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Voyage du sieur Paul Lucas et Nicolas Flamel

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Message par Saturn Sam 28 Nov - 19:16

Bonjour tout le monde! Smile

Je voudrais partager ici un texte dont René Guénon parle très brièvement dans son article "Les Centres initiatiques" et dans "Le Théosophisme, histoire d'une pseudo-religion" en abordant le sujet des véritables Rose-Croix. Voici ce qu'il dit:

"[...]D’autre part, le voyageur Paul Lucas, qui parcourut la Grèce et l’Asie Mineure sous Louis XIV, raconte qu’il rencontra à Brousse quatre derviches dont l’un, qui semblait parler toutes les langues du monde, ce qui est aussi une des facultés attribuées aux Rose-Croix, lui dit qu’il faisait partie d’un groupe de sept personnes qui se retrouvaient tous les vingt ans dans une ville désignée à l’avance ; ce même derviche lui assura que la pierre philosophale permettait de vivre un millier d’années, et il lui raconta à ce propos l’histoire de Nicolas Flamel que l’on croyait mort et qui vivait aux Indes avec sa femme. Or il est certain que les Rose-Croix, qui d’ailleurs ne constituèrent jamais une « société » au sens moderne de ce mot, eurent des liens directs avec des organisations orientales, et plus spécialement musulmanes, ce qui permet de penser que le personnage rencontré par Paul Lucas pouvait bien être l’un d’entre eux ; et, par une coïncidence assez remarquable, on verra que, dans le cas qui nous occupe présentement, quelques réponses suggèrent précisément l’existence de certains rapports avec l’Islam.[...]" (Les Centres initiatiques)

"[...]Quoi qu’il faille penser de ces assertions (dont il convient de rapprocher celle de Swedenborg, que c’est désormais parmi les Sages du Thibet et de la Tartarie qu’il faut chercher la « Parole perdue », c’est-à-dire les secrets de l’initiation), il est certain que les Rose-Croix eurent des liens avec des organisations orientales, musulmanes surtout ; en dehors de leurs propres affirmations, il y a à cet égard des rapprochements remarquables : le voyageur Paul Lucas, qui parcourut la Grèce et l’Asie Mineure sous Louis XIV, raconte qu’il rencontra à Brousse quatre derviches dont l’un, qui semblait parler toutes les langues du monde (ce qui est aussi une faculté attribuée aux Rose-Croix), lui dit qu’il faisait partie d’un groupe de sept personnes qui se retrouvaient tous les vingt ans dans une ville désignée à l’avance ; il lui assura que la pierre philosophale permettait de vivre un millier d’années, et lui raconta l’histoire de Nicolas Flamel que l’on croyait mort et qui vivait aux Indes avec sa femme.[...]" (Le Théosophisme, histoire d'une pseudo-religion, chap. IV)

Le passage que R.G mentionne est le chapitre XII du premier tome du récit d'un voyageur missioné par Louis XIV: "Voyage du sieur Paul Lucas par ordre du Roi dans la Grèce, l’Asie Mineure, la Macédoine et l’Afrique" édité en 1714.

Voyage du sieur Paul Lucas et Nicolas Flamel Voyage10

(Source: Google Livres)

Je vous partage donc ce chapitre XII dans le post ci-après Arrow

Quelques précisions: Le texte étant écrit en ancien français du XVIIIe siècle j'ai remplacé tous les " ſ " en "s" que nous connaissons aujourd'hui. J'ai laissé le reste tel quel c'est bien compréhensible (exemple: "étoit"="était", "francois"="français" etc..).
C'est un récit passionnant et l'un des rares témoignages d'une rencontre avec un véritable initié dont j'ai jamais pris connaissance.
De plus, ayant lu les deux tomes (j'adore les récits de voyageur de l'époque), aucun autre passage des deux tomes ne rapporte d'évènements extraordinaires ou sortant de l'ordinaire; l'auteur n'est pas crédule et ne cherche en aucun cas le sensationnel.
Il est tellement incrédule qu'il ne se rend pas compte qu'il a affaire à une personne excpetionnelle et rapporte la rencontre en toute bonne foi. D'ailleurs si j'étais lui, je serai resté avec le Derviche (lol! ) qui semble même vouloir l'initier si Paul Lucas le voulait bien Exclamation
Notons par ailleurs que le Derviche connaissait précisément l'histoire de Nicolas Flamel - le fait qu'il ait trouvé des documents d'un Juif, qu'il soit allé en Espagne, qu'il ait fait construire des "édifices publics" (hôpitaux, cimetières, églises et maisons pour loger les pauvres artisans), qu'il ait "trouvé" la Pierre Philosophale avec sa femme etc..- si bien qu'on ne peut douter de la véracité de ses propos.

