze cents ans environ, sauf dans quelques exceptions très nettes (mort dans l’enfance, mort violente, adeptat) » (2), et il affirme même, sur la foi de Mme Blavatsky et de Sinnett, que « ces chiffres sont tirés de calculs astronomiques par l’ésotérisme hindou » (3), alors que nulle doctrine traditionnelle authentique n’a jamais parlé de la réincarnation, et que celle-ci n’est qu’une invention toute moderne et tout occidentale.
Plus tard, Papus rejette entièrement la prétendue loi établie par les théosophistes et déclare qu’on n’en peut donner aucune, disant (nous respectons soigneusement son style) qu’ « il serait aussi absurde de fixer un terme fixe de douze cents ans comme de dix ans au temps qui sépare une incarnation d’un retour sur terre, que de fixer pour la vie humaine sur terre une période également fixe » (4).

1 – Le Théosophisme, pp, 88-90.
2 – Traité méthodique de Science occulte, pp. 296-297.
3 – Ibid., p. 341.
4 – La Réincarnation, pp. 42-43.


Tout cela n’est guère fait pour inspirer confiance à ceux qui examinent les choses avec impartialité, et, si la réincarnation n’a pas été « révélée » par les « esprits » pour la bonne raison que ceux-ci n’ont jamais parlé réellement par l’intermédiaire des tables ou des médiums, les quelques remarques que nous venons de faire suffisent déjà pour montrer qu’elle ne peut pas davantage être une vraie connaissance ésotérique, enseignée par des initiés qui, par définition, sauraient à quoi s’en tenir. Il n’y a donc même pas besoin d’aller au fond de la question pour écarter les prétentions des occultistes et des théosophistes ; il reste que la réincarnation soit l’équivalent d’une simple conception philosophique ; effectivement, elle n’est que cela, et elle est même au niveau des pires conceptions philosophiques, puisqu’elle est absurde au sens propre de ce mot. Il y a bien des absurdités aussi chez les philosophes, mais du moins ne les présentent-ils généralement que comme des hypothèses ; les « néo-spiritualistes » s’illusionnent plus complètement (nous admettons ici leur bonne foi, qui est incontestable pour la masse, mais qui ne l’est pas toujours pour les dirigeants), et l’assurance même avec laquelle ils formulent leurs affirmations est une des raisons qui les rendent plus dangereuses que celles des philosophes.

Nous venons de prononcer le mot de « conception philosophique » ; celui de « conception sociale » serait peut-être encore plus juste en la circonstance, si l’on considère ce que fut l’origine réelle de l’idée de réincarnation. En effet, pour les socialistes français de la première moitié du XIXe siècle, qui l’inculquèrent à Allan Kardec, cette idée était essentiellement destinée à fournir une explication de l’inégalité des conditions sociales, qui revêtait à leurs yeux un caractère particulièrement choquant. Les spirites ont conservé ce même motif parmi ceux qu’ils invoquent le plus volontiers pour justifier leur croyance à la réincarnation, et ils ont même voulu étendre l’explication à toutes les inégalités, tant intellectuelles que physiques ; voici ce qu’en dit Allan Kardec :

  • « Ou les âmes à leur naissance sont égales, ou elles sont inégales, cela n’est pas douteux. Si elles sont égales, pourquoi ces aptitudes si diverses ?... Si elles sont inégales, c’est que Dieu les a créées ainsi, mais alors pourquoi cette supériorité innée accordée à quelques-unes ? Cette partialité est-elle conforme à sa justice et à l’égal amour qu’il porte à toutes ses créatures ?
    Admettons, au contraire, une succession d’existences antérieures progressives, et tout est expliqué.
    Les hommes apportent en naissant l’intuition de ce qu’ils ont acquis ; ils sont plus ou moins avancés, selon le nombre d’existences qu’ils ont parcourues, selon qu’ils sont plus ou moins éloignés du point de départ, absolument comme dans une réunion d’individus de tous âges chacun aura un développement proportionné au nombre d’années qu’il aura vécu ; les existences successives seront, pour la vie de l’âme, ce que les années sont pour la vie du corps… Dieu, dans sa justice, n’a pu créer des âmes plus ou moins parfaites ; mais, avec la pluralité des existences, l’inégalité que nous voyons n’a plus rien de contraire à l’équité la plus rigoureuse » (1).



M. Léon Denis dit pareillement :

  • « La pluralité des existences peut seule expliquer la diversité des caractères, la variété des aptitudes, la disproportion des qualités morales, en un mot toutes les inégalités qui frappent nos regards. En dehors de cette loi, on se demanderait en vain pourquoi certains hommes possèdent le talent, de nobles sentiments, des aspirations élevées, alors que tant d’autres n’ont en partage que sottise, passions viles et instincts grossiers. Que penser d’un Dieu qui, en nous assignant une seule vie corporelle, nous aurait fait des parts aussi inégales et, du sauvage au civilisé, aurait réservé aux hommes des biens si peu assortis et un niveau moral si différent ? Sans la loi des réincarnations, c’est l’iniquité qui gouverne le monde… Toutes ces obscurités se dissipent devant la doctrine des existences multiples. Les êtres qui se distinguent par leur puissance intellectuelle ou leurs vertus ont plus vécu, travaillé davantage, acquis une expérience et des aptitudes plus étendues » (2).


1 – Le Livre des Esprits, pp. 102-103.
2 – Après la mort, pp. 164-166.


Des raisons similaires sont alléguées même par les écoles dont les théories sont moins « primaires » que celles du spiritisme, car la conception réincarnationniste n’a jamais pu perdre entièrement la marque de son origine ; les théosophistes, par exemple, mettent aussi en avant, au moins accessoirement, l’inégalité des conditions sociales. De son côté, Papus fait exactement de même :
« Les hommes recommencent un nouveau parcours dans le monde matériel, riches ou pauvres, heureux socialement ou malheureux, suivant les résultats acquis dans les parcours antérieurs, dans les incarnations précédentes » (1).
Ailleurs, il s’exprime encore plus nettement à ce sujet : « Sans la notion de la réincarnation, la vie sociale est une iniquité. Pourquoi des êtres inintelligents sont-ils gorgés d’argent et comblés d’honneurs, alors que des êtres de valeur se débattent dans la gêne et dans la lutte quotidienne pour des aliments physiques, moraux ou spirituels ?... On peut dire, en général, que la vie sociale actuelle est déterminée par l’état antérieur de l’esprit et qu’elle détermine l’état social futur » (2).

1 – Traité méthodique de Science occulte, p. 167.
2 – La Réincarnation, pp. 113 et 118.


Une telle explication est parfaitement illusoire, et voici pourquoi : d’abord, si le point de départ n’est pas le même pour tous, s’il est des hommes qui en sont plus ou moins éloignés et qui n’ont pas parcouru le même nombre d’existences (c’est ce que dit Allan Kardec), il y a là une inégalité dont ils ne sauraient être responsables, et que, par suite, les réincarnationnistes doivent regarder comme une « injustice » dont leur théorie est incapable de rendre compte. Ensuite, même en admettant qu’il n’y ait pas de ces différences entre les hommes, il faut bien qu’il y ait eu, dans leur évolution (nous parlons suivant la manière de voir des spirites), un moment où les inégalités ont commencé, et il faut aussi qu’elles aient une cause ; si l’on dit que cette cause, ce sont les actes que les hommes avaient déjà accomplis antérieurement, il faudra expliquer comment ces hommes ont pu se comporter différemment avant que les inégalités se soient introduites parmi eux.
Cela est inexplicable, tout simplement parce qu’il y a là une contradiction : si les hommes avaient été parfaitement égaux, ils auraient été semblables sous tous rapports, et, en admettant que cela fût possible, ils n’auraient jamais pu cesser de l’être, à moins que l’on ne conteste la validité du principe de raison suffisante (et, dans ce cas, il n’y aurait plus lieu de chercher ni loi ni explication quelconque) ; s’ils ont pu devenir inégaux, c’est évidemment que la possibilité de l’inégalité était en eux, et cette possibilité préalable suffisait à les constituer inégaux dès l’origine, au moins potentiellement. Ainsi, on n’a fait que reculer la difficulté en croyant la résoudre, et, finalement, elle subsiste tout entière ; mais, à vrai dire, il n’y a pas de difficulté, et le problème lui-même n’est pas moins illusoire que sa solution prétendue.

On peut dire de cette question la même chose que de beaucoup de questions philosophiques, qu’elle n’existe que parce qu’elle est mal posée ; et, si on la pose mal, c’est surtout, au fond, parce qu’on fait intervenir des considérations morales et sentimentales là où elles n’ont que faire : cette attitude est aussi inintelligente que le serait celle d’un homme qui se demanderait, par exemple, pourquoi telle espèce animale n’est pas l’égale de telle autre, ce qui est manifestement dépourvu de sens. Qu’il y ait dans la nature des différences qui nous apparaissent comme des inégalités, tandis qu’il y en a d’autres qui ne prennent pas cet aspect, ce n’est là qu’un point de vue purement humain ; et, si on laisse de côté ce point de vue éminemment relatif, il n’y a plus à parler de justice ou d’injustice dans cet ordre de choses. En somme, se demander pourquoi un être n’est pas l’égal d’un autre, c’est se demander pourquoi il est différent de cet autre ; mais, s’il n’en était aucunement différent, il serait cet autre au lieu d’être lui-même.

Dès lors qu’il y a une multiplicité d’êtres, il faut nécessairement qu’il y ait des différences entre eux ; deux choses identiques sont inconcevables, parce que, si elles sont vraiment identiques, ce ne sont pas deux choses, mais bien une seule et même chose ; Leibnitz a entièrement raison sur ce point. Chaque être se distingue des autres, dès le principe, en ce qu’il porte en lui-même certaines possibilités qui sont essentiellement inhérentes à sa nature, et qui ne sont les possibilités d’aucun autre être ; la question à laquelle les réincarnationnistes prétendent apporter une réponse revient donc tout simplement à se demander pourquoi un être est lui-même et non pas un autre.

Si l’on veut voir là une injustice, peu importe, mais, en tous cas, c’est une nécessité ; et d’ailleurs, au fond, ce serait plutôt le contraire d’une injustice : en effet, la notion de justice, dépouillée de son caractère sentimental et spécifiquement humain, se réduit à celle d’équilibre ou d’harmonie ; or, pour qu’il y ait harmonie totale dans l’Univers, il faut et il suffit que chaque être soit à la place qu’il doit occuper, comme élément de cet Univers, en conformité avec sa propre nature. Cela revient précisément à dire que les différences et les inégalités, que l’on se plaît à dénoncer comme des injustices réelles ou apparentes, concourent effectivement et nécessairement, au contraire, à cette harmonie totale ; et celle-ci ne peut pas ne pas être, car ce serait supposer que les choses ne sont pas ce qu’elles sont, puisqu’il y aurait absurdité à supposer qu’il peut arriver à un être quelque chose qui n’est point une conséquence de sa nature ; ainsi les partisans de la justice peuvent se trouver satisfaits par surcroît, sans être obligés d’aller à l’encontre de la vérité.


A suivre.

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Message par Ligeia Jeu 25 Mar - 9:24

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L’erreur spirite, chapitre VI : LA RÉINCARNATION


Partie 2 :


Allan Kardec déclare que « le dogme de la réincarnation est fondé sur la justice de Dieu et la révélation » (1) ; nous venons de montrer que, de ces deux raisons d’y croire, la première ne saurait être invoquée valablement ; quant à la seconde, comme il veut évidemment parler de la révélation des « esprits », et comme nous avons établi précédemment qu’elle est inexistante, nous n’avons pas à y revenir. Toutefois, ce ne sont là encore que des observations préliminaires, car, de ce qu’on ne voit aucune raison d’admettre une chose, il ne s’ensuit pas forcément que cette chose soit fausse ; on pourrait encore, tout au moins, demeurer à son égard dans une attitude de doute pur et simple.

1 – Le Livre des Esprits, p, 75.

