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"Influences errantes" et résidus psychiques...

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Message par Ligeia Ven 4 Sep - 12:10

Je vous propose deux textes éclairants sur certaines forces subtiles qui œuvrent depuis le monde intermédiaire.  

Pour s'y retrouver, il faut au préalable admettre une chose que je ne peux pas développer ici :
En simplifiant, les états individuels sont scindés en deux catégories : les états subtils (Jinns bons ou mauvais, influences errantes, résidus psychiques...) et les états grossiers (humain, vie terrestre).

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Les influences errantes



En traitant des éléments divers qui produisent les phénomènes que les spirites attribuent à ce qu’ils appellent des « esprits », nous avons fait allusion à ces forces subtiles que les taoïstes chinois appellent « influences errantes ». Nous allons donner là-dessus quelques explications complémentaires, pour écarter la confusion dans laquelle tombent trop facilement ceux – malheureusement nombreux à notre époque – qui connaissent les sciences modernes de l’Europe plus que les connaissances anciennes de l’Orient.

Nous avons fait remarquer que les influences dont il s’agit ici, étant de nature psychique, sont plus subtiles que les forces du monde sensible ou corporel. Il convient donc de ne pas les confondre avec celles-ci, même si certains de leurs effets sont similaires. Cette ressemblance pourrait surtout faire assimiler ces forces à celles de l’électricité ; elle s’explique simplement par l’analogie des lois qui régissent les divers états et les divers mondes, par la correspondance grâce à laquelle se réalisent l’ordre et l’harmonie de tous les degrés de l’Existence.

Ces « influences errantes » comprennent des variétés très distinctes les unes des autres. Certes, nous trouvons aussi dans le monde sensible des influences très variées ; mais dans le monde psychique les choses sont beaucoup plus complexes encore, par là même que le domaine psychique est beaucoup moins restreint que le domaine sensible.
Cette appellation générale d’« influences errantes » s’applique à toutes les énergies non individualisées, c’est-à-dire toutes celles qui agissent dans le milieu cosmique sans entrer dans la constitution d’un être défini quelconque. Dans certains cas, ces forces sont telles par leur nature même ; dans d’autres cas, elles dérivent d’éléments psychiques désintégrés, provenant d’anciens organismes vivants et particulièrement d’êtres humains, comme nous l’avons dit dans notre précédent article (1).
En réalité, il s’agit là d’un certain ordre de forces naturelles qui ont leurs lois propres et qui ne peuvent pas plus échapper à ces lois que les autres forces naturelles. S’il semble le plus souvent que les effets de ces forces se manifestent d’une façon capricieuse et incohérente, cela n’est dû qu’à l’ignorance des lois qui les régissent. Il suffit, par exemple, d’envisager les effets de la foudre qui ne le cèdent pas en étrangeté à ceux des forces dont nous parlons, pour comprendre qu’il n’y a réellement là rien d’extraordinaire. Et ceux qui connaissent les lois de ces forces subtiles peuvent les capter et les utiliser comme les autres forces.

Ici il importe de distinguer deux cas à l’égard de la direction de ces forces et de leur utilisation. On peut arriver à ce résultat, soit à l’aide d’intermédiaires faisant partie du monde subtil, tels que les êtres connus sous le nom de djinns, soit à l’aide d’êtres humains vivants, qui naturellement possèdent aussi les états correspondant au monde subtil, ce qui leur permet d’y exercer également une action. Les êtres qui dirigent ainsi ces forces par leur volonté – qu’ils soient hommes ou djinns– leur donnent une sorte d’individualité factice et temporaire qui n’est que le reflet de leur individualité propre et comme une ombre de cette dernière. Mais il advient fréquemment aussi que ces mêmes forces soient attirées inconsciemment par des êtres qui en ignorent les lois, mais qui y sont prédisposés par des particularités naturelles, comme par exemple les personnes que l’on est convenu de nommer aujourd’hui « médiums ».

Ceux-ci prêtent aux forces avec lesquelles ils entrent ainsi en relation une apparence d’individualité, mais au détriment de l’intégrité de leurs propres états psychiques qui subissent de ce fait un déséquilibre pouvant aller jusqu’à une désintégration partielle de l’individualité.

Il y a une remarque très importante à faire sur ce genre de captation inconsciente ou involontaire, où l’être est à la merci des forces extérieures au lieu de les diriger. Une telle attraction peut être exercée sur ces forces, non seulement par des êtres humains ou médiums comme il vient d’être dit, mais aussi à travers d’autres êtres vivants et même des objets inanimés, ou parfois par des lieux déterminés où elles viennent se concentrer de façon à produire des phénomènes assez singuliers. Ces êtres ou ces objets jouent – s’il nous est permis d’employer un terme impropre mais justifié par l’analogie avec les lois des forces physiques – un rôle de « condensateurs ». Cette condensation peut s’effectuer spontanément ; mais, d’autre part, il est possible à ceux qui connaissent les lois de ces forces subtiles, de les fixer par certains procédés, en prenant pour support certaines substances ou certains objets dont la nature est déterminée par le résultat qu’on veut en obtenir. Inversement, il est possible aussi à ces personnages de dissoudre les agglomérations de force subtile, qu’elles aient été formées volontairement par eux ou par d’autres, ou qu’elles se soient constituées spontanément. À cet égard, le pouvoir des pointes métalliques a été connu de tout temps, et il y a là une analogie remarquable avec les phénomènes électriques. Il arrive même que, lorsqu’on frappe avec une pointe le point précis où se trouve ce que l’on pourrait appeler le « nœud » de la condensation, il en jaillit des étincelles. Si, ainsi qu’il arrive souvent, cette condensation avait été produite par un sorcier, celui-ci peut être blessé ou tué par la réaction de ce coup, à quelque distance qu’il se trouve. De tels phénomènes ont été observés en tous temps et en tous lieux.

On peut comprendre les deux opérations ci-dessus mentionnées de « condensation » et de « dissolution » par leur analogie avec certains cas où l’on met en œuvre des forces d’un ordre plus ou moins différent, comme en alchimie, car elles se rapportent en dernier ressort à des lois très générales, bien connues de la science antique, plus particulièrement en Orient, mais, à ce qu’il semble, totalement inconnues des modernes.

C’est dans l’intervalle compris entre ces deux phases extrêmes de « condensation » et de « dissolution », que celui qui a capté les forces subtiles peut leur prêter cette sorte de conscience qui leur donne une individualité apparente capable d’induire en erreur l’observateur jusqu’à lui persuader qu’il a affaire à des êtres véritables.
La possibilité de « condenser » les forces sur des supports de nature très diverse, et d’en obtenir des résultats d’apparence exceptionnelle et surprenante, montre l’erreur des modernes quand ils soutiennent que la présence d’un « médium » humain est indispensable.

Remarquons ici qu’avant le spiritisme, l’emploi d’un être humain comme « condensateur » était exclusivement le fait de sorciers de l’ordre le plus inférieur, en raison des graves dangers qu’il présente pour cet être.

Nous ajouterons à ce qui précède que, outre le mode d’action dont nous venons de parler, il en existe un autre tout différent, reposant sur la condensation des forces subtiles, non plus sur des êtres ou des objets étrangers à l’individu qui accomplit ce travail, mais sur cet individu lui-même, de façon à lui permettre de les utiliser à volonté et à lui donner ainsi une possibilité permanente de produire certains phénomènes. L’usage de cette méthode est surtout répandu dans l’Inde, mais il convient de dire que ceux qui s’appliquent à produire des phénomènes extraordinaires par ce procédé aussi bien que par tout autre de ceux qui ont été énumérés ci-dessus, ne méritent point l’intérêt que certains leur accordent. En réalité, ce sont des gens dont le développement intérieur s’est arrêté à un certain stade pour une raison quelconque, au point qu’il ne leur est plus possible de le dépasser, ni, par conséquent, d’appliquer leur activité à des choses d’un ordre plus élevé.

À la vérité, la connaissance complète des lois qui permettent à l’être humain de diriger les forces subtiles a toujours été réservée à un nombre très restreint d’individus, par suite du danger qui résulterait de leur usage généralisé parmi des gens malintentionnés.

Il existe en Chine un traité très répandu sur les « influences errantes » (2). Cependant, ce traité n’envisage qu’une application très spéciale de ces forces à l’origine des maladies et à leur traitement ; tout le reste n’a jamais fait l’objet que d’un enseignement oral.

D’ailleurs, ceux qui connaissent les lois de ces « influences errantes » de façon complète, se contentent habituellement de cette connaissance et se désintéressent complètement de l’application ou de l’utilisation pratique de ces forces subtiles. Ils se refusent à provoquer le moindre phénomène pour étonner les autres ou satisfaire leur curiosité. Et si d’aventure, ils se voient contraints à produire certains phénomènes – pour des motifs totalement différents de ceux dont il est parlé ci-dessus et dans des circonstances spéciales – ils le font à l’aide de méthodes entièrement différentes et en utilisant à ces fins des forces d’un autre ordre, même si les résultats paraissent extérieurement semblables.
En effet, s’il existe une analogie entre les forces sensibles telles que l’électricité et les forces psychiques ou subtiles, il en existe une également entre ces dernières et des forces spirituelles qui peuvent, par exemple, agir également en se concentrant sur certains objets ou en certains lieux déterminés. Il est possible aussi, d’autre part, que des forces si différentes dans leur nature produisent des effets en apparence similaires. Ces ressemblances toutes superficielles sont la source d’erreurs et de confusions fréquentes, que ne peuvent éviter ceux qui s’en tiennent à la constatation des phénomènes. C’est ainsi qu’il est possible à de vulgaires sorciers, au moins jusqu’à un certain point, d’imiter quelques faits miraculeux. En dépit d’une ressemblance purement apparente quant aux résultats, il n’existe évidemment rien de commun entre les causes qui, dans les deux cas, sont totalement différentes les unes des autres.

Il ne rentre pas dans le cadre de notre sujet de traiter de l’action des forces spirituelles. Néanmoins, de ce qui précède, nous pouvons tirer la conclusion suivante : les seuls phénomènes ne sauraient constituer un critère ou une preuve à l’appui de quoi que ce soit, ni en aucune façon établir la vérité d’une théorie quelconque. D’ailleurs, les mêmes phénomènes doivent souvent être expliqués de façons différentes suivant les cas et il est bien rare qu’il n’y ait, pour des phénomènes donnés, qu’une seule explication possible.

Pour finir, nous dirons qu’une science véritable ne peut être constituée qu’en partant d’en haut, c’est-à-dire de principes, pour les appliquer aux faits qui n’en sont que des conséquences plus ou moins éloignées. Cette attitude est aux antipodes de celle de la science occidentale moderne, qui veut partir des phénomènes sensibles pour en déduire des lois générales, comme si le « plus » pouvait sortir du « moins », comme si l’inférieur pouvait contenir le supérieur, comme si la matière pouvait mesurer et limiter l’esprit.

(1) Il s’agit d’un article en arabe intitulé « le néo-spiritualisme et ses erreurs » (Ar-Rûhâniyyatu-l-hâdithah wa khat’u-hâ), signé Abdel-Wahed-Yahya, et paru dans la revue Al-Ma’rifah, n° 3, juil. 1931. On reconnaîtra là la transposition du titre français l’Erreur Spirite. [N.d.É.]
(2) Il s’agit du Traité des Influences errantes de Quang-Dzu traduit par Matgioi et inclus dans la première édition de sa Voie Rationnelle, mais retiré de la deuxième édition. [N.d.É.]



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Message par Ligeia Ven 4 Sep - 12:14

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Les résidus psychiques


Pour comprendre ce que nous avons dit en dernier lieu à propos du « chamanisme », et qui est en somme la raison principale pour laquelle nous en avons donné ici cet aperçu, il faut remarquer que ce cas des vestiges qui subsistent d’une tradition dégénérée et dont la partie supérieure ou « spirituelle » a disparu est, au fond, tout à fait comparable à celui des restes psychiques qu’un être humain laisse derrière lui en passant à un autre état, et qui, dès qu’ils ont été ainsi abandonnés par l’« esprit », peuvent aussi servir à n’importe quoi ; qu’ils soient d’ailleurs utilisés consciemment par un magicien ou un sorcier, ou inconsciemment par des spirites, les effets plus ou moins maléfiques qui peuvent en résulter n’ont évidemment rien à voir avec la qualité propre de l’être auquel ces éléments ont appartenu antérieurement ; ce n’est plus qu’une catégorie spéciale d’« influences errantes », suivant l’expression employée par la tradition extrême-orientale, qui n’ont gardé tout au plus de cet être qu’une apparence purement illusoire.

Ce dont il faut se rendre compte pour bien comprendre une telle similitude, c’est que les influences spirituelles elles-mêmes, pour entrer en action dans notre monde, doivent nécessairement prendre des « supports » appropriés, d’abord dans l’ordre psychique, puis dans l’ordre corporel lui-même, si bien qu’il y a là quelque chose d’analogue à la constitution d’un être humain.
Si ces influences spirituelles se retirent par la suite, pour une raison quelconque, leurs anciens « supports » corporels, lieux ou objets (et, quand il s’agit de lieux, leur situation est naturellement en rapport avec la « géographie sacrée » dont nous avons parlé plus haut), n’en demeureront pas moins chargés d’éléments psychiques, et qui seront même d’autant plus forts et plus persistants qu’ils auront servi d’intermédiaires et d’instruments à une action plus puissante.

On pourrait logiquement conclure de là que le cas où il s’agit de centres traditionnels et initiatiques importants, éteints depuis un temps plus ou moins long, est en somme celui qui présente les plus grands dangers à cet égard, soit que de simples imprudents provoquent des réactions violentes des « conglomérats » psychiques qui y subsistent, soit surtout que des « magiciens noirs », pour employer l’expression couramment admise, s’emparent de ceux-ci pour les manœuvrer à leur gré et en obtenir des effets conformes à leurs desseins.

Le premier des deux cas que nous venons d’indiquer suffit à expliquer, tout au moins pour une bonne part, le caractère nocif que présentent certains vestiges de civilisations disparues, lorsqu’ils viennent à être exhumés par des gens qui, comme les archéologues modernes, ignorant tout de ces choses, agissent forcément en imprudents par là même.
Ce n’est pas à dire qu’il ne puisse pas parfois y avoir encore autre chose : ainsi, telle ou telle civilisation ancienne a pu, dans sa dernière période, dégénérer par un développement excessif de la magie (1), et ses restes en garderont alors naturellement l’empreinte, sous la forme d’influences psychiques d’un ordre très inférieur.
Il se peut aussi que, même en dehors de toute dégénérescence de cette sorte, des lieux ou des objets aient été préparés spécialement en vue d’une action défensive contre ceux qui y toucheraient indûment, car de telles précautions n’ont en soi rien d’illégitime, bien que cependant le fait d’y attacher une trop grande importance ne soit pas un indice des plus favorables, puisqu’il témoigne de préoccupations assez éloignées de la pure spiritualité, et même peut-être d’une certaine méconnaissance de la puissance propre que celle-ci possède en elle-même et sans qu’il soit besoin d’avoir recours à de semblables « adjuvants ».