Bref un récit édifiant sous tous égards et digne de foi, il n'est pas étonnant que René Guénon en parle et l'accrédite comme étant authentique...

Bonne lecture! Very Happy

PS: Ligeia, n'hésite pas à éditer le post du récit si il est trop dense, il était d'un bloc et j'ai essayé de faire au mieux.

Saturn

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Message par Saturn Sam 28 Nov - 19:19

C H A P I T R E XII.

Conversation avec des Dervis. Histoire de Flamel : il est encore vivant. Inscription, Prison : puits pour les Malfaiteurs. Nouvelle conversation avec l'un des Dervis.

Le 9, je fus me promener à Bournous Bathy : j'y joignis une personne de consideration du païs qui m'y avoit donné rendez-vous, & nous fûmes ensemble à une petite Mosquée où est enterré un de leurs plus fameux Dervis.. C'est un Dervis qui en a toûjours la garde, & ces sortes de lieux sont destinez aux promenades & aux recreations, Nous fûmes introduits dans un petit chiostre (kiosque?) où nous trouvâmes quatre Dervis ; ils nous firent toutes les civilitez imaginables & nous inviterent même à manger avec eux. L'on nous avoit assuré. & nous le connûmes bientôt par leur conversation, qu'ils étoient des Dervis illustres & veritablement savans. Il y en avoit un qui se disoit du païs des Usbecs (Ouzbeks) : il me parut être plus docte que les autres ; Je crois qu'il savoit toutes les langues du monde. Comme il ne me connoissoit pas pour François, après avoir parlé Turc pendant quelque tems, il me demanda si je savois parler Latin, Espagnol ou Italien. Je lui dis qu'il pouvoit me parler Italien : mais il remarqua bien tôt que ce n'étoit pas ma langue naturelle. Ainsi jugeant que je n'étois pas d'Italie, il me pria de lui dire de quel païs j'étois. Lorsqu'il le sut, il me parla François comme un homme qui auroit été élevé à Paris : comment, lui dis-je, auriez-vous demeuré en France ? Il me répondit qu'il n'y avoit jamais été, mais que son inclination le portoit fort à en entreprendre le voïage. Je l'excitai beaucoup à le faire ; & pour le persuader, je lui dis qu'il n'y avoit point de Roïaume sur la terre où l'on fût plus poli; que les étrangers sur tout y étoient bien reçus partout, & qu'il ne pouvoit attendre que beaucoup de satisfaction d'un pareil voïage. Non, non, me répondit-il, je n'en ferai rien ; je serois fou de compter sur ces esperances ; je suis un Savant , ainsi je sai qu'on ne m'y laisseroit pas en repos, ce m'est assez pour n'y plus songer. J'eus beau l'assurer qu'il se trompoit, qu'on lui avoit sans doute mal parlé de mon païs, & que la France au contraire étoit une pepiniere de Savans, que le Roi dont j'avois le bonheur d'être sujet les avoit toûjours aimez. J'eus beau lui dire, que quoique je ne fusse pas de ces Savans de profession, Sa Majesté ne laissoit pas de me faire faire à ses dépens les voïages où il me voïoit engagé; & cela, afin de découvrir les choses qui restent encore à connoître pour perfectionner les Sciences; comme les herbes qui peuvent servir à la Medecine; les Monumens antiques, qui peuvent éclaircir des faits de l'antiquité, & par consequent rendre l'histoire plus complette; les païs même, dont la vûë verifie les Cartes Geographiques : enfin j'eus beau lui rapporter des preuves de l'amour qu'on a en France pour les Sciences & pour les Savans, il attribua tout au climat, & ne parut aprouver ce que je disois que par un effet de sa civilité. Il étoit pourtant ravi de m'en entendre parler si avantageusement : il me dit même qu'il en prendroit quelque jour le chemin.
La conversation finie, les Dervis nous menerent à leur maison; elle est au bas de la montagne & proche de Bournous-Bachy : nous y bûmes le Caffé ; je pris congé d'eux & leur promis de revenir les voir. De-là je fus dans un lieu voisin, où je trouvai trois inscriptions, que j'ai mises à la fin.