Nous devons dire, d’ailleurs, que les objections que l’on formule ordinairement contre la théorie réincarnationniste ne sont guère plus fortes que les raisons que l’on invoque d’autre part pour l’appuyer ; cela tient, en grande partie, à ce qu’adversaires et partisans de la réincarnation se placent également, le plus souvent, sur le terrain moral et sentimental, et que les considérations de cet ordre ne sauraient rien prouver.
Nous pouvons refaire ici la même observation qu’en ce qui concerne la question de la communication avec les morts : au lieu de se demander si cela est vrai ou faux, ce qui seul importe, on discute pour savoir si cela est ou n’est pas « consolant », et l’on peut discuter ainsi indéfiniment sans en être plus avancé, puisque c’est là un critérium purement « subjectif », comme dirait un philosophe.

Heureusement, il y a beaucoup mieux à dire contre la réincarnation, puisqu’on peut en établir l’impossibilité absolue ; mais, avant d’en arriver là, nous devons encore traiter une autre question et préciser certaines distinctions, non seulement parce qu’elles sont fort importantes en elles-mêmes, mais aussi parce que, sans cela, certains pourraient s’étonner de nous voir affirmer que la réincarnation est une idée exclusivement moderne. Trop de confusions et de notions fausses ont cours depuis un siècle pour que bien des gens, même en dehors des milieux « néo-spiritualistes », ne s’en trouvent pas gravement influencés ; cette déformation est même arrivée à un tel point que les orientalistes officiels, par exemple, interprètent couramment dans un sens réincarnationniste des textes où il n’y a rien de tel, et qu’ils sont devenus complètement incapables de les comprendre autrement, ce qui revient à dire qu’ils n’y comprennent absolument rien.

Le terme de « réincarnation » doit être distingué de deux autres termes au moins, qui ont une signification totalement différente, et qui sont ceux de « métempsychose » et de « transmigration » ; il s’agit là de choses qui étaient fort bien connues des anciens, comme elles le sont encore des Orientaux, mais que les Occidentaux modernes, inventeurs de la réincarnation, ignorent absolument (1).

Il est bien entendu que, lorsqu’on parle de réincarnation, cela veut dire que l’être qui a déjà été incorporé reprend un nouveau corps, c’est-à-dire qu’il revient à l’état par lequel il est déjà passé ; d’autre part, on admet que cela concerne l’être réel et complet, et non pas simplement des éléments plus ou moins importants qui ont pu entrer dans sa constitution à un titre quelconque. En dehors de ces deux conditions, il ne peut aucunement être question de réincarnation ; or la première la distingue essentiellement de la transmigration, telle qu’elle est envisagée dans les doctrines orientales, et la seconde ne la différencie pas moins profondément de la métempsychose, au sens ou l’entendaient notamment les Orphiques et les Pythagoriciens. Les spirites, tout en affirmant faussement l’antiquité de la théorie réincarnationniste, disent bien quelle n’est pas identique à la métempsychose ; mais, suivant eux, elle s’en distingue seulement en ce que les existences successives sont toujours « progressives », et en ce qu’on doit considérer exclusivement les êtres humains :
« Il y a, dit Allan Kardec, entre la métempsychose des anciens et la doctrine moderne de la réincarnation, cette grande différence que les esprits rejettent de la manière la plus absolue la transmigration de l’homme dans les animaux, et réciproquement » (2).

1 – Il y aurait lieu de mentionner aussi les conceptions de certains kabbalistes, que l’on désigne sons les noms de « révolution des âmes » et d’ « embryonnat » ; mais nous n’en parlerons pas ici, parce que cela nous entraînerait bien loin ; d’ailleurs, ces conceptions n’ont qu’une portée assez restreinte, car elles font intervenir des conditions qui, si étrange que cela puisse sembler, sont tout à fait spéciales au peuple d’Israël.
2 – Le Livre des Esprits, p. 96 ; cf. ibid., pp. 262-264.


Les anciens, en réalité, n’ont jamais envisagé une telle transmigration, pas plus que celle de l’homme dans d’autres hommes, comme on pourrait définir la réincarnation ; sans doute, il y a des expressions plus ou moins symboliques qui peuvent donner lieu à des malentendus, mais seulement quand on ne sait pas ce qu’elles veulent dire véritablement, et qui est ceci : il y a dans l’homme des éléments psychiques qui se dissocient après la mort, et qui peuvent alors passer dans d’autres êtres vivants, hommes ou animaux, sans que cela ait beaucoup plus d’importance, au fond, que le fait que, après la dissolution du corps de ce même homme, les éléments qui le composaient peuvent servir à former d’autres corps ; dans les deux cas, il s’agit des éléments mortels de l’homme, et non point de la partie impérissable qui est son être réel, et qui n’est nullement affectée par ces mutations posthumes.

A ce propos, Papus a commis une méprise d’un autre genre, en parlant « des confusions entre la réincarnation ou retour de l’esprit dans un corps matériel, après un stage astral, et la métempsychose ou traversée par le corps matériel de corps d’animaux et de plantes, avant de revenir dans un nouveau corps matériel » (1) ; sans parler de quelques bizarreries d’expression qui peuvent être des lapsus (les corps d’animaux et de plantes ne sont pas moins « matériels » que le corps humain, et ils ne sont pas « traversés » par celui-ci, mais par des éléments qui en proviennent), cela ne pourrait en aucune façon s’appeler « métempsychose », car la formation de ce mot implique qu’il s’agit d’éléments psychiques, et non d’éléments corporels.  

1 – La Réincarnation, p. 9. – Papus ajoute : « Il ne faut jamais confondre la réincarnation et la métempsychose, l’homme ne rétrogradant pas et l’esprit ne devenant jamais un esprit d’animal, sauf en plan astral, à l’état génial, mais ceci est encore un mystère. » Pour nous, ce prétendu mystère n’en est pas un : nous pouvons dire qu’il s’agit du « génie de l’espèce », c’est-à-dire de l’entité qui représente l’esprit, non pas d’une individualité, mais d’une espèce animale tout entière ; les occultistes pensent, en effet, que l’animal n’est pas comme l’homme un individu autonome, et que, après la mort, son âme retourne à l’ « essence élémentale », propriété indivise de l’espèce. D’après la théorie à laquelle Papus fait allusion en termes énigmatiques, les génies des espèces animales seraient des esprits humains parvenus à un certain degré d’évolution et à qui cette fonction aurait été assignée spécialement ; du reste, il y a des « clairvoyants » qui prétendent avoir vu ces génies sous la forme d’hommes à têtes d’animaux, comme les figures symboliques des anciens Egyptiens. La théorie en question est entièrement erronée : le génie de l’espèce est bien une réalité, même pour l’espèce humaine, mais il n’est pas ce que croient les occultistes, et il n’a rien de commun avec les esprits des hommes individuels ; quant au « plan » où il se situe, cela ne rentre pas dans les cadres conventionnels fixés par l’occultisme.

Papus a raison de penser que la métempsychose ne concerne pas l’être réel de l’homme, mais il se trompe complètement sur sa nature ; et d’autre part, pour la réincarnation, quand il dit qu’ « elle a été enseignée comme un mystère ésotérique dans toutes les initiations de l’antiquité » (1), il la confond purement et simplement avec la transmigration véritable.

La dissociation qui suit la mort ne porte pas seulement sur les éléments corporels, mais aussi sur certains éléments que l’on peut appeler pychiques ; cela, nous l’avons déjà dit en expliquant que de tels éléments peuvent intervenir parfois dans les phénomènes du spiritisme et contribuer à donner l’illusion d’une action réelle des morts ; d’une façon analogue, ils peuvent aussi, dans certains cas, donner l’illusion d’une réincarnation.

Ce qu’il importe de retenir, sous ce dernier rapport, c’est que ces éléments (qui peuvent, pendant la vie, avoir été proprement conscients ou seulement « subconscients ») comprennent notamment toutes les images mentales qui, résultant de l’expérience sensible, ont fait partie de ce qu’on appelle mémoire et imagination : ces facultés, ou plutôt ces ensembles, sont périssables, c’est-à-dire sujets à se dissoudre, parce que, étant d’ordre sensible, ils sont littéralement des dépendances de l’état corporel ; d’ailleurs, en dehors de la condition temporelle, qui est une de celles qui définissent cet état, la mémoire n’aurait évidemment aucune raison de subsister.
Cela est bien loin, assurément, des théories de la psychologie classique sur le « moi » et son unité ; ces théories n’ont que le défaut d’être à peu près aussi dénués de fondement, dans leur genre, que les conceptions des « néo-spiritualistes ».

1 – La Réincarnation, p. 6.

Une autre remarque qui n’est pas moins importante, c’est qu’il peut y avoir transmission d’éléments psychiques d’un être à un autre sans que cela suppose la mort du premier : en effet, il y a une hérédité psychique aussi bien qu’une hérédité physiologique, cela est assez peu contesté, et c’est même un fait d’observation vulgaire ; mais ce dont beaucoup ne se rendent probablement pas compte, c’est que cela suppose au moins que les parents fournissent un germe psychique, au même titre qu’un germe corporel ; et ce germe peut impliquer potentiellement un ensemble fort complexe d’éléments appartenant au domaine de la « subconscience », en outre des tendances ou prédispositions proprement dites qui, en se développant, apparaîtront d’une façon plus manifeste ; ces éléments « subconscients », au contraire, pourront ne devenir apparents que dans des cas plutôt exceptionnels.

C’est la double hérédité psychique et corporelle qu’exprime cette formule chinoise : « Tu revivras dans tes milliers de descendants », qu’il serait bien difficile, à coup sûr, d’interpréter dans un sens réincarnationniste, quoique les occultistes et même les orientalistes aient réussi bien d’autres tours de force comparables à celui-là. Les doctrines extrême-orientales envisagent même de préférence le côté psychique de l’hérédité, et elles y voient un véritable prolongement de l’individualité humaine ; c’est pourquoi, sous le nom de « postérité » (qui est d’ailleurs susceptible aussi d’un sens supérieur et purement spirituel), elles l’associent à la « longévité », que les Occidentaux appellent immortalité.


A suivre.

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Message par Ligeia Lun 29 Mar - 9:25

Cette partie du texte tombe à point nommée pour réfuter les élucubrations de certains charlatans adeptes de la réincarnation et des "existences antérieures". Rolling Eyes


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L’erreur spirite, chapitre VI : LA RÉINCARNATION


Partie 3 :


Comme nous le verrons par la suite, certains faits que les réincarnationnistes croient pouvoir invoquer à l’appui de leur hypothèse s’expliquent parfaitement par l’un ou l’autre des deux cas que nous venons d’envisager, c’est-à-dire, d’une part, par la transmission héréditaire de certains éléments psychiques, et, d’autre part, par l’assimilation à une individualité humaine d’autres éléments psychiques provenant de la désintégration d’individualités humaines antérieures, qui n’ont pas pour cela le moindre rapport spirituel avec celle-là.
Il y a, en tout ceci, correspondance et analogie entre l’ordre psychique et l’ordre corporel ; et cela se comprend, puisque l’un et l’autre, nous le répétons, se réfèrent exclusivement à ce qu’on peut appeler les éléments mortels de l’être humain. Il faut encore ajouter que, dans l’ordre psychique, il peut arriver, plus ou moins exceptionnellement, qu’un ensemble assez considérable d’éléments se conserve sans se dissocier et soit transféré tel quel à une nouvelle individualité ; les faits de ce genre sont, naturellement, ceux qui présentent le caractère le plus frappant aux yeux des partisans de la réincarnation, et pourtant ces cas ne sont pas moins illusoires que tous les autres (1).

Tout cela, nous l’avons dit, ne concerne ni n’affecte aucunement l’être réel ; on pourrait, il est vrai, se demander pourquoi, s’il en est ainsi, les anciens semblent avoir attaché une assez grande importance au sort posthume des éléments en question.
Nous pourrions répondre en faisant simplement remarquer qu’il y a aussi bien des gens qui se préoccupent du traitement que leur corps pourra subir après la mort, sans penser pour cela que leur esprit doive en ressentir le contre-coup ; mais nous ajouterons qu’effectivement, en règle générale, ces choses ne sont point absolument indifférentes ; si elles l’étaient, d’ailleurs, les rites funéraires n’auraient aucune raison d’être, tandis qu’ils en ont au contraire une très profonde.