Mais, tout cela mis à part, les influences psychiques subsistantes, dépourvues de l’« esprit » qui les dirigeait autrefois et réduites ainsi à une sorte d’état « larvaire », peuvent fort bien réagir d’elles-mêmes à une provocation quelconque, si involontaire soit-elle, d’une façon plus ou moins désordonnée et qui, en tout cas, n’a aucun rapport avec les intentions de ceux qui les employèrent jadis à une action d’un tout autre ordre, pas plus que les manifestations saugrenues des « cadavres » psychiques qui interviennent parfois dans les séances spirites n’ont de rapport avec ce qu’auraient pu faire ou vouloir faire, en n’importe quelle circonstance, les individualités dont ils constituèrent la forme subtile et dont ils simulent encore tant bien que mal l’« identité » posthume, au grand émerveillement des naïfs qui veulent bien les prendre pour des « esprits ».

1 Il semble bien que ce cas ait été, en particulier, celui de l’Égypte ancienne.

Les influences en question peuvent donc, en bien des occasions, être déjà suffisamment malfaisantes lorsqu’elles sont simplement livrées à elles-mêmes ; c’est là un fait qui ne résulte de rien d’autre que de la nature même de ces forces du « monde intermédiaire », et auquel personne ne peut rien, pas plus qu’on ne peut empêcher l’action des forces « physiques », nous voulons dire de celles qui appartiennent à l’ordre corporel et dont s’occupent les physiciens, de causer aussi, dans certaines conditions, des accidents dont nulle volonté humaine ne saurait être rendue responsable ; seulement, on peut comprendre par là la vraie signification des fouilles modernes et le rôle qu’elles jouent effectivement pour ouvrir certaines de ces «fissures » dont nous avons parlé.
Mais, en outre, ces mêmes influences sont à la merci de quiconque saura les « capter », comme les forces « physiques » le sont également ; il va de soi que les unes et les autres pourront alors servir aux fins les plus diverses et même les plus opposées, suivant les intentions de celui qui s’en sera emparé et qui les dirigera comme il l’entend ; et, en ce qui concerne les influences subtiles, s’il se trouve que celui-là soit un « magicien noir », il est bien évident qu’il en fera un usage tout contraire à celui qu’ont pu en faire, à l’origine, les représentants qualifiés d’une tradition régulière.

Tout ce que nous avons dit jusqu’ici s’applique aux vestiges laissés par une tradition entièrement éteinte ; mais, à côté de ce cas, il y a lieu d’en envisager un autre : celui d’une ancienne civilisation traditionnelle qui se survit pour ainsi dire à elle-même, en ce sens que sa dégénérescence a été poussée à un tel point que l’«esprit» aura fini par s’en retirer totalement ; certaines connaissances, qui n’ont en elles-mêmes rien de « spirituel » et ne relèvent que de l’ordre des applications contingentes, pourront encore continuer à se transmettre, surtout les plus inférieures d’entre elles, mais, naturellement, elles seront dès lors susceptibles de toutes les déviations, car elles aussi ne représentent plus que des « résidus » d’une autre sorte, la doctrine pure dont elles devaient normalement dépendre ayant disparu.
Dans un pareil cas de « survivance », les influences psychiques antérieurement mises en œuvre par les représentants de la tradition pourront encore être « captées », même à l’insu de leurs continuateurs apparents, mais désormais illégitimes et dépourvus de toute véritable autorité ; ceux qui s’en serviront réellement à travers eux auront ainsi l’avantage d’avoir à leur disposition, comme instruments inconscients de l’action qu’ils veulent exercer, non plus seulement des objets dits « inanimés », mais aussi des hommes vivants qui servent également de « supports » à ces influences, et dont l’existence actuelle confère naturellement à celles-ci une bien plus grande vitalité.

C’est bien là exactement ce que nous avions en vue en considérant un exemple comme celui du « chamanisme », sous la réserve, bien entendu, que ceci peut ne pas s’appliquer indistinctement à tout ce qu’on a l’habitude de ranger sous cette désignation quelque peu conventionnelle, et qui, en fait, n’en est peut-être pas arrivé à un égal degré de déchéance.
Une tradition qui est ainsi déviée est véritablement morte comme telle, tout autant que celle pour laquelle il n’existe plus aucune apparence de continuation ; d’ailleurs, si elle était encore vivante, si peu que ce fût, une pareille « subversion », qui n’est en somme pas autre chose qu’un retournement de ce qui en subsiste pour le faire servir dans un sens antitraditionnel par définition même, ne pourrait évidemment avoir lieu en aucune façon.

Il convient cependant d’ajouter que, avant même que les choses en soient à ce point, et dès que des organisations traditionnelles sont assez amoindries et affaiblies pour ne plus être capables d’une résistance suffisante, des agents plus ou moins directs de l’« adversaire » (2) peuvent déjà s’y introduire pour travailler à hâter le moment où la « subversion » deviendra possible ; il n’est pas certain qu’ils y réussissent dans tous les cas, car tout ce qui a encore quelque vie peut toujours se ressaisir ; mais, si la mort se produit, l’ennemi se trouvera ainsi dans la place, pourrait-on dire, tout prêt à en tirer parti et à utiliser aussitôt le « cadavre » à ses propres fins. Les représentants de tout ce qui, dans le monde occidental, possède encore actuellement un caractère traditionnel authentique, tant dans le domaine exotérique que dans le domaine initiatique, auraient, pensons-nous, le plus grand intérêt à faire leur profit de cette dernière observation pendant qu’il en est temps encore, car, autour d’eux, les signes menaçants que constituent les « infiltrations » de ce genre ne font malheureusement pas défaut pour qui sait les apercevoir.

2 On sait qu’« adversaire » est le sens littéral du mot hébreu Shatan, et il s’agit en effet ici de « puissances » dont le caractère est bien véritablement « satanique ».

Une autre considération qui a encore son importance est celle-ci : si l’« adversaire » (dont nous essaierons de préciser un peu plus la nature par la suite) a avantage à s’emparer des lieux qui furent le siège d’anciens centres spirituels, toutes les fois qu’il le peut, ce n’est pas uniquement à cause des influences psychiques qui y sont accumulées et qui se trouvent en quelque sorte « disponibles » ; c’est aussi en raison même de la situation particulière de ces lieux, car il est bien entendu qu’ils ne furent point choisis arbitrairement pour le rôle qui leur fut assigné à une époque ou à une autre et par rapport à telle ou telle forme traditionnelle.
La « géographie sacrée », dont la connaissance détermine un tel choix, est, comme toute autre science traditionnelle d’ordre contingent, susceptible d’être détournée de son usage légitime et appliquée « à rebours » : si un point est « privilégié » pour servir à l’émission et à la direction des influences psychiques quand celles-ci sont le véhicule d’une action spirituelle, il ne le sera pas moins quand ces mêmes influences psychiques seront utilisées d’une tout autre manière et pour des fins contraires à toute spiritualité.

Ce danger de détournement de certaines connaissances, dont nous trouvons ici un exemple très net, explique d’ailleurs, notons-le en passant, bien des réserves qui sont chose toute naturelle dans une civilisation normale, mais que les modernes se montrent tout à fait incapables de comprendre, puisqu’ils attribuent communément à une volonté de « monopoliser » ces connaissances ce qui n’est en réalité qu’une mesure destinée à en empêcher l’abus autant qu’il est possible. À vrai dire, du reste, cette mesure ne cesse d’être efficace que dans le cas où les organisations dépositaires des connaissances en question laissent pénétrer dans leur sein des individus non qualifiés, voire même, comme nous venons de le dire, des agents de l’« adversaire », dont un des buts les plus immédiats sera précisément alors de découvrir ces secrets.
Tout cela n’a certes aucun rapport direct avec le véritable secret initiatique, qui, ainsi que nous l’avons dit plus haut, réside exclusivement dans l’« ineffable » et l’« incommunicable », et qui, évidemment, est par là même à l’abri de toute recherche indiscrète ; mais, bien qu’il ne s’agisse ici que de choses contingentes, on devra pourtant reconnaître que les précautions qui peuvent être prises dans cet ordre pour éviter toute déviation, et par suite toute action malfaisante qui est susceptible d’en résulter, sont loin de n’avoir pratiquement qu’un intérêt négligeable.

De toute façon, qu’il s’agisse des lieux eux-mêmes, des influences qui y demeurent attachées, ou encore des connaissances du genre de celles que nous venons de mentionner, on peut rappeler à cet égard l’adage ancien : « corruptio optimi pessima », qui s’applique peut-être plus exactement encore ici qu’en tout autre cas ; c’est bien de « corruption » qu’il convient de parler en effet, même au sens le plus littéral de ce mot, puisque les « résidus » qui sont ici en cause sont, comme nous le disions tout d’abord, comparables aux produits de la décomposition de ce qui fut un être vivant ; et, comme toute corruption est en quelque sorte contagieuse, ces produits de la dissolution des choses passées auront eux-mêmes, partout où ils seront « projetés », une action particulièrement dissolvante et désagrégeante, surtout s’ils sont utilisés par une volonté nettement consciente de ses fins.

Il y a là, pourrait-on dire, une sorte de « nécromancie » qui met en œuvre des restes psychiques tout autres que ceux des individualités humaines, et ce n’est assurément pas la moins redoutable, car elle a par là des possibilités d’action bien autrement étendues que celles de la vulgaire sorcellerie, et il n’y a même aucune comparaison possible sous ce rapport ; il faut d’ailleurs, au point où en sont les choses aujourd’hui, que nos contemporains soient vraiment bien aveugles pour n’en avoir pas même le moindre soupçon !


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Message par Ligeia Ven 4 Sep - 12:21

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Chamanisme et sorcellerie



L’époque actuelle, par là même qu’elle correspond aux dernières phases d’une manifestation cyclique, doit en épuiser les possibilités les plus inférieures ; c’est pourquoi elle utilise en quelque sorte tout ce qui avait été négligé par les époques antérieures : les sciences expérimentales et quantitatives des modernes et leurs applications industrielles, notamment, n’ont, au fond, pas d’autre caractère que celui-là ; de là vient que les sciences profanes, comme nous l’avons dit, constituent souvent, et cela même historiquement aussi bien qu’au point de vue de leur contenu, de véritables « résidus » de quelques-unes des anciennes sciences traditionnelles (1) .
Un autre fait qui concorde encore avec ceux-là, pour peu qu’on en saisisse la véritable signification, c’est l’acharnement avec lequel les modernes ont entrepris d’exhumer les vestiges d’époques passées et de civilisations disparues, auxquels ils sont d’ailleurs incapables de rien comprendre en réalité ; et c’est même là un symptôme assez peu rassurant, à cause de la nature des influences subtiles qui restent attachées à ces vestiges et qui, sans que les investigateurs s’en doutent aucunement, sont ainsi ramenées au jour avec eux et mises pour ainsi dire en liberté par cette exhumation même.

Pour que ceci puisse être mieux compris, nous allons être obligé de parler tout d’abord quelque peu de certaines choses qui, en elles-mêmes, sont, à vrai dire, tout à fait en dehors du monde moderne, mais qui n’en sont pas moins susceptibles d’être employées pour exercer, par rapport à celui-ci, une action particulièrement « désagrégeante » ; ce que nous en dirons ne sera donc une digression qu’en apparence, et ce sera d’ailleurs, en même temps, une occasion d’élucider certaines questions trop peu connues. Il nous faut ici, avant tout, dissiper encore une confusion et une erreur d’interprétation dues à la mentalité moderne : l’idée qu’il existe des choses purement « matérielles », conception exclusivement propre à celle-ci, n’est au fond, si on la débarrasse de toutes les complications secondaires qu’y ajoutent les théories spéciales des physiciens, rien d’autre que l’idée qu’il existe des êtres et des choses qui ne sont que corporels, et dont l’existence et la constitution n’impliquent aucun élément d’un ordre autre que celui-là.

1 Nous disons de quelques-unes, car il y a aussi d’autres sciences traditionnelles dont il n’est pas même resté dans le monde moderne la moindre trace, si déformée et déviée qu’elle puisse être. Il va de soi, d’autre part, que toutes les énumérations et classifications des philosophes ne concernent que les seules sciences profanes, et que les sciences traditionnelles ne sauraient aucunement rentrer dans ces cadres étroits et « systématiques » ; on peut assurément, mieux que jamais en d’autres temps, appliquer à notre époque le dicton arabe suivant lequel « il existe beaucoup de sciences, mais peu de savants » (el-ulûm kathîr, walaken el-ulamâ balîl)

Cette idée est en somme liée directement au point de vue profane tel qu’il s’affirme, sous sa forme en quelque sorte la plus complète, dans les sciences actuelles, car, celles-ci se caractérisant par l’absence de tout rattachement à des principes d’ordre supérieur, les choses qu’elles prennent pour objet de leur étude doivent être elles-mêmes conçues comme dépourvues d’un tel rattachement (en quoi se montre du reste encore le caractère « résiduel » de ces sciences) ; c’est là, pourrait on dire, une condition pour que la science soit adéquate à son objet, puisque, si elle admettait qu’il en fût autrement, elle devrait par là même reconnaître que la vraie nature de cet objet lui échappe.

Peut-être ne faut-il pas chercher ailleurs la raison pour laquelle les « scientistes » se sont tant acharnés à discréditer toute conception autre que celle-là, en la présentant comme une « superstition » due à l’imagination des « primitifs », lesquels, pour eux, ne peuvent être autre chose que des sauvages ou des hommes de mentalité enfantine, comme le veulent les théories « évolutionnistes » ; et, que ce soit de leur part incompréhension pure et simple ou parti pris volontaire, ils réussissent en fait à en donner une idée suffisamment caricaturale pour qu’une telle appréciation paraisse entièrement justifiée à tous ceux qui les croient sur parole, c’est-à-dire à la grande majorité de nos contemporains.
Il en est ainsi, en particulier, en ce qui concerne les théories des ethnologues sur ce qu’ils sont convenus d’appeler l’« animisme » ; un tel terme pourrait d’ailleurs, à la rigueur, avoir un sens acceptable, mais, bien entendu, à la condition de le comprendre tout autrement qu’ils ne le font et de n’y voir que ce qu’il peut signifier étymologiquement. En effet, le monde corporel, en réalité, ne peut pas être considéré comme un tout se suffisant à lui-même, ni comme quelque chose d’isolé dans l’ensemble de la manifestation universelle ; au contraire, et quelles que puissent être les apparences dues actuellement à la « solidification », il procède tout entier de l’ordre subtil, dans lequel il a, peut-on dire, son principe immédiat, et par l’intermédiaire duquel il se rattache, de proche en proche, à la manifestation informelle, puis au non-manifesté ; s’il en était autrement, son existence ne pourrait être qu’une illusion pure et simple, une sorte de fantasmagorie derrière laquelle il n’y aurait rien, ce qui, en somme, revient à dire qu’il n’existerait en aucune façon.