Ensuite j'allai visiter la prison , où il ya un grand nombre d'appartemens pour les prisonniers. .. Au milieu est un puits de plus de 15 pieds de profondeur : c'est là qu'on met les plus scelerats. Il y avoit pour lors un homme accusé d'avoir enlevé la femme d'un autre & de plusieurs autres grands crimes. Du haut du puits on lui jettoit du pain . & avec une fîcelle on lui décendoit une petite cruche pleine d'eau. Ce jour-là je fis encore le tour du Château. Il est flanqué d'une muraille double; mais elle tombe en ruine. Dans les endroits où il n'y en a point, la roche est coupée fort droite, & il est peu de murs qui soient aussi difficiles à escalader.

Le 10, le Dervis des Usbecs me rendit ma visite: je le reçus le mieux qu'il me fut possible , & comme il m'avoit paru un Savant curieux,je lui fis voir des manuscrits que j'avois achetez : il les trouva rares & de bons Auteurs. Je dirai à la loüange de ce Dervis que c'étoit un homme dont l'exterieur même étoit veritablement extraordinaire. Il m'apprit de fort belles choses sur la Medecine, & il m'en promit pour la suite encore bien d'autres. Mais il faut, me dit-il, quelques préparations de vôtre part, & j'espere que vous serez quelque jour en état de profiter des lumieres que je puis répandre dans vôtre entendement. A le voir on ne lui auroit pas donné plus de trente ans; mais par ses discours, il paroissoit avoir déja vêcu plus d'un siécle : on se le seroit encore plus persuadé par le recit qu'il faisoit de plusieurs longs voïages qu'il disoit avoir faits.. Il me conta qu'ils étoient sept amis qui couroient ainsi le monde, tous sept dans l'intention de devenir plus parfaits; qu'en se quittant ils se donnoient le rendez-vous dans quelque Ville pour 20 ans après; & que les premiers arrivés ne manquoient pas d'y attendre les autres. Cela me fit croire que cette fois-là Brousse avoit été choisie pour le rendez vous par ces sept Savans. Ils y étoient déja quatre , & ils étoient entre eux si unis qu'on voïoit bien que ce n'étoit pas le hazard , mais une longue connoissance qui les y avoit rassemblés. Dans un long entretien avec un homme d'esprit, on a occasion de parler de plusieurs curiositez : la Religion & la Nature furent tour à tour le sujet de nos discours; enfin nous tombâmes sur la Chymie, l'Alchymie & la Cabale: je lui dis que tout cela & sur tout les idées de la Pierre Philosophale passoient dans l'esprit de bien des gens pour des Sciences fort chimeriques. Cela ne vous doit pas étonner, me repondit-il. Premierement , rien ne doit surprendre dans cette vie; le veritable Sage écoute tout sans scandale ;mais s'il a assez de moderation pour ne pas brusquer un vulgaire ignorant , est-il obligé d'abaisser son esprit, parceque les autres ne sauroient comprendre ce qu'il voit ; & doit-il se soumettre au jugement d'une populace aveugle , parcequ'elle ne sauroit soutenir une lumiere dont les yeux du vrai Sage ne peuvent être éblouïs. Qui dit Sage, continua-t-il, dit un homme à qui seul il appartient de philosopher. Il n'a aucune attache pour le monde. Il voit tout mourir & renaître en sa presence sans s'en donner le moindre souci ; il peut se procurer plus de richesses que n'en ont les plus grands Rois : mais il met tout sous ses pieds, & ce mépris genereux le rend dans l'indigence même süperieur à tous les évenemens.