1 – Certains pensent qu’un transfert analogue peut s’opérer pour des éléments corporels plus ou moins subtilisés, et ils envisagent ainsi une « métensomatose » à côté de la « métempsychose » ; on pourrait être tenté de supposer, à première vue, qu’il y a là une confusion et qu’ils attribuent à tort la corporéité aux éléments psychiques inférieurs ; cependant, il peut s’agir réellement d’éléments d’origine corporelle, mais « psychisés », en quelque sorte, par cette transposition dans l’ « état subtil » dont nous avons indiqué précédemment la possibilité ; l’état corporel et l’état psychique, simples modalités différentes d’un même état d’existence qui est celui de l’individualité humaine, ne sauraient être totalement séparés. Nous signalons à l’attention des occultistes ce que dit à ce sujet un auteur dont ils parlent volontiers sans le connaître, Keleph ben Nathan (Dutoit-Membrini), dans La Philosophie Divine, t. I, pp. 62 et 292-293 ; à beaucoup de déclamations mystiques assez creuses, cet auteur mêle parfois ainsi des aperçus fort intéressants. Nous profiterons de cette occasion pour relever une erreur des occultistes, qui présentent Dutoit-Membrini comme un disciple de Louis-Claude de Saint-Martin (c’est M. Joanny Bricaud qui a fait cette découverte), alors qu’il s’est au contraire exprimé sur le compte de celui-ci en termes plutôt défavorables (ibid., t. I, pp. 245 et 345) ; il y aurait tout un livre à faire, et qui serait bien amusant, sur l’érudition des occultistes et leur façon d’écrire l’histoire.

Sans pouvoir insister là-dessus, nous dirons que l’action de ces rites s’exerce précisément sur les éléments psychiques du défunt ; nous avons mentionné ce que pensaient les anciens du rapport qui existe entre leur non-accomplissement et certains phénomènes de « hantise », et cette opinion était parfaitement fondée.
Assurément, si on ne considérait que l’être, en tant qu’il est passé à un autre état d’existence, il n’y aurait point à tenir compte de ce que peuvent devenir ces éléments (sauf peut-être pour assurer la tranquillité des vivants) ; mais il en va tout autrement si l’on envisage ce que nous avons appelé les prolongements de l’individualité humaine. Ce sujet pourrait donner lieu à des considérations que leur complexité et leur étrangeté même nous empêchent d’aborder ici ; nous estimons, du reste, qu’il est de ceux qu’il ne serait ni utile ni avantageux de traiter publiquement d’une façon détaillée.

Après avoir dit en quoi consiste vraiment la métempsychose, nous avons maintenant à dire ce qu’est la transmigration proprement dite : cette fois, il s’agit bien de l’être réel, mais il ne s’agit point pour lui d’un retour au même état d’existence, retour qui, s’il pouvait avoir lieu, serait peut-être une « migration » si l’on veut, mais non une « transmigration ».

Ce dont il s’agit, c’est, au contraire, le passage de l’être à d’autres états d’existence, qui sont définis, comme nous l’avons dit, par des conditions entièrement différentes de celles auxquelles est soumise l’individualité humaine (avec cette seule restriction que, tant qu’il s’agit d’états individuels, l’être est toujours revêtu d’une forme, mais qui ne saurait donner lieu à aucune représentation spatiale ou autre, plus ou moins modelée sur celle de la forme corporelle) ; qui dit transmigration dit essentiellement changement d’état. C’est là ce qu’enseignent toutes les doctrines traditionnelles de l’Orient, et nous avons de multiples raisons de penser que cet enseignement était aussi celui des « mystères » de l’antiquité ; même dans des doctrines hétérodoxes comme le Bouddhisme, il n’est nullement question d’autre chose, en dépit de l’interprétation réincarnationniste qui a cours aujourd’hui parmi les Européens.

C’est précisément la vraie doctrine de la transmigration, entendue suivant le sens que lui donne la métaphysique pure, qui permet de réfuter d’une façon absolue et définitive l’idée de réincarnation ; et il n’y a même que sur ce terrain qu’une telle réfutation soit possible. Nous sommes donc amené ainsi à montrer que la réincarnation est une impossibilité pure et simple ; il faut entendre par là qu’un même être ne peut pas avoir deux existences dans le monde corporel, ce monde étant considéré dans toute son extension : peu importe que ce soit sur la terre ou sur d’autres astres quelconques (1 ) ; peu importe aussi que ce soit en tant qu’être humain ou, suivant les fausses conceptions de la métempsychose, sous toute autre forme, animale, végétale ou même minérale.

Nous ajouterons encore : peu importe qu’il s’agisse d’existences successives ou simultanées, car il se trouve que quelques-uns ont fait cette supposition, au moins saugrenue, d’une pluralité de vies se déroulant en même temps, pour un même être, en divers lieux, vraisemblablement sur des planètes différentes ; cela nous reporte encore une fois aux socialistes de 1848, car il semble bien que ce soit Blanqui qui ait imaginé le premier une répétition simultanée et indéfinie, dans l’espace, d’individus supposés identiques (2).

Certains occultistes prétendent aussi que l’individu humain peut avoir plusieurs « corps physiques », comme ils disent, vivant en même temps dans différentes planètes ; et ils vont jusqu’à affirmer que, s’il arrive à quelqu’un de rêver qu’il a été tué, c’est, dans bien des cas, que, à cet instant même, il l’a été effectivement dans une autre planète !

1 – L’idée de la réincarnation dans diverses planètes n’est pas absolument spéciale aux « néo-spiritualistes » ; cette conception, chère à M. Camille Flammarion, est aussi celle de Louis Figuier (Le Lendemain de la Mort ou la Vie future selon la Science) ; il est curieux de voir à quelles extravagantes rêveries peut donner lieu une science aussi « positive » que veut l’être l’astronomie moderne.
2 – L’Eternité par les Astres.


Cela pourrait sembler incroyable si nous ne l’avions entendu nous-même ; mais on verra, au chapitre suivant, d’autres histoires aussi fortes que celle-là. Nous devons dire aussi que la démonstration qui vaut contre toutes les théories réincarnationnistes, quelque forme qu’elles prennent, s’applique également, et au même titre, à certaines conceptions d’allure plus proprement philosophique, comme la conception du « retour éternel » de Nietzsche, et en un mot à tout ce qui suppose dans l’Univers une répétition quelconque.

Nous ne pouvons songer à exposer ici, avec tous les développements qu’elle comporte, la théorie métaphysique des états multiples de l’être ; nous avons l’intention d’y consacrer, lorsque nous le pourrons, une ou plusieurs études spéciales. Mais nous pouvons du moins indiquer le fondement de cette théorie, qui est en même temps le principe de la démonstration dont il s’agit ici, et qui est le suivant : la Possibilité universelle et totale est nécessairement infinie et ne peut être conçue autrement, car, comprenant tout et ne laissant rien en dehors d’elle, elle ne peut être limitée par rien absolument ; une limitation de la Possibilité universelle, devant lui être extérieure, est proprement et littéralement une impossibilité, c’est-à-dire un pur néant. Or, supposer une répétition au sein de la Possibilité universelle, comme on le fait en admettant qu’il y ait deux possibilités particulières identiques, c’est lui supposer une limitation, car l’infinité exclut toute répétition : il n’y a qu’à l’intérieur d’un ensemble fini qu’on puisse revenir deux fois à un même élément, et encore cet élément ne serait-il rigoureusement le même qu’à la condition que cet ensemble forme un système clos, condition qui n’est jamais réalisée effectivement.
Dès lors que l’Univers est vraiment un tout, ou plutôt le Tout absolu, il ne peut y avoir nulle part aucun cycle fermé : deux possibilités identiques ne seraient qu’une seule et même possibilité ; pour qu’elles soient véritablement deux, il faut qu’elles diffèrent par une condition au moins, et alors elles ne sont pas identiques. Rien ne peut jamais revenir au même point, et cela même dans un ensemble qui est seulement indéfini (et non plus infini), comme le monde corporel : pendant qu’on trace un cercle, un déplacement s’effectue, et ainsi le cercle ne se ferme que d’une façon tout illusoire.

Ce n’est là qu’une simple analogie, mais elle peut servir pour aider à comprendre que, « a fortiori », dans l’existence universelle, le retour à un même état est une impossibilité : dans la Possibilité totale, ces possibilités particulières que sont les états d’existence conditionnés sont nécessairement en multiplicité indéfinie ; nier cela, c’est encore vouloir limiter la Possibilité ; il faut donc l’admettre, sous peine de contradiction, et cela suffit pour que nul être ne puisse repasser deux fois par le même état.
Comme on le voit, cette démonstration est extrêmement simple en elle-même, et, si certains éprouvent quelque peine à la comprendre, ce ne peut être que parce que les connaissances métaphysiques les plus élémentaires leur font défaut ; pour ceux-là, un exposé plus développé serait peut-être nécessaire, mais nous les prierons d’attendre, pour le trouver, que nous ayons l’occasion de donner intégralement la théorie des états multiples ; ils peuvent être assurés, en tout cas, que cette démonstration, telle que nous venons de la formuler en ce qu’elle a d’essentiel, ne laisse rien à désirer sous le rapport de la rigueur.

Quant à ceux qui s’imagineraient que, en rejetant la réincarnation, nous risquons de limiter d’une autre façon la Possibilité universelle, nous leur répondrons simplement que nous ne rejetons qu’une impossibilité, qui n’est rien, et qui n’augmenterait la somme des possibilités que d’une façon absolument illusoire, n’étant qu’un pur zéro ; on ne limite pas la Possibilité en niant une absurdité quelconque, par exemple en disant qu’il ne peut exister un carré rond, ou que, parmi tous les mondes possibles, il ne peut y en avoir aucun où deux et deux fassent cinq ; le cas est exactement le même.

Il y a des gens qui se font, en cet ordre d’idées, d’étranges scrupules : ainsi Descartes, lorsqu’il attribuait à Dieu la « liberté d’indifférence », par crainte de limiter la toutepuissance divine (expression théologique de la Possibilité universelle), et sans s’apercevoir que cette « liberté d’indifférence », ou le choix en l’absence de toute raison, implique des conditions contradictoires ; nous dirons, pour employer son langage, qu’une absurdité n’est pas telle parce que Dieu l’a voulu arbitrairement, mais que c’est au contraire parce qu’elle est une absurdité que Dieu ne peut pas faire qu’elle soit quelque chose, sans pourtant que cela porte la moindre atteinte à sa toute-puissance, absurdité et impossibilité étant synonymes.

Revenant aux états multiples de l’être, nous ferons remarquer, car cela est essentiel, que ces états peuvent être conçus comme simultanés aussi bien que comme successifs, et que même, dans l’ensemble, on ne peut admettre la succession qu’à titre de représentation symbolique, puisque le temps n’est qu’une condition propre à un de ces états, et que même la durée, sous un mode quelconque, ne peut être attribuée qu’à certains d’entre eux ; si l’on veut parler de succession, il faut donc avoir soin de préciser que ce ne peut être qu’au sens logique, et non pas au sens chronologique.

Par cette succession logique, nous entendons qu’il y a un enchaînement causal entre les divers états ; mais la relation même de causalité, si on la prend suivant sa véritable signification (et non suivant l’acception « empiriste » de quelques logiciens modernes), implique précisément la simultanéité ou la coexistence de ses termes. En outre, il est bon de préciser que même l’état individuel humain, qui est soumis à la condition temporelle, peut présenter néanmoins une multiplicité simultanée d’états secondaires : l’être humain ne peut pas avoir plusieurs corps, mais, en dehors de la modalité corporelle et en même temps qu’elle, il peut posséder d’autres modalités dans lesquelles se développent aussi certaines des possibilités qu’il comporte. Ceci nous conduit à signaler une conception qui se rattache assez étroitement à celle de la réincarnation, et qui compte aussi de nombreux partisans parmi les « néo-spiritualistes » : d’après cette conception, chaque être devrait, au cours de son évolution (car ceux qui soutiennent de telles idées sont toujours, d’une façon ou d’une autre, des évolutionnistes), passer successivement par toutes les formes de vie, terrestres et autres.