Dans ces conditions, il ne peut y avoir, dans ce monde corporel, aucune chose dont l’existence ne repose en définitive sur des éléments d’ordre subtil, et, au delà de ceux-ci, sur un principe qui peut être dit « spirituel », et sans lequel nulle manifestation n’est possible, à quelque degré que ce soit.

Si nous nous en tenons à la considération des éléments subtils, qui doivent être ainsi présents en toutes choses, mais qui y sont seulement plus ou moins cachés suivant les cas, nous pouvons dire qu’ils y correspondent à ce qui constitue proprement l’ordre « psychique » dans l’être humain ; on peut donc, par une extension toute naturelle et qui n’implique aucun « anthropomorphisme », mais seulement une analogie parfaitement légitime, les appeler aussi « psychiques » dans tous les cas (et c’est pourquoi nous avons déjà parlé précédemment de « psychisme cosmique »), ou encore « animiques », car ces deux mots, si l’on se reporte à leur sens premier, suivant leur dérivation respectivement grecque et latine, sont exactement synonymes au fond.
Il résulte de là qu’il ne saurait exister réellement d’objets « inanimés », et c’est d’ailleurs pourquoi la « vie » est une des conditions auxquelles est soumise toute existence corporelle sans exception ; c’est aussi pourquoi personne n’a jamais pu arriver à définir d’une façon satisfaisante la distinction du « vivant » et du « non-vivant », cette question, comme tant d’autres dans la philosophie et la science modernes, n’étant insoluble que parce qu’elle n’a aucune raison de se poser vraiment, puisque le « non-vivant » n’a pas de place dans le domaine envisagé, et qu’en somme tout se réduit à cet égard à de simples différences de degrés.

On peut donc, si l’on veut, appeler « animisme » une telle façon d’envisager les choses, en n’entendant par ce mot rien de plus ni d’autre que l’affirmation qu’il y a dans celles-ci des éléments « animiques » ; et l’on voit que cet « animisme » s’oppose directement au mécanisme, comme la réalité même s’oppose à la simple apparence extérieure ; il est d’ailleurs évident que cette conception est « primitive », mais tout simplement parce qu’elle est vraie, ce qui est à peu près exactement le contraire de ce que les « évolutionnistes » veulent dire quand ils la qualifient ainsi. En même temps, et pour la même raison, cette conception est nécessairement commune à toutes les doctrines traditionnelles ; nous pourrions donc dire encore qu’elle est « normale », tandis que l’idée opposée, celle des choses « inanimées » (qui a trouvé une de ses expressions les plus extrêmes dans la théorie cartésienne des « animaux-machines »), représente une véritable anomalie, comme il en est du reste pour toutes les idées spécifiquement modernes et profanes.
Mais il doit être bien entendu qu’il ne s’agit aucunement, en tout cela, d’une « personnification » des forces naturelles que les physiciens étudient à leur façon, et encore moins de leur « adoration », comme le prétendent ceux pour qui l’« animisme » constitue ce qu’ils croient pouvoir appeler la « religion primitive » ; en réalité, ce sont des considérations qui relèvent uniquement du domaine de la cosmologie, et qui peuvent trouver leur application dans diverses sciences traditionnelles.

Il va de soi aussi que, quand il est question d’éléments « psychiques » inhérents aux choses, ou de forces de cet ordre s’exprimant et se manifestant à travers celles-ci, tout cela n’a absolument rien de « spirituel » ; la confusion de ces deux domaines est, elle encore, purement moderne, et elle n’est sans doute pas étrangère à l’idée de faire une « religion » de ce qui est science au sens le plus exact de ce mot ; en dépit de leur prétention aux « idées claires » (héritage direct, d’ailleurs, du mécanisme et du « mathématisme universel » de Descartes), nos contemporains mélangent de bien singulière façon les choses les plus hétérogènes et les plus essentiellement distinctes !

Maintenant, il importe, pour ce à quoi nous voulons en venir présentement, de remarquer que les ethnologues ont l’habitude de considérer comme « primitives » des formes qui, au contraire, sont dégénérées à un degré ou à un autre ; pourtant, bien souvent, elles ne sont pas réellement d’un niveau aussi bas que leurs interprétations le font supposer ; mais, quoi qu’il en soit, ceci explique que l’« animisme », qui ne constitue en somme qu’un point particulier d’une doctrine, ait pu être pris pour caractériser celle-ci tout entière.
En effet, dans les cas de dégénérescence, c’est naturellement la partie supérieure de la doctrine, c’est-à-dire son côté métaphysique et « spirituel », qui disparaît toujours plus ou moins complètement ; par suite, ce qui n’était originairement que secondaire, et notamment le côté cosmologique et « psychique », auquel appartiennent proprement l’« animisme » et ses applications, prend inévitablement une importance prépondérante ; le reste, même s’il subsiste encore dans une certaine mesure, peut facilement échapper à l’observateur du dehors, d’autant plus que celui-ci, ignorant la signification profonde des rites et des symboles, est incapable d’y reconnaître ce qui relève d’un ordre supérieur (pas plus qu’il ne le reconnaît dans les vestiges des civilisations entièrement disparues), et croit pouvoir tout expliquer indistinctement en termes de « magie », voire même parfois de « sorcellerie » pure et simple.

On peut trouver un exemple très net de ce que nous venons d’indiquer dans un cas comme celui du « chamanisme », qui est généralement regardé comme une des formes typiques de l’« animisme » ; cette dénomination, dont la dérivation est d’ailleurs assez incertaine, désigne proprement l’ensemble des doctrines et des pratiques traditionnelles de certains peuples mongols de la Sibérie ; mais certains l’étendent à ce qui, ailleurs, présente des caractères plus ou moins similaires.

Pour beaucoup, « chamanisme » est presque synonyme de sorcellerie, ce qui est certainement inexact, car il y a là bien autre chose ; ce mot a subi ainsi une déviation inverse de celle de « fétichisme », qui, lui, a bien étymologiquement le sens de sorcellerie, mais qui a été appliqué à des choses dans lesquelles il n’y a pas que cela non plus.
Signalons, à ce propos, que la distinction que certains ont voulu établir entre « chamanisme » et « fétichisme », considérés comme deux variétés de l’« animisme », n’est peut-être pas aussi nette ni aussi importante qu’ils le pensent : que ce soient des êtres humains, comme dans le premier, ou des objets quelconques, comme dans le second, qui servent principalement de « supports » ou de « condensateurs », si l’on peut dire, à certaines influences subtiles, c’est là une simple différence de modalités « techniques », qui, en somme, n’a rien d’absolument essentiel (2).

Si l’on considère le « chamanisme » proprement dit, on y constate l’existence d’une cosmologie très développée, et qui pourrait donner lieu à des rapprochements avec celles d’autres traditions sur de nombreux points, à commencer par la division des « trois mondes » qui semble en constituer la base même.
D’autre part, on y rencontre également des rites comparables à quelques-uns de ceux qui appartiennent à des traditions de l’ordre le plus élevé : certains, par exemple, rappellent d’une façon frappante des rites vêdiques, et qui sont même parmi ceux qui procèdent le plus manifestement de la tradition primordiale, comme ceux où les symboles de l’arbre et du cygne jouent le rôle principal. Il n’est donc pas douteux qu’il y ait là quelque chose qui, à ses origines tout au moins, constituait une forme traditionnelle régulière et normale ; il s’y est d’ailleurs conservé, jusqu’à l’époque actuelle, une certaine « transmission » des pouvoirs nécessaires à l’exercice des fonctions du « chamane » ; mais, quand on voit que celui-ci consacre surtout son activité aux sciences traditionnelles les plus inférieures, telles que la magie et la divination, on peut soupçonner par là qu’il y a une dégénérescence très réelle, et même se demander si parfois elle n’irait pas jusqu’à une véritable déviation, à laquelle les choses de cet ordre, lorsqu’elles prennent un développement aussi excessif, ne peuvent que trop facilement donner lieu.

2 Nous empruntons, dans ce qui suit, un certain nombre d’indications concernant le « chamanisme » à un exposé intitulé Shamanism of the Natives of Siberia, par I. M. Casanowicz (extrait du Smithsonian Report for 1924), dont nous devons la communication à l’obligeance de A. K. Coomaraswamy.

À vrai dire, il y a, à cet égard, des indices assez inquiétants : l’un d’eux est le lien établi entre le « chamane » et un animal, lien concernant exclusivement un individu, et qui, par conséquent, n’est aucunement assimilable au lien collectif qui constitue ce qu’on appelle à tort ou à raison le « totémisme ». Nous devons dire d’ailleurs que ce dont il s’agit ici pourrait, en soi-même, être susceptible d’une interprétation tout à fait légitime et n’ayant rien à voir avec la sorcellerie ; mais ce qui lui donne un caractère plus suspect, c’est que, chez certains peuples, sinon chez tous, l’animal est alors considéré en quelque sorte comme une forme du « chamane » lui-même ; et, d’une semblable identification à la « lycanthropie », telle qu’elle existe surtout chez des peuples de race noire (3), il n’y a peut-être pas extrêmement loin.

Mais il y a encore autre chose, et qui touche plus directement à notre sujet : les « chamanes », parmi les influences psychiques auxquelles ils ont affaire, en distinguent tout naturellement de deux sortes, les unes bénéfiques et les autres maléfiques, et, comme il n’y a évidemment rien à redouter des premières, c’est des secondes qu’ils s’occupent presque exclusivement ; tel paraît être du moins le cas le plus fréquent, car il se peut que le « chamanisme » comprenne des formes assez variées et entre lesquelles il y aurait des différences à faire sous ce rapport. Il ne s’agit d’ailleurs nullement d’un « culte » rendu à ces influences maléfiques, et qui serait une sorte de « satanisme » conscient, comme on l’a parfois supposé à tort ; il s’agit seulement, en principe, de les empêcher de nuire, de neutraliser ou de détourner leur action. La même remarque pourrait s’appliquer aussi à d’autres prétendus « adorateurs du diable » qui existent en diverses régions ; d’une façon générale, il n’est guère vraisemblable que le « satanisme » réel puisse être le fait de tout un peuple.

Cependant, il n’en est pas moins vrai que, quelle qu’en puisse être l’intention première, le maniement d’influences de ce genre, sans qu’il soit fait aucun appel à des influences d’un ordre supérieur (et encore bien moins à des influences proprement spirituelles), en arrive, par la force même des choses, à constituer une véritable sorcellerie, bien différente d’ailleurs de celle des vulgaires « sorciers de campagne » occidentaux, qui ne représente plus que les derniers débris d’une connaissance magique aussi dégénérée et réduite que possible et sur le point de s’éteindre entièrement. La partie magique du « chamanisme », assurément, a une tout autre vitalité, et c’est pourquoi elle représente quelque chose de véritablement redoutable à plus d’un égard ; en effet, le contact pour ainsi dire constant avec ces forces psychiques inférieures est des plus dangereux, d’abord pour le « chamane » lui-même, cela va de soi, mais aussi à un autre point de vue dont l’intérêt est beaucoup moins étroitement « localisé ».

3 D’après des témoins dignes de foi, il y a notamment, dans une région reculée du Soudan, toute une peuplade « lycanthrope » comprenant au moins une vingtaine de mille individus ; il y a aussi, dans d’autres contrées africaines, des organisations secrètes, telles que celle à laquelle on a donné le nom de « Société du Léopard », où certaines formes de « lycanthropie » jouent un rôle prédominant.

En effet, il peut arriver que certains, opérant de façon plus consciente et avec des connaissances plus étendues, ce qui ne veut pas dire d’ordre plus élevé, utilisent ces mêmes forces pour de tout autres fins, à l’insu des « chamanes » ou de ceux qui agissent comme eux, et qui ne jouent plus en cela que le rôle de simples instruments pour l’accumulation des forces en question en des points déterminés.
Nous savons qu’il y a ainsi, par le monde, un certain nombre de « réservoirs » d’influences dont la répartition n’a assurément rien de « fortuit », et qui ne servent que trop bien aux desseins de certaines « puissances » responsables de toute la déviation moderne ; mais cela demande encore d’autres explications, car on pourrait, à première vue, s’étonner que les restes de ce qui fut autrefois une tradition authentique se prêtent à une « subversion » de ce genre.



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"Influences errantes" et résidus psychiques... Empty Magie et illusions psychiques...

Message par Ligeia Lun 7 Sep - 8:38

"Quand nous parlons ici de ravages et de victimes, ce ne sont point de simples métaphores : toutes les choses de ce genre, et le spiritisme plus encore que les autres, ont pour résultat de déséquilibrer et de détraquer irrémédiablement une foule de malheureux qui, s’ils ne les avaient rencontrées sur leur chemin, auraient pu continuer à vivre d’une vie normale."

Guénon, L'erreur spirite.


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La confusion du psychique et du spirituel

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Ce que nous avons dit au sujet de certaines explications psychologiques des doctrines traditionnelles représente un cas particulier d’une confusion très répandue dans le monde moderne, celle des deux domaines psychique et spirituel ; et cette confusion, même quand elle ne va pas jusqu’à une subversion comme celle de la psychanalyse, assimilant le spirituel à ce qu’il y a de plus inférieur dans l’ordre psychique, n’en est pas moins extrêmement grave dans tous les cas. Il y a d’ailleurs là, en quelque sorte, une conséquence naturelle du fait que les Occidentaux, depuis longtemps déjà, ne savent plus distinguer l’« âme » et l’« esprit » (et le dualisme cartésien y est assurément pour beaucoup, puisqu’il confond en une seule et même chose tout ce qui n’est pas le corps, et que cette chose vague et mal définie y est désignée indifféremment par l’un et l’autre nom) ; aussi cette confusion se manifeste t’elle à chaque instant jusque dans le langage courant ; le nom d’« esprits » donné vulgairement à des « entités » psychiques qui n’ont certes rien de « spirituel », et la dénomination même du « spiritisme » qui en est dérivée, sans parler de cette autre erreur qui fait aussi appeler « esprit » ce qui n’est en réalité que le « mental », en seront ici des exemples suffisants. Il n’est que trop facile de voir les conséquences fâcheuses qui peuvent résulter d’un pareil état de choses : propager cette confusion, surtout dans les conditions actuelles, c’est, qu’on le veuille ou non, engager des êtres à se perdre irrémédiablement dans le chaos du « monde intermédiaire », et, par là même, c’est faire, souvent inconsciemment d’ailleurs, le jeu des forces « sataniques » qui régissent ce que nous avons appelé la « contre-initiation ».

Ici, il importe de bien préciser afin d’éviter tout malentendu : on ne peut pas dire qu’un développement quelconque des possibilités d’un être, même dans un ordre peu élevé comme celui que représente le domaine psychique, soit essentiellement « maléfique » en lui-même ; mais il ne faut pas oublier que ce domaine est par excellence celui des illusions, et il faut d’ailleurs toujours savoir situer chaque chose à la place qui lui appartient normalement ; en somme, tout dépend de l’usage qui est fait d’un tel développement, et, avant tout, il est nécessaire de considérer s’il est pris pour une fin en soi, ou au contraire pour un simple moyen en vue d’atteindre un but d’ordre supérieur.