Je l'arrêtai en cet endroit. Avec toutes ces belles maximes, lui dis-je, le Sage meurt comme les autres : que m'importe donc d'avoir été sage ou fait le fou toute ma vie, si la sagesse n'a aucun privilege au dessus de la folie, & que l'un n'empêche pas de mourir plûtôt que l'autre ? Ah! m'ajouta t-il, je vois bien que vous n'avez connu aucun veritable Philosophe. Apprenez donc qu'un Philosophe tel que je vous le peins , meurt à la Verité, (car la mort est une chose attachée à la nature & dont il n'est pas de l'ordre de s'exempter) mais qu'il fait aller sa vie au terme, c'est-à dire jusqu'au tems qui a été marqué par le Créateur... L'on a observé que ce tems est de mille ans, & que c'est seulement jusque là que vit le Sage. Il y parvient par la connoissance , qu'il a de la vraïe Medecine. Par elle il sait éloigner de lui tout ce qui empêche les fonctions & peut détruire le temperament de sa nature. Par elle il apprend toutes les choses dont Dieu avoit donné la connoissance au premier homme. Le premier homme les connut par sa Raison ; mais ce fut cette même Raison qui les lui ôta de l'esprit; parce qu'étant parvenu à ces connoissances naturelles, il y mêla ses propres idées. Par cette confusion qu'enfantoit une folle curiosité, il rendit defectueux l'ouvrage même du Createur: c'est ce que le Sage tâche de redresser. Les animaux n'agisssant que par instinct, se sont conservez dans la premiere institution , & ils ne vivent pas moins à present qu'au commencement du monde. L'homme est beaucoup plus parfait ; Mais a-t-il fait état de cette distinction avec laquelle on l'avoit regardé ? & n'a-t-il pas par sa propre faute perdu ce beau privilege de vivre mille ans qu'il devoit conserver avec tous ses soins possibles ? C'est donc là ce que les veritables Sages ont retrouvé; & afin que vous ne vous y trompiez plus, c'est là ce qu'on appelle la Pierre Philosophale, qui n'est point une Science chimerique, comme le pensent les demi-savans, mais une chose très-réelle. Au reste elle est connuë de peu & même impossible à la plûpart, que l'avarice ou la débauche tuent ou que l'envie de vivre fait mourir.

Surpris de tout ce que j'entendois ; comment, lui dis-je, vous voudriez assurer que tous ceux qui ont trouvé la Pierre Philosophale, vivent mille ans ? Sans doute, repliqua-t-il d'un ton plus serieux. Lorsque Dieu a favorisé quelque mortel de cette belle connoissance, il ne tient qu'à lui de vivre ses mille ans comme le premier homme. Je lui dis que dans nôtre païs il s'étoit trouvé quelques-uns de ces heureux mortels qu'on disoit avoir eu la Science vivifiante, mais qu'assurément ils n'avoient pas attendu à un âge si decrepit pour se rendre à l'autre monde. Mais continuat-il, ne savez-vous pas qu'on donne le nom de Philosophe à grand marché , ils ne l'étoient pas, ou ils ont dû vivre le tems que je vous marque.
Enfin je lui parlai de l'illustre Flamel, & je lui dis que malgré la Pierre Philosophale, il étoit mort dans toutes les formes. A ce nom il se mit à rire de ma simplicité. Comme j'avois presque commencé à le croire sur le reste, j'étois extrêmement étonné de le voir douter de ce que j'avançois. S'étant apperçû de ma surprise, il me demanda encore sur le même ton, si j'étois assez bon pour croire que Flamel fût mort. Non non, me dit-il, vous vous trompez : Flamel est vivant, ni lui, ni sa femme ne savent encore ce que c'est que la mort. Il n'y a pas trois ans que je les ai laissez l'un & l'autre aux Indes,& c'est un de mes plus fideles amis : il alloit même me marquer le tems qu'ils avoient fait connoissance, mais il se retint & me dit qu'il vouloit m'apprendre son histoire que sans doute on ne savoit pas en mon païs.