Une telle théorie n’exprime qu’une impossibilité manifeste, pour la simple raison qu’il existe une indéfinité de formes vivantes par lesquelles un être quelconque ne pourra jamais passer, ces formes étant toutes celles qui sont occupées par les autres êtres. D’ailleurs, quand bien même un être aurait parcouru successivement une indéfinité de possibilités particulières, et dans un domaine autrement étendu que celui des « formes de vie », il n’en serait pas plus avancé par rapport au terme final, qui ne saurait être atteint de cette manière ; nous reviendrons là-dessus en parlant plus spécialement de l’évolutionnisme spirite.

Pour le moment, nous ferons seulement remarquer ceci : le monde corporel tout entier, dans le déploiement intégral de toutes les possibilités qu’il contient, ne représente qu’une partie du domaine de manifestation d’un seul état ; ce même état comporte donc, « a fortiori », la potentialité correspondante à toutes les modalités de la vie terrestre, qui n’est qu’une portion très restreinte du monde corporel.
Ceci rend parfaitement inutile (même si l’impossibilité n’en était prouvée par ailleurs) la supposition d’une multiplicité d’existences à travers lesquelles l’être s’élèverait progressivement de la modalité la plus inférieure, celle du minéral, jusqu’à la modalité humaine, considérée comme la plus haute, en passant successivement par le végétal et l’animal, avec toute la multitude de degrés que comprend chacun de ces règnes ; il en est, en effet, qui font de telles hypothèses, et qui rejettent seulement la possibilité d’un retour en arrière. En réalité, l’individu, dans son extension intégrale, contient simultanément les possibilités qui correspondent à tous les degrés dont il s’agit (nous ne disons pas, qu’on le remarque bien, qu’il les contient ainsi corporellement) ; cette simultanéité ne se traduit en succession temporelle que dans le développement de son unique modalité corporelle, au cours duquel, comme le montre l’embryologie, il passe effectivement par tous les stades correspondants, depuis la forme unicellulaire des êtres organisés les plus rudimentaires, et même, en remontant plus haut encore, depuis le cristal, jusqu’à la forme humaine terrestre.

Disons en passant, dès maintenant, que ce développement embryologique, contrairement à l’opinion commune, n’est nullement une preuve de la théorie « transformiste » ; celle-ci n’est pas moins fausse que toutes les autres formes de l’évolutionnisme, et elle est même la plus grossière de toutes ; mais nous aurons l’occasion d’y revenir plus loin. Ce qu’il faut retenir surtout, c’est que le point de vue de la succession est essentiellement relatif, et d’ailleurs, même dans la mesure restreinte où il est légitimement applicable, il perd presque tout son intérêt par cette simple observation que le germe, avant tout développement, contient déjà en puissance l’être complet (nous en verrons tout à l’heure l’importance) ; en tout cas, ce point de vue doit toujours demeurer subordonné à celui de la simultanéité, comme l’exige le caractère purement métaphysique, donc extra-temporel (mais aussi extra-spatial, la coexistence ne supposant pas nécessairement l’espace), de la théorie des états multiples de l’être (1).

1 – Il faudrait pouvoir critiquer ici les définitions que Leibnitz donne de l’espace (ordre des coexistences) et du temps (ordre des successions) ; ne pouvant l’entreprendre, nous dirons seulement qu’il étend ainsi le sens de ces notions d’une façon tout à fait abusive, comme il le fait aussi, par ailleurs, pour la notion de corps.


A suivre.

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Message par Ligeia Mer 31 Mar - 8:42

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L’erreur spirite, chapitre VI : LA RÉINCARNATION


Partie 4 (fin du chapitre) :


Nous ajouterons encore que, quoi qu’en prétendent les spirites et surtout les occultistes, on ne trouve dans la nature aucune analogie en faveur de la réincarnation, tandis que, en revanche, on en trouve de nombreuses dans le sens contraire. Ce point a été assez bien mis en lumière dans les enseignements de la H. B, of L., dont il a été question précédemment, et qui était formellement antiréincarnationniste ; nous croyons qu’il peut être intéressant de citer ici quelques passages de ces enseignements, qui montrent que cette école avait au moins quelque connaissance de la transmigration véritable, ainsi que de certaines lois cycliques :


  • « C’est une vérité absolue qu’exprime l’adepte auteur de Ghostland, lorsqu’il dit que, en tant qu’être impersonnel, l’homme vit dans une indéfinité de mondes avant d’arriver à celui-ci… Lorsque le grand étage de conscience, sommet de la série des manifestations matérielles, est atteint, jamais l’âme ne rentrera dans la matrice de la matière, ne subira l’incarnation matérielle ; désormais, ses renaissances sont dans le royaume de l’esprit. Ceux qui soutiennent la doctrine étrangement illogique de la multiplicité des naissances humaines n’ont assurément jamais développé eu eux-mêmes l’état lucide de conscience spirituelle ; sinon, la théorie de la réincarnation, affirmée et soutenue aujourd’hui par un grand nombre d’hommes et de femmes versés dans la « sagesse mondaine », n’aurait pas le moindre crédit. Une éducation extérieure est relativement sans valeur comme moyen d’obtenir la connaissance véritable… Le gland devient chêne, la noix de coco devient palmier ; mais le chêne a beau donner des myriades d’autres glands, il ne devient plus jamais gland lui-même, ni le palmier ne redevient plus noix. De même pour l’homme : dès que l’âme s’est manifestée sur le plan humain, et a ainsi atteint la conscience de la vie extérieure, elle ne repasse plus jamais par aucun de ses états rudimentaires… Tous les prétendus « réveils de souvenirs » latents, par lesquels certaines personnes assurent se rappeler leurs existences passées, peuvent s’expliquer, et même ne peuvent s’expliquer que par les simples lois de l’affinité et de la forme. Chaque race d’êtres humains, considérée en soi-même, est immortelle ; il en est de même de chaque cycle : jamais le premier cycle ne devient le second, mais les êtres du premier cycle sont (spirituellement) les parents, ou les générateurs (1), de ceux du second cycle. Ainsi, chaque cycle comprend une grande famille constituée par la réunion de divers groupements d’âmes humaines, chaque condition étant déterminée par les lois de son activité, celles de sa forme et celles de son affinité : une trinité des lois… C’est ainsi que l’homme peut être comparé au gland et au chêne : l’âme embryonnaire, non individualisée, devient un homme tout comme le gland devient un chêne, et, de même que le chêne donne naissance à une quantité innombrable de glands, de même l’homme fournit à son tour à une indéfinité d’âmes les moyens de prendre naissance dans le monde spirituel. Il y a correspondance complète entre les deux, et c’est pour cette raison que les anciens Druides rendaient de si grands honneurs à cet arbre, qui était honoré au delà de tous les autres par les puissants Hiérophantes. »



1 – Ce sont les pitris de la tradition hindoue.

Il y a là une indication de ce qu’est la « postérité » entendue au sens purement spirituel ; ce n’est pas ici le lieu d’en dire davantage sur ce point, non plus que sur les lois cycliques auxquelles il se rattache ; peut-être traiterons-nous quelque jour ces questions, si toutefois nous trouvons le moyen de le faire en termes suffisamment intelligibles, car il y a là des difficultés qui sont surtout inhérentes à l’imperfection des langues occidentales.
Malheureusement, la H. B. of L. admettait la possibilité de la réincarnation dans certains cas exceptionnels, comme celui des enfants mort-nés ou morts en bas âge, et celui des idiots de naissance (1) ; nous avons vu ailleurs que Mme Blavatsky avait admis cette manière de voir à l’époque où elle écrivit Isis Dévoilée (2).

En réalité, dès lors qu’il s’agit d’une impossibilité métaphysique, il ne saurait y avoir la moindre exception : il suffit qu’un être soit passé par un certain état, ne fût-ce que sous forme embryonnaire, ou même sous forme de simple germe, pour qu’il ne puisse en aucun cas revenir à cet état, dont il a ainsi effectué les possibilités suivant la mesure que comportait sa propre nature ; si le développement de ces possibilités semble avoir été arrêté pour lui à un certain point, c’est qu’il n’avait pas à aller plus loin quant à sa modalité corporelle, et c’est le fait de n’envisager que celle-ci exclusivement qui est ici la cause de l’erreur, car on ne tient pas compte de toutes les possibilités qui, pour ce même être, peuvent se développer dans d’autres modalités du même état ; si l’on pouvait en tenir compte, on verrait que la réincarnation, même dans des cas comme ceux-là, est absolument inutile, ce qu’on peut d’ailleurs admettre dès lors qu’on sait qu’elle est impossible, et que tout ce qui est concourt, quelles que soient les apparences, à l’harmonie totale de l’Univers.

1 – Il y avait encore un troisième cas d’exception, mais d’un tout autre ordre : c’était celui des « incarnations messianiques volontaires », qui se produiraient tous les six cents ans environ, c’est-à-dire à la fin de chacun des cycles que les Chaldéens appelaient Naros, mais sans que le même esprit s’incarne jamais ainsi plus d’une fois, et sans qu’il n’ait consécutivement deux semblables incarnations dans une même race ; la discussion et l’interprétation de cette théorie sortiraient entièrement du cadre de la présente étude.
2 – Le Théosophisme, pp. 97-99.


Cette question est tout à fait analogue à celle des communications spirites : dans l’une et dans l’autre, il s’agit d’impossibilités ; dire qu’il peut y avoir des exceptions serait aussi illogique que de dire, par exemple, qu’il peut y avoir un petit nombre de cas où, dans l’espace euclidien, la somme des trois angles d’un triangle ne soit pas égale à deux droits ; ce qui est absurde l’est absolument, et non pas seulement « en général ».
Du reste, si l’on commence à admettre des exceptions, nous ne voyons pas très bien comment on pourrait leur assigner une limite précise : comment pourrait-on déterminer l’âge à partir duquel un enfant, s’il vient à mourir, n’aura plus besoin de se réincarner, ou le degré que doit atteindre la débilité mentale pour exiger une réincarnation ? Evidemment, rien ne saurait être plus arbitraire, et nous pouvons donner raison à Papus lorsqu’il dit que, « si l’on rejette cette théorie, il ne faut pas admettre d’exception, sans quoi on ouvre une brèche à travers laquelle tout peut passer » (1).

Cette observation, dans la pensée de son auteur, s’adressait surtout à quelques écrivains qui ont cru que la réincarnation, dans certains cas particuliers, était conciliable avec la doctrine catholique ; le comte de Larmandie, notamment, a prétendu qu’elle pouvait être admise pour les enfants morts sans baptême (2). Il est très vrai que certains textes, comme ceux du quatrième concile de Constantinople, qu’on a cru parfois pouvoir invoquer contre la réincarnation, ne s’y appliquent pas en réalité ; mais les occultistes n’ont pas à en triompher, car, s’il en est ainsi, c’est tout simplement parce que, à cette époque, la réincarnation n’avait pas encore été imaginée.

1 – La Réincarnation, p. 179 ; d’après le Dr Rozier : Initiation, avril 1898.
2 – Magie et Religion.


Il s’agissait d’une opinion d’Origène, d’après laquelle la vie corporelle serait un châtiment pour des âmes qui, « préexistant en tant que puissances célestes, auraient pris satiété de la contemplation divine » ; comme on le voit, il n’est pas question là-dedans d’une autre vie corporelle antérieure, mais d’une existence dans le monde intelligible au sens platonicien, ce qui n’a aucun rapport avec la réincarnation.

On a peine à concevoir comment Papus a pu écrire que « l’avis du concile indique que la réincarnation faisait partie de l’enseignement, et que s’il y en avait qui revenaient volontairement se réincarner, non par dégoût du Ciel, mais par amour de leur prochain, l’anathème ne pouvait pas les toucher » (il s’est imaginé que cet anathème était porté contre « celui qui proclamerait être revenu sur terre par dégoût du Ciel ») ; et il s’appuie là-dessus pour affirmer que « l’idée de la réincarnation fait partie des enseignements secrets de l’Eglise » (1).