En effet, n’importe quoi peut, suivant les circonstances de chaque cas particulier, servir d’occasion ou de « support » à celui qui s’engage dans la voie qui doit le mener à une « réalisation » spirituelle ; cela est vrai surtout au début, en raison de la diversité des natures individuelles dont l’influence est alors à son maximum, mais il en est encore ainsi, jusqu’à un certain point, tant que les limites de l’individualité ne sont pas entièrement dépassées.
Mais, d’un autre côté, n’importe quoi peut tout aussi bien être un obstacle qu’un « support » si l’être s’y arrête et se laisse illusionner et égarer par certaines apparences de « réalisation » qui n’ont aucune valeur propre et ne sont que des résultats tout accidentels et contingents, si même on peut les regarder comme des résultats à un point de vue quelconque ; et ce danger d’égarement existe toujours, précisément, tant qu’on n’est encore que dans l’ordre des possibilités individuelles ; c’est d’ailleurs en ce qui concerne les possibilités psychiques qu’il est incontestablement le plus grand, et cela d’autant plus, naturellement, que ces possibilités sont d’un ordre plus inférieur.

Le danger est certainement beaucoup moins grave quand il ne s’agit que de possibilités d’ordre simplement corporel et physiologique ; nous pouvons citer ici comme exemple l’erreur de certains Occidentaux qui, comme nous le disions plus haut, prennent le Yoga, ou du moins le peu qu’ils connaissent de ses procédés préparatoires, pour une sorte de méthode de « culture physique » ; dans un pareil cas, on ne court guère que le risque d’obtenir, par des « pratiques » accomplies inconsidérément et sans contrôle, un résultat tout opposé à celui qu’on recherche, et de ruiner sa santé en croyant l’améliorer.
Ceci ne nous intéresse en rien, sinon en ce qu’il y a là une grossière déviation dans l’emploi de ces « pratiques » qui, en réalité, sont faites pour un tout autre usage, aussi éloigné que possible de ce domaine physiologique, et dont les répercussions naturelles dans celui-ci ne constituent qu’un simple « accident » auquel il ne convient pas d’attacher la moindre importance. Cependant, il faut ajouter que ces mêmes « pratiques » peuvent avoir aussi, à l’insu de l’ignorant qui s’y livre comme à une « gymnastique » quelconque, des répercussions dans les modalités subtiles de l’individu, ce qui, en fait, en augmente considérablement le danger : on peut ainsi, sans s’en douter aucunement, ouvrir la porte à des influences de toute sorte (et, bien entendu, ce sont toujours celles de la qualité la plus basse qui en profitent en premier lieu), contre lesquelles on est d’autant moins prémuni que parfois on ne soupçonne même pas leur existence, et qu’à plus forte raison on est incapable de discerner leur véritable nature ; mais il n’y a là, du moins, aucune prétention « spirituelle ».

Il en va tout autrement dans certains cas où entre en jeu la confusion du psychique proprement dit et du spirituel, confusion qui se présente d’ailleurs sous deux formes inverses : dans la première, le spirituel est réduit au psychique, et c’est ce qui arrive notamment dans le genre d’explications psychologiques dont nous avons parlé ; dans la seconde, le psychique est au contraire pris pour le spirituel, et l’exemple le plus vulgaire en est le spiritisme, mais les autres formes plus complexes du « néo-spiritualisme » procèdent toutes également de cette même erreur.

Dans les deux cas, c’est toujours, en définitive, le spirituel qui est méconnu ; mais le premier concerne ceux qui le nient purement et simplement, tout au moins en fait, sinon toujours d’une façon explicite, tandis que le second concerne ceux qui se donnent l’illusion d’une fausse spiritualité, et c’est ce dernier cas que nous avons plus particulièrement en vue présentement. La raison pour laquelle tant de gens se laissent égarer par cette illusion est assez simple au fond : certains recherchent avant tout de prétendus « pouvoirs », c’est-à-dire, en somme, sous une forme ou sous une autre, la production de « phénomènes » plus ou moins extraordinaires ; d’autres s’efforcent de « centrer » leur conscience sur des « prolongements » inférieurs de l’individualité humaine, les prenant à tort pour des états supérieurs, simplement parce qu’ils sont en dehors du cadre où s’enferme généralement l’activité de l’homme « moyen », cadre qui, dans l’état qui correspond au point de vue profane de l’époque actuelle, est celui de ce qu’on est convenu d’appeler la « vie ordinaire », dans laquelle n’intervient aucune possibilité d’ordre extra-corporel.
Pour ces derniers encore, du reste, c’est l’attrait du « phénomène », c’est-à-dire, au fond, la tendance « expérimentale » inhérente à l’esprit moderne, qui est le plus souvent à la racine de l’erreur : ce qu’ils veulent en effet obtenir, ce sont toujours des résultats qui soient en quelque sorte « sensibles », et c’est là ce qu’ils croient être une « réalisation » ; mais cela revient justement à dire que tout ce qui est vraiment d’ordre spirituel leur échappe entièrement, qu’ils ne le conçoivent même pas, si lointainement que ce soit, et que, manquant totalement de « qualification » à cet égard, il vaudrait encore beaucoup mieux pour eux qu’ils se contentent de rester enfermés dans la banale et médiocre sécurité de la « vie ordinaire ».

Bien entendu, il ne s’agit aucunement ici de nier la réalité des « phénomènes » en question comme tels ; ils ne sont même que trop réels, pourrions-nous dire, et ils n’en sont que plus dangereux ; ce que nous contestons formellement, c’est leur valeur et leur intérêt, surtout au point de vue d’un développement spirituel, et c’est précisément là-dessus que porte l’illusion. Si encore il n’y avait là qu’une simple perte de temps et d’efforts, le mal ne serait pas très grand après tout ; mais, en général, l’être qui s’attache à ces choses devient ensuite incapable de s’en affranchir et d’aller au delà, et il est ainsi irrémédiablement dévié ; on connaît bien, dans toutes les traditions orientales, le cas de ces individus qui, devenus de simples producteurs de « phénomènes », n’atteindront jamais à la moindre spiritualité.
Mais il y a plus encore : il peut y avoir là une sorte de développement « à rebours », qui non seulement n’apporte aucune acquisition valable, mais éloigne toujours davantage de la « réalisation » spirituelle, jusqu’à ce que l’être soit définitivement égaré dans ces « prolongements » inférieurs de son individualité auxquels nous faisions allusion tout à l’heure, et par lesquels il ne peut entrer en contact qu’avec l’« infra-humain » ; sa situation est alors sans issue, ou du moins il n’y en a qu’une, qui est une « désintégration » totale de l’être conscient ; et c’est là proprement, pour l’individu, l’équivalent de ce qu’est la dissolution finale pour l’ensemble du « cosmos » manifesté.

On ne saurait trop se méfier, à cet égard plus encore peut-être qu’à tout autre point de vue, de tout appel au « subconscient », à l’« instinct », à l’« intuition » infrarationnelle, voire même à une « force vitale » plus ou moins mal définie, en un mot à toutes ces choses vagues et obscures que tendent à exalter la philosophie et la psychologie nouvelles, et qui conduisent plus ou moins directement à une prise de contact avec les états inférieurs.
À plus forte raison doit-on se garder avec une extrême vigilance (car ce dont il s’agit ne sait que trop bien prendre les déguisements les plus insidieux) de tout ce qui induit l’être à « se fondre », nous dirions plus volontiers et plus exactement à « se confondre » ou même à « se dissoudre », dans une sorte de « conscience cosmique » exclusive de toute « transcendance », donc de toute spiritualité effective ; c’est là l’ultime conséquence de toutes les erreurs  anti-métaphysiques que désignent, sous leur aspect plus spécialement philosophique, des termes comme ceux de « panthéisme », d’« immanentisme » et de « naturalisme », toutes choses d’ailleurs étroitement connexes, conséquence devant laquelle certains reculeraient assurément s’ils pouvaient savoir vraiment de quoi ils parlent.
C’est là, en effet, prendre littéralement la spiritualité « à rebours », lui substituer ce qui en est véritablement l’inverse, puisqu’il conduit inévitablement à sa perte définitive, et c’est en quoi consiste le « satanisme » proprement dit ; qu’il soit du reste conscient ou inconscient suivant les cas, cela change assez peu les résultats ; et il ne faut pas oublier que le « satanisme inconscient » de certains, plus nombreux que jamais à notre époque de désordre étendu à tous les domaines, n’est véritablement, au fond, qu’un instrument au service du « satanisme conscient » des représentants de la « contre-initiation ».

Nous avons eu ailleurs l’occasion de signaler le symbolisme initiatique d’une « navigation » s’accomplissant à travers l’Océan qui représente le domaine psychique, et qu’il s’agit de franchir, en évitant tous ses dangers, pour parvenir au but (1) ; mais que dire de celui qui se jetterait en plein milieu de cet Océan et n’aurait d’autre aspiration que de s’y noyer ?

C’est là, très exactement, ce que signifie cette soi-disant « fusion » avec une « conscience cosmique » qui n’est en réalité rien d’autre que l’ensemble confus et indistinct de toutes les influences psychiques, lesquelles, quoi que certains puissent s’imaginer, n’ont certes absolument rien de commun avec les influences spirituelles, même s’il arrive qu’elles les imitent plus ou moins dans quelques-unes de leurs manifestations extérieures (car c’est là le domaine où la « contrefaçon » s’exerce dans toute son ampleur, et c’est pourquoi ces manifestations « phénoméniques » ne prouvent jamais rien par elles-mêmes, pouvant être tout à fait semblables chez un saint et chez un sorcier).

Ceux qui commettent cette fatale méprise oublient ou ignorent tout simplement la distinction des « Eaux supérieures » et des « Eaux inférieures » ; au lieu de s’élever vers l’Océan d’en haut, ils s’enfoncent dans les abîmes de l’Océan d’en bas ; au lieu de concentrer toutes leurs puissances pour les diriger vers le monde informel, qui seul peut être dit « spirituel », ils les dispersent dans la diversité indéfiniment changeante et fuyante des formes de la manifestation subtile (qui est bien ce qui correspond aussi exactement qu’il est possible à la conception de la « réalité » bergsonienne), sans se douter que ce qu’ils prennent pour une plénitude de « vie » n’est effectivement que le royaume de la mort et de la dissolution sans retour."

1 Voir Le Roi du Monde, pp. 120-121, et Autorité spirituelle et pouvoir temporel, pp. 140-144.



Guénon : La confusion du psychique et du spirituel
Chapitre XXXV du "Règne de la quantité"



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Message par Ligeia Lun 7 Sep - 8:39

Il semble utile de revenir encore et toujours à cette confusion entre le psychique et le spirituel tellement la confusion entre ces deux domaines est répandue et même entretenue à plaisir par ceux qui y ont tout intérêt afin d’illusionner les crédules.


  • "Dans les deux cas, c’est toujours, en définitive, le spirituel qui est méconnu ; mais le premier concerne ceux qui le nient purement et simplement, tout au moins en fait, sinon toujours d’une façon explicite, tandis que le second concerne ceux qui se donnent l’illusion d’une fausse spiritualité, et c’est ce dernier cas que nous avons plus particulièrement en vue présentement.

    Pour ces derniers encore, du reste, c’est l’attrait du « phénomène », c’est-à-dire, au fond, la tendance « expérimentale » inhérente à l’esprit moderne, qui est le plus souvent à la racine de l’erreur : ce qu’ils veulent en effet obtenir, ce sont toujours des résultats qui soient en quelque sorte « sensibles », et c’est là ce qu’ils croient être une « réalisation » ; mais cela revient justement à dire que tout ce qui est vraiment d’ordre spirituel leur échappe entièrement, qu’ils ne le conçoivent même pas, si lointainement que ce soit, et que, manquant totalement de « qualification » à cet égard, il vaudrait encore beaucoup mieux pour eux qu’ils se contentent de rester enfermés dans la banale et médiocre sécurité de la « vie ordinaire ». »"



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Nous venons de parler de ceux qui, voulant réagir contre le désordre actuel, mais n’ayant pas les connaissances suffisantes pour pouvoir le faire d’une manière efficace, sont en quelque sorte « neutralisés » et dirigés vers des voies sans issue ; mais, à côté de ceux-là, il y a aussi ceux qu’il n’est que trop facile de pousser au contraire plus loin sur le chemin qui mène à la subversion. Le prétexte qui leur est donné, dans l’état présent des choses, est le plus souvent celui de « combattre le matérialisme », et, assurément, la plupart y croient sincèrement ; mais, tandis que les autres, s’ils veulent aussi agir dans ce sens, en arrivent simplement aux banalités d’une vague philosophie « spiritualiste » sans aucune portée réelle, mais du moins à peu près inoffensive, ceux-ci sont orientés vers le domaine des pires illusions psychiques, ce qui est bien autrement dangereux.

En effet, alors que les premiers sont tous plus ou moins affectés à leur insu par l’esprit moderne, mais non pas assez profondément cependant pour être tout à fait aveuglés, ceux dont il s’agit maintenant en sont entièrement pénétrés et se font d’ailleurs généralement gloire d’être « modernes » ; la seule chose qui leur répugne, parmi les manifestations diverses de cet esprit, c’est le matérialisme, et ils sont tellement fascinés par cette idée unique qu’ils ne voient même pas que bien d’autres choses, comme la science et l’industrie qu’ils admirent, sont étroitement dépendantes, par leurs origines et par leur nature même, de ce matérialisme qui leur fait horreur.

Il est dès lors facile de comprendre pourquoi une telle attitude doit maintenant être encouragée et diffusée : ceux-là sont les meilleurs auxiliaires inconscients qu’il soit possible de trouver pour la seconde phase de l’action anti-traditionnelle ; le matérialisme ayant à peu près fini de jouer son rôle, ce sont eux qui répandront dans le monde ce qui doit lui succéder ; et ils seront même utilisés pour aider activement à ouvrir les « fissures » dont nous parlions précédemment, car, dans ce domaine, il ne s’agit plus seulement d’« idées » ou de théories quelconques, mais aussi, en même temps, d’une « pratique » qui les met en rapport direct avec les forces subtiles de l’ordre le plus inférieur ; ils s’y prêtent d’ailleurs d’autant plus volontiers qu’ils sont complètement illusionnés sur la véritable nature de ces forces, et qu’ils vont même jusqu’à leur attribuer un caractère « spirituel ».

C’est là ce que nous avons appelé, d’une façon générale, le « néo-spiritualisme », pour le distinguer du simple « spiritualisme » philosophique ; nous pourrions presque nous contenter de le mentionner ici « pour mémoire », puisque nous avons déjà consacré par ailleurs des études spéciales à deux de ses formes les plus répandues (1) ; mais il constitue un élément trop important, parmi ceux qui sont spécialement caractéristiques de l’époque contemporaine, pour que nous puissions nous abstenir de rappeler au moins ses traits principaux, réservant d’ailleurs pour le moment l’aspect « pseudo-initiatique » que revêtent la plupart des écoles qui s’y rattachent (à l’exception toutefois des écoles spirites qui sont ouvertement profanes, ce qui est d’ailleurs exigé par les nécessités de leur extrême « vulgarisation »), car nous aurons à revenir particulièrement là-dessus un peu plus tard.