Nos Sages , continua-t-il, quoique rares dans le monde, se rencontrent également dans toutes les Sectes, & elles ont en cela peu de superiorité l'une sur l'autre. Du tems de Flamel , il y en avoit un de la Religion Juïve. Pendant les premiers tems de sa vie, il s'étoit attaché à ne point perdre de vûë les descendans de ses Freres : & sachant que la plûparts étoient allez s'habituer en France, le desir de les voir l'obligea à nous quitter pour en faire le voïage. Nous fîmes ce que nous pûmes pour l'en detourner, & plusieurs fois il changea de dessein par nos conseils. A la fin son envie extrême d'y aller le fit partir, avec promesse cependant de nous rejoindre le plûtôt qu'il lui seroit possible. Il arriva à Paris, qui étoit dès-lors comme à present la Capitale du Roïaume. Il trouva que les descendans de son Pere y étoient chez les Juifs en grande estime : il vit entre autres un Rabin de sa race, qui paroissoit vouloir devenir Savant ; c'est à dire, qui cherchoit la veritable Philosophie, & travailloit au grand oeuvre. Nôtre ami ne dedaignant point de se faire connoître à ses petits neveux, lia avec lui une amitié étroite & lui donna beaucoup d'éclaircissemens.
Mais comme la premiere matiere est longue à faire, il se contenta de mettre par écrit toute la Science de l'oeuvre; & pour lui prouver qu'il ne lui avoit point écrit des faussetez, il fit en sa presence une projection de 30 ocques (une ocque pèse 3 livres) de métal qu'il convertit en un or des plus purs. Le Rabin plein d'admiration pour nôtre frere fit tous ses efforts pour le retenir auprès de lui. Ce fut en vain, il ne voulut pas nous manquer de parole.
Enfin le Juif ne pouvant rien obtenir de lui, changea son amitié en une haine mortelle, & l'avarice qui l'étouffoit déja, lui fit prendre le noir dessein d'éteindre une des lumieres de l'Univers. Mais voulant dissimuler, il pria ce Sage de lui faire l'honneur de rester quelques jours chez lui; & pendant ce tems-là, par une trahison inouïe, il le tua, & lui prit toute sa Medecine. Des actions horribles ne sauroient demeurer long tems impunies. Le Juif fut decouvert, mis en prison, & pour quelques autres crimes dont on le convainquit encore, il fut brûlé vif. La persécution des Juifs de Paris commença peu de tems après, & vous savez qu'ils en furent tous chassez.

Flamel plus raisonnable que la plûpart des autres Parisiens , n'avoit pas fait difficulté de se lier avec quelques Juifs; il passoit même chez eux pour une personne d'une honnêteté & d'une probité reconnuë. Cela fut cause qu'un Marchand Juif prit le dessein de lui confier ses Registres & tous ses papiers ; persuadé qu'il n'en useroit point mal; & qu'il voudroit bien les sauver de l'incendie commun. Parmi ces papiers se trouvoient ceux du Rabin qui avoit été brûlé & les Livres de nôtre Sage. Le Marchand sans doute occupé de son commerce n'y avoit pas fait grande attention. Mais Flamel qui les examina de plus près, y remarquant des figures de fourneaux, d'alembics , & d'autres vases semblables ; & jugeant avec raison que ce pourroit être le secret du grand oeuvre, crut ne pas devoir s'en tenir là. Comme ces Livres étoient Hebreux, il s'en fit traduire le premier feuillet : ce peu l'aïant confirmé dans sa pensée ; pour user de prudence, & n'être pas decouvert , voici la maniere dont il s'y prit. Il se rendit en Espagne, & comme il y avoit des Juifs presque par tout : dans chaque endroit il en prioit quelqu'un de lui traduire une page de son Livre.
L'aïant traduit tout entier par ce moïen, il reprit le chemin de Paris. En revenant il se fit un ami fidele qu'il menoit avec lui pour travailler à l'oeuvre, & à qui il avoit dessein de découvrir son secret dans la suite ; mais une maladie le lui enleva avant le tems. Ainsi Flamel de retour chez lui, resolut de travailler avec sa femme : ils en vinrent à bout , & par-là s'étant acquis des richesses immenses, ils firent bâtir plusieurs grands édifices publics, & enrichirent plusieurs personnes.