A propos de la doctrine catholique, nous devons mentionner aussi une assertion des spirites qui est véritablement extraordinaire : Allan Kardec affirme que « le dogme de la résurrection de la chair est la consécration de celui de la réincarnation enseignée par les esprits », et qu’ « ainsi l’Eglise, par le dogme de la résurrection de la chair, enseigne elle-même la doctrine de la réincarnation » ; ou plutôt il présente ces propositions sous forme interrogative, et c’est l’ « esprit » de saint Louis qui lui répond que « cela est évident », ajoutant qu’ « avant peu on reconnaîtra que le spiritisme ressort à chaque pas du texte même des Ecritures sacrées » (2) !

1 – La Réincarnation, p, 171.
2 – Le Livre des Esprits, pp. 440-442.


Ce qui est plus étonnant encore, c’est qu’il se soit trouvé un prêtre catholique, même plus ou moins suspect d’hétérodoxie, pour accepter et soutenir une pareille opinion ; c’est l’abbé J.-A. Petit, du diocèse de Beauvais, ancien familier de la duchesse de Pomar, qui a écrit ces lignes :

  • « La réincarnation a été admise chez la plupart des peuples anciens… Le Christ aussi l’admettait. Si on ne la trouve pas expressément enseignée par les apôtres, c’est que les fidèles devaient réunir en eux les qualités morales qui en affranchissent… Plus tard, quand les grands chefs et leurs disciples eurent disparu, et que l’enseignement chrétien, sous la pression des intérêts humains, se fut figé en un aride symbole, il ne resta, comme vestige du passé, que la résurrection de la chair, ou dans la chair, qui, prise au sens étroit du mot, fit croire à l’erreur gigantesque de la résurrection des corps morts » (1).



Nous ne voulons faire là-dessus aucun commentaire, car de telles interprétations sont de celles qu’aucun esprit non prévenu ne peut prendre au sérieux ; mais la transformation de la « résurrection de la chair » en « résurrection dans la chair » est une de ces petites habiletés qui risquent de faire mettre en doute la bonne foi de leur auteur.

Avant de quitter ce sujet, nous dirons encore quelques mots des textes évangéliques que les spirites et les occultistes invoquent en faveur de la réincarnation ; Allan Kardec en indique deux (2), dont le premier est celui-ci, qui suit le récit de la transfiguration :

  • « Lorsqu’ils descendaient de la montagne, Jésus fit ce commandement et leur dit : Ne parlez à personne de ce que vous venez de voir, jusqu’à ce que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. Ses disciples l’interrogèrent alors et lui dirent : Pourquoi donc les scribes disent-ils qu’il faut qu’Elie vienne auparavant ? Mais Jésus leur répondit : Il est vrai qu’Elie doit venir et qu’il rétablira toutes choses. Mais je vous déclare qu’Elie est déjà venu, et ils ne l’ont point connu, mais l’ont fait souffrir comme ils ont voulu. C’est ainsi qu’ils feront mourir le Fils de l’homme. Alors ses disciples comprirent que c’était de Jean-Baptiste qu’il leur avait parlé » (3).


1 – L’Alliance Spiritualiste, juillet 1911.
2 – Le Livre des Esprits, pp. 105-107. – Cf. Léon Denis, Christianisme et Spiritisme, pp. 376-378. Voir aussi Les messies esséniens et l’Eglise orthodoxe, pp. 33-35 ; cet ouvrage est une publication de la secte soi-disant « essénienne » à laquelle nous ferons allusion plus loin.
3 – S t Mathieu, XVII, 9-15. – Cf. S t Marc, IX, 8-12 ; ce texte ne diffère guère de l’autre qu’en ce que le nom de Jean-Baptiste n’y est pas mentionné.


Et Allan Kardec ajoute :
« Puisque JeanBaptiste était Elie, il y a donc eu réincarnation de l’esprit ou de l’âme d’Elie dans le corps de Jean-Baptiste. »
Papus, de son côté, dit également : « Tout d’abord, les Evangiles affirment sans ambages que Jean-Baptiste est Elie réincarné. C’était un mystère. Jean-Baptiste interrogé se tait, mais les autres savent. Il y a aussi cette parabole de l’aveugle de naissance puni pour ses péchés antérieurs, qui donne beaucoup à réfléchir » (1).

En premier lieu, il n’est point dit dans le texte de quelle façon « Elie est déjà venu » ; et, si l’on songe qu’Elie n’était point mort au sens ordinaire de ce mot, il peut sembler au moins difficile que ce soit par réincarnation ; de plus, pourquoi Elie, à la transfiguration, ne s’était-il pas manifesté sous les traits de Jean-Baptiste (2) ?
Ensuite, Jean-Baptiste interrogé ne se tait point comme le prétend Papus, il nie au contraire formellement : « Ils lui demandèrent : Quoi donc ? êtes-vous Elie ? Et il leur dit : Je ne le suis point » (3).
Si l’on dit que cela prouve seulement qu’il n’avait pas le souvenir de sa précédente existence, nous répondrons qu’il y a un autre texte qui est beaucoup plus explicite encore ; c’est celui où l’ange Gabriel, annonçant à Zacharie la naissance de son fils, déclare : « Il marchera devant le Seigneur dans l’esprit et dans la vertu d’Elie, pour réunir le cœur des pères avec leurs enfants et rappeler les désobéissants à la prudence des justes, pour préparer au Seigneur un peuple parfait » (5).

1 – La Réincarnation, p. 170.
2 – L’autre personnage de l’Ancien Testament qui s’est manifesté à la transfiguration est Moïse, dont « personne n’a connu le sépulcre » ; Hénoch et Elie, qui doivent revenir « à la fin des temps », ont été l’un et l’autre « enlevés aux cieux » ; tout cela ne saurait être invoqué comme des exemples de manifestation des morts.
3 – S t Jean, 1, 21. 5 – S t Luc, I, 17.


On ne saurait indiquer plus clairement que Jean-Baptiste ne serait point Elie en personne mais qu’il appartiendrait seulement, si l’on peut s’exprimer ainsi, à sa « famille spirituelle » ; c’est donc de cette façon, et non littéralement, qu’il fallait entendre la « venue d’Elie ».

Quant à l’histoire de l’aveugle-né, Allan Kardec n’en parle pas, et Papus ne semble guère la connaître, puisqu’il prend pour une parabole ce qui est le récit d’une guérison miraculeuse ; voici le texte exact :

  • « Lorsque Jésus passait, il vit un homme qui était aveugle dès sa naissance ; et ses disciples lui firent cette demande : Maître, est-ce le péché de cet homme, ou le péché de ceux qui l’ont mis au monde, qui est cause qu’il est né aveugle ? Jésus leur répondit : Ce n’est point qu’il ait péché, ni ceux qui l’ont mis au monde ; mais c’est afin que les œuvres de la puissance de Dieu éclatent en lui » (1).



Cet homme n’avait donc point été « puni pour ses péchés », mais cela aurait pu être, à la condition qu’on veuille bien ne pas torturer le texte en ajoutant un mot qui ne s’y trouve point : « pour ses péchés antérieurs » ; sans l’ignorance dont Papus fait preuve en l’occasion, on pourrait être tenté de l’accuser de mauvaise foi.
Ce qui était possible, c’est que l’infirmité de cet homme lui eût été infligée comme sanction anticipée en vue des péchés qu’il commettrait ultérieurement ; cette interprétation ne peut être écartée que par ceux qui poussent l’anthropomorphisme jusqu’à vouloir soumettre Dieu au temps.

Enfin, le second texte cité par Allan Kardec n’est autre que l’entretien de Jésus avec Nicodème ; pour réfuter les prétentions des réincarnationnistes à cet égard, on peut se contenter d’en reproduire le passage essentiel :
« Si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu… En vérité, je vous le dis, si un homme ne renaît de l’eau et de l’esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’esprit est esprit. Ne vous étonnez pas de ce que je vous ai dit, qu’il faut que vous naissiez de nouveau » (2).

1 – S t Jean, IX, 1-3.
2 – Ibid., III, 3-7.


Il faut une ignorance aussi prodigieuse que celle des spirites pour croire qu’il peut s’agir de la réincarnation alors qu’il s’agit de la « seconde naissance », entendue dans un sens purement spirituel, et qui est même nettement opposée ici à la naissance corporelle ; cette conception de la « seconde naissance », sur laquelle nous n’avons pas à insister présentement, est d’ailleurs de celles qui sont communes à toutes les doctrines traditionnelles, parmi lesquelles il n’en est pas une, en dépit des assertions des « néo-spiritualistes », qui ait jamais enseigné quelque chose qui ressemble de près ou de loin à la réincarnation.



Fin du chapitre.

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Message par Ligeia Lun 5 Avr - 11:20

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L'erreur spirite, CHAPITRE VII : EXTRAVAGANCES RÉINCARNATIONNISTES


Partie 1 :


Nous avons dit que l’idée de la réincarnation contribue grandement à détraquer beaucoup de personnes à notre époque ; nous allons maintenant le montrer en citant des exemples des extravagances auxquelles elle donne lieu, et ce sera là, après toutes les considérations métaphysiques que nous avons dû exposer, une diversion plutôt amusante ; à vrai dire, il y a quelque chose d’assez triste au fond dans le spectacle de toutes ces folies, mais pourtant il est bien difficile de s’empêcher d’en rire quelquefois.

Sous ce rapport, ce qu’on a le plus fréquemment l’occasion de constater dans les milieux spirites, c’est une mégalomanie d’un genre spécial : ces gens s’imaginent presque tous qu’ils sont la réincarnation de personnages illustres ; nous avons fait remarquer que, si l’on en juge par les signatures des « communications », les grands hommes se manifestent beaucoup plus volontiers que les autres ; il faut croire qu’ils se réincarnent aussi beaucoup plus souvent, et même simultanément à de multiples exemplaires.
En somme, ce cas ne diffère de la mégalomanie ordinaire que sur un point : au lieu de se croire de grands personnages dans le présent, les spirites reportent leur rêve maladif dans le passé ; nous parlons des spirites parce qu’ils sont le plus grand nombre, mais il est aussi des théosophistes qui ne sont pas moins atteints (nous avons vu ailleurs M. Leadbeater assurer gravement que le colonel Olcott était la réincarnation des rois Gushtasp et Ashoka) (1).

1 – Le Théosophisme, p. 105.

Il en est aussi chez qui le même rêve se transforme en une espérance pour l’avenir, et c’est peut-être une des raisons pour lesquelles ils trouvent la réincarnation si « consolante » ; dans la section des enseignements de la H. B. of L. dont nous avons reproduit quelques extraits au chapitre précédent, il est fait allusion à des gens qui affirment que « ceux qui ont mené une vie noble et digne d’un roi (fût-ce même dans le corps d’un mendiant), dans leur dernière existence terrestre, revivront comme nobles, rois, ou autres personnages de haut rang », et on ajoute très justement que « de telles assertions ne sont bonnes qu’à prouver que leurs auteurs ne parlent que sous l’inspiration de la sentimentalité, et que la connaissance leur manque ».

Les spirites antiréincarnationnistes des pays anglo-saxons ne se sont pas fait faute de railler ces folles imaginations :


  • « Les partisans des rêveries d’Allan Kardec, dit Dunglas Home, se recrutent surtout dans les classes bourgeoises de la société. C’est leur consolation, à ces braves gens qui ne sont rien, de croire qu’ils ont été un grand personnage avant leur naissance et qu’ils seront encore une chose importante après leur mort » (1).


Et ailleurs :


  • « Outre la confusion révoltante à laquelle cette doctrine conduit logiquement (en ce qui concerne les rapports familiaux et sociaux), il y a des impossibilités matérielles dont il faut tenir compte, si enthousiaste qu’on soit. Une dame peut croire tant qu’elle voudra qu’elle a été la compagne d’un empereur ou d’un roi dans une existence antérieure. Mais comment concilier les choses si nous rencontrons, comme il arrive souvent, une bonne demi-douzaine de dames, également convaincues, qui soutiennent avoir été chacune la très chère épouse du même auguste personnage ? Pour ma part, j’ai eu l’honneur de rencontrer au moins douze Marie-Antoinette, six ou sept Marie Stuart, une foule de saint Louis et autres rois, une vingtaine d’Alexandre et de César, mais jamais un simple Jean-Jean » (2).


1 – Les Lumières et les Ombres du Spiritualisme, p. 111.
2 – Ibid., pp. 124-125.