Tout d’abord, il convient de remarquer qu’il ne s’agit point là d’un ensemble homogène, mais de quelque chose qui prend une multitude de formes diverses, bien que tout cela présente toujours assez de caractères communs pour pouvoir être réuni légitimement sous une même dénomination ; mais ce qui est le plus curieux, c’est que tous les groupements, écoles et « mouvements » de ce genre sont constamment en concurrence et même en lutte les uns avec les autres, à tel point qu’il serait difficile de trouver ailleurs, à moins que ce ne soit entre les « partis » politiques, des haines plus violentes que celles qui existent entre leurs adhérents respectifs, alors que pourtant, par une singulière ironie, tous ces gens ont la manie de prêcher la « fraternité » à tout propos et hors de propos !

Il y a là quelque chose de véritablement « chaotique », qui peut donner, même à des observateurs superficiels, l’impression du désordre poussé à l’extrême ; et, en fait, c’est bien là un indice que ce « néo-spiritualisme » représente une étape déjà assez avancée dans la voie de la dissolution.

D’autre part, le « néo-spiritualisme », en dépit de l’aversion qu’il témoigne à l’égard du matérialisme, lui ressemble cependant encore par plus d’un côté, si bien qu’on a pu employer assez justement, à ce propos, l’expression de « matérialisme transposé », c’est-à-dire, en somme, étendu au delà des limites du monde corporel ; ce qui le montre très nettement, ce sont ces représentations grossières du monde subtil et soi-disant « spirituel » auxquelles nous avons déjà fait allusion plus haut, et qui ne sont guère faites que d’images empruntées au domaine corporel.

Ce même « néo-spiritualisme » tient aussi aux étapes antérieures de la déviation moderne, d’une façon plus effective, par ce qu’on peut appeler son côté « scientiste » ; cela encore, nous l’avons signalé en parlant de l’influence exercée sur ses diverses écoles par la « mythologie » scientifique du moment où elles ont pris naissance ; et il y a lieu de noter aussi tout spécialement le rôle considérable que jouent dans leurs conceptions, d’une façon tout à fait générale et sans aucune exception, les idées « progressistes » et « évolutionnistes », qui sont bien une des marques les plus typiques de la mentalité moderne, et qui suffiraient ainsi, à elles seules, à caractériser ces conceptions comme un des produits les plus incontestables de cette mentalité.

Ajoutons que celles mêmes de ces écoles qui affectent de se donner une allure « archaïque » en utilisant à leur façon des fragments d’idées traditionnelles incomprises et déformées, ou en déguisant au besoin des idées modernes sous un vocabulaire emprunté à quelque forme traditionnelle orientale ou occidentale (toutes choses qui, soit dit en passant, sont en contradiction formelle avec leur croyance au « progrès » et à l’« évolution »), sont constamment préoccupées d’accorder ces idées anciennes ou prétendues telles avec les théories de la science moderne ; un tel travail est d’ailleurs sans cesse à refaire à mesure que ces théories changent, mais il faut dire que ceux qui s’y livrent ont leur besogne simplifiée par le fait qu’ils s’en tiennent presque toujours à ce qu’on peut trouver dans les ouvrages de « vulgarisation ».

1 L’Erreur spirite et Le Théosophisme, histoire d’une pseudo-religion.

Outre cela, le « néo-spiritualisme », par sa partie que nous avons qualifiée de « pratique », est encore très conforme aux tendances « expérimentales » de la mentalité moderne ; et c’est par là qu’il arrive à exercer peu à peu une influence sensible sur la science elle-même, et à s’y insinuer en quelque sorte au moyen de ce qu’on appelle la « métapsychique ».
Sans doute, les phénomènes auxquels celle-ci se rapporte méritent, en eux-mêmes, d’être étudiés tout aussi bien que ceux de l’ordre corporel ; mais ce qui prête à objection, c’est la façon dont elle entend les étudier, en y appliquant le point de vue de la science profane ; des physiciens (qui s’entêtent à employer leurs méthodes quantitatives jusqu’à vouloir essayer de « peser l’âme » !) et même des psychologues, au sens « officiel » de ce mot, sont assurément aussi mal préparés que possible à une étude de ce genre, et, par là même, plus susceptibles que quiconque de se laisser illusionner de toutes les façons (2).

Il y a encore autre chose : en fait, les recherches « métapsychiques » ne sont presque jamais entreprises d’une façon indépendante de tout appui de la part des « néo-spiritualistes », et surtout des spirites, ce qui prouve que ceux-ci entendent bien, en définitive, les faire servir à leur « propagande » ; et ce qui est peut-être le plus grave sous ce rapport, c’est que les expérimentateurs sont mis dans de telles conditions qu’ils se trouvent obligés d’avoir recours aux « médiums » spirites, c’est-à-dire à des individus dont les idées préconçues modifient notablement les phénomènes en question et leur donnent, pourrait-on dire, une « teinte » spéciale, et qui d’ailleurs ont été dressés avec un soin tout particulier (puisqu’il existe même des « écoles de médiums ») à servir d’instruments et de « supports » passifs à certaines influences appartenant aux « bas-fonds » du monde subtil, influences qu’ils « véhiculent » partout avec eux, et qui ne manquent pas d’affecter dangereusement tous ceux, savants ou autres, qui viennent à leur contact et qui, par leur ignorance de ce qu’il y a au fond de tout cela, sont totalement incapables de s’en défendre.

2 Nous ne voulons pas parler seulement, en cela, de la part plus ou moins grande qu’il y a lieu de faire à la fraude consciente et inconsciente, mais aussi des illusions portant sur la nature des forces qui interviennent dans la production réelle des phénomènes dits « métapsychiques ».

Nous n’y insisterons pas davantage, car nous nous sommes déjà suffisamment expliqué ailleurs sur tout cela, et nous n’avons en somme qu’à y renvoyer ceux qui souhaiteraient plus de développements à cet égard ; mais nous tenons à souligner, parce que c’est là encore quelque chose de tout à fait spécial à l’époque actuelle, l’étrangeté du rôle des « médiums » et de la prétendue nécessité de leur présence pour la production de phénomènes relevant de l’ordre subtil ; pourquoi rien de tel n’existait-il autrefois, ce qui n’empêchait nullement les forces de cet ordre de se manifester spontanément, dans certaines circonstances, avec une tout autre ampleur qu’elles ne le font dans les séances spirites ou « métapsychiques » (et cela, bien souvent, dans des maisons inhabitées ou dans des lieux déserts, ce qui exclut l’hypothèse trop commode de la présence d’un « médium » inconscient de ses facultés) ?

On peut se demander s’il n’y a pas réellement, depuis l’apparition du spiritisme, quelque chose de changé dans la façon même dont le monde subtil agit dans ses « interférences » avec le monde corporel, et ce ne serait là, au fond, qu’un nouvel exemple de ces modifications du milieu que nous avons déjà envisagées en ce qui concerne les effets du matérialisme ; mais ce qu’il y a de certain, en tout cas, c’est qu’il y a là quelque chose qui répond parfaitement aux exigences d’un « contrôle » exercé sur ces influences psychiques inférieures, déjà essentiellement « maléfiques » par elles-mêmes, pour les utiliser plus directement en vue de certaines fins déterminées, conformément au « plan » préétabli de l’œuvre de subversion pour laquelle elles sont maintenant « déchaînées » dans notre monde."


Source : Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, René Guénon.
Chapitre XXXII – Le néo-spiritualisme



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"Influences errantes" et résidus psychiques... Empty Des prétendus « pouvoirs » psychiques

Message par Ligeia Mar 8 Sep - 8:05


  • « Qu’on n’aille point opposer [à ce qui va être dit] que les « pouvoirs » spontanés pourraient être le résultat de quelque initiation reçue « en astral », si ce n’est dans des existences antérieures ; il doit être bien entendu que, quand nous parlons de l’initiation, nous entendons parler uniquement de choses sérieuses, et non point de fantasmagories d’un goût douteux. »



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Des prétendus « pouvoirs » psychiques

("Aperçus sur l'initiation", chap. XXI)

Pour en finir avec la magie et les autres choses du même ordre, nous devons traiter encore une autre question, celle des prétendus « pouvoirs » psychiques, qui d’ailleurs nous ramène plus directement à ce qui concerne l’initiation, ou plutôt les erreurs commises à son sujet, puisqu’il en est, comme nous l’avons dit au début, qui lui assignent expressément pour but « le développement des pouvoirs psychiques latents dans l’homme ».
Ce qu’ils appellent ainsi n’est pas autre chose au fond que la faculté de produire des « phénomènes » plus ou moins extraordinaires, et, en fait, la plupart des écoles pseudo-ésotériques ou pseudo-initiatiques de l’Occident moderne ne se proposent rien d’autre ; c’est là une véritable hantise chez la grande majorité de leurs adhérents, qui s’illusionnent sur la valeur de ces « pouvoirs » au point de les prendre pour le signe d’un développement spirituel, voire même pour son aboutissement, alors que, même quand ils ne sont pas un simple mirage de l’imagination, ils relèvent uniquement du domaine psychique qui n’a en réalité rien à voir avec le spirituel, et ils ne sont le plus souvent qu’un obstacle à l’acquisition de toute vraie spiritualité.

Cette illusion sur la nature et la portée des « pouvoirs » en question est le plus souvent associée à cet intérêt excessif pour la « magie » qui a aussi pour cause, ainsi que nous l’avons déjà fait remarquer, la même passion pour les « phénomènes » qui est si caractéristique de la mentalité occidentale moderne ; mais ici s’introduit une autre méprise qu’il est bon de signaler : la vérité est qu’il n’y a pas de « pouvoirs magiques », bien qu’on rencontre à chaque instant cette expression, non seulement chez ceux à qui nous faisons allusion, mais aussi, par un curieux accord dans l’erreur, chez ceux qui s’efforcent de combattre leurs tendances, tout en étant non moins ignorants qu’eux du fond des choses.
La magie devrait être traitée comme la science naturelle et expérimentale qu’elle est en réalité ; si bizarres ou exceptionnels que puissent être les phénomènes dont elle s’occupe, ils ne sont pas pour cela plus « transcendants » que d’autres, et le magicien, quand il provoque de tels phénomènes, le fait tout simplement en appliquant la connaissance qu’il a de certaines lois naturelles, celles du domaine subtil auxquelles appartiennent les forces qu’il met en jeu. Il n’y a donc là aucun « pouvoir » extraordinaire, pas plus qu’il n’y en a chez celui qui, ayant étudié une science quelconque, en met les résultats en pratique ; dira t-on, par exemple, qu’un médecin possède des « pouvoirs » parce que, sachant quel remède convient à telle ou telle maladie, il guérit celle-ci au moyen du remède en question ?
Entre le magicien et le possesseur de « pouvoirs » psychiques, il y a une différence assez comparable à celle qui existe, dans l’ordre corporel, entre celui qui accomplit un certain travail à l’aide d’une machine et celui qui le réalise par le seul moyen de la force ou de l’habileté de son organisme ; l’un et l’autre opèrent bien dans le même domaine, mais non pas de la même façon.

D’autre part, qu’il s’agisse de magie ou de « pouvoirs », il n’y a là en tout cas, nous le répétons, absolument rien de spirituel ni d’initiatique ; si nous marquons la différence entre les deux choses, ce n’est donc pas que l’une vaille plus que l’autre à notre point de vue ; mais il est toujours nécessaire de savoir exactement de quoi l’on parle et de dissiper les confusions qui ont cours à ce sujet. Les « pouvoirs » psychiques sont, chez certains individus, quelque chose de tout à fait spontané, l’effet d’une simple disposition naturelle qui se développe d’elle-même ; il est bien évident que, dans ce cas, il n’y a point à en tirer vanité, pas plus que d’une autre aptitude quelconque, puisqu’ils ne témoignent d’aucune « réalisation » voulue, et que même celui qui les possède peut ne pas soupçonner l’existence d’une telle chose : s’il n’a jamais entendu parler d’« initiation », il ne lui viendra certes pas à l’idée de se croire « initié » parce qu’il voit des choses que tout le monde ne voit pas, ou parce qu’il a parfois des rêves « prémonitoires », ou parce qu’il lui arrive de guérir un malade par simple contact, et sans qu’il sache lui-même comment cela peut se faire. Mais il y a aussi le cas où de semblables « pouvoirs » sont acquis ou développés artificiellement, comme résultat de certains « entraînements » spéciaux ; c’est là quelque chose de plus dangereux, car cela va rarement sans provoquer un certain déséquilibre ; et, en même temps, c’est dans ce cas que l’illusion se produit le plus facilement : il y a des gens qui sont persuadés qu’ils ont obtenu certains « pouvoirs », parfaitement imaginaires en fait, soit simplement sous l’influence de leur désir et d’une sorte d’« idée fixe », soit par l’effet d’une suggestion qu’exerce sur eux quelqu’un de ces milieux où se pratiquent d’ordinaire les « entraînements » de ce genre.

C’est là surtout qu’on parle d’« initiation » à tort et à travers, en l’identifiant plus ou moins à l’acquisition de ces trop fameux « pouvoirs » ; il n’est donc pas étonnant que des esprits faibles ou des ignorants se laissent en quelque sorte fasciner par de pareilles prétentions, que suffit pourtant à réduire à néant la constatation de l’existence du premier cas dont nous avons parlé, puisque, dans celui-là, il se trouve des « pouvoirs » tout à fait semblables, sinon même souvent plus développés et plus authentiques, sans qu’il y ait la moindre trace d’« initiation » réelle ou supposée. Ce qui est peut-être le plus singulier et le plus difficilement compréhensible, c’est que les possesseurs de ces « pouvoirs » spontanés, s’il leur arrive d’entrer en contact avec ces mêmes milieux pseudo-initiatiques, sont parfois amenées à croire, eux aussi, qu’ils sont des « initiés » ; ils devraient assurément mieux savoir à quoi s’en tenir sur le caractère réel de ces facultés, qui se rencontrent du reste, à un degré ou à un autre, chez beaucoup d’enfants fort ordinaires par ailleurs, bien que souvent, par la suite, elles disparaissent plus ou moins rapidement.

La seule excuse à toutes ces illusions, c’est que nul de ceux qui les provoquent et les entretiennent chez eux-mêmes ou chez les autres n’a la moindre notion de ce qu’est la véritable initiation ; mais bien entendu, cela n’en atténue aucunement le danger, soit quant aux troubles psychiques et même physiologiques qui sont l’accompagnement habituel de ces sortes de choses, soit quant aux conséquences plus éloignées, encore plus graves, d’un développement désordonné de possibilités inférieures qui, comme nous l’avons dit ailleurs, va directement au rebours de la spiritualité (1).