La Renommée est quelquefois une chose fort incommode, mais un Sage sait par sa prudence se tirer de tous les embarras. Flamel vit bien qu'on l'arrêteroit , s'il passoit pour avoir la Pierre Philosophale; & il y avoit peu d'apparence qu'on fût long-tems sans lui attribuer cette Science, après l'éclat qu'avoient fait ses largesses. Ainsi en veritable Philosophe, qui ne se soucie pas vivre dans l'esprit du genre humain, il trouva le moïen de fuir, en faisant publier sa mort & celle de sa femme. Par ses conseils elle feignit une maladie qui eut son cours; & lorsqu'on la dit morte, elle étoit près de la Suisse où elle avoit ordre de l'attendre. L'on enterra pour elle un morceau de bois & des habits; & pour ne point manquer au ceremonial, ce fut dans une des Eglises qu'elle avoit fait bâtir. Ensuite il eut recours au même stratagême pour lui : comme l'on fait tout pour de l'argent, il n'eut pas de peine à gagner les Medecins & les gens d'Eglise. Il laissa un Testament dans les formes où il recommandoit avec soin qu'on l'enterrât avec sa femme & qu'on élevât une pyramide sur leurs sepulcres. Un second morceau de bois fut enterré à sa place, pendant que ce Sage étoit en chemin pour rejoindre sa femme.

Depuis ce tems-là ils ont mené l'un & l'autre une vie Philosophique, & ils sont tantôt dans un païs, tantôt dans un autre. Voilà la veritable histoire de Flamel & non pas ce que vous en croïez , ni ce que l'on en pense follement à Paris, où peu de gens ont connoissance de la vraie sagesse.

Ce recit me parut, & est en effet fort singulier; j'en fus d'autant plus surpris qu'il m'étoit fait par un Turc que je croïois n'avoir jamais mis le pied en France. Au reste je ne le rapporte qu'en Historien, & je passe même plusieurs autres choses encore moins croïables, qu'il me raconta cependant d'un ton affirmatif. Je me contenterai de remarquer que l'on a ordinairement une idée trop batie de la Science des Turcs, & que celui dont je parle est un homme d'un genie Superieur.

Saturn

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Message par Saturn Dim 29 Nov - 5:08

D'ailleurs, si il n'est arrivé aucun accident à Nicolas Flamel, il doit toujours être vivant de nos jours... Il est né dans la première moitié du XIVème siècle... Rolling Eyes

Saturn

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Message par Ligeia Dim 29 Nov - 11:48

Merci Saturn pour ce partage. Very Happy

Je vais juste bien préciser, pour ceux qui connaissent moins la Tradition, que les philosophes dont il est question dans le texte n'ont strictement rien à voir avec ceux du "siècle des (fausses) Lumières" et avec ceux de notre époque.
Il faut prendre "philosophie" dans son sens véritable qui est "amour de la sagesse", première étape qui doit mener à la connaissance véritable.

Seule chose qui m'étonne, c'est la façon dont est envisagée la "Pierre Philosophale", qui transforme le vil métal en or pur.

Quand le texte dit : "Mais Flamel qui les examina de plus près, y remarquant des figures de fourneaux, d'alembics , & d'autres vases semblables" : j'ai du mal à croire qu'il ne s'agisse que d'une "recette" à appliquer à l'aide de cornues au fond du laboratoire d'un alchimiste. J'ai toujours plutôt envisagé cela symboliquement comme une transmutation de l'être, la véritable réalisation du "Grand Oeuvre" en lien avec le Graal et la "pierre angulaire".

Que les "influences métalliques" puissent avoir un côté bénéfique comme support pour être "sublimées", oui je ne le nie pas et ce que l'on sait des Kabires (forgerons) le confirme (on notera qu'ils sont sept aussi...) .
De même, que de véritables initiés aient pu, pour une raison ou une autre, disposer d'or à profusion et même en "créer", est avéré. Mais ce "processus" faisait entrer en jeu les influences spirituelles et les "dons" que ces initiés avaient acquis de par leur réalisation initiatique.

C'est le seul point qui m'a un peu interloqué. Wink



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Message par Saturn Dim 29 Nov - 15:05

Il est évident qu'il ne s'agit pas de transmutation de métal, mais d'un processus de réalisation intérieure. D'ailleurs l'initié Ouzbek n'a que faire de l'or et vit simplement et pauvrement.
Mais c'est parce que tout était écrit de façon "codée" et ces Rose-Croix ont dû toujours présenter ce processus avec un langage chimique et minéral.
Même l'initié qui a laissé ces papiers pour son neveu l'a fait de cette manière mais par contre a dû lui expliquer la symbolique derrière chaque terme chimique ou minéral qu'il utilisait.