D’autre part, il est aussi, surtout parmi les occultistes, des partisans de la réincarnation qui ont cru devoir protester contre ce qu’ils regardent comme des « exagérations » susceptibles de compromettre leur cause ; ainsi, Papus écrit ceci :


  • « On rencontre dans certains milieux spirites de pauvres hères qui prétendent froidement être une réincarnation de Molière, de Racine ou de Richelieu, sans compter les poètes anciens, Orphée ou Homère. Nous n’avons pas pour l’instant à discuter si ces affirmations ont une base solide ou sont du domaine de l’aliénation mentale au début ; mais rappelonsnous que Pythagore, faisant le récit de ses incarnations antérieures, ne se vanta pas d’avoir été grand homme (1), et constatons que c’est une singulière façon de défendre le progrès incessant des âmes dans l’infini (théorie du spiritisme) que celle qui consiste à montrer Richelieu ayant perdu toute trace de génie et Victor Hugo faisant des vers de quatorze pieds après sa mort. Les spirites sérieux et instruits, et il y en a plus qu’on ne croit, devraient veiller à ce que de pareils faits ne se produisent pas » (2).


Plus loin, il dit encore :


  • « Certains spirites, exagérant cette doctrine, se donnent comme la réincarnation de tous les grands hommes quelque peu connus. Un brave employé est Voltaire réincarné… moins l’esprit. Un capitaine en retraite, c’est Napoléon revenu de Sainte-Hélène, quoique ayant perdu l’art de parvenir depuis. Enfin, il n’y a pas de groupe où Marie de Médicis, Mme de Maintenon, Marie Stuart ne soient revenues dans des corps de bonnes bourgeoises souvent enrichies, et où Turenne, Condé, Richelieu, Mazarin, Molière, Jean-Jacques Rousseau ne dirigent quelque petite séance. Là est le danger, là est la cause réelle de l’état stationnaire du spiritisme depuis cinquante ans ; il ne faut pas chercher d’autre raison que celle-là, ajoutée à l’ignorance et au sectarisme des chefs de groupe » (3).


1 – Ceci n’est que la confusion ordinaire entre la métempsychose et la réincarnation.
2 – Traité méthodique de Science occulte, p. 297.
3 – Ibid., p. 342.


Dans un autre ouvrage beaucoup plus récent, il revient sur ce sujet :


  • « L’être humain qui a conscience de ce mystère de la réincarnation imagine tout de suite le personnage qu’il a dû être, et, comme par hasard, il se trouve que ce personnage a toujours été un homme considérable sur la terre, et d’une haute situation. Dans les réunions spirites ou théosophiques, on voit très peu d’assassins, d’ivrognes, ou d’anciens marchands de légumes ou valets de chambre (professions en somme honorables) réincarnés ; c’est toujours Napoléon, une grande princesse, Louis XIV, le Grand Frédéric, quelques Pharaons célèbres, qui sont réincarnés dans la peau de très braves gens qui arrivent à se figurer avoir été ces grands personnages qu’ils imaginent. (Ce serait pour lesdits personnages déjà une assez forte punition d’être revenus sur terre dans de pareilles conditions… L’orgueil est la grande pierre d’achoppement de beaucoup de partisans de la doctrine des réincarnations, l’orgueil joue souvent un rôle aussi néfaste que considérable. Si l’on garde les grands personnages de l’histoire pour se réincarner soi-même, il faut reconnaître que les adeptes de cette doctrine conservent les assassins, les grands criminels et souvent les grands calomniés pour faire réincarner leurs ennemis » (1).


Pour remédier au mal qu’il a ainsi dénoncé, voici ce que Papus a trouvé :


  • « On peut avoir l’intuition qu’on a vécu à telle époque, qu’on a été dans tel milieu, on peut avoir la révélation, par le monde des esprits, qu’on a été une grande dame contemporaine du très grand philosophe Abélard, si indignement compris par les grossiers contemporains, mais on n’a pas la certitude de l’être exact qu’on a été sur la terre » (2).


Donc, la grande dame en question ne sera pas nécessairement Héloïse, et, si l’on croit avoir été tel personnage célèbre, c’est simplement qu’on aura vécu dans son entourage, peut-être en qualité de domestique ; il y a là, pense évidemment Papus, de quoi mettre un frein aux divagations causées par l’orgueil ; mais nous doutons que les spirites se laissent si facilement persuader qu’ils doivent renoncer à leurs illusions.

1 – La Réincarnation, pp. 138-139 et 142-143.
2 – Ibid., p. 141.



A suivre.


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Message par Ligeia Mer 7 Avr - 10:58

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L'erreur spirite, CHAPITRE VII : EXTRAVAGANCES RÉINCARNATIONNISTES


Partie 2 :


Malheureusement aussi, il y a d’autres genres de divagations qui ne sont guère moins pitoyables ; cette prudence et cette sagesse, d’ailleurs relatives, dont Papus fait preuve, ne l’empêchent pas d’écrire lui-même, et en même temps, des choses dans le goût de celles-ci :


  • « Le Christ a un appartement (sic) renfermant des milliers d’esprits. Chaque fois qu’un esprit de l’appartement du Christ se réincarne, il obéit sur terre à la loi suivante : 1° il est l’aîné de sa famille : 2° son père s’appelle toujours Joseph ; 3° sa mère s’appelle toujours Marie, ou la correspondance numérale de ces noms en d’autres langues. Enfin, il y a dans cette naissance des esprits venant de l’appartement du Christ (et nous ne disons pas du Christ lui-même) des aspects planétaires tout a fait particuliers qu’il est inutile de révéler ici » (1).



Nous savons parfaitement à qui tout cela veut faire allusion ; nous pourrions raconter toute l’histoire de ce « Maître », ou soi-disant tel, que l’on disait être « le plus vieil esprit de la planète », et « le chef des Douze qui passèrent par la Porte du Soleil, deux ans après le milieu du siècle ».
Ceux qui refusaient de reconnaître ce « Maître » se voyaient menacés d’un « retard d’évolution », devant se traduire par une pénalité de trente-trois incarnations supplémentaires, pas une de plus ni de moins !

Pourtant, en écrivant les lignes que nous avons reproduites en dernier lieu, Papus avait encore la conviction qu’il ne pouvait que contribuer par là à modérer certaines prétentions excessives, puisqu’il ajoutait :
« Ignorant tout cela, une foule de visionnaires se sont prétendus la réincarnation du Christ sur la terre… et la liste n’est pas close. »
Cette prévision n’était que trop justifiée ; nous avons raconté ailleurs l’histoire des Messies théosophistes, et il y en a encore bien d’autres dans des milieux analogues ; mais le messianisme des « néo-spiritualistes » est capable de revêtir les formes les plus bizarres et les plus diverses, en dehors de ces « réincarnations du Christ » dont un des prototypes fut le pasteur Guillaume Monod.

1 – La Réincarnation, p. 140.

Nous ne voyons pas que, à cet égard, la théorie des « esprits de l’appartement du Christ » soit beaucoup moins extravagante que les autres ; nous savons trop quel rôle déplorable elle joua dans l’école occultiste française, et cela continue toujours dans les groupements divers qui représentent aujourd’hui les débris de cette école.
D’un autre côté, il est une « voyante » spirite, Mlle Marguerite Wolff (nous pouvons la nommer, la chose étant publique), qui a reçu de son « guide », en ces derniers temps, la mission d’annoncer « la prochaine réincarnation du Christ en France » ; elle-même se croit Catherine de Médicis réincarnée (sans parler de quelques centaines d’autres existences vécues antérieurement sur la terre et ailleurs, et dont elle aurait retrouvé le souvenir plus ou moins précis), et elle a publié une liste de plus de deux cents « réincarnations célèbres », dans laquelle elle fait connaître « ce que les grands hommes d’aujourd’hui ont été autrefois. » ; c’est là encore un cas pathologique assez remarquable (1).

Il est aussi des spirites qui ont des conceptions messianiques d’un genre tout différent : nous avons lu jadis, dans une revue spirite étrangère (nous n’avons pu retrouver la référence exacte), un article dont l’auteur critiquait assez justement ceux qui, annonçant pour un temps prochain la « seconde venue » du Christ, la présentent comme devant être une réincarnation ; mais c’était pour déclarer ensuite que, s’il ne peut admettre cette thèse, c’est tout simplement parce que le retour du Christ est déjà un fait accompli… par le spiritisme ; « Il est déjà venu, puisque, dans certains centres, on enregistre ses communications. »
Vraiment, il faut avoir une foi bien robuste pour pouvoir croire ainsi que le Christ et ses Apôtres se manifestent dans des séances spirites et parlent par l’organe des médiums, surtout quand on voit de quelle qualité sont les innombrables « communications » qui leur ont été attribuées (2).

1 – Cette équipée a en une triste fin : tombée entre les mains d’escrocs qui l’exploitèrent odieusement, la malheureuse est aujourd’hui, paraît-il, complètement désabusé sur sa « mission ».
2 – Une revue spirite assez indépendante qui se publiait à Marseille, sous le titre de La Vie Posthume, a donné jadis un amusant compte rendu d’une séance de « spiritisme piétiste » où se manifestèrent saint Jean, Jésus-Christ et Allan Kardec ; Papus a reproduit ce récit, non sans quelque malice, dans son Traité méthodique de Science occulte, pp. 332-339. – Mentionnons aussi, à propos, que les « prolégomènes » du Livre des Esprits portent les signatures suivantes : « Saint Jean l’Evangéliste, saint Augustin, saint Vincent de Paul, saint Louis, l’Esprit de Vérité, Socrate, Platon, Fénelon, Franklin, Swedenborg, etc., etc. » ; n’y a-t’il pas là de quoi rendre excusables les « exagérations » de certains disciples d’Allan Kardec ?
 

Il y eut d’autre part, dans quelques cercles américains, des « messages » où Apollonius de Tyane vint déclarer, en se faisant appuyer par divers « témoins », que c’est lui-même qui fut à la fois « le Jésus et le saint Paul des Ecritures chrétiennes », et peut-être aussi saint Jean, et qui prêcha les Evangiles, dont les originaux lui avaient été donnés par les Bouddhistes ; on peut trouver quelques-uns de ces « messages » à la fin du livre d’Henry Lacroix (1).
En dehors du spiritisme, il y eut aussi une société secrète anglo-américaine qui enseigna l’identité de saint Paul et d’Apollonius, en prétendant que la preuve s’en trouvait « dans un petit manuscrit qui est maintenant conservé dans un monastère du Midi de la France » ; il y a bien des raisons de penser que cette source est purement imaginaire, mais la concordance de cette histoire avec les « communications » spirites dont il vient d’être question rend l’origine de celles-ci extrêmement suspecte, car elle permet de penser qu’il y eut là autre chose qu’un produit de la « subconscience » de deux on trois déséquilibrés (2).

1 – Mes expériences avec les esprits, pp. 259-280. – Les « témoins » sont Caïphe, Ponce-Pilate, le proconsul Félix, le gnostique Marcion (soi-disant saint Marc), Lucien (soi-disant saint Luc), Damis, biographe d’Apollonius, le pape Grégoire VII, et même un certain Deva Bodhastuata, personnage imaginaire qui se présentait comme « le vingtseptième prophète à partir de Bouddha » ; il paraît que plusieurs d’entre eux avaient pris pour interprète l’ « esprit » de Faraday !
2 – La société secrète dont il s’agit se désignait, façon plutôt énigmatique, par la dénomination d’ « Ordre S. S. S. et Fraternité Z. Z. R. R. Z. Z. » ; elle fut en hostilité déclarée avec la H. B. of L.


Il y a encore, chez Papus, d’autres histoires qui valent presque celle des « esprits de l’appartement du Christ » ; citons-en cet exemple :


  • « De même qu’il existe des comètes qui viennent apporter la force au soleil fatigué et qui circulent entre les divers systèmes solaires, il existe aussi des envoyés cycliques qui viennent à certaines périodes remuer l’humanité engourdie dans les plaisirs ou rendue veule par une quiétude trop prolongée… Parmi ces réincarnés cycliques, qui viennent toujours d’un même appartement de l’invisible, s’ils ne sont pas du même esprit, nous citerons la réincarnation qui a frappé tant d’historiens : Alexandre, César, Napoléon. Chaque fois qu’un esprit de ce plan revient, il transforme brusquement toutes les lois de la guerre ; quel que soit le peuple qui soit mis à sa disposition, il le dynamise et en fait un instrument de conquête contre lequel rien ne peut lutter… La prochaine fois qu’il viendra, cet esprit trouvera le moyen d’empêcher la mort de plus des deux tiers de son effectif dans les combats, par la création d’un système défensif qui révolutionnera les lois de la guerre » (1).