Il est particulièrement important de remarquer que les « pouvoirs » dont il s’agit peuvent fort bien coexister avec l’ignorance doctrinale la plus complète, ainsi qu’il n’est que trop facile de la constater, par exemple, chez la plupart des « clairvoyants » et des « guérisseurs » ; cela seul prouverait suffisamment qu’ils n’ont pas le moindre rapport avec l’initiation, dont le but ne peut être que de pure connaissance.
En même temps, cela montre que leur obtention est dépourvue de tout intérêt véritable, puisque celui qui les possède n’en est pas plus avancé dans la réalisation de son être propre, réalisation qui ne fait qu’un avec la connaissance effective elle-même ; ils ne représentent que des acquisitions toutes contingentes et transitoires, exactement comparables en cela au développement corporel, qui du moins ne présente pas les mêmes dangers ; et même les quelques avantages non moins contingents que peut apporter leur exercice ne compensent certainement pas les inconvénients auxquels nous venons de faire allusion.
Encore ces avantages ne consistent-ils trop souvent qu’à étonner les naïfs et à se faire admirer d’eux, ou en d’autres satisfactions non moins vaines et puériles ; et faire étalage de ces « pouvoirs » est déjà faire preuve d’une mentalité incompatible avec toute initiation, fût-ce au degré le plus élémentaire ; que dire alors de ceux qui s’en servent pour se faire passer pour des « grands initiés » ?

N’insistons pas, car ceci ne relève plus que du charlatanisme, même si les « pouvoirs » en question sont réels dans leur ordre ; ce n’est pas, en effet, la réalité des phénomènes comme tels qui importe ici surtout, mais bien la valeur et la portée qu’il convient de leur attribuer. Il n’est pas douteux que, même chez ceux dont la bonne foi est incontestable, la part de la suggestion est fort grande en tout cela ; il n’y a, pour s’en convaincre, qu’à considérer un cas comme celui des « clairvoyants », dont les prétendues « révélations » sont aussi loin que possible de s’accorder entre elles, mais, par contre, sont toujours en rapport avec leurs propres idées ou celles de leur milieu ou de l’école à laquelle ils appartiennent.
Supposons cependant qu’il s’agisse de choses tout à fait réelles, ce qui a d’ailleurs plus de chances de se produire quand la « clairvoyance » est spontanée que quand elle a été développée artificiellement ; même dans ce cas, on ne comprend pas pourquoi ce qui est vu ou entendu dans le monde psychique aurait, d’une façon générale, plus d’intérêt ou d’importance que n’en a, dans le monde corporel, ce qu’il arrive à chacun de voir et d’entendre en se promenant dans une rue : gens dont la plupart lui sont inconnus ou indifférents, incidents qui ne le concernent en rien, fragments de conversations incohérentes ou mêmes inintelligibles, et ainsi de suite; cette comparaison est certainement celle qui donne l’idée la plus juste de ce qui se présente en fait au « clairvoyant » volontaire ou involontaire.
Le premier est plus excusable de s’y méprendre, en ce sens qu’il doit éprouver quelque peine à reconnaître que tous ses efforts, poursuivis parfois pendant des années, n’aboutissent finalement qu’à un résultat aussi dérisoire ; mais, pour ce qui est du « clairvoyant » spontané, la chose devrait lui paraître toute naturelle, comme elle l’est en effet, et, s’il n’arrivait trop souvent qu’on lui persuade qu’elle est extraordinaire, il ne songerait sans doute jamais à se préoccuper davantage de ce qu’il rencontre dans le domaine psychique que de son analogue du domaine corporel, ni à chercher des significations merveilleuses ou compliquées à ce qui en est tout à fait dépourvu dans l’immense majorité des cas.

1 Voir Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, ch. XXXV.

A vrai dire, il y a bien une raison à tout, même au fait le plus infime et le plus indifférent en apparence, mais elle nous importe si peu que nous n’en tenons aucun compte et n’éprouvons nul besoin de la rechercher, tout au moins quand il s’agit de ce qu’on est convenu d’appeler la « vie ordinaire », c’est-à-dire en somme des événements du monde corporel ; si la même règle était observée à l’égard du monde psychique (qui au fond n’est pas moins « ordinaire » en lui-même, sinon quant aux perceptions que nous en avons), que de divagations nous seraient épargnées !
Il est vrai qu’il faudrait pour cela un degré d’équilibre mental dont malheureusement les « clairvoyants », même spontanés, ne sont doués que bien rarement, et à plus forte raison ceux qui ont subi les « entraînements » psychiques dont nous parlions plus haut.

Quoi qu’il en soit, ce « désintéressement » total à l’égard des phénomènes n’en est pas moins strictement nécessaire à quiconque, se trouvant pourvu de facultés de ce genre, veut malgré cela entreprendre une réalisation d’ordre spirituel ; quant à celui qui n’en est pas pourvu naturellement, bien loin de s’efforcer de les obtenir, il doit estimer au contraire que c’est là pour lui un avantage fort appréciable en vue de cette même réalisation, en ce sens qu’il aura ainsi beaucoup moins d’obstacles à écarter ; nous reviendrons d’ailleurs bientôt sur ce dernier point.
En somme, le mot même de « pouvoirs », quand on l’emploie ainsi, a le grand tort d’évoquer l’idée d’une supériorité que ces choses ne comportent aucunement ; si l’on peut néanmoins l’accepter, ce ne saurait être que comme un simple synonyme de celui de « facultés », qui a du reste, étymologiquement, un sens à peu près identique (1) ; ce sont bien des possibilités de l’être, mais des possibilités qui n’ont rien de « transcendant », puisqu’elles sont tout entières de l’ordre individuel, et que, même dans cet ordre, elles sont bien loin d’être les plus élevées et les plus dignes d’attention.

Quant à leur conférer une valeur initiatique quelconque, ne fût-ce qu’à titre simplement auxiliaire ou préparatoire, ce serait là tout l’opposé de la vérité ; et, comme celle-ci seule compte à nos yeux, nous devons dire les choses telles qu’elles sont, sans nous préoccuper de ce qui peut plaire ou déplaire à quiconque ; les possesseurs de « pouvoirs » psychiques auraient assurément grand tort de nous en tenir rigueur, car ils ne feraient par là que nous donner encore plus entièrement raison, en manifestant leur incompréhension et leur défaut de spiritualité : comment, en effet, pourrait-on qualifier autrement le fait de tenir à une prérogative individuelle, ou plutôt à son apparence, au point de la préférer à la connaissance et à la vérité (2) ?

1 Ce sens originel du mot « faculté » est aussi celui du terme sanscrit correspondant indriya.
2 Qu’on n’aille point opposer, à ce qui vient d’être dit, que les « pouvoirs » spontanés pourraient être le résultat de quelque initiation reçue « en astral », si ce n’est dans des existences antérieures ; il doit être bien entendu que, quand nous parlons de l’initiation, nous entendons parler uniquement de choses sérieuses, et non point de fantasmagories d’un goût douteux.



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"Influences errantes" et résidus psychiques... Empty Re: "Influences errantes" et résidus psychiques...

Message par Ligeia Jeu 10 Sep - 8:18

Concernant la "magie", on pourra se reporter aussi aux textes suivants :

Magie et mysticisme :
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Chamanisme et sorcellerie :
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Je ne saurais que trop mettre en garde contre ceux qui "relativisent" l'impact que ces pratiques peuvent avoir sur l'individu et le risque que prend celui qui s'y adonne.
L’influence spirituelle et la magie n’appartiennent pas au même ordre, et cette dernière ne consiste qu'à la mise en contact avec les influences psychiques.



  • "Ajoutons encore incidemment, avant de passer à un autre aspect de la question, que cette transmission, comme d’ailleurs nous l’avons déjà fait remarquer expressément, n’a et ne peut avoir absolument rien de « magique », pour la raison même que c’est d’une influence spirituelle qu’il s’agit essentiellement, tandis que tout ce qui est d’ordre magique concerne exclusivement le maniement des seules influences psychiques.
    Même s’il arrive que l’influence spirituelle s’accompagne secondairement de certaines influences psychiques, cela n’y change rien, car ce n’est là en somme qu’une conséquence purement accidentelle, et qui n’est due qu’à la correspondance qui existe forcément toujours entre les différents ordres de réalité."


RG a toujours méprisé et dénoncé ceux qui recherchent ces pouvoirs magiques. C’est là un défaut particulièrement attaché aux occidentaux qui sont trop enclins à s'attacher aux "phénomènes". La magie, sous quelque forme qu'on vous la présente, reste dans l'ordre individuel ; seule l'initiation véritable permet de dépasser cette individualité.
La mise en contact avec ces influences inférieures, pour ceux qui ne sont pas aptes à les maîtriser, ne servira rendre ces personnes accessible "aux suggestions émanant de prétendus "Maîtres" inconnus, lesquels, en l’occurrence, ne sont que de sinistres « magiciens noirs »."


  • "Il y a là trop souvent l’illusion qui consiste à prendre pour « supérieur » ce qui ne l’est pas véritablement, simplement parce qu’il apparaît comme plus ou moins extraordinaire ou "anormal" Il nous faudrait en somme répéter ici tout ce que nous avons déjà dit ailleurs de la confusion du psychique et du spirituel, car c’est celle-là qui est le plus fréquemment commise à cet égard ; les états psychiques n’ont, en fait, rien de « supérieur » ni de « transcendant », puisqu’ils font uniquement partie de l’état individuel humain."


  • "Disons-le nettement tout de suite, les rites magiques n’ont en réalité, quant à leur but propre, aucun point commun avec les rites religieux, ni d’ailleurs (et nous serions même tenté de dire à plus forte raison) avec les rites initiatiques, comme le voudraient, d’un autre côté, les partisans de certaines des conceptions pseudo-initiatiques qui ont cours à notre époque."




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À PROPOS DE « MAGIE CÉRÉMONIELLE »

(Aperçus sur l'initiation, chapitre XX.)


Pour compléter ce qui vient d’être dit sur les cérémonies et sur leurs différences essentielles avec les rites, nous envisagerons encore un cas spécial que nous avons laissé de côté intentionnellement : ce cas est celui où il est question de « cérémonies magiques », et, bien qu’il soit assurément en dehors du sujet principal de notre étude, nous ne croyons pas inutile de le traiter avec quelque détail, puisque la magie est, comme nous l’avons déjà dit, ce qui donne lieu à une bonne partie des équivoques créées et entretenues, au sujet de l’initiation, par une foule de pseudo-initiés de tout genre ; du reste, le terme de « magie » est sans cesse appliqué aujourd’hui à tort et à travers aux choses les plus diverses, et parfois sans le moindre rapport avec ce qu’il désigne réellement.

Tout ce qui semble plus ou moins bizarre, tout ce qui sort de l’ordinaire (ou de ce qu’on est convenu de considérer comme tel), est « magique » pour certains ; nous avons déjà signalé l’application que quelques uns font de cette épithète à l’efficacité propre des rites, le plus souvent d’ailleurs avec l’intention d’en nier la réalité ; et à vrai dire, dans le langage vulgaire, le mot en est même arrivé à n’avoir plus guère d’autre sens que celui-là.

Pour d’autres, la « magie » prend l’aspect d’une chose plutôt « littéraire », un peu à la façon dont on parle couramment aussi de la « magie du style » ; et c’est surtout à la poésie (ou tout au moins à certaine poésie, sinon à toute indistinctement) qu’ils veulent attribuer ce caractère « magique ». Dans ce dernier cas, il y a une confusion peut-être moins grossière, mais qu’il importe d’autant plus de dissiper : il est exact que la poésie, à ses origines et avant qu’elle n’ait dégénéré en simple « littérature » et en expression d’une pure fantaisie individuelle, était quelque chose de tout différent, dont la notion peut en somme se rattacher directement à celle des mantras (1) ; il pouvait donc y avoir réellement alors une poésie magique, aussi bien qu’une poésie destinée à produire des effets d’un ordre beaucoup plus élevé (2) ; mais, dès lors qu’il s’agit au contraire de poésie profane (et c’est bien celle-ci que les modernes ont en vue inévitablement, puisque, même quand il leur arrive de se trouver en présence de l’autre, ils ne savent pas l’en distinguer et croient encore n’avoir affaire qu’à de la « littérature »), il ne peut plus être question de rien de tel, non plus, quoi qu’on en puisse dire (et ceci est encore un autre abus de langage), que d’« inspiration » au seul véritable sens de ce mot, c’est-à-dire au sens proprement « supra-humain ».

1 Les livres sacrés, ou du moins certains d’entre eux, peuvent être des « poèmes » en ce sens, mais ils ne le sont certainement pas au sens « littéraire » où le prétendent les « critiques » modernes, qui veulent encore par là les ramener à un niveau purement humain.
2 Les seuls vestiges de poésie magique qu’on puisse trouver encore actuellement en Occident font partie de ce que nos contemporains sont convenus d’appeler les « superstitions populaires » ; c’est en effet dans la sorcellerie des campagnes qu’ils se rencontrent surtout.


Nous ne contestons pas, bien entendu, que la poésie profane, comme d’ailleurs n’importe quelle expression d’idées ou de sentiments quelconques, puisse produire des effets psychologiques ; mais cela est une tout autre question et, précisément, n’a absolument rien à voir avec la magie ; cependant, ce point est à retenir, car il peut y avoir là la source d’une confusion qui, en ce cas, serait simplement corrélative d’une autre erreur que les modernes commettent fréquemment aussi quant à la nature de la magie elle-même, et sur laquelle nous allons avoir à revenir par la suite.

Cela dit, nous rappellerons que la magie est proprement une science, on peut même dire une science « physique » au sens étymologique de ce mot, puisqu’il s’agit des lois et de la production de certains phénomènes (et c’est d’ailleurs, comme nous l’avons déjà indiqué, le caractère « phénoménique » de la magie qui intéresse certains Occidentaux modernes, parce qu’il satisfait leurs tendances « expérimentalistes ») ; seulement, il importe de préciser que les forces qui interviennent ici appartiennent à l’ordre subtil, et non pas à l’ordre corporel, et c’est en cela qu’il serait complètement faux de vouloir assimiler cette science à la « physique » prise dans le sens restreint où l’entendent les modernes, cette erreur se rencontre du reste aussi en fait, puisque certains ont cru pouvoir rapporter les phénomènes magiques à l’électricité ou à des « radiations » quelconques du même ordre.

Maintenant, si la magie a ce caractère de science, on se demandera peut-être comment il est possible qu’il soit question de rites magiques, et il faut reconnaître que cela doit être en effet assez embarrassant pour les modernes, étant donnée l’idée qu’ils se font des sciences ; là où ils voient des rites, ils pensent qu’il s’agit nécessairement de tout autre chose, qu’ils cherchent presque toujours à identifier plus ou moins complètement avec la religion ; mais, disons-le nettement tout de suite, les rites magiques n’ont en réalité, quant à leur but propre, aucun point commun avec les rites religieux, ni d’ailleurs (et nous serions même tenté de dire à plus forte raison) avec les rites initiatiques, comme le voudraient, d’un autre côté, les partisans de certaines des conceptions pseudo-initiatiques qui ont cours à notre époque ; et pourtant, quoiqu’ils soient entièrement en dehors de ces catégories, il y a bien véritablement aussi des rites magiques.