- Cependant, m'étant longtemps intéressé à l'alchimie, je m'étais toujours posé une question...: Comment Nicolas Flamel auraît pû effectuer cette réalisation sans être initié par un maître ? Quand bien même il avait accès à une technique transmise par écrit d'un véritable initié.

- Et encore d'une façon plus large: Pourquoi les alchimistes écrivait des livres, décrivant ces processus de réalisation, qui étaient destinés à un large public de non-initiés ? Quel est le but ?

Il est évident que les organisations initiatiques n'ont pas à décrire ou informer le grand public de leurs "techniques" car celles-ci sont déstinées aux initiés, et qui en plus, comportent parfois des "personnalisations" selon les élèves.

Concernant la 1ère question sur Flamel, je crois que René Guénon pensait qu'il appartenait déjà à une corporation d'artisans qui étaient les prédécesseurs des imprimeurs. Flamel était en effet copiste, écrivain public (une personne qui écrit des lettres et des actes pour des gens qui ne savent pas lire et écrire) et libraire... Il était donc probablement initié, au moins virtuellement, et a pû rendre effective cette initiation en découvrant les fameux écrits.

Par contre je n'ai jamais sû répondre à la 2ème question...


De toute façon peu importe, l'Alchimie a disparu maintenant, du moins sous cette forme...

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Message par Ligeia Dim 29 Nov - 20:09

D'accord avec ton interprétation.

J'ai retrouvé un passage intéressant :

"On pourrait objecter que, d’après quelques récits se référant surtout à la tradition rosicrucienne, certains livres auraient été chargés d’influences par leurs auteurs eux-mêmes, ce qui est en effet possible pour un livre aussi bien que pour tout autre objet quelconque ; mais, même en admettant la réalité de ce fait, il ne pourrait en tout cas s’agir que d’exemplaires déterminés et ayant été préparés spécialement à cet effet, et, en outre, chacun de ces exemplaires devait être exclusivement destiné à tel disciple à qui il était remis directement, non pas pour tenir lieu d’une initiation que ce disciple avait déjà reçue, mais uniquement pour lui fournir une aide plus efficace lorsque, au cours de son travail personnel, il se servirait du contenu de ce livre comme d’un support de méditation."
Initiation et réalisation spirituelle, chap. V, en note)

Peut-être au départ s'agissait-il donc de supports personnalisés et "chargés", qui ensuite ont été vulgarisés par des profanes qui y ont eu accès, se contentant de reproduire "la forme" ?




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Message par Saturn Lun 30 Nov - 16:53

Cela pourrait bien être le cas en effet... Surtout que beaucoup des livres parlant d'Alchimie sont des textes retrouvés après la mort de l'auteur et publiés par la suite. Ils ont connus notamment un grand élan avec l'imprimerie qui a grandement multiplié les tirages; avant ça c'était des manuscrits transmis de main à main...

Quoiqu'il en soit René Guénon ne dit jamais les choses "impunément" et ta citation est donc à prendre vraiment au sérieux !

Merci ! Smile

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Message par Ligeia Lun 30 Nov - 19:43

De rien Saturn.... Il est agréable de cheminer de concert, cela est utile à tout le monde pour perfectionner nos connaissances et échanger nos approches.  Wink

Edit :

En cherchant tout autre chose, je suis tombée sur cette note de Guénon trouvé aussi dans "Le Théosophisme" :

« Il a été publié en 1894, sous le nom de « Sapere Aude, Fra. R. R. et A. C. », un ouvrage intitulé La Science de l'Alchimie spirituelle et matérielle, qui contient un assez grand nombre d’erreurs historiques, et une traduction annotée du traité kabbalistique Æsh Mezareph, dans laquelle n’est même pas mentionné le commentaire qu’Eliphas Levi avait fait de ce livre en l’attribuant, assez gratuitement du reste, à Abraham le Juif, l’initiateur supposé de Nicolas Flamel. »

Comme cela se rapporte au sujet, je le note.

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