La date de cette prochaine venue n’est pas indiquée, même approximativement, et c’est dommage ; mais peut-être faut-il louer Papus d’avoir été si prudent en la circonstance, car, chaque fois qu’il voulut se mêler de faire des prophéties un peu précises, les événements, par une incroyable malchance, ne manquèrent jamais de lui donner un démenti.
Mais voici un autre « appartement » avec lequel il nous fait faire connaissance :


  • « C’est encore la France (il vient de parler de Napoléon) qui eut le grand honneur d’incarner plusieurs fois une envoyée céleste de l’appartement de la Vierge de Lumière, joignant à la faiblesse de la femme la force de l’ange incarné. Sainte Geneviève forme le noyau de la nation francaise. Jeanne d’Arc sauve cette nation au moment où, logiquement, il n’y avait plus rien à faire » (2).



1 – La Réincarnation, pp. 155-159.
2 – Ibid., p 160.


Et, à propos de Jeanne d’Arc, il ne faut pas laisser échapper l’occasion d’une petite déclaration anticléricale et démocratique :


  • « L’Eglise Romaine est elle-même hostile à tout envoyé céleste, et il a fallu la formidable voix du peuple pour réformer le jugement des juges ecclésiastiques qui, aveuglés par la politique, ont martyrisé l’envoyée du Ciel » (1).



Si Papus fait venir Jeanne d’Arc de l’ « appartement de la Vierge de Lumière », il y eut jadis en France une secte, surtout spirite au fond, qui s’intitulait « essénienne » (cette dénomination a eu beaucoup de succès dans tous les milieux de ce genre), qui la regardait comme le « Messie féminin », comme l’égale du Christ lui-même, enfin comme le « Consolateur céleste » et « l’Esprit de Vérité annoncé par Jésus » (2) ; et il paraît que certains spirites ont été jusqu’à la considérer comme une réincarnation du Christ en personne (3).

Mais passons à un autre genre d’extravagances auxquelles l’idée de la réincarnation a également donné lieu : nous voulons parler des rapports que les spirites et les occultistes supposent entre les existences successives ; pour eux, en effet, les actions accomplies au cours d’une vie doivent avoir des conséquences dans les vies suivantes. C’est là une causalité d’une espèce très particulière ; plus exactement, c’est l’idée de sanction morale, mais qui, au lieu d’être appliquée à une « vie future » extra-terrestre comme elle l’est dans les conceptions religieuses, se trouve ramenée aux vies terrestres en vertu de cette assertion, au moins contestable, que les actions accomplies sur terre doivent avoir des effets sur terre exclusivement ; le « Maître » auquel nous avons fait allusion enseignait expressément que « c’est dans le monde où l’on a contracté des dettes que l’on vient les payer ».

1 – La Réincarnation, p, 161.
2 – Il y aurait des choses assez curieuses à dire sur cette secte, qui était d’un anticatholicisme féroce ; les fantaisies pseudo-historiques de Jacolliot y étaient fort en honneur, et on y cherchait surtout à « naturaliser » le Christianisme ; nous en avons dit quelques mots ailleurs, à propos du rôle que les théosophistes attribuent aux anciens Esséniens (Le Théosophisme, p. 194).
3 – Les Messies esséniens et l’Eglise orthodoxe, p, 319.


C’est à cette « causalité éthique » que les théosophistes ont donné le nom de karma (tout à fait improprement, puisque ce mot, en sanscrit, ne signifie pas autre chose qu’ « action ») ; dans les autres écoles, si le mot ne se trouve pas (quoique les occultistes français, malgré leur hostilité envers les théosophistes, l’emploient assez volontiers), la conception est la même au fond, et les variations ne portent que sur des points secondaires.
Quand il s’agit d’indiquer avec précision les conséquences futures de telle ou telle action déterminée, les théosophistes se montrent généralement assez réservés ; mais spirites et occultistes semblent rivaliser à qui donnera à cet égard les détails les plus minutieux et les plus ridicules : par exemple, s’il faut en croire certains, si quelqu’un s’est mal conduit envers son père, il renaîtra boiteux de la jambe droite ; si c’est envers sa mère, il sera boiteux de la jambe gauche, et ainsi de suite. Il en est d’autres qui mettent aussi, dans certains cas, les infirmités de ce genre sur le compte d’accidents arrivés dans des existences antérieures ; nous avons connu un occultiste qui, étant boiteux, croyait fermement que c’était parce que, dans sa vie précédente, il s’était cassé la jambe en sautant par une fenêtre pour s’évader des prisons de l’Inquisition.

On ne saurait croire jusqu’où peut aller le danger de ces sortes de choses : il arrive journellement, surtout dans les milieux occultistes, qu’on apprend à quelqu’un qu’il a commis autrefois tel ou tel crime, et qu’il doit s’attendre à le « payer » dans sa vie actuelle ; on ajoute encore qu’il ne doit rien faire pour échapper à ce châtiment qui l’atteindra tôt ou tard, et qui sera même d’autant plus grave que l’échéance en aura été plus reculée. Sous l’empire d’une telle suggestion, le malheureux courra véritablement au-devant du soi-disant châtiment et s’efforcera même de le provoquer ; s’il s’agit d’un fait dont l’accomplissement dépend de sa volonté, les choses les plus absurdes ne feront pas hésiter celui qui en est arrivé à ce degré de crédulité et de fanatisme.
Le « Maître » (toujours le même) avait persuadé à un de ses disciples que, en raison de nous ne savons trop quelle action commise dans une autre incarnation, il devait épouser une femme amputée de la jambe gauche ; le disciple (c’était d’ailleurs un ingénieur, donc un homme devant avoir un certain degré d’intelligence et d’instruction) fit paraître des annonces dans divers journaux pour trouver une personne remplissant la condition requise, et il finit par la trouver en effet.

Ce n’est là qu’un trait parmi bien d’autres analogues, et nous le citons parce qu’il est tout à fait caractéristique de la mentalité des gens dont il s’agit ; mais il en est qui peuvent avoir des résultats plus tragiques, et nous avons connu un autre occultiste qui, ne désirant rien tant qu’une mort accidentelle qui devait le libérer d’un lourd karma, avait tout simplement pris le parti de ne rien faire pour éviter les voitures qu’il rencontrerait sur son chemin ; s’il n’allait pas jusqu’à se jeter sous leurs roues, c’est seulement qu’il devait mourir par accident, et non par un suicide qui, au lieu d’acquitter son karma, n’eût fait au contraire que l’aggraver encore.

Qu’on n’aille pas supposer que nous exagérons le moins du monde ; ces choses-là ne s’inventent pas, et la puérilité même de certains détails est, pour qui connaît ces milieux, une garantie d’authenticité ; du reste, nous pourrions au besoin donner les noms des diverses personnes auxquelles ces aventures sont arrivées.
On ne peut que plaindre ceux qui sont les victimes de semblables suggestions ; mais que faut-il penser de ceux qui en sont les auteurs responsables ? S’ils sont de mauvaise foi, ils mériteraient assurément d’être dénoncés comme de véritables malfaiteurs ; s’ils sont sincères, ce qui est possible en bien des cas, on devrait les traiter comme des fous dangereux. Quand ces choses restent dans le domaine de la simple théorie, elles ne sont que grotesques : tel est l’exemple, bien connu chez les spirites, de la victime qui poursuit jusque dans une autre existence sa vengeance contre son meurtrier ; l’assassiné d’autrefois deviendra alors assassin à son tour, et le meurtrier, devenu victime, devra se venger à son tour dans une autre existence,… et ainsi de suite indéfiniment.

Un autre exemple du même genre est celui du cocher qui écrase un piéton ; par punition, car la « justice » posthume des spirites s’étend même à l’homicide par imprudence, ce cocher, devenu piéton dans sa vie suivante, sera écrasé par le piéton devenu cocher ; mais, logiquement, celui-ci, dont l’acte ne diffère pas du premier, devra ensuite subir la même punition, et toujours du fait de sa victime, de sorte que ces deux malheureux individus seront obligés de s’écraser ainsi alternativement l’un l’autre jusqu’à la fin des siècles, car il n’y a évidemment aucune raison pour que cela s’arrête ; que l’on demande plutôt à M. Gabriel Delaune ce qu’il pense de ce raisonnement.

Sur ce point encore, il est d’autres « néo-spiritualistes » qui ne le cèdent en rien aux spirites, et nous avons entendu un occultiste à tendances mystiques raconter l’histoire suivante, comme exemple des conséquences effrayantes que peuvent entraîner des actes considérés généralement comme assez indifférents : un écolier s’amuse à briser une plume, puis la jette ; les molécules du métal garderont, à travers toutes les transformations qu’elles auront à subir, le souvenir de la méchanceté dont cet enfant a fait preuve à leur égard ; finalement, après quelques siècles, ces molécules passeront dans les organes d’une machine quelconque, et, un jour, un accident se produira, et un ouvrier mourra broyé par cette machine ; or il se trouvera justement que cet ouvrier sera l’écolier dont il a été question, qui se sera réincarné pour subir le châtiment de son acte antérieur.

Il serait assurément difficile d’imaginer quelque chose de plus extravagant que de semblables contes fantastiques, qui suffisent pour donner une juste idée de la mentalité de ceux qui les inventent, et surtout de ceux qui y croient.


A suivre.


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Message par Ligeia Sam 10 Avr - 10:52

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L'erreur spirite, CHAPITRE VII : EXTRAVAGANCES RÉINCARNATIONNISTES


Partie 3 (dernière) :

Dans ces histoires, comme on le voit, il est le plus souvent question de châtiments ; cela peut sembler étonnant chez des gens qui se vantent d’avoir une doctrine « consolante » avant tout, mais c’est sans doute ce qui est le plus propre à frapper les imaginations. De plus, comme nous l’avons dit, on fait bien espérer des récompenses pour l’avenir ; mais, quant à faire connaître ce qui, dans la vie présente, est la récompense de telle ou telle bonne action accomplie dans le passé, il paraît que cela aurait l’inconvénient de pouvoir donner naissance à des sentiments d’orgueil ; ce serait peutêtre encore moins funeste, après tout, que de terroriser de pauvres gens avec le « paiement » de leurs « dettes » imaginaires.
Ajoutons qu’on envisage aussi quelquefois des conséquences d’un caractère plus inoffensif : c’est ainsi que Papus assure qu’ « il est rare qu’un être spirituel réincarné sur terre ne soit pas amené, par des circonstances en apparence fortuites, à parler, outre sa langue actuelle, la langue du pays de sa dernière incarnation antérieure » ( 1 ) ; il ajoute que « c’est une remarque intéressante à contrôler », mais, malheureusement, il oublie d’indiquer par quel moyen on pourrait y parvenir.

Puisque nous citons encore une fois Papus, n’oublions pas, car c’est une curiosité digne d’être notée, de dire qu’il enseignait (mais nous ne croyons pas qu’il ait osé l’écrire) que l’on peut parfois se réincarner avant d’être mort ; il reconnaissait que ce devait être un cas exceptionnel, mais enfin il présentait volontiers le tableau d’un grand-père et de son petit-fils n’ayant qu’un seul et même esprit, qui s’incarnerait progressivement dans l’enfant (telle est en effet la théorie des occultistes, qui précisent que l’incarnation n’est complète qu’au bout de sept ans) à mesure que le vieillard irait en s’affaiblissant.
Du reste, l’idée qu’on peut se réincarner dans sa propre descendance lui était particulièrement chère, parce qu’il y voyait un moyen de justifier, à son point de vue, les paroles par lesquelles « le Christ proclame que le péché peut être puni jusqu’à la septième génération » (2) ; la conception de ce qu’on pourrait appeler une « responsabilité héréditaire » semblait lui échapper entièrement, et pourtant, même physiologiquement, il y a là un fait qui n’est guère contestable. Dès lors que l’individu humain tient de ses parents certains éléments corporels et psychiques, il les prolonge en quelque sorte partiellement sous ce double rapport, il est véritablement quelque chose, deux tout en étant lui-même, et ainsi les conséquences de leurs actions peuvent s’étendre jusqu’à lui ; c’est de cette façon, du moins, que l’on peut exprimer les choses en les dépouillant de tout caractère spécifiquement moral.