L’explication est très simple au fond : la magie est une science, comme nous venons de le dire, mais une science traditionnelle ; or, dans tout ce qui présente ce caractère, qu’il s’agisse de sciences, d’art ou de métiers, il y a toujours, ou du moins dès qu’on ne se borne pas à des études simplement théoriques, quelque chose qui, si on le comprend bien, doit être considéré comme constituant de véritables rites ; et il n’y a point lieu de s’en étonner, car toute action accomplie selon des règles traditionnelles, de quelque domaine qu’elle relève, est réellement une action rituelle, ainsi que nous l’avons déjà indiqué précédemment.
Naturellement, ces rites devront, dans chaque cas, être d’un genre spécial, leur « technique » étant forcément appropriée au but particulier auquel ils sont destinés ; c’est pourquoi il faut soigneusement éviter toute confusion et toute fausse assimilation telle que celles que nous avons mentionnées tout à l’heure, et cela aussi bien quant aux rites eux-mêmes que quant aux différents domaines auxquels ils se rapportent respectivement, les deux choses étant d’ailleurs étroitement solidaires ; et les rites magiques ne sont ainsi rien de plus qu’une espèce parmi beaucoup d’autres, au même titre que le sont, par exemple, les rites médicaux qui doivent paraître aussi, aux yeux des modernes, une chose fort extraordinaire et même tout à fait incompréhensible, mais dont l’existence dans les civilisations traditionnelles n’en est pas moins un fait incontestable.

Il convient de rappeler aussi que la magie est, parmi les sciences traditionnelles, une de celles qui appartiennent à l’ordre le plus inférieur, car il est bien entendu qu’ici, tout doit être considéré comme strictement hiérarchisé suivant sa nature et son domaine propre ; sans doute est-ce pour cela qu’elle est, peut-être plus que toute autre, sujette à bien des déviations et des dégénérescences (1).
Il arrive parfois qu’elle prend un développement hors de toute proportion avec son importance réelle, allant jusqu’à étouffer en quelque sorte les connaissances plus hautes et plus dignes d’intérêt, et certaines civilisations antiques sont mortes de cet envahissement de la magie, comme la civilisation moderne risque de mourir de celui de la science, profane, qui représente d’ailleurs une déviation plus grave encore, puisque la magie, malgré tout, est encore une connaissance traditionnelle.
Parfois aussi, elle se survit pour ainsi dire à elle-même, sous l’aspect de vestiges plus ou moins informes et incompris, mais encore capables de donner quelques résultats effectifs, et elle peut alors tomber jusqu’au niveau de la basse sorcellerie, ce qui est le cas le plus commun et le plus répandu, ou dégénérer encore de quelque autre façon. Jusqu’ici, nous n’avons pas parlé de cérémonies, mais c’est justement là que nous en venons maintenant, car elles constituent le caractère propre d’une de ces dégénérescences de la magie, au point que celle-ci en a reçu sa dénomination même de « magie cérémonielle ».

Les occultistes seraient assurément peu disposés à admettre que cette « magie cérémonielle », la seule qu’ils connaissent et qu’ils essaient de pratiquer, n’est qu’une magie dégénérée, et pourtant c’est ainsi ; et même, sans vouloir aucunement l’assimiler à la sorcellerie, nous pourrions dire qu’elle est encore plus dégénérée que celle-ci à certains égards, quoique d’une autre façon.

Expliquons-nous plus nettement là-dessus : le sorcier accomplit certains rites et prononce certaines formules, généralement sans en comprendre le sens, mais en se contentant de répéter aussi exactement que possible ce qui lui a été enseigné par ceux qui les lui ont transmis (ceci est un point particulièrement important dès lors qu’il s’agit de quelque chose qui présente un caractère traditionnel, comme on peut facilement le comprendre par ce que nous avons expliqué précédemment) ; et ces rites et ces formules, qui ne sont le plus souvent que des restes plus ou moins défigurés de choses très anciennes, et qui ne s’accompagnent certes d’aucune cérémonie, n’en ont pas moins, dans bien des cas, une efficacité certaine (nous n’avons ici à faire aucune distinction entre les intentions bénéfiques ou maléfiques qui peuvent présider à leur usage, puisqu’il s’agit uniquement de la réalité des effets obtenus).

1 Cf. Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, ch. XXVI et XXVII.

Par contre, l’occultiste qui fait de la « magie cérémonielle » n’en obtient généralement aucun résultat sérieux, quelque soin qu’il apporte à se conformer à une multitude de prescriptions minutieuses et compliquées, que d’ailleurs il n’a apprises que par l’étude des livres, et non point par le fait d’une transmission quelconque ; il se peut qu’il arrive parfois à s’illusionner, mais c’est là une tout autre affaire ; et l’on pourrait dire qu’il y a, entre les pratiques du sorcier et les siennes, la même différence qu’entre une chose vivante,  fût-elle dans un état de décrépitude, et une chose morte.

Cet insuccès du « magiste » (puisque c’est là le mot dont les occultistes se servent de préférence, l’estimant sans doute plus honorable et moins vulgaire que celui de « magicien ») a une double raison : d’une part, dans la mesure ou il peut encore être question de rites en pareil cas, il les simule plutôt qu’il ne les accomplit vraiment, puisqu’il lui manque la transmission qui serait nécessaire pour les « vivifier » et à laquelle la simple intention ne saurait suppléer en aucune façon ; d’autre part, ces rites sont littéralement étouffés sous le « formalisme » vide des cérémonies, car, incapable de discerner l’essentiel de l’accidentel (et les livres auxquels il s’en rapporte seront d’ailleurs fort loin de l’y aider, car tout y est d’ordinaire mêlé inextricablement, peut-être volontairement dans certains cas et involontairement dans d’autres), le « magiste » s’attachera naturellement surtout au côté extérieur qui le frappe davantage et qui est le plus « impressionnant » ; et c’est là, en somme, ce qui justifie le nom même de la « magie cérémonielle ».
En fait, la plupart de ceux qui croient ainsi « faire de la magie » ne font en réalité rien de plus ni d’autre que de s’autosuggestionner purement et simplement ; ce qu’il y a de plus curieux ici, c’est que les cérémonies arrivent à en imposer, non pas seulement aux spectateurs, s’il y en a, mais à ceux mêmes qui les accomplissent, et, quand ils sont sincères (nous n’avons à nous occuper que de ce cas, et non de celui où le charlatanisme intervient), sont véritablement, à la façon des enfants, dupes de leur propre jeu.
Ceux-là n’obtiennent donc et ne peuvent obtenir que des effets d’ordre exclusivement psychologique, c’est-à-dire de même nature que ceux que produisent les cérémonies en général, et qui sont du reste, au fond, toute la raison d’être de celles-ci ; mais, même s’ils sont restés assez conscients de ce qui se passe en eux et autour deux pour se rendre compte que tout se réduit à cela, ils sont bien loin de se douter que, s’il en est ainsi, ce n’est que du fait de leur incapacité et de leur ignorance. Alors, ils s’ingénient à bâtir des théories, en accord avec les conceptions les plus modernes, et rejoignant directement par là, bon gré mal gré, celles de la « science officielle » elle-même, pour expliquer que la magie et ses effets relèvent entièrement du domaine psychologique, comme d’autres le font aussi pour les rites en général ; le malheur est que ce dont ils parlent n’est point la magie, au point de vue de laquelle de pareils effets sont parfaitement nuls et inexistants, et que, confondant les rites avec les cérémonies, ils confondent aussi la réalité avec ce qui n’en est qu’une caricature ou une parodie ; si les « magistes » eux-mêmes en sont là, comment s’étonner que de semblables confusions aient cours parmi le « grand public » ?

Ces remarques suffiront, d’une part, pour rattacher le cas des cérémonies magiques à ce que nous avons dit tout d’abord des cérémonies en général, et, d’autre part, pour montrer d’où proviennent quelques-unes des principales erreurs modernes concernant la magie.
Assurément, « faire de la magie », fût-ce de la façon la plus authentique qui puisse être, n’est pas une occupation qui nous paraisse très digne d’intérêt en elle-même ; mais encore devons-nous reconnaître que c’est là une science dont les résultats, quoi qu’on puisse penser de leur valeur, sont tout aussi réels dans leur ordre que ceux de toute autre science, et n’ont rien de commun avec des illusions et des rêveries « psychologiques ».

Il faut tout au moins savoir déterminer la vraie nature de chaque chose et la situer à la place qui lui convient, mais c’est justement là ce dont la plupart de nos contemporains se montrent tout à fait incapables, et ce que nous avons déjà appelé le « psychologisme », c’est-à-dire cette tendance à tout ramener à des interprétations psychologiques dont nous avons ici un exemple très net, n’est pas, parmi les manifestations caractéristiques de leur mentalité, une des moins singulières ni des moins significatives ; ce n’est d’ailleurs, au fond, qu’une des formes les plus récentes qu’ait prises l’« humanisme », c’est-à-dire la tendance plus générale de l’esprit moderne à prétendre tout réduire à des éléments purement humains.


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Message par Ligeia Jeu 10 Sep - 8:42

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Le rejet des "pouvoirs"

(Aperçus sur l'initiation, chap. XXII)


Après avoir montré le peu d’intérêt que présentent en réalité les prétendus « pouvoirs » psychiques, et l’absence de tout rapport entre leur développement et une réalisation d’ordre spirituel ou initiatique, nous devons encore, avant de quitter ce sujet, insister sur le fait que, en vue d’une telle réalisation, ils ne sont pas seulement indifférents et inutiles, mais même véritablement nuisibles dans la plupart des cas. Ils constituent en effet une « distraction » au sens rigoureusement étymologique du mot : l’homme qui se laisse absorber par les multiples activités du monde corporel n’arrivera jamais à « centrer » sa conscience sur des réalités supérieures, ni par conséquent à développer en lui-même les possibilités correspondantes à celles-ci ; à plus forte raison en sera-t-il de même de celui qui s’égarera et se « dispersera » dans la multiplicité, incomparablement plus vaste et plus variée, du monde psychique avec ses indéfinies modalités, et sauf des circonstances exceptionnelles, il est fort probable qu’il ne parviendra jamais à s’en libérer, surtout si, par surcroît, il se fait sur la valeur de ces choses des illusions que du moins l’exercice des activités corporelles ne comporte pas.

C’est pourquoi quiconque a la volonté bien arrêtée de suivre une voie initiatique, non seulement ne doit jamais chercher à acquérir ou à développer ces trop fameux « pouvoirs », mais doit tout au contraire, même s’il arrive qu’ils se présentent à lui spontanément et de façon tout accidentelle, les écarter impitoyablement comme des obstacles propres à le détourner du but unique vers lequel il tend.

Ce n’est pas qu’il faille voir là nécessairement, comme certains pourraient le croire trop volontiers, des « tentations » ou des « ruses diaboliques » au sens littéral ; mais il y a néanmoins quelque chose de cela, en ce que le monde de la manifestation individuelle, tant dans l’ordre psychique que dans l’ordre corporel, si ce n’est même peut-être davantage encore, semble en quelque sorte s’efforcer par tous les moyens de retenir celui qui vise à lui échapper ; il y a donc là comme une réaction de forces adverses, qui peut d’ailleurs, tout comme bien des difficultés d’un autre ordre, n’être due qu’à une sorte d’hostilité inconsciente du milieu.
Bien entendu, puisque l’homme ne peut s’isoler de ce milieu et s’en rendre entièrement indépendant tant qu’il n’est pas parvenu au but, ou tout au moins à l’étape marquée par l’affranchissement des conditions de l’état individuel humain, ceci n’exclut nullement que ces manifestations soient en même temps des résultats très naturels, quoique purement accidentels, du travail intérieur auquel il se livre, et dont les répercussions extérieures prennent parfois les formes les plus inattendues, dépassant de fort loin tout ce que pourraient imaginer ceux qui n’ont pas eu l’occasion de s’en rendre compte par eux-mêmes.

D’autre part, ceux-là mêmes qui possèdent naturellement certaines facultés psychiques anormales sont par là, comme nous l’avons déjà dit, désavantagés d’une certaine façon quant à leur développement spirituel ; non seulement il est indispensable qu’ils s’en désintéressent totalement et n’y attachent aucune importance, mais il peut même leur être nécessaire d’en réduire l’exercice au minimum, sinon de le supprimer tout à fait. En effet, s’il est recommandé de restreindre le plus possible l’usage des sens corporels, du moins pendant certaines périodes de travail plus ou moins prolongées, afin de n’en être pas distrait, la même chose est également vraie de ces facultés psychiques ; et de plus, tandis que l’homme ne pourrait pas vivre s’il arrêtait complètement et indéfiniment l’exercice de ses sens, il n’y a évidemment rien de tel dans l’autre cas, et aucun inconvénient grave ne peut résulter de cette « inhibition » ; tout au contraire, l’être ne peut même qu’y gagner quant à son équilibre organique et mental, et se trouver par suite dans de meilleures conditions pour entreprendre, sans risquer d’être gêné par un état plus ou moins pathologique et anormal, le développement de ses possibilités d’ordre supérieur.

Les producteurs de « phénomènes » extraordinaires sont, le plus souvent, des êtres assez inférieurs sous le rapport intellectuel et spirituel, ou même entièrement déviés par les « entraînements » spéciaux auxquels ils se sont soumis ; il est facile à comprendre que celui qui a passé une partie de sa vie à s’exercer exclusivement à la production d’un « phénomène » quelconque soit dès lors devenu incapable d’autre chose, et que les possibilités d’un autre ordre lui soient désormais irrémédiablement fermées.
C’est là ce qui arrive généralement à ceux qui cèdent à l’attrait du domaine psychique : même s’ils avaient tout d’abord entrepris un travail de réalisation initiatique, ils se trouvent alors arrêtés sur cette voie et n’iront pas plus loin, heureux encore s’ils en restent là et ne se laissent pas entraîner peu à peu dans la direction qui, ainsi que nous l’avons expliqué ailleurs, va proprement au rebours de la spiritualité et ne peut aboutir finalement qu’à la « désintégration » de l’être conscient (1) ; mais même en laissant de côté ce cas extrême, le simple arrêt de tout développement spirituel est déjà, assurément, une conséquence assez grave en elle-même et qui devrait donner à réfléchir aux amateurs de « pouvoirs » s’ils n’étaient pas complètement aveuglés par les illusions du « monde intermédiaire ».

On objectera peut-être qu’il est des organisations authentiquement initiatiques qui exercent elles-mêmes certains individus au développement de ces « pouvoirs » ; mais la vérité est que, dans ce cas, les individus dont il s’agit sont de ceux à qui les qualifications initiatiques font défaut, et qui, par contre, ont en même temps des aptitudes spéciales dans l’ordre psychique, si bien que c’est là, en somme tout ce qu’il est réellement possible d’en faire.

1 Voir Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, ch. XXXV.

D’ailleurs, dans de telles conditions, le développement psychique est guidé et contrôlé de façon à présenter le minimum d’inconvénients et de dangers ; ces êtres bénéficient même réellement du lien qui est ainsi établi, quoique à un niveau inférieur, avec une organisation traditionnelle, et celle-ci, de son côté, peut les utiliser pour des buts dont eux-mêmes ne seront pas conscients, non pas parce qu’on les leur dissimule volontairement, mais uniquement parce que, étant donnée la limitation de leurs possibilités, ils seraient tout à fait incapables de les comprendre.

Il va de soi que les dangers dont nous venons de parler n’existent plus pour celui qui est parvenu à un certain degré de la réalisation initiatique ; et l’on peut même dire que celui-là possède implicitement tous les « pouvoirs » sans avoir à les développer spécialement d’une façon quelconque, par là même qu’il domine « par en haut » les forces du monde psychique ; mais, en général, il ne les exerce pas, parce qu’ils ne peuvent plus avoir aucun intérêt pour lui. D’une manière analogue, d’ailleurs, celui qui a pénétré certaines sciences traditionnelles dans leur essence profonde se désintéresse aussi entièrement de leur application et n’en fait jamais aucun usage ; la connaissance pure lui suffit, et elle est véritablement la seule chose qui importe, tout le reste n’étant que simples contingences.

Du reste, toute manifestation de ces choses est forcément en quelque sorte une « descente », même si celle-ci n’est à vrai dire qu’apparente et ne peut affecter réellement l’être lui-même ; il ne faut pas oublier en effet que le non-manifesté est supérieur au manifesté, et que, par conséquent, le fait de demeurer dans cette « non-manifestation » sera, si l’on peut dire, l’expression la plus adéquate de l’état que l’être a réalisé intérieurement ; c’est ce que certains traduisent symboliquement en disant que « la nuit est préférable au jour », et c’est aussi ce que représente la figure de la tortue retirée à l’intérieur de son écaille.
Par suite, s’il arrive qu’un tel être manifeste certains « pouvoirs », ce ne sera, ainsi que nous l’avons déjà indiqué plus haut, que dans des cas tout à fait exceptionnels, et pour des raisons particulières qui échappent nécessairement à l’appréciation du monde extérieur, raisons totalement différentes, bien entendu, de celles que peut avoir l’ordinaire producteur de « phénomènes » ; en dehors de ces cas, son seul mode d’action sera ce que la tradition extrême-orientale désigne comme l’« activité non-agissante », qui est, d’ailleurs, précisément par son caractère de non-manifestation, la plénitude même de l’activité.

Nous rappellerons encore, à ce propos, la parfaite insignifiance des phénomènes en eux-mêmes, puisqu’il peut se faire que des phénomènes tout à fait semblables extérieurement procèdent de causes toutes différentes et qui même ne sont pas du même ordre ; ainsi, il est aisément concevable que l’être qui possède un haut degré spirituel, s’il a à provoquer occasionnelle- ment un phénomène quelconque, n’agira pas en cela de la même façon que celui qui en a acquis la faculté à la suite d’« entraînements » psychiques, et que son action s’exercera selon de tout autres modalités ; la comparaison de la « théurgie » et de la « magie », qu’il serait hors de propos d’entreprendre ici, donnerait lieu aussi à la même remarque.

Cette vérité devrait d’ailleurs être reconnue sans peine même par ceux qui se tiennent au seul domaine exotérique, car, si de nombreux cas de « lévitation » ou de « bilocation », par exemple, peuvent être relevés dans l’histoire des saints, il s’en trouve certainement tout autant dans celle des sorciers ; les apparences (c’es-à-dire précisément les « phénomènes » comme tels, au sens propre et étymologique du mot) sont bien exactement les mêmes dans les uns et dans les autres, mais personne n’en conclura que les causes soient aussi les mêmes.

Au point de vue simplement théologique, de deux faits semblables en tous points, l’un peut être considéré comme un miracle tandis que l’autre ne le sera pas, et, pour les discerner, il faudra forcément recourir à des marques d’un autre ordre, indépendantes des faits eux-mêmes ; nous pourrions dire, en nous plaçant naturellement à un autre point de vue, qu’un fait sera un miracle s’il est dû à l’action d’une influence spirituelle, et qu’il ne le sera pas s’il n’est dû qu’à celle d’une influence psychique.

C’est ce qu’illustre notamment, d’une leçon très nette, la lutte de Moïse et des magiciens de Pharaon, qui, au surplus, représente aussi celle des puissances respectives de l’initiation et de la contre-initiation, du moins dans la mesure et sur le terrain où une telle lutte est effectivement possible ; il est bien entendu que, comme nous avons eu l’occasion de l’expliquer ailleurs, la contre-initiation ne peut exercer son action que dans le domaine psychique, et que tout ce qui est du domaine spirituel lui est, par sa nature même, absolument interdit (1).

1 Voir Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, ch. XXXVIII et XXXIX


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Message par Ligeia Ven 11 Sep - 20:32

Toutes les "expériences personnelles" ne servent à rien sans la connaissance, même à son niveau le plus théorique.


Savoir où se situer exactement et ne pas s’illusionner : les différents degrés


« Ceci nous amène à établir une autre distinction, en considérant les divers degrés auxquels on peut parvenir suivant l’étendue du résultat obtenu en tendant vers ce but ; et tout d’abord, au bas et en dehors de la hiérarchie ainsi établie, il faut mettre la foule des « profanes », c’est-à-dire, au sens où ce mot doit être pris ici, de tous ceux qui, comme les simples croyants des religions, ne peuvent obtenir de résultats actuels que par rapport à leur individualité corporelle, et dans les limites de cette portion ou de cette modalité spéciale de l’individualité, puisque leur conscience effective ne va ni plus loin ni plus haut que le domaine renfermé dans ces limites restreintes.

Pourtant, parmi ces croyants, il en est, en petit nombre d’ailleurs, qui acquièrent quelque chose de plus (et c’est là le cas de certains mystiques, que l’on pourrait considérer en ce sens comme plus « intellectuels » que les autres) : sans sortir de leur individualité, mais dans des « prolongements » de celle-ci, ils perçoivent indirectement certaines réalités d’ordre supérieur, non pas telles qu’elles sont en elles-mêmes, mais traduites symboliquement et revêtues de formes psychiques ou mentales.
Ce sont encore là des phénomènes (c’est-à-dire, au sens étymologique, des apparences, toujours relatives et illusoires en tant que formelles), mais des phénomènes suprasensibles, qui ne sont pas constatables pour tous, et qui peuvent entraîner chez ceux qui les perçoivent quelques certitudes, toujours incomplètes, fragmentaires et dispersées, mais pourtant supérieures à la croyance pure et simple à laquelle elles se substituent ; ce résultat s’obtient d’ailleurs passivement, c’est-à-dire sans intervention de la volonté, et par les moyens ordinaires qu’indiquent les religions, en particulier par la prière et l’accomplissement des œuvres prescrites, car tout cela ne sort pas encore du domaine de l’exotérisme.

À un degré beaucoup plus élevé, et même déjà profondément séparé de celui-là, se placent ceux qui, ayant étendu leur conscience jusqu’aux extrêmes limites de l’individualité intégrale, arrivent à percevoir directement les états supérieurs de leur être sans cependant y participer effectivement ; ici, nous sommes dans le domaine initiatique, mais cette initiation, réelle et effective quant à l’extension de l’individualité dans ses modalités extracorporelles, n’est encore que théorique et virtuelle par rapport aux états supérieurs, puisqu’elle n’aboutit pas actuellement à la possession de ceux-ci.
Elle produit des certitudes incomparablement plus complètes, plus développées et plus cohérentes que dans le cas précédent, car elle n’appartient plus au domaine phénoménique ; pourtant, celui qui les acquiert peut être comparé à un homme qui ne connait la lumière que par les rayons qui parviennent jusqu’à lui (dans le cas précédent, il ne la connaissait que par des reflets, ou des ombres projetées dans le champ de sa conscience individuelle restreinte, comme les prisonniers de la caverne symbolique de Platon), tandis que, pour connaître parfaitement la lumière dans sa réalité intime et essentielle, il faut remonter jusqu’à sa source, et s’identifier avec cette source même (1).

Ce dernier cas est celui qui correspond à la plénitude de l’initiation réelle et effective, c’est-à-dire à la prise de possession consciente et volontaire de la totalité des états de l’être, selon les deux sens que nous avons indiqués ; c’est là le résultat complet et final de l’incantation, bien différent, comme l’on voit, de tous ceux que les mystiques peuvent atteindre par la prière, car il n’est pas autre chose que la perfection même de la connaissance métaphysique pleinement réalisée ; le Yogî de la tradition hindoue, ou le Çûfî de la tradition islamique, si l’on entend ces termes dans leur sens strict et véritable, est celui qui est parvenu à ce degré suprême, et qui a ainsi réalisé dans son être la totale possibilité de "l’Homme Universel".

1 C’est ce que la tradition islamique désigne comme haqqul-yaqîn, tandis que le degré précédent, qui correspond à la « vue » sans identification, est appelé aynul-yaqîn, et que le premier, celui que les simples croyants peuvent obtenir à l’aide de l’enseignement traditionnel exotérique, est ilmul-yaqîn. »


Aperçus sur l'initiation, chapitre "La prière et l'incantation"
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Message par Ligeia Jeu 24 Sep - 7:33

Je rappelle que l'influence de l'AC et des agents de la contre-tradition sera cantonnée au domaine subtil et au monde intermédiaire même si certains Jinns pourront leur prêter main-forte pour créer certains faux miracles.

Tout ce qui relève de la métaphysique et de la spiritualité pure, tout ce qui est au-delà du domaine individuel, leur est inaccessible.
C'est bien pourquoi il est important pour eux d'encourager la confusion du psychique (monde de l'illusion) et du spirituel et d'entretenir la fausse démonstration par les "phénomènes" de l'expérimentation personnelle, prise pour une réalisation effective :  


  • « C’est là, très exactement, ce que signifie cette soi-disant "fusion" avec une "conscience cosmique" qui n’est en réalité rien d’autre que l’ensemble confus et indistinct de toutes les influences psychiques, lesquelles, quoi que certains puissent s’imaginer, n’ont certes absolument rien de commun avec les influences spirituelles, même s’il arrive qu’elles les imitent plus ou moins dans quelques-unes de leurs manifestations extérieures (car c’est là le domaine où la « contrefaçon » s’exerce dans toute son ampleur, et c’est pourquoi ces manifestations « phénoméniques » ne prouvent jamais rien par elles-mêmes, pouvant être tout à fait semblables chez un saint et chez un sorcier). »  Le Règne


  • « Nous rappellerons encore, à ce propos, la parfaite insignifiance des phénomènes en eux-mêmes, puisqu’il peut se faire que des phénomènes tout à fait semblables extérieurement procèdent de causes toutes différentes et qui même ne sont pas du même ordre ; ainsi, il est aisément concevable que l’être qui possède un haut degré spirituel, s’il a à provoquer occasionnellement un phénomène quelconque, n’agira pas en cela de la même façon que celui qui en a acquis la faculté à la suite d’« entraînements » psychiques, et que son action s’exercera selon de tout autres modalités ; la comparaison de la « théurgie » et de la « magie », qu’il serait hors de propos d’entreprendre ici, donnerait lieu aussi à la même remarque.

    Cette vérité devrait d’ailleurs être reconnue sans peine même par ceux qui se tiennent au seul domaine exotérique, car, si de nombreux cas de "lévitation" ou de "bilocation", par exemple, peuvent être relevés dans l’histoire des saints, il s’en trouve certainement tout autant dans celle des sorciers ; les apparences (c’est-à-dire précisément les "phénomènes" comme tels, au sens propre et étymologique du mot) sont bien exactement les mêmes dans les uns et dans les autres, mais personne n’en conclura que les causes soient aussi les mêmes.

    Au point de vue simplement théologique, de deux faits semblables en tous points, l’un peut être considéré comme un miracle tandis que l’autre ne le sera pas, et, pour les discerner, il faudra forcément recourir à des marques d’un autre ordre, indépendantes des faits eux-mêmes ; nous pourrions dire, en nous plaçant naturellement à un autre point de vue, qu’un fait sera un miracle s’il est dû à l’action d’une influence spirituelle, et qu’il ne le sera pas s’il n’est dû qu’à celle d’une influence psychique.

    C’est ce qu’illustre notamment, d’une leçon très nette, la lutte de Moïse et des magiciens de Pharaon, qui, au surplus, représente aussi celle des puissances respectives de l’initiation et de la contre-initiation, du moins dans la mesure et sur le terrain où une telle lutte est effectivement possible ; il est bien entendu que, comme nous avons eu l’occasion de l’expliquer ailleurs, la contre-initiation ne peut exercer son action que dans le domaine psychique, et que tout ce qui est du domaine spirituel lui est, par sa nature même, absolument interdit. » Aperçus sur l’Initiation


  • "(...) en fait, les représentants de la « contre-initiation » sont, aussi totalement et plus irrémédiablement que de simples profanes, ignorants de l’essentiel, c’est-à-dire de toute vérité d’ordre spirituel et métaphysique, qui, jusque dans ses principes les plus élémentaires, leur est devenue absolument étrangère depuis que « le ciel a été fermé » pour eux (3). Ne pouvant conduire les êtres aux états « suprahumains » comme l’initiation, ni d’ailleurs se limiter au seul domaine humain, la « contre-initiation » les mène inévitablement vers l’« infra-humain », et c’est justement en cela que réside ce qui lui demeure de pouvoir effectif (...)
    Dans l’ésotérisme islamique, il est dit que celui qui se présente à une certaine « porte », sans y être parvenu par une voie normale et légitime, voit cette porte se fermer devant lui et est obligé de retourner en arrière, non pas cependant comme un simple profane, ce qui est désormais impossible, mais comme sâher (sorcier ou magicien opérant dans le domaine des possibilités subtiles d’ordre inférieur) (4) ; nous ne saurions donner une expression plus nette de ce dont il s’agit : c’est là la voie « infernale » qui prétend s’opposer à la voie « céleste ».
    3.  On peut appliquer ici analogiquement le symbolisme de la « chute des anges », puisque ce dont il s’agit est ce qui y correspond effectivement dans l’ordre humain ; et c’est d’ailleurs pourquoi on peut parler à cet égard de « satanisme » au sens le plus propre et le plus littéral du mot."  
    4. Le dernier degré de la hiérarchie « contre-initiatique » est occupé par ce qu’on appelle les « saints de Satan » (awliyâ esh-Shaytân), qui sont en quelque sorte l’inverse des véritables saints (awliyâ er-Rahman), et qui manifestent ainsi l’expression la plus complète possible de la « spiritualité à rebours » (cf. Le Symbolisme de la Croix, p. 186).
    "  Le Règne.
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