1 – La Réincarnation, p. 135.
2 – Ibid., p, 35. Cette phrase paraît n’avoir aucun rapport avec le reste du passage dans lequel elle se trouve intercalée, mais nous savons qu’elle était la pensée de Papus sur ce point (cf. ibid., pp. 103-105).


Inversement, on peut dire encore que l’enfant, et même tous les descendants, sont potentiellement inclus dès l’origine dans l’individualité des parents, toujours sous le double rapport corporel et psychique, c’est-à-dire, non pas en ce qui concerne l’être proprement spirituel et personnel, mais en ce qui constitue l’individualité humaine comme telle ; et ainsi la descendance peut être regardée comme ayant participé, en une certaine manière, aux actions des parents, sans pourtant exister actuellement à l’état individualisé.
Nous indiquons là les deux aspects complémentaires de la question ; nous ne nous y arrêterons pas davantage, mais peut-être cela suffira-t-il pour que quelques-uns entrevoient tout le parti qu’on en pourrait tirer quant à la théorie du « péché originel ».

Les spirites, précisément, protestent contre cette idée du « péché originel », d’abord parce qu’elle choque leur conception spéciale de la justice, et aussi parce qu’elle a des conséquences contraires à leur théorie « progressiste » ; Allan Kardec ne veut y voir qu’une expression du fait que « l’homme est venu sur la terre, portant en soi le germe de ses passions et les traces de son infériorité primitive », de sorte que, pour lui, « le péché originel tient à la nature encore imparfaite de l’homme, qui n’est ainsi responsable que de lui-même et de ses propres fautes, et non de celles de ses pères » ; tel est du moins, sur cette question, l’enseignement qu’il attribue à l’ « esprit » de saint Louis (1).

1 – Le Livre des Esprits, pp. 445-447.

M. Léon Denis s’exprime en termes plus précis, et aussi plus violents :


  • « Le péché originel est le dogme fondamental sur lequel repose tout l’édifice des dogmes chrétiens. Idée vraie au fond, mais fausse dans la forme et dénaturée par l’Eglise. Vraie en ce sens que l’homme souffre de l’intuition qu’il conserve des fautes commises dans ses vies antérieures, et des conséquences qu’elles entraînent pour lui. Mais cette souffrance est personnelle et méritée. Nul n’est responsable des fautes d’autrui, s’il n’y a participé. Présenté sous son aspect dogmatique, le péché originel, qui punit toute la postérité d’Adam, c’est-à-dire l’humanité entière, de la désobéissance du premier couple, pour la sauver ensuite par une iniquité plus grande, l’immolation d’un juste, est un outrage à la raison et à la morale, considérés dans leurs principes essentiels : la bonté et la justice ; Il a plus fait pour éloigner l’homme de la croyance en Dieu que toutes les attaques et toutes les critiques de la philosophie » (1).


On pourrait demander à l’auteur si la transmission héréditaire d’une maladie n’est pas également, suivant sa manière de voir, « un outrage à la raison et à la morale », ce qui ne l’empêche pas d’être un fait réel et fréquent (2) ; ou pourrait lui demander aussi si la justice, entendue au sens humain (et c’est bien ainsi qu’il l’entend, sa conception de Dieu étant tout anthropomorphique et « anthropopathique »), peut consister en autre chose qu’à « compenser une injustice par une autre injustice », comme le disent les Chinois ; mais, au fond, les déclamations de ce genre ne méritent même pas la moindre discussion.

Ce qui est plus intéressant, c’est de noter ici un procédé qui est habituel aux spirites, et qui consiste à prétendre que les dogmes de l’Eglise, et aussi les diverses doctrines de l’antiquité, sont une déformation de leurs propres théories ; ils oublient seulement que celles-ci sont d’invention toute moderne, et ils ont cela de commun avec les théosophistes, qui présentent leur doctrine comme « la source de toutes les religions » : M. Léon Denis n’a-t-il pas été aussi jusqu’à déclarer formellement que « toutes les religions, à leur origine, reposent sur des faits spirites et n’ont pas d’autres sources que le spiritisme » (3) ?

1 – Christianisme et Spiritisme, pp. 93-96.
2 – En dépit de M. Léon Denis (ibid., pp. 97-98), il n’est pas nécessaire d’être matérialiste pour admettre l’hérédité ; mais les spirites, pour les besoins de leur thèse, n’hésitent pas à nier l’évidence même. M. Gabriel Delanne, par contre, admet l’hérédité dans une certaine mesure (L’Evolution animique, pp.287-301).
3 – Discours prononcé au Congrès spirite de Genève, en 1913.


Dans le cas actuel, l’opinion des spirites, c’est que la péché originel est une figure des fautes commises dans les vies antérieures, figure dont le vrai sens ne peut évidemment être compris que par ceux qui, comme eux, croient à la réincarnation ; il est fâcheux, pour la solidité de cette thèse, qu’Allan Kardec soit quelque peu postérieur à Moïse !

Les occultistes donnent du péché originel et de la chute de l’homme des interprétations qui, si elles ne sont pas mieux fondées, sont du moins plus subtiles en général ; il en est une que nous ne pouvons nous dispenser de signaler ici, car elle se rattache très directement à la théorie de la réincarnation. Cette explication appartient en propre à un occultiste français, étranger à l’école papusienne, et qui revendique pour lui seul le droit à la qualification d’ « occultiste chrétien » (quoique les autres aient la prétention d’être chrétiens aussi, à moins qu’ils ne préfèrent se dire « christiques ») ; une de ses particularités est que, se moquant à tout propos des triples et septuples sens des ésotéristes et des kabbalistes, il veut s’en tenir à l’interprétation littérale des Ecritures, ce qui ne l’empêche pas, comme on va le voir, d’accommoder cette interprétation à ses conceptions personnelles.
Il faut savoir, pour comprendre sa théorie, que cet occultiste est partisan du système géocentrique, en ce sens qu’il regarde la terre comme le centre de l’Univers, sinon matériellement, du moins par un certain privilège en ce qui concerne la nature de ses habitants (1) : pour lui, la terre est le seul monde où il y ait des êtres humains, parce que les conditions de la vie sur les autres planètes ou dans les autres systèmes sont trop différentes de celles de la terre pour qu’un homme puisse s’y adapter, d’où il résulte manifestement que, par « homme », il entend exclusivement un individu corporel, doué des cinq sens que nous connaissons, des facultés correspondantes, et de tous les organes nécessaires aux diverses fonctions de la vie humaine terrestre.

1 – D’autres occultistes, qui ont des conceptions astronomiques toutes spéciales, vont jusqu’à soutenir que la terre est, même matériellement, le centre de l’Univers.

Par suite, les hommes ne peuvent se réincarner que sur la terre, puisqu’il n’y a aucun autre lieu dans l’Univers où il leur soit possible de vivre (il va sans dire qu’il ne saurait être question là-dedans de sortir de la condition spatiale), et que d’ailleurs ils demeurent toujours hommes en se réincarnant ; on ajoute même qu’un changement de sexe leur est tout à fait impossible. A l’origine, l’homme, « sortant des mains du Créateur » (les expressions les plus anthropomorphiques doivent être prises ici à la lettre, et non comme les symboles qu’elles sont en réalité), fut placé sur la terre pour « cultiver son jardin », c’est-à-dire, à ce qu’il paraît, pour « évoluer la matière physique », supposée plus subtile alors qu’aujourd’hui.
Par « l’homme », il faut entendre la collectivité humaine tout entière, la totalité du genre humain, regardée comme la somme de tous les individus (que l’on remarque cette confusion de la notion d’espèce avec celle de collectivité, qui est très commune aussi parmi les philosophes modernes), de telle sorte que « tous les hommes », sans aucune exception, et en nombre inconnu, mais assurément fort grand, furent d’abord incarnés en même temps sur la terre.
Ce n’est pas l’avis des autres écoles, qui parlent souvent des « différences d’âge des esprits humains » (surtout ceux qui ont eu le privilège de connaître « le plus vieil esprit de la planète »), et même des moyens de les déterminer, principalement par l’examen des « aspects planétaires » de l’horoscope ; mais passons.

Dans les conditions que nous venons de dire, il ne pouvait évidemment se produire aucune naissance, puisqu’il n’y avait aucun homme non incarné, et il en fut ainsi tant que l’homme ne mourut pas, c’est-à-dire jusqu’à la chute, à laquelle tous durent ainsi participer en personne (c’est là le point essentiel de la théorie), et que l’on considère d’ailleurs comme « pouvant représenter toute une suite d’événements qui ont dû se dérouler au cours d’une période de plusieurs siècles » ; mais on évite prudemment de se prononcer sur la nature exacte de ces événements.
A partir de la chute, la matière physique devint plus grossière, ses propriétés furent modifiées, elle fut soumise à la corruption, et les hommes, emprisonnés dans cette matière, commencèrent à mourir, à « se désincarner » ; ensuite, ils commencèrent également à naître, car ces hommes « désincarnés », restés « dans l’espace » (on voit combien l’influence du spiritisme est grande dans tout cela), ou dans l’ « atmosphère invisible » de la terre, tendaient à se réincarner, à reprendre la vie physique terrestre dans de nouveaux corps humains, c’est-à-dire, en somme, à revenir à leur condition normale.

Ainsi, suivant cette conception, ce sont toujours les mêmes êtres humains qui doivent renaître périodiquement du commencement à la fin de l’humanité terrestre (en admettant que l’humanité terrestre ait une fin, car il est aussi des écoles selon lesquelles le but qu’elle doit atteindre est de rentrer en possession de l’ « immortalité physique » ou corporelle, et chacun des individus qui la composent se réincarnera sur la terre jusqu’à ce qu’il soit finalement parvenu à ce résultat).

Assurément, tout ce raisonnement est fort simple et parfaitement logique, mais à la condition d’en admettre d’abord le point de départ, et spécialement d’admettre l’impossibilité pour l’être humain d’exister dans des modalités autres que la forme corporelle terrestre, ce qui n’est en aucune façon conciliable avec les notions même les plus élémentaires de la métaphysique ; il paraît pourtant, du moins au dire de son auteur, que c’est là l’argument le plus solide que l’on puisse fournir à l’appui de l’hypothèse de la réincarnation (1) !

1 – Ceci était écrit lorsque nous avons appris la mort de l’occultiste auquel nous faisions allusion ; nous pouvons donc dire maintenant que c’est du Dr Rozier qu’il s’agit dans ce paragraphe.

Nous pouvons nous arrêter là, car nous n’avons pas la prétention d’épuiser la liste de ces excentricités ; nous en avons dit assez pour qu’on puisse se rendre compte de tout ce que la diffusion de l’idée réincarnationniste a d’inquiétant pour l’état mental de nos contemporains.
On ne doit pas s’étonner que nous ayons pris certains de nos exemples en dehors du spiritisme, car c’est à celui-ci que cette idée a été empruntée par toutes les autres écoles qui l’enseignent ; c’est donc sur le spiritisme que retombe, au moins indirectement, la responsabilité de cette étrange folie.

Enfin, nous nous excuserons d’avoir, dans ce qui précède, omis l’indication de certains noms ; nous ne voulons pas faire œuvre de polémique, et, si l’on peut assurément citer sans inconvénient, avec références à l’appui, tout ce qu’un auteur a publié sous sa propre signature, ou même sous un pseudonyme quelconque, le cas est un peu différent lorsqu’il s’agit de choses qui n’ont pas été écrites ; pourtant, si nous nous voyons obligé de donner quelque jour des précisions plus grandes, nous n’hésiterons pas à le faire dans l’intérêt de la vérité, et les circonstances seules détermineront notre conduite à cet égard.


FIN